.componentheading, .contentheading, div.module h3, div.module_menu h3, div.module_text h3, h2, a.contentpagetitle { font-family:Nobile;} #top_outer { border:none;}
Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
Lire la suite... |
Questions crucialesLettre N° 4 - 2ème trimestre 1984
RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL "Les partisans de l'égalité absolue sont d'abord contraints d'attaquer les inégalités naturelles, afin des les atténuer, de les détruire si possible. Ne pouvant rien sur les conditions premières d'organisation et de développement, leur œuvre commence à l'instant où l'homme naît, où l'enfant sort du sein de sa mère. L'État alors s'en empare : le voilà maître absolu de l'être spirituel comme de l'être organique. L'intelligence et la conscience, tout dépend de lui, tout lui est soumis. Plus de famille, plus de paternité, plus de mariage dès lors. Un mâle, une femelle, des petits que l'État manipule, dont il fait ce qu'il veut, moralement, physiquement ; une servitude universelle et si profonde que rien n'y échappe, qu'elle pénètre jusqu'à l'âme même." Qui a écrit ce texte ? L'abbé de Lamennais, ecclésiastique qui sentait le fagot. "La liberté à défendre, ce n'est pas celle des parents, mais celle des enfants... et en démocratie, c'est à l'État d'y veiller." Qui a prononcé cette phrase ? M. Laignel, dont nous examinerons de plus près les déclarations, ainsi que celles des diverses personnalités socialistes. Le texte est cité avec indignation, dans le Quotidien de Paris d'aujourd'hui par M. Philippe Tesson, qui devrait louer le ciel d'être encore en liberté. Écoutons simplement le prophétique avertissement de Lamennais et souvenons-nous toujours de ce qui vient d'arriver. Maurice BOUDOT, Le 23 mai 1984 Dans notre abondant courrier, une longue lettre, très pertinente, qui contient des appréciations critiques sur diverses personnalités qui ont négocié, au nom de l'Enseignement Catholique, avec le Gouvernement. Nous la publierions bien volontiers, dans son intégralité, si son auteur ne refusait, pour des raisons très légitimes, de voir lever son anonymat. Nous ne pouvons publier des reproches qui visent des personnes étrangères à notre Association, sans qu'ils soient signés. En revanche, pour ce qui nous concerne, nous disposons d'une tout autre liberté. Notre correspondant nous écrit : "Alors je vous dis : que faites-vous ? Je suis prêt à vous aider dans la mesure de mes moyens. Mais si vous ne faites rien, inutile de continuer à m'envoyer votre bulletin." Bien volontiers, nous répondons à cette question et tentons de nous justifier. D'abord, nous avons travaillé au développement de notre association, ce qui a exigé beaucoup de temps et de moyens. Mais elle connaît ce prodigieux essor qui lui a permis d'atteindre amplement le nombre d'adhérents indispensable à sa crédibilité. Ensuite, nous avons participé à la manifestation de Versailles. Enfin, nous avons publié, dans les deux derniers mois, en plus de notre Lettre et d'un article paru dans le Figaro, quatre communiqués qui traduisaient notre inquiétude devant l'évolution de la situation et les illusions de certains. Chacun de ces communiqués a été diffusé à environ 200 publications ou responsables d'organismes importants. Il nous semble salutaire de reproduire ces communiqués afin que chacun puisse juger en conscience si nos analyses étaient sérieuses et nos avertissements dignes d'être entendus. Le 22 mars, peu après la publication de l'avant-projet de loi, nous écrivions : COMMUNIQUE DE PRESSE n° 11 M. Savary a rendu public son projet, qui n'est pas un honorable compromis fondé sur un consensus dont M. Pommatau (Secrétaire Général de la F.E.N.) vient de rappeler qu'il était impossible "sur le plan idéologique", mais un dispositif bien agencé de mise à mort indolore des écoles libres.
ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ s'étonne de voir les responsables de l'enseignement catholique réserver leurs critiques à ce dernier point, effectivement essentiel, mais qui est précisément le seul qu'une procédure insidieuse permet de trancher par voie réglementaire, sans débat législatif. Se préparent-ils à une capitulation en rase campagne pour ne pas avoir à "se compromettre" avec les parlementaires de l'opposition, seuls présents aux récentes manifestations, et seuls en mesure d'entraver sur le plan législatif l'offensive marxiste, alors que les professionnels de la laïcité se vantent des pressions qu'ils exercent sur le pouvoir politique ? ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ invite ces responsables à tirer la leçon de l'échec de la négociation qu'ils ont cru devoir mener et à combattre désormais sans pusillanimité. Nous étions encore naïfs en supposant que le Gouvernement hésiterait à inscrire dans la loi la fonctionnarisation des maîtres. Il est vrai que c'était au temps où M. Daniel, jamais pressé d'agir, proclamait qu'après la loi, il y aurait les décrets et qu'on pourrait lutter contre les décrets. Aujourd'hui, on sait que l'essentiel est dans la loi et que les décrets en couleront de source. Au lendemain des manifestations du C.N.A.L. auquel s'étaient associés toutes les organisations de gauche : COMMUNIQUE DE PRESSE N° 12 Les manifestations dites de défense de l'école publique n'ont connu ni le triomphe, ni le succès, mais simplement ce que par politesse on appelle un semi-succès ce qui désigne en réalité un véritable échec. Trois enseignements sont à tirer du triste spectacle qui a été offert aux Français :
Loin d'être améliorés, les projets Savary seront donc vraisemblablement aggravés. Ceux qui croient défendre la liberté de l'enseignement sans désigner ses adversaires, qui nient le caractère politique du problème et qui ne distinguent pas la foule de Versailles du rassemblement commandité par M. Bouchareissas, en seront probablement pour leurs frais : ils n'obtiendront pas les ultimes concessions qui leur permettraient de masquer leur capitulation en honorable compromis. Il n'est que temps pour eux de tirer les leçons de l'échec de leur stratégie. Si j'en crois le Monde, daté du 24 mai, "M. Mermaz, Président de l'Assemblée Nationale, fort de son autorité morale, a expliqué (hier, au groupe socialiste) que vu la position des communistes le gouvernement doit "se caler" sur le groupe socialiste". Je suis très humblement reconnaissant à une aussi haute autorité "morale" de rejoindre nos analyses. La découverte des placards publiés dans la presse par l'U.N.A.P.E.L. nous conduit à publier le texte suivant, le 17 mai : COMMUNIQUE DE PRESSE N° 13 ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ déplore que la direction nationale de l'U.N.A.P.E.L. engage une campagne de presse pour demander seulement que le projet Savary ne soit pas "aggravé". Les termes retenus laissent à penser qu'en l'état actuel le projet de M. Savary constitue un compromis honorable, alors qu'en de multiples occasions l'U.N.A.P.E.L. elle-même l'a déclaré inacceptable. Cette attitude ne correspond aucunement à l'attente des 71 % des Français qui sont attachés au pluralisme scolaire. Elle provoquera inévitablement leur suspicion et la légitime colère qu'étrangement l'U.N.A.P.E.L. semble redouter l'illusion a-t-elle duré si longtemps ? Dès que nous avons eu connaissance des faits que nous relations, nous écrivions le 19 mai : COMMUNIQUE DE PRESSE N° 14 Le projet gouvernemental relatif à l'école libre va être adopté (par application de l'article 49-3 de la Constitution) sans un suffisant examen à l'Assemblée Nationale dont aucune commission ne l'a complètement étudié. Respectant la lettre de la Constitution, le Gouvernement pervertit son esprit. Les droits du Parlement sont bafoués, le débat public escamoté. Une manifestation pacifique, organisée par les Fédérations des APEL d'Ile-de-France, vient d'être interdite, sans aucune justification, sur ordre de Monsieur Deferre. Les Français se voient ainsi privés d'un droit fondamental que leur garantit la Constitution. Enseignement et Liberté alerte les citoyens. Mis en difficulté, le Pouvoir recourt à des procédés qui relèvent d'une dangereuse dérive totalitaire. Personne ne comprendrait que son attitude ne soit pas flétrie dans les moindres délais par les plus hautes autorités morales. Le Cardinal Lustiger a sagement annoncé qu'il se tairait lorsque la parole serait au Parlement. Continuera-t-il à se taire lorsque l'Assemblée Nationale est réduite au silence ? L'Église de France qui entend défendre les droits de l'homme sur l'ensemble de la planète permettra-t- elle qu'ils soient bafoués en France ? Comment soutiendra-t-elle demain les Polonais qui manifestent pour leur liberté si elle tolère qu'on interdise aujourd'hui aux Français de manifester pour la leur ? M. B., le 23 mai 1984 ORGANISATION :
CONTACTS : Dans votre courrier, certains nous ont signalé que la Lettre arrivait avec du retard. Nous vous remercions à l'avance de nous indiquer si cette Lettre N° 4 a souffert de cette carence. SECTION LOCALE : Nous vous avions signalé la création à Saint-Germain-en-Laye d'une section locale de notre Association. Cet exemple est suivi actuellement à Marseille où le responsable, Monsieur Georges AUDIBERT, monte une nouvelle antenne. Adresse provisoire où vous pouvez adresser votre courrier : 35 avenue du Prado - 13600 MARSEILLE. Notre implantation à travers la France sera un gage de réussite et de propagande des idées que nous partageons. ADHÉSIONS : Nous lançons une nouvelle campagne de recrutement, qui nous permettra de réunir les 100 000 adhérents que nous souhaitons dans ce combat pour la liberté. Si vous désirez que nous adressions à d'éventuels adhérents des exemplaires de demandes d'inscription, nous sommes à votre disposition pour vous les faire parvenir. COMITE D'HONNEUR : Monsieur Jean Foyer, récemment élu à l'Académie des Sciences Morales et Politiques, a accepté de faire partie du Comité d'Honneur d'Enseignement et Liberté. A TRAVERS LA PRESSE : Nous adressons régulièrement aux différentes publications des communiqués de presse. Il nous est difficile de contrôler toutes les parutions. Nous comptons sur vous pour nous signaler les articles qui reprennent nos messages. D'une façon plus générale, nous demandons à tous ceux qui en ont la possibilité de favoriser la publication de nos communiqués de presse. Si vous pouvez effectivement nous aider dans cette diffusion, nous sommes prêts à vous adresser nos prochains communiqués (voir bulletin-réponse). Nous souhaitons également que tous ceux qui ont la plume agile se fassent connaître de nous : il y a beaucoup de vérités qu'il faut affirmer sans cesse et beaucoup de mensonges qu'il faut dénoncer. Le Comité National de l'Enseignement Catholique a décidé l'organisation d'une manifestation nationale le dimanche 24 juin à Paris. Au moment de mettre sous presse nous ne connaissons ni l'heure, ni le lieu, ni les modalités. Au cas où nous n'aurions malheureusement pas le temps de diffuser un numéro spécial de notre Lettre avant cette réunion, nous vous appelons dès aujourd'hui à vous y rassembler sous notre banderole. Un certain nombre de nos adhérents parisiens nous ont proposé d'héberger des provinciaux le 23 ou le 24 au soir. C'est bien volontiers que nous servirons d'intermédiaire entre les uns et les autres. "L'instruction publique seule remet continuellement sous les yeux du peuple ses droits et ses devoirs : elle est donc le vrai et le seul correctif au régulateur de la tendance naturelle d'un gouvernement vers le pouvoir absolu; mais du jour où le gouvernement pourra la diriger, elle perdra son principal caractère ; elle devient dans ses mains un moyen puissant de servitude et, loin de compenser la propension trop prononcée du gouvernement vers la tyrannie, elle l'y précipite." CHAPTAL- Rapport de l'an IX Prenons conscience du fait que, par le jeu de la procédure d'urgence, la question peut être définitivement réglée dans un mois, le Conseil Constitutionnel ayant alors à se prononcer pendant les vacances. Il ne peut donc y avoir nul délai, ni trêve électorale comme on le demande hypocritement. Tout au contraire. L'Humanité vient de titrer : "Le 17 juin, votez aussi pour l'école". Suivons son conseil, mais avec des conséquences opposées à celles que tirent les communistes. N'écoutez pas ceux qui vous disent que la question scolaire n'est pas politique. C'est pour s'être privé de l'arme politique qu'on s'est condamné à l'échec. N'écoutez pas ceux qui vous disent que la question n'est pas européenne. En son premier protocole additionnel, la Constitution européenne des droits de l'homme protège la liberté de l'enseignement, il faudra faire condamner la loi Savary par les instances européennes compétentes. Si vous croyez aux principes qui sont les nôtres, faites-leur jouer un rôle dans votre choix électoral. Les listes de la majorité et de l'ultragauche ne contiennent que des adversaire du pluralisme scolaire. Personne ne peut maintenant en douter. Quant à la liste de centre gauche, y figurent de nombreux M.R.G. qui soutiennent le projet Savary. (Et d'ailleurs qu'en pense M. Stirn ?) A vous de conclure : nous ne saurions aller plus loin sans sortir de notre rôle. Mais il faut aussi vous associer individuellement à toutes les actions cohérentes, qu'elles soient locales ou nationales, qui se déroulent actuellement ou s'engageront bientôt. N'attendez pas nos conseils, qui risqueraient d'arriver trop tard, compte tenu des délais d'impression et d'acheminement. Il est vraisemblable qu'isolément ou en accord avec d'autres associations, ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ organisera prochainement des actions spécifiques. Nous vous en préviendrons, naturellement. Nous ne travaillons pas pour nous, mais pour la Liberté. Dites-vous à chaque instant qu'on n'a jamais trop de moyens pour la défendre. ENSEIGNEMENT ET LIBERTE Dans l'immédiat, nous vous signalons quelques initiatives qui nous paraissent particulièrement bien venues : ·Le CLE - Combat pour la Liberté de l'Enseignement, présidé par Monsieur Guy Guermeur, a lancé une consultation nationale sur le projet de loi Savary. Ce questionnaire montre comment le projet de loi met en cause une de nos libertés fondamentales. 1) LE DROIT DES PARENTS AU CHOIX DE L'ÉDUCATION ET DE L'ÉCOLE, SANS PÉNALISATION FINANCIÈRE NI CONTRAINTE GÉOGRAPHIQUE. La loi organise un système de Crédits Limitatifs destinés en réalité à empêcher le passage des enfants de l'enseignement public dans l'enseignement privé (articles 4 et 7). Une municipalité pourra refuser l'ouverture d'une École maternelle et interdire, sous prétexte de carte scolaire, le libre choix de l'école privée par les parents (articles 7 et 10). L'ouverture des classes des Lycées et Collèges de l'Enseignement privé sera limitée par la Planification administrative (articles 4, 7 et 8). 2) LA LIBERTÉ DE MAINTENIR LE CARACTÈRE PROPRE DES ÉCOLES PRIVÉES. Le caractère propre (qui fondait jusqu'à présent la liberté d'éducation*) sera désormais soumis à l'AUTORISATION PRÉALABLE et aux conditions de l'Éducation Nationale (article 6). Une menace permanente de retrait d'agrément et donc de suppression des subventions pèsera sur chaque école privée (article 6). 3) LIBERTÉ POUR LE CHEF D'ÉTABLISSEMENT DE CHOISIR SON ÉQUIPE ÉDUCATIVE. La loi réduit dangereusement la liberté du Directeur : entre autres, ce n'est plus lui qui choisit son équipe éducative, mais une commission dominée par le pouvoir administratif et syndical (article 20). La loi organise la fonctionnarisation de l'école libre, c'est-à-dire l'intégration (article 20). En outre la loi ne garantit plus de libre formation initiale et permanente des maîtres par l'enseignement privé lui-même (articles 2 et 26). 4) LIBERTÉ DE GESTION ET FINANCEMENT. La Commune peut remplacer les crédits par des "Prestations" de personnel et de services (ce qui permettra l'ingérence de militants politiques dans le fonctionnement de l'école privée) (article 10). Un ou plusieurs Conseillers Municipaux des Communes où sont domiciliés les élèves siégeront au Conseil de Gestion, plaçant toute la vie des Écoles sous le contrôle des Partis politiques (article 11). * "Décision du Conseil Constitutionnel du 23.11.1977". La loi organise le remplacement progressif des Associations privées par l'autorité publique dans la gestion des Écoles, notamment du fait du glissement du contrat simple au contrat d'association, puis au contrat d'E.I.P. (articles 5, 6, 15 et 23). L'E.I.P. privera les entreprises du droit d'affecter librement la taxe d'apprentissage aux écoles de leur choix (exposé des motifs). L'ensemble des dispositions de ce texte conduit inexorablement à l'intégration des écoles privées dans une école unique d'État. Si vous refusez chacun de ces points il vous suffira de nous retourner le bulletin-réponse ci-joint. Si vos réponses ne sont pas toutes identiques, demandez-nous un exemplaire du questionnaire. ·L'Association Parlementaire pour la Liberté de l'Enseignement, présidée par Mme Hélène Missoffe, lance de son côté une pétition nationale. Cette pétition doit être adressée à : Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale Le texte en est : Monsieur le Président, Usant du droit de pétition reconnu par la tradition républicaine, j'ai l'honneur de vous demander que, conformément à la Constitution, l'Assemblée Nationale réaffirme les principes qui fondent la liberté de l'enseignement :
En vous demandant de m'accuser réception de cette pétition et de m'informer de la suite qui lui sera donnée, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma considération distinguée. Cette lettre doit comporter le nom, l'adresse et la signature du pétitionnaire. Le Comité du 4 décembre qui a, avec des parents de l'Ouest de la France, occupé l'Esplanade Montparnasse à Paris pour en faire un espace de liberté, propose de son côté d'envoyer au Président de la République, un extrait du courrier qu'il adressait le 5 juin 1981 au Président des Anciens Élèves de l'Ecole Saint-Paul d'Angoulême : "Vous pouvez être assuré qu'il ne saurait être question de remettre en cause le principe qui vous est cher de la liberté de l'enseignement." Le courrier est à adresser à : Les envois au Président de la République et au Président de l'Assemblée Nationale sont dispensés d'affranchissement. Lettre N° 3 - 1er trimestre 1984
A PROPOS D'ÉDUCATION Le système éducatif national est en ébullition depuis le 10 mai 1981. Il représente probablement le domaine de choix où peuvent s'affronter les idéologues ; où les analystes peuvent satisfaire leur passion gourmande des bilans comparés de gestions privée, nationale ou étatique. Il représente en effet le plus grand échec de la gestion étatique de la France des trente dernières années au cours desquelles selon un consensus parfaitement équilibré depuis un quart de siècle, c'est la Gauche qui assuma l'enseignement, tandis que la Droite gouvernait. L'échec scolaire est donc bien l'œuvre de la Gauche. La frénésie qui a saisi depuis plus d'un an les responsables et les animateurs du système que sont les syndicats de gauche, S.N.I., SNES et SNESUP, traduit à la fois la libération des phantasmes et le besoin rageur de masquer l'échec. Le premier phantasme qui se voit ainsi manifesté, exprime le besoin rentré des militants majoritaires de terminer la guerre scolaire, interrompue par les guerres militaires ; il s'agit de la poursuivre jusqu'au terme pour imposer "l'École du peuple", gratuite, obligatoire et matérialiste. Il ne convient plus en effet d'utiliser le terme trop éculé de laïque... Le deuxième phantasme propulsé au grand jour fonde le projet syndicaliste d'école unique ; il traduit un des aspects de la rage d'unification qui anime ces prosélytes et qui se trouve en contradiction flagrante avec leur soif inaltérable de diversification... Mais le monopole politique est à ce prix..., celui d'un seul Ministre regroupant sous sa houlette tous les bambins de 2 ans et les étudiants de trente ans, moments biologiques particuliers du processus d'égalisation totalitaire et coagulante du collectivisme en marche. Ce n'est là d'ailleurs qu'une étape, qui précède sans doute l'intention de transposer en France le système des Académies soviétiques fanatiques et totalitaires. Il eût été logique de penser que le recul des pratiques religieuses dans notre pays devait apparaître comme un facteur favorisant le processus d'absorption, potentialisé par le glissement massif des structures catholiques dans le camp socialiste. L'agressivité observée à l'égard de l'École privée connaît des mobiles plus profonds dont l'aspect religieux n'apparaît que comme la partie émergée de l'iceberg. L'École privée offre, dans une certaine mesure, une solution de rechange, elle permet aux familles de retrouver pour les enfants des modes et des méthodes d'instruction, de formation et d'éducation, qui, s'il n'est pas trop tard, peuvent consolider ou donner cohérence au bagage de l'adolescent. L'École privée par la désaffection qu'elle induit à l'égard du système d'État, par l'attrait qu'elle exerce, est un témoin de l'échec de l'École publique ; elle doit donc disparaître. Ces conflits, ces polémiques traduisent certes une démarche marxiste où l'École apparaît comme une arme de guerre redoutable aux mains d'habiles stratèges. Il reste pourtant que d'autres questions doivent naître d'un constat d'échec, car l'échec, lui, n'était pas au programme. Et ces questions laissent les leaders sans réponses parce qu'elles ressortissent à l'évolution du système confronté au monde et au progrès technologique en marche. Ainsi l'Éducation Nationale n'assure plus aux citoyens de ce pays l'acquisition du savoir de base ; elle n'assure pas davantage les savoirs et les savoir-faire différenciés qui devraient s'articuler sur ce savoir de base. Elle ne garantit donc pas aux Français les possibilités d'adaptation et de mutation qu'exigent pour tout peuple l'évolution des sociétés et les mutations technico-scientifiques. L'Éducation Nationale n'ayant plus d'objectifs clairs, simples et définis disperse ses énergies dans le maquis des idées fumeuses, des missions contradictoires et des projets inapplicables. Pour socialiser les enfants, elle a voulu faire de l'éducation un domaine réservé sans le fonder sur un code défini de valeurs puisqu'elle aurait dû emprunter ce code à des institutions plus anciennes. Il en est résulté l'échec de l'éducation stricto sensu. Ayant renoncé à instruire devant l'ampleur des savoirs qu'elle ne maîtrisait plus, elle a tenté de disqualifier l'instruction en la noyant dans le maquis de la socialisation des jeunes au service de laquelle furent remaniés tous les contenus éducatifs. Tous les biais et tous les poncifs furent exploités jusque et y compris l'éducation sexuelle au Collège pour ne citer que cet exemple. Enfin, l'Éducation Nationale évacua ses insuffisances dans l'illusion de la diversification, voulant faire de toute substance d'enseignement un support éducatif qui devenait ainsi l'artifice démagogique du maintien de son monopole. Le dernier aspect de cette double méprise est bien donné par le rapport LEGRAND qui confond les données essentielles de la Biologie avec celles de la Sociologie. LEGRAND fait de l'ancienneté un facteur de compétence et de progression tandis qu'il trompe sur la réalité des handicaps induits par le système et les niveaux d'efforts nécessaires pour les dominer et les inverser... Enfin, comble d'ironie dans un pays en voie de sous-développement socialiste, il propose... presque un précepteur à chaque élève sans en indiquer les critères de choix... Il reste donc, face à ce contexte d'incidences et d'intérêts contradictoires à dégager quelques grands principes qui puissent fonder l'éducation. La question est posée depuis l'Antiquité et la notion d'utilité de l'école a été suffisamment définie par ARISTOTE pour ne pas avoir à y revenir. Aujourd'hui, tandis que se dessine un monde différent sous la poussée du progrès technico-scientifique, l'École reste nécessaire et utile. L'ampleur des savoirs, des habiletés et des savoir-faire à maîtriser et à accompagner dans leur évolution suppose des enchaînements logiques et des articulations de transfert appropriés. Un savoir de base est donc nécessaire. Il doit être dispensé aux jeunes lors de la période d'aptitude à l'acquisition qui est la leur. Il doit être dispensé par des maîtres formés pour cela, nécessairement compétents et choisis. Les savoirs différenciés et les habiletés, par essence évolutifs, ne peuvent être enseignés que selon des modalités adaptées à l'évolutivité de ces savoirs, selon des rythmes souples, par des personnes ou des enseignants qualifiés et reconnus aptes à l'application pédagogique de leurs connaissances... L'éducation dans l'affaire est toujours une résultante, si l'on se réfère à J.-J. ROUSSEAU, peu suspect dans le monde enseignant et qui écrivit que l'on n'"EST CURIEUX QU'EN PROPORTION QU'ON EST INSTRUIT". Elle est pour une part compétence familiale ou d'ordre moral ; pour l'autre part, elle est conséquence de l'œuvre de l'école. Il en résulte bien évidemment que l'École ne puisse pas exercer sur l'enfant et l'adolescent un monopole, même partiel, sans attenter dans son principe à la finalité de l'éducation qui, selon KANT est "DE DEVELOPPER DANS L'INDIVIDU TOUTE LA PERFECTION DONT IL EST CAPABLE". Puisque cet objectif ne peut relever en aucun cas d'un seul système. Et puis, pour une telle entreprise, ne convient-il pas de disposer de maîtres authentiques, et dans tous les cas, dont la manifestation ne puisse être que référence qualitative. La jeunesse a d'abord et surtout besoin de parents et de maîtres pour fixer parmi eux ses points d'ancrage. Le souci d'un sens exact et juste de la discipline doit conduire les adultes à organiser attitudes et comportements de telle manière que l'esprit de discipline soit admis par une jeunesse qui en éprouve le besoin pour maîtriser ses acquis et sa formation d'adulte. Pour satisfaire l'équilibre et l'harmonie de l'homme adulte, il est réaliste de penser que certaines phases, certains aspects de cette construction réclament une certaine logique d'enchaînement des processus. Les interférences, les accélérations et les courts-circuits du monde actuel peuvent donc constituer des facteurs d'inadaptation ou d'immaturation qui fragilisent la construction finale et rompent l'harmonie de l'ensemble. Il convient donc et d'abord pour que l'éducation des jeunes soit réussie que les mentalités changent. Les parents sont les premiers concernés par cet effort de conversion. Les habitudes d'assistance et de protection comme d'hyperconfort dans l'irresponsabilité et la peur de vivre auxquelles se sont livrés nos contemporains ne confèrent en aucun cas le profil de référence que peut rechercher un enfant sur le visage de son père ou de son maître. La véritable éducation est d'abord une stimulation permanente pour une identification authentique. Eduquer la jeunesse, c'est donc la conduire assez loin sur les chemins de la vie et lui donner assez d'armes et de références pour qu'elle garde l'espérance et qu'elle vive d'enthousiasmes. Il faut dégager pour elle des horizons purs, des raisons de vivre, des justifications d'existence tels qu'elle en fasse les substrats de sa propre transcendance. RECTEUR Pierre MAGNIN Tous ceux qui mènent une action pour la liberté de l'enseignement et combattent pour le libre choix de l'école ont une préoccupation commune fondamentale : elle est celle de l'enfant, de son être, de son devenir et de son développement. Or c'est précisément ce qui a pu surprendre plus d'un observateur à la lecture des diverses propositions de M. SAVARY et plus précisément celle datée du 12 janvier. Il n'y est pratiquement jamais fait allusion à l'enfant, comme si cette finalité n'était qu'accessoire, comme si le texte ne témoignait de la seule démonstration d'une procédure administrative où ne se dissimulent ni la volonté politique ni une manœuvre de sectarisme pervers. A la limite, ces propositions réglementaires pourraient être destinées à bien d'autres catégories de Français sans qu'elles déchaînent des refus de tous ceux qui ont le souci du devenir de leurs enfants dans l'épanouissement de leur personnalité et non de la promotion des composants anonymes d'une masse, indifférenciés. Les parents, quel que soit l'établissement que fréquente leur enfant, ont mesuré combien l'enfant, cet être tout en devenir, engageait leur responsabilité, leur créant des obligations et des devoirs et par là même des exigences. Ils ont mesuré le risque qu'il y avait à le soustraire à l'influence ou à l'autorité parentale. Peuvent-ils accepter de déléguer cette responsabilité à un État qui deviendrait éducateur ? Ils seraient en totale contradiction avec eux-mêmes et c'est pourquoi ils défendent une école qui prolonge et confirme les choix éducatifs de la famille. C'est l'enfant qui mobilise les parents. Ils l'ont démontré le 24 avril 1982 à Pantin. Ils portaient avec eux le même témoignage et le même souci. Chacun, dans l'anonymat de cette foule de 150 000 personnes, est venu faire la démonstration de sa détermination : celle de garder intacte cette liberté fondamentale de choisir une école conforme aux valeurs morales et culturelles qu'ils entendent transmettre. Depuis cette date, en d'autres lieux de l'hexagone, combien sont-ils venus témoigner de la sorte ? Le 4 mars, nous nous sommes retrouvés des centaines de milliers à Versailles. Ce fut le rassemblement de ceux pour qui les mots éducation, liberté, responsabilité ont encore un sens ; de ceux qui savent que l'État est au service de tous, que le bien commun prime l'esprit de parti, que la libre entreprise engendre enthousiasme, imagination, dynamisme, créativité, qualités indispensables à une nation digne de ce nom ; de ceux qui savent que la liberté est une composante essentielle de la personne humaine, parents de l'enseignement libre et de l'enseignement public pour qui l'enfant est une finalité. Jacques de SAINT CHAMAS NOUVELLES D'ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ COMITE D'HONNEUR : Le Comité d'Honneur compte un nouveau membre, en la personne de Monsieur Gaston CHARLOT, de l'Académie des Sciences. CONSEIL D'ADMINISTRATION : Monsieur Léon GINGEMBRE, Président d'Honneur de la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises a été coopté au Conseil d'Administration. ADHÉSIONS : Une campagne de recrutement, par voie postale, est venu s'ajouter, au cours de ce trimestre, à nos efforts directs de recrutement. Cette campagne a rencontré un grand succès : si chaque adhérent entraîne trois partisans de la liberté de l'enseignement à nous rejoindre, nous serons 100 000. Les trois bulletins d'adhésion imprimés au recto de cette page sont destinés à cet usage. L'effort de prospection que nous avons accompli ne va pas sans quelques inconvénients que certains d'entre vous nous ont fait remarquer, avec beaucoup de compréhension d'ailleurs. Nous nous efforçons de répondre à chacun mais nous profitons de cette lettre pour adresser une réponse collective aux interrogations les plus fréquentes. ·Notre manifeste daté de janvier a fait l'objet d'envois successifs, le dernier étant du 2 mars. En effet, pour bénéficier de prix intéressants chez l'imprimeur, il faut se limiter à un seul tirage et, pour avoir droit au tarif réduit des envois en nombre à la poste, il faut payer les timbres d'avance. Voilà pourquoi tous les exemplaires du manifeste ont été datés de janvier et les envois échelonnés pour que les cotisations reçues des premiers destinataires couvrent les frais des nouveaux envois. ·Nos envois postaux sont faits à partir d'adresses de sympathisants communiquées par des adhérents mais aussi à partir de fichiers loués. Dans un cas comme dans l'autre, nous ne pouvons éviter que des adhérents reçoivent une nouvelle proposition d'adhésion. En effet, le rapprochement entre deux fichiers revient beaucoup plus cher que ce double emploi : que ceux qui craignent que nous gérions mal les fonds qu'ils nous ont versés se rassurent et que ceux qui désapprouvent notre apparente insistance nous pardonnent au bénéfice du but poursuivi. ·Enseignement et Liberté est une association régulièrement constituée et déclarée selon la loi de 1901 (publication au Journal Officiel n° 126 du 2 juin 1983). Nous avons un siège social, un compte en banque, un numéro de téléphone et nous aurons même un compte postal le jour où nous aurons réussi à prouver à l'administration des P.T.T. que nos statuts donnent à notre Président le droit de déléguer sa signature. Si nous ne donnons pas la plupart de ces informations sur notre manifeste, c'est parce que le moyen le plus pratique et le plus économique pour enregistrer un grand nombre d'adhésions est de confier, comme nous le faisons, à une société de services le soin de recevoir celles-ci ainsi que les chèques correspondants. Ayant payé la surtaxe (6,40 F) des premières lettres non affranchies que nous avons reçues, nous avons pu constater qu'elles émanaient, presque à coup sur, de personnes ne partageant pas nos conceptions de la liberté de l'enseignement. Il nous a semblé que leurs arguments, qui ont le plus souvent la forme d'interjections et un caractère répétitif très marqué, n'élevaient pas le débat. Nous avons donc renoncé à payer la dite surtaxe, laissant M. Mexandeau, que nul ne peut pourtant soupçonner d'être un esprit obscurantiste, réactionnaire ou clérical, supporter, en tant que responsable du budget des PTT, les frais de ces messages. Que les distraits veillent, en conséquence, à timbrer leurs adhésions. MANIFESTATIONS DE L'ÉCOLE LIBRE : Enseignement et Liberté a défilé sous sa banderole à Versailles le 4 mars. Une interprétation erronée des informations qui nous avaient été données nous a fait orienter certains d'entre vous vers la gare Versailles-Rive Droite au lieu de Versailles-Rives Gauche. Les cars venus de Saint-Germain-en-Laye n'ont pas atteint le point de rendez-vous et la seconde banderole s'est perdue avec ses porteurs près de, mais non pas dans, la pièce d'eau des Suisses. L'essentiel était d'être dans cette foule innombrable et de partager sa détermination contenue. SECTIONS LOCALES : C'est le vrai moyen d'enraciner et de développer l'action d'Enseignement et Liberté. Mais, une section locale (appellation provisoire) ne se décrète pas depuis Paris, elle se crée sur place par la volonté de quelques-uns. L'exemple vient d'être donné à Saint-Germain-en-Laye. Son bureau : M. Daniel BACON, Président ; M. Hubert O'MAHONY, Secrétaire et Trésorier M. Jean-Louis DELAPORTE. Son adresse : Maison des Associations, 1 bis, rue de la République 78100 Saint-Germain-en-Laye. Le bulletin réponse au verso vous permettra de nous faire connaître votre projet de créer une telle section. Nous attendons aussi vos propositions en la matière avant de définir le cadre de fonctionnement de ces sections et la nature de leurs liens entre elles et avec nous. ORGANISATION : Nous cherchons un DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL. Il doit être capable de gérer et d'animer. Avec l'assistance d'une secrétaire à temps plein, la charge de travail correspond à un MI-TEMPS. Notre budget nous permet de rembourser les frais exposés dans cette fonction, MAIS NOUS EMPÊCHE DE LA RÉMUNÉRER. Nous espérons que cet appel sera entendu par un pré-retraité. Qu'il veuille bien nous retourner notre bulletin-réponse en y joignant un curriculum vitae. Le poste est à pourvoir à Paris, mais la création de sections locales va créer aussi des besoins en province. Enfin pour Paris et pour la province, nous souhaitons faire le recensement de ceux qui peuvent nous donner une part de leur temps pour tous les travaux qu'implique le développement d'Enseignement et Liberté. Merci d'avance. Après des articles de Monsieur le Recteur Pierre MAGNIN et de Monsieur Jacques de SAINT CHAMAS administrateurs d'Enseignement et Liberté, Monsieur Pierre SIMONDET inaugure une rubrique ouverte à tous nos lecteurs pour proposer les solutions pratiques pouvant donner plus de liberté dans l'enseignement. Ces propositions ne sont pas pour autant l'expression d'une position officielle d'Enseignement et Liberté. Ce numéro de la Lettre d'Enseignement et Liberté est le numéro normal du 1er trimestre 1984. Au moment voulu, au besoin par un numéro spécial de la Lettre, nous prendrons position sur l'avenir de l'école libre. DES ECOLES ET DES UNIVERSITES AUTHENTIQUEMENT "REPUBLICAINES" ? Au-delà des négociations en cours entre les pouvoirs publics et les responsables de l'enseignement privé, et des éventuels résultats auxquels ils pourraient aboutir, n'est-il pas nécessaire de réfléchir aux conditions d'avenir d'une complète liberté de l'enseignement. Il est, à l'heure actuelle, assez généralement admis, dans notre pays, que les budgets de l'État et des collectivités locales, c'est-à-dire, en définitive, les contribuables, doivent supporter la charge financière d'un enseignement à dispenser à tous les jeunes Français. D'ailleurs, quelles que soient les opinions politiques de chacun, nul ne saurait contester que cette forme de la solidarité nationale répond à une volonté légitime d'assurer une certaine égalisation des chances au départ dans la vie. Mais une préoccupation d'égalité des chances ne doit pas conduire à soumettre tous les jeunes à la même formation sans tenir compte de leurs aptitudes très diverses, et de l'évolution de leurs capacités au cours des premières années de leur existence : celles-ci suivent une courbe au tracé imprévisible. Pourquoi, dès lors, ne pas admettre que la collectivité se doit de placer sur la tête de chaque jeune un crédit public destiné à lui permettre de s'assurer la formation la plus conforme à ses talents, au fur et à mesure que ceux-ci se dégageront ? Il convient que chacun puisse choisir, en bénéficiant de tous les conseils désirables, une orientation vers les disciplines littéraires, artistiques, scientifiques, techniques..., au besoin en changer en cours de route, interrompre ses études après avoir acquis les notions élémentaires puis y revenir, ou recevoir une formation technique ou professionnelle après quelques années d'arrêt. Seuls, le crédit de formation, et une totale liberté d'orientation, peuvent ainsi réserver à chaque individu toutes ses chances ; ne serait-ce pas d'ailleurs, le meilleur moyen d'obtenir l'utilisation la plus favorable des aptitudes de chaque membre de la société pour le plus grand bien de la communauté nationale. En pratique, cet objectif peut être atteint par la délivrance de bons annuels scolaires ou universitaires, d'abord aux parents pour les cycles primaire et secondaire, et aux enseignés eux-mêmes pour les enseignements supérieur et professionnel. Ceci suppose, bien sûr, une organisation de diplômes nationaux et d'équivalences européennes qui sanctionnent les diverses formations sur une base schématique harmonisée. Les modalités d'un tel régime d'enseignement exigent une mise en place assez délicate ; mais elles pourraient s'inspirer de l'expérience tout à fait positive, semble-t-il, du système éducatif en vigueur dans certains pays étrangers tels que la Belgique. Faut-il souligner que la remise du bon scolaire ou universitaire par l'utilisateur à l'établissement de son choix, équivaudrait à un vote annuel en faveur des équipes d'enseignants les plus efficaces. Peut-on imaginer un régime d'un esprit plus "démocratique" ? D'ailleurs, à y regarder de plus près, cette nouvelle liberté de l'enseignement serait authentiquement républicaine dans le sens où tous les partis politiques s'affirment respectueux des principes constitutionnels. Ces principes, la constitution de la Ve république les a repris dans la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 et dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Or, que disent ces textes en matière d'enseignement ? a) Le préambule de la constitution de 1946 affirme : "la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction ; à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat." Il paraît clair que le devoir de l'Etat d'organiser un enseignement public gratuit et laïc est destiné à garantir un accès aux divers enseignements, et à éviter que le droit à être instruit ne puisse pas pratiquement s'exercer. Il est ainsi fait obligation à l'Etat de pallier une carence éventuelle des initiatives privées et non de les limiter en quoi que ce soit. b) Le même préambule de la Constitution dit aussi : "la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement". L'individu et la famille bénéficient donc, à égalité, d'une assurance d'un soutien public, sans que l'un puisse être privilégié par rapport à l'autre. Est-ce que les droits de la société familiale ne concerneraient pas l'enseignement en faveur de tous les mineurs qui en sont membres ? c) Enfin faut-il rappeler que la Déclaration des droits de 1789 définit ainsi la liberté : "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". La liberté n'est ainsi pas définie par rapport à l'Etat, mais par rapport au bien des autres membres de la collectivité nationale ; qui oserait affirmer que la liberté de l'enseignement, surtout si elle est assurée suivant les méthodes ici préconisées, est susceptible de nuire à autrui ? Peut-elle subir l'arbitraire de l'Etat, même sous forme de lois ? Un crédit placé par la puissance publique sur la tête de chaque individu, dès l'origine, en vue de lui assurer l'exercice libre du droit à la formation prévu par la Constitution est la traduction la plus valable des principes républicains de liberté et d'égalité. Il est difficile de concevoir que des objections fondamentales puissent être honnêtement formulées à l'encontre d'une solution aussi respectueuse des droits fondamentaux des citoyens et des familles. Il faut rappeler enfin, que dans le Budget de l'État pour 1984, le seul ministère de l'Éducation Nationale bénéficie d'un crédit de fonctionnement de 164 350 millions de francs. Cette somme correspond approximativement et en moyenne à un crédit annuel de 12 000 francs par sujet enseigné : il n'est certes pas très élevé mais non négligeable. Cette somme ne recouvre pas les crédits de formation inclus dans les budgets des autres ministères (culture...) ni le rendement de la taxe d'apprentissage, ni les charges assumées par les collectivités locales. Il conviendrait de déterminer comment le crédit d'État pourrait être complété par d'autres apports. Il paraît, en outre, quasiment certain que le débat budgétaire sur les crédits de l'Éducation prendrait une tout autre signification aussi bien devant le Parlement que devant la Nation, si la décision consistait à voter des crédits, en fonction du nombre des enseignés, qui seraient différenciés par discipline et par niveau, d'après les besoins exprimés par les bénéficiaires. Les sacrifices demandés aux contribuables revêtiraient alors un sens pour l'avenir du pays. Peut être ces crédits seraient-ils dès lors privilégiés par rapport à d'autres qui sont réclamés globalement par le gouvernement ("services votés") sans que les deux Assemblées élues soient en mesure d'exercer pleinement le contrôle qui leur appartient. En résumé, cette nouvelle organisation de l'enseignement :
Pierre SIMONDET Lettre N° 2 - 4ème trimestre 1983
CRÉER L'IRRÉVERSIBLE Le talent du gouvernement dans l'art de la dissimulation n'est plus à contester. S'il en fallait une preuve nouvelle, on la trouvera dans le projet relatif à l'enseignement privé que M. Savary a présenté le 19 octobre. Saluons d'abord la remarquable mise en scène. La "copie" de M. Savary était remise avec un retard considérable : n'était-ce pas le signe qu'on avait beaucoup travaillé sur ce devoir de vacances et que le projet serait radicalement différent des propositions faites le 20 décembre 1982 ? Des ragots complaisamment amplifiés laissaient entendre qu'"on" avançait, avec patience et persévérance, vers la solution de problèmes délicats. Enfin, on s'était assuré le concours de quelques comparses, prêts à jouer le rôle de composition des "abominables sectaires" qui trouvent qu'on met vraiment trop de temps à en finir avec l'école libre et qu'on respecte inutilement les formes dans un combat dont ils ont déjà décidé l'issue. A eux les honneurs du petit écran ! On les a vus et on les reverra très probablement, comme en témoigne la récente manifestation d'Yssingeaux. Ils sont précieux : leur seule présence garantit à M. Savary une situation d'habile conciliateur, une image d'homme modéré. Tout ceci était parfait : plutôt que de dépendre du Ministère de la Culture, les arts du spectacle devraient désormais être rattachés au Ministère de l'Éducation Nationale. Venons-en au texte. Un long préambule expose en un style lénifiant quelques principes fondamentaux. On affirme notamment "la liberté de l'enseignement" qui "interdit le monopole de l'État et contribue à la liberté de choix des familles à l'égard de l'éducation". N'y a-t-il pas là de quoi satisfaire les esprits les plus sourcilleux ? Il est vrai que celui qui poursuivra la lecture constatera qu'on veut "réduire progressivement les différences (entre enseignement public et enseignement privé)", différences qui sont censées faire obstacle au principe de la liberté de l'enseignement. On soutient bien que, pour être nationale, l'éducation n'a pas à être uniforme. Toutefois cette diversité concerne des établissements qui tous concourent au "service public" et "doit être placée au service d'une mission éducative globale". Quiconque est attentif au texte s'apercevra qu'après avoir prononcé quelques formules magiques - "liberté de l'enseignement", "pas de monopole d'État" - pour désarmer l'adversaire, on s'apprête à les vider de tout contenu. Mais, il y faut du courage, car le style de ce texte est particulièrement laborieux. On aurait pu croire que l'Éducation Nationale donnerait l'exemple de la clarté de l'expression. Ce n'est pas le cas. Comme on ne veut pas soupçonner les capacités, on est porté à craindre que l'obscurité ait été jugée favorable pour dissimuler quelques méchants desseins. La suite, qui est l'essentiel, c'est-à-dire le contenu même des propositions de M. Savary, permettra d'en juger. Inutile d'épiloguer sur l'obscurité des procédures qui combinent trois méthodes de solution (concertation nationale et consultations académiques, expérimentations sur zones, commissions nationales de conception) tout en distinguant trois groupes de problèmes dont seul un esprit futile pourrait supposer qu'ils correspondent aux méthodes précédemment distinguées. La rue de Grenelle a, en matière de combinatoire, des vues qui dépassent un entendement moyen. Naturellement, tout ceci est de la poudre aux yeux. Mais il ne s'agit pas seulement de dérouter le lecteur du texte ; il s'agit également d'instaurer des discussions dans des conditions si confuses qu'on ne sache jamais où on en est, ni de quelle question on discute, ni quelle décision a été prise. La distinction des groupes de problèmes est ainsi plus apparente que réelle : par la force des choses, qui commencera à parler de l'un d'eux s'obligera à les aborder tous à la fois. Cette distinction est fondée sur un principe apparemment raisonnable : grouper les problèmes par ordre de difficulté croissante. Mais, lorsqu'on examine la liste (non exhaustive, est-il dit) des problèmes rangés dans chacun de ces groupes, on est extrêmement surpris : des problèmes de nature différente, sans rapport manifeste, sont rangés dans un même groupe, tandis que des questions voisines sont réparties dans des groupes différents. Est-ce de la confusion ? Oui, mais elle est volontaire. A lui seul, le groupement des problèmes constitue un engrenage qui fait que des modifications minimes de l'équilibre actuel sur des problèmes mineurs conduiront irrésistiblement à le bouleverser totalement. On s'assurera de ce diagnostic par l'examen des problèmes du premier groupe, qui doivent être résolus avant la fin de la prochaine année scolaire et dont il est impudemment affirmé que "leur examen ne porte pas le débat au plan des principes généraux". Qu'il y ait lieu de résoudre rapidement les difficultés d'application des lois Debré-Guermeur créées par la loi de décentralisation (dont il faut rappeler que les socialistes l'ont fait voter sans attirer l'attention sur ce type de conséquences funestes), admettons-le. Admettons aussi l'opportunité de "budgets prévisionnels" pour l'enseignement privé. Ces problèmes ne posent vraisemblablement pas de questions de principe. Mais, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de la modification des procédures de l'ouverture de classes ou de la fonctionnarisation des maîtres du privé, rangées de façon étonnante dans le premier groupe de problèmes. Là, ce sont bien des questions de principe qui sont posées et un mécanisme irréversible qui est mis en place. L'ouverture des classes se fera en appliquant "une partie du mécanisme de la carte scolaire". Entendons par là que lorsqu'un établissement privé voudra assurer un enseignement spécifique en créant de nouvelles classes, aussi nombreux que soient les candidats, on lui refusera toute subvention en invoquant les capacités d'accueil du public, voire de vagues projets de développement de ces capacités. Il suffit de penser à l'affaire de Quimper pour voir ce que ceci donnera concrètement. "Carte scolaire", le terme sacré pour les partisans du grand monopole, est d'emblée prononcé. Inexorablement, son application sera étendue à tous ses aspects, notamment la sectorisation qui assigne autoritairement dans le secteur public un enfant à tel établissement en fonction du domicile des parents. C'est clairement affirmé : l'exercice du libre choix des familles, qu'elles choisissent le public ou le privé, se fera "dans le cadre d'une carte scolaire", dont on affirme, pour nous rassurer, qu'elle sera "assouplie". Autrement dit, le choix entre établissements privés, aujourd'hui totalement libre, sera dans un proche avenir très considérablement limité. La "sectorisation" est tenue pour un problème du troisième groupe, mais sa solution est déjà préparée par les mesures du premier groupe, puisqu'en bridant dans l'immédiat le développement du privé, on fait en sorte qu'ultérieurement le choix des parents ne puisse se porter que sur le public. En ce qui concerne la fonctionnarisation des maîtres de l'enseignement privé, les faits sont encore plus patents. Il ne faut pas croire qu'il s'agit simplement de changer la "ligne budgétaire" sur laquelle ces maîtres sont rémunérés, et que le changement est sans conséquences. Qui dit fonctionnarisation, dit règles de gestion strictes, certaines déterminées par le statut de la fonction publique. Ces règles concernent notamment l'avancement et la mutation. Il ne s'agit donc pas simplement de satisfaire le désir de quelques volontaires qui croient trouver dans l'état de fonctionnaire quelques avantages. Fonctionnarisés, ils dépendront de l'autorité publique, qui pourra, dans une très large mesure, les affecter à d'autres établissements du public ou du privé et même les remplacer par des maîtres du public. 15 000 maîtres fonctionnarisés, c'est 15 000 emplois publics dans les établissements publics pour toujours. Le choix des volontaires aura donc des conséquences qui s'exerceront bien après qu'ils aient pris leur retraite. Tout ceci est avoué, avec quelques précautions oratoires, lorsqu'on évoque les problèmes (du second groupe) de gestion de ces personnels fonctionnarisés. Mais ces problèmes sont inévitables, et leur solution quasi imposée, dès l'instant où la fonctionnarisation (mesure du premier groupe) aura été effectuée. Dans le secteur public, un chef d'établissement n'est qu'un échelon intermédiaire de la hiérarchie (par exemple, les notes qu'il attribue aux professeurs peuvent être modifiées par l'inspecteur d'Académie, le Recteur). Comment appliquer le système à un chef d'établissement privé qui a sous son autorité des fonctionnaires ? Une seule solution : lui attribuer également le statut de fonctionnaire. La mesure n'est pas ouvertement annoncée (on parlera simplement de l'intervention de l'autorité publique dans leur nomination), mais elle sera inévitable. Et qui peut être mis sous l'autorité d'un fonctionnaire, sinon d'autres fonctionnaires ? Voilà comment pour éviter les conflits de compétence, on sera obligatoirement conduit à étatiser totalement l'enseignement privé. Au risque de présenter un exposé un peu complexe, j'ai voulu démonter les mécanismes. Il était nécessaire de le faire. Sous son apparente confusion, le projet Savary cache une logique implacable. A partir de mesures ponctuelles, dont l'impact semble relativement limité, il s'agit de créer l'irréversible, de déclencher un processus qui ne peut aller qu'à son terme, l'instauration du fameux service public annoncée depuis deux ans et qui n'est aucunement différée. Quant au fond, le nouveau plan de M. Savary n'est donc nullement en retrait par rapport aux propositions présentées neuf mois avant. Il s'en distingue simplement par une plus grande prudence dans la manifestation des intentions du gouvernement, prudence qui lui est imposée par les sentiments de l'écrasante majorité des Français. Le mécontentement du Comité National d'Action Laïque est exclusivement motivée par des considérations relatives à la forme de ces nouvelles propositions, et accessoirement par la crainte que des motifs purement circonstanciels conduisent à différer un peu la réalisation de certaines mesures. Il aurait aimé qu'on affirme ouvertement les principes directeurs et qu'on claironne l'objectif de l'opération. Pour lui, la mise à mort de l'école libre doit tenir de l'exécution publique et non de l'étouffement progressif. C'est une question de prestige pour cette organisation. Mais qu'elle soit rassurée ! Ce que M. Savary dissimule avec soin dans ses documents officiels, M. Mauroy le proclame au Congrès de Bourg-en-Bresse avec sa naïveté coutumière : il est acclamé sans qu'aucune voix n'ose exprimer une opinion contraire. M. Poperen vient assurer les manifestants du C.N.A.L. de son soutien. Les choses sont donc claires : ce que cache le gouvernement, le parti l'avoue. Pour des motifs légitimes (souci de respecter les vœux des Français qui souhaitent des négociations encore qu'ils soient parfaitement conscients des desseins du gouvernement, comme le prouve un récent sondage, crainte de voir se multiplier les mesures de représailles dont il faut souligner la bassesse scandaleuse, désir un peu illusoire de gagner du temps), les responsables de l'école libre n'ont pas cru devoir opposer aux propositions de M. Savary un refus catégorique. Ils ont néanmoins formulé un certain nombre de conditions préalables qui sont, pour l'essentiel, à peu près satisfaisantes. Il est à prévoir que, s'il y a négociation, toute la stratégie du gouvernement consistera à faire en sorte que ces conditions ne soient pas respectées. C'est dire que les risques pris sont considérables et que la plus grande vigilance s'impose. D'autant plus que le gouvernement dispose d'une arme redoutable qui consiste sous couvert de "rénovation pédagogique" à réaliser simultanément un double objectif, la disparition de l'enseignement privé et la mise en place de la détestable réforme des collèges préconisée par M. Legrand. J'ai quelques raisons de croire que ce piège n'a pas été démasqué. Mais c'est là un autre problème dont nous aurons bientôt à reparler. Maurice BOUDOT Chers Amis, j'ai été longtemps parmi vous, participant au combat que vous menez, inquiet comme vous des menaces qui s'accumulent. Puis, il s'est trouvé, le temps passant, que je n'étais plus Parent d'élève dans une A.P.E.L. Il me paraissait difficile, cependant, de considérer que ma tâche était terminée et que je pouvais m'en désintéresser laissant à d'autres le soin de la poursuivre. Il m'a fallu regarder autour de moi, prendre contact avec d'autres personnes, qu'elles soient dans les A.P.E.L. ou ailleurs pour mesurer combien il y avait à faire pour participer à la défense de la liberté de l'enseignement. De ces contacts avec des amis, notamment avec des membres de l'enseignement public, est née notre association Enseignement et Liberté, qui veut rassembler tous ceux pour qui la liberté de l'enseignement est une liberté fondamentale. Compte tenu de ses objectifs, cette nouvelle association se situe à un autre point de vue que les A.P.E.L. Je voudrais montrer combien nos associations se complètent dans une perspective élargie de la liberté d'enseignement. Il est vrai que les A.P.E.L., sous la présidence de Pierre Daniel, sont en première ligne pour combattre les atteintes à la liberté que subit l'enseignement privé. Elles mènent ce combat avec les différentes composantes de l'enseignement catholique, puisqu'elles représentent surtout des parents ayant leurs enfants dans des établissements catholiques. La défense de la liberté d'enseignement, du libre choix de l'école, de la responsabilité première des parents en matière d'éducation est donc liée pour eux, de façon directe à la défense du caractère propre de ces établissements. Ce combat leur appartient et c'est aux A.P.E.L. de le mener avec la vigueur et la détermination que l'on sait. Enseignement et Liberté n'entend nullement se substituer à ces associations ; elle sera prête bien sûr à leur apporter quand il le faudra tout le soutien dont elle sera capable. Toutefois, la défense de la liberté d'enseignement et du libre choix de l'école ne se limite pas à l'enseignement privé. Elle doit également se mener à l'intérieur même de l'enseignement public. Nombreux sont les parents et les enseignants qui craignent la montée d'une idéologie dominante, contrairement à l'image qu'ils se faisaient de la laïcité. Eux aussi veulent promouvoir le libre choix de l'école, au lieu de le restreindre partout à ce qu'il est actuellement dans l'enseignement public. Eux aussi pensent que le maintien d'un secteur privé à côté du secteur public est important parce qu'il stimule la réflexion pédagogique et qu'il écarte le risque d'une uniformisation monotone et écrasante. Bien sûr, cela ne concerne pas seulement l'enseignement primaire et secondaire, mais aussi l'enseignement supérieur. Mais pourquoi se limiter aux parents et aux enseignants ? Il y a aussi ceux de nos concitoyens qui, n'ayant pas d'enfants en âge scolaire, n'ont pas les yeux fixés sur le court terme de l'année scolaire ou de la rentrée suivante. Beaucoup, parmi eux, n'en sont pas moins soucieux de la gravité de la situation. Dans le choc actuel des idéologies et dans les mouvements qui se heurtent à l'intérieur de nos sociétés occidentales, la conception même de liberté est au centre du débat. Liberté de la presse, de communication, de la médecine, de l'enseignement... Toutes ces faces de la même liberté font l'objet d'une remise en question. La plus radicale, pour beaucoup, est celle qui concerne la liberté d'enseignement. Quelques phrases d'apaisement ne sont pas suffisantes pour calmer les craintes qui naissent de trop nombreuses propositions ambiguës, de silences éloquents ou de déclarations contradictoires. Les citoyens se sentent directement concernés et beaucoup voudraient faire entendre leurs protestations devant les menaces qui se confirment. Un sondage n'est que la photographie d'une situation, il n'est pas l'expression active d'une opinion. Nous avons eu fréquemment de telles photographies présentant cette opinion attachée à l'enseignement libre et aux moyens d'exercer cette liberté. Mais ceci n'est pas suffisant. Il faut que cette opinion dispose d'une organisation assez forte pour s'exprimer en son nom de façon crédible. Enseignement et Liberté peut être ce moyen si elle regroupe un nombre important de militants et de sympathisants, qu'ils soient parents du privé ou du public ou qu'ils soient simples citoyens. Et nous comptons bien sur vous pour que vous nous aidiez à convaincre autour de vous le plus grand nombre de donner leur adhésion à notre combat. Jacques DELPIT Il s'agit de ceux qui se posent sur les pare-brise pour défendre le libre choix de l'école. Voici quelques adresses où vous en procurer : Fédération de Paris des APEL Fédération du Nord des APEL Comité de coordination pour la liberté de l'enseignement La Fédération des Yvelines des APEL a pour sa part édité des cartes de vœux (même adresse que la Fédération de Paris). L'auteur de L'opium des intellectuels et des Marxismes imaginaires a écrit sur le rôle des idéologies dans les sociétés contemporaines des pages dont nul ne songe plus aujourd'hui à nier la profondeur. Il avait saisi le caractère propre de cette religion séculière en laquelle s'est progressivement transformé le marxisme. C'est le chef du parti qui se réserve la liberté de réécrire le dogme alors que "jamais le christianisme n'a accordé de blanc-seing aux gouvernants" et que "même le tsar, chef de l'Église, ne disait pas le dogme". Ainsi le marxisme abroge-t-il cette distinction du spirituel et du temporel, cette "séparation de l'Église et de l'État", consubstantielle au christianisme, dans laquelle Raymond ARON, à la suite d'Auguste Comte, voit "l'origine de la grandeur singulière de l'Occident". De là l'inégal traitement qu'un intellectuel éveillé doit réserver aux diverses formes de religiosité : "Qui ne croit pas en Dieu ne se sent pas hostile aux religions du salut qui proclament des vérités éternelles : l'homme n'épuise pas sa destination dans sa destinée sociale... Qui ne croit pas au prophétisme marxiste doit dénoncer la religion séculière", superstition qui engendre "la guerre contre les incroyants, alors même que la foi s'est vidée de sa substance". Héroïquement, Raymond ARON avait résisté à l'attrait de ce fanatisme qui empêche "l'amitié des hommes en deçà, au-delà de la politique". Nul ne s'étonnera qu'il ait accepté de participer à notre combat, comme en témoigne son appartenance à notre Comité d'Honneur. Honorons sa mémoire, comme il convient au Maître qu'il est : par la lecture de ses livres. NOUVELLES D'ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ A la suite d'un récent élargissement, le Conseil d'Administration d'Enseignement et Liberté est composé comme suit : Président :
Administrateurs :
De nouveaux élargissements sont prévus avec l'objectif d'une participation équilibrée de représentants du public et du privé, de Paris et de la province. Lettre N° 1 - septembre 1983
EDITORIAL Merci à tous ceux, adhérents ou non d'Enseignement et Liberté, qui se sont abonnés sans attendre la parution de ce premier numéro. Nous souhaitons que cette lettre apporte à ceux qui sont attachés à la liberté de l'enseignement les réflexions et les informations propres à étayer leur conviction et leur action. Nous souhaitons aussi que chacun puisse s'y exprimer, comme le fait dans ce numéro Maurice BOUDOT. La politique conduite depuis le 10 mai en matière d'enseignement présente quelques aspects déroutants. Elle repose sur des principes erronés et ses conséquences sont néfastes ; on peut le déplorer, mais non s'en étonner. Les hésitations, tergiversations, le louvoyage de M. Savary n'exigent pas une explication particulière ; ces traits relèvent de cette fameuse "incohérence" manifestée dans d'autres domaines et imputée (trop légèrement, selon moi) à l'incompétence de ceux qui nous gouvernent. Il n'y a là rien qui puisse intriguer. Le vrai problème est ailleurs. Il réside en ce qu'on ne voit pas les bénéfices que ceux qui la conduisent tirent de cette politique, alors que les préjudices qu'elle leur cause sont très apparents. Sa poursuite semble quasi suicidaire. Faut-il en conclure que les Dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre, attendre paisiblement que le comportement de M. Savary contribue notablement à l'échec et au rejet des socialo-communistes, ou espérer qu'il s'arrête dans ses entreprises ? A mon sens, la conclusion est imprudente parce qu'elle repose sur des analyses un peu courtes. Examinons les choses d'un peu plus près. A quoi sert le projet Legrand, alors que le collège unique mis en place par la réforme Haby réalise déjà très largement l'idéal égalitariste prôné par les socialistes, alors que les P.E.G.C. (professeurs d'enseignement général de collège), catégorie d'enseignants spécialement choyée par nos gouvernants, ont déjà pénétré massivement dans le corps professoral du premier cycle du secondaire, dont ils constituent la moitié de l'effectif ? En quoi la loi que M. Savary prétend imposer aux universités lui est-elle utile ? La seule abrogation de l'amendement Sauvage, qui n'a pas suscité la moindre émotion dans l'opinion puisqu'elle ne fut connue que dans des cercles restreints, suffisait à donner le pouvoir dans la plupart des universités aux forces politico-syndicales favorables à la majorité actuelle. Quelques dispositions techniques auraient conforté cette situation ; certaines étaient déjà prises. Enfin et surtout pourquoi projeter la mise à mort de l'école libre ? En quoi son existence constitue-t-elle une entrave ou un danger pour la majorité actuelle ? On ne peut même pas soupçonner les maîtres de l'enseignement privé de répandre une idéologie hostile aux socialistes lorsqu'on sait qu'une fraction notable d'entre eux adhère à la C.F.D.T. Les bénéfices seraient donc nuls, ou du moins négligeables. En revanche les préjudices qu'entraîne pour le gouvernement cette politique seraient très apparents. D'abord les mesures relatives à l'organisation de l'enseignement public ont heurté la conscience de nombreux enseignants. Le corps professoral constituait l'un des groupes qui avaient accordé à la gauche un soutien aussi large qu'efficace. Ulcéré par les déclarations insultantes, les mesures vexatoires, par des projets dont il était en mesure d'estimer le caractère pernicieux, ce corps professoral, surtout dans ses éléments les plus qualifiés, s'est réfugié dans un silence écœuré lorsqu'il n'avait pas la force de clamer son désaccord. Ainsi le gouvernement a-t-il perdu l'une des principales forces sur lesquelles il s'appuyait. Il n'y a pas à chercher ailleurs la cause du silence des intellectuels dont se désole M. Gallo qui doit pourtant savoir, par son expérience propre, qu'ils sont en majorité professionnellement des enseignants. Quant aux étudiants, guidés par un sentiment judicieux, malgré l'effort qui était fait pour les désinformer, on sait quel parti ils ont pris : personne n'ignore qu'ils étaient dans la rue. Tournons-nous vers l'enseignement privé : les tentatives de mettre en place le "grand service public, unifié et laïque" se sont heurtées à la ferme opposition des représentants de l'école libre dont le calme est gage de leur détermination et non signe de faiblesse. Et surtout les défenseurs de l'école libre sont massivement soutenus par l'opinion publique. Quatre Français sur cinq, approximativement, tiendraient pour "très grave" qu'on remette en cause le libre choix de l'école (SOFRES, mars 1983). S'aliéner des appuis précieux, heurter profondément la volonté populaire, tel est l'aspect négatif d'un bilan qui ne comporte en compensation que des éléments positifs dérisoires. De là l'idée que cette politique ne peut être poursuivie. Toutes ces données sont exactes, mais la conséquence qu'on en tire reste aventureuse parce que l'analyse pèche par l'incomplétude des principes explicatifs sur lesquels elle repose. Nous avons raisonné, hypothétiquement, comme si la politique actuelle pouvait être appréciée sur une courte échelle et en termes de bénéfices, lesquels consisteraient essentiellement en captations de suffrages et en adhésions de forces sociales, et de préjudices constitués par les effets opposés. Il n'en est rien. Les socialistes ne dissimulent aucunement qu'ils mettent en œuvre un projet dont la réalisation exige un assez long délai. Ce projet se caractérise non par l'incohérence, mais par l'excès de systématicité. Certes, il ne saurait réussir que si sont satisfaites certaines conditions, lesquelles comportent un minimum d'adhésion de la nation. Mais, que ces conditions soient remplies constitue un simple moyen, et non une fin en soi. Ceux qui nous gouvernent savent très bien que le trajet est long et la traversée périlleuse, qu'elle exige ces incessantes rectifications de cap qu'on nomme leurs incohérences. Ils n'en ont pas moins entrepris le voyage ; ils espèrent qu'arrivés au but, ils pourront oublier les conditions de son atteinte et notamment faire fi de l'adhésion populaire. C'est à ce plan qu'il faut confronter la politique actuelle, dont l'objectif n'est d'aucune façon l'amélioration d'une cote de popularité éminemment transitoire, si on veut en avoir quelque intelligence. Bref, le problème n'est pas de savoir si la politique conduite est avantageuse - avantageuse, d'ailleurs dans quel sens ? - pour le gouvernement, mais si, d'après ses principes, selon la formule consacrée, elle va dans le bon sens. Manifestement, la réponse est pleinement affirmative. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler qu'en la matière tout vise à assurer la mainmise totale de l'État sur un système éducatif organisé selon les principes d'une philosophie égalitariste, négatrice de toutes les différences individuelles. Cet objectif atteint, il faudra faire en sorte que la situation créée soit irréversible. Quel meilleur moyen de s'en assurer que d'obtenir que les Français acceptent un jour passivement ce système, simplement parce qu'ils n'auraient plus aucune expérience qui leur permette d'imaginer autre chose ? Considérées sous cet aspect, toutes les mesures prises ou projetées avec une suffisante précision étaient non seulement utiles, mais strictement nécessaires. Que subsiste une ombre de diversification entre les filières du collège, et les parents pourraient douter des vertus d'une école uniformisatrice. M. Legrand a su trouver le remède. Qu'une seule université ne soit pas gouvernée par une coalition marxiste, qu'elle fonctionne correctement, à la satisfaction de ses étudiants, voilà que subsiste un terme de comparaison qui pourrait donner de méchantes idées aux étudiants qui subiraient un enseignement plus conforme aux canons de l'idéologie officielle. Telle est la vraie motivation de la loi Savary. Quant à l'enseignement privé, sa simple existence est un scandale du seul fait qu'il est privé. Il servira d'ailleurs de refuge à tous les déçus du système public qui auront ainsi les moyens d'y échapper. Faute d'oser le leur interdire, au moins essayons de leur ôter les moyens de cette évasion ! Qui n'a pas tout n'a rien ; telle est la maxime de cette démarche qu'il nous faut bien qualifier de totalitaire. C'est pourquoi je pense que la politique entreprise sera poursuivie. Sa logique l'exige. Certes, nul ne peut prévoir ni le délai, ni les détails de sa mise en application. Mais celle-ci ne sera pas indéfiniment différée et ne conduira pas à modifier le projet dans ses caractéristiques essentielles. Penser autrement, c'est se bercer d'illusions. A moins d'être fou ou stupide, nul n'agit s'il court des risques considérables et si ses chances de succès sont pratiquement nulles. On m'objectera que j'attribue au pouvoir une singulière faculté d'aveuglement ou de délire, car tel est en l'occurrence si manifestement le cas qu'il finira bien par reconnaître qu'il faut s'incliner devant la volonté des Français. Je ne nie nullement que les risques soient grands et les chances de succès minimes ; mais je ne pense pas qu'elles soient nulles. Je crois que la poursuite de sa politique éducative peut être très funeste à l'avenir du socialisme à la française ; je le crois et le souhaite. Mais pour être périlleuse, l'entreprise n'est pas actuellement à proprement parler insensée ; ceux qui s'y sont engagés n'y renonceront donc pas d'eux-mêmes. C'est tout ce que je veux montrer. Sauf peut-être en matière économique, estimer les chances pour qu'une politique déterminée atteigne les objectifs qu'elle s'est fixés est chose très délicate et les résultats obtenus sont toujours incertains. Ici, on ne saurait sans opérer une abstraction gravement mutilante isoler la politique éducative de l'ensemble dans lequel elle s'insère. Essayons néanmoins de le faire, de mesurer les forces en présence, de deviner la stratégie qui sera adoptée par l'assaillant et l'issue de la bataille. Ceci non par goût de l'exercice intellectuel, mais pour savoir quelle stratégie adopter pour la défense de la liberté de l'enseignement, pour nous préparer aux combats futurs. Il faut d'abord noter que la démarche gouvernementale n'a pas que des résultats funestes de son point de vue. Les étudiants sont maintenant hostiles à la gauche ? Tant pis ! Ce n'est pas si grave. A leur âge, on est versatile ; les média, désormais bien pris en main, se chargeront de les désinformer et de détourner ailleurs leur attention. Certains groupes de professeurs sont perdus pour la gauche ? Tant pis ou peut-être tant mieux. Nos gouvernants, qui ont l'art de multiplier les formes de la lutte des classes, à tel point qu'elle finit par ressembler à la guerre de tous contre tous décrite par Hobbes, peuvent juger bénéfique pour eux que le front de classes passe à l'intérieur du corps enseignant. Dans ce secteur, ils peuvent souhaiter se replier sur une base sociologique plus restreinte, mais plus cohérente et plus docile, constituée pour l'essentiel par les instituteurs et les P.E.G.C. Ses affrontements avec des groupes rivaux, professionnellement proches, développeront son militantisme. Il nous semble inutile de prolonger ces analyses encore qu'il soit aisé de le faire. Mais il faut aussi remarquer que la laïcité a d'étonnantes vertus : elle mobilise dans l'unité les forces de gauche ; elle est seule à le faire. On a noté que M. Mauroy s'était fait siffler au Bourget parce qu'il était jugé trop modéré. On a trop négligé le fait qu'il parlait devant un auditoire considérable, numériquement beaucoup plus important que tous ceux que la gauche a réunis depuis son accession au pouvoir. Il y a du passionnel dans ce phénomène, d'obscures passions incompréhensibles à tous les esprits éclairés détachés des querelles archaïques. On peut le déplorer, mais on ne doit pas oublier qu'il n'est aucun mouvement historique important qui ne mette en jeu des passions. La politique éducative a donc des défenseurs. Sous son aspect de destruction de l'école libre, elle a une vertu mobilisatrice et unificatrice d'une gauche à l'intérieur de laquelle les divisions ne portent que sur les moyens et non sur les objectifs. Le gouvernement dispose de ressources réelles, qu'il faut d'autant moins sous-estimer que le socialisme de temps de crise doit recourir à d'étranges procédés. Quand tout a échoué, quand on a dû revenir de l'utopie économique aux réalités de l'austérité, que proposer pour enthousiasmer les militants sinon le "grand service public, unifié et laïque" ? En face que trouvons-nous ? Des syndicats d'enseignants et d'étudiants cohérents, vigilants, bien informés de la réalité des problèmes ; les connaissant de l'intérieur, je ne doute pas de leur efficacité. Les associations de parents d'élèves. Celles relevant de l'enseignement libre, remarquablement structurées, ont déjà prouvé leur résolution au cours des prétendues négociations qu'on leur a imposées. Ces forces réunies constituent un ensemble considérable. Mais elles ne rassemblent que ces segments de la population qui se sentent directement concernés par le problème et qui restent minoritaires. Opposées aux forces adverses, il est certain qu'elles les entraveront considérablement ; il n'est pas sûr qu'elles seront en mesure de résister, si est mise en jeu la puissance de l'appareil d'État. Qu'est-ce qui peut faire pencher la balance de façon décisive ? L'opinion publique dont on sait où vont les préférences. Mais l'opinion est-elle autre chose qu'un être de raison qu'on peut difficilement tenir pour un acteur social ? Néanmoins, elle agit certainement lors des scrutins ; mais la nature des votes est telle qu'on ne se détermine pas sur une seule question. De plus, il ne faut pas que certains se laissent abuser par l'hypocrite argument de ceux qui veulent délimiter le terrain du débat à leur avantage et osent soutenir que les problèmes de l'éducation sont d'une nature trop noble pour faire l'objet d'un enjeu électoral. Je ne suis pas assuré que la crainte du verdict des prochaines échéances électorales soit suffisante pour que nos gouvernants renoncent d'eux-mêmes à leurs projets. Pour garantir la victoire, il faudrait que l'opinion agisse d'une autre façon. Comment ? En s'exprimant de telle sorte qu'elle constitue une force de pression permanente, en soutenant tous ceux qui, directement concernés, défendent la liberté de l'enseignement, chacun en son domaine, enfin et surtout en s'informant et en informant pour lutter contre l'intoxication officielle dont le principal procédé consiste à rendre si confus les problèmes qu'il ne reste presque plus personne à comprendre ce qui est en cause. Cette fonction, l'opinion ne l'exercera que si sont mises en place des organisations qui parviennent à convaincre les Français qu'ils ont tous leur rôle à jouer pour défendre la liberté de l'enseignement. Les sociologues enseignent qu'un groupe latent, constitué d'individus qui partagent les mêmes fins, n'est politiquement rien aussi longtemps qu'il ne dispose pas d'un minimum d'organisation. Nous travaillons à ce que cette condition soit remplie dans le cas présent. C'est à l'ensemble des Français qu'il appartient de se libérer des chaînes qui les entravent et de se préserver des carcans qu'on leur prépare. * Ce texte a été publié dans LA LETTRE DE LA PRESSE - n° 188 du 5 Septembre, 37, rue des Mathurins - 75008 PARIS. NOUVELLES D'ENSEIGNEMENT ET LIBERTE La publication du manifeste d'Enseignement et Liberté, au mois de juin, a reçu un accueil très favorable de la part des Français de toute condition qui l'ont reçu. Parmi eux, des personnalités éminentes ont accepté de constituer un Comité d'Honneur. Leur présence est un témoignage de l'importance du combat que nous avons engagé et du crédit accordé à notre démarche. Nous comptons sur l'appui de chacun de vous pour faire connaître notre action. MM. Michel DEON, Michel DROIT, René HUYGUE, Louis LEPRINCE-RINGUET, Jean d'ORMESSON, Alain PEYREFITTE, Maurice RHEIMS, André ROUSSIN et Maurice SCHUMANN, de l'Académie française. Lettre N° 88 - 2ème trimestre 2005
Le rapport Chartier
Le rapport Chartier sur l’enseignement supérieur privé :
Le grand service public de l’éducation est de retour.
Décidément, les discours officiels sur l’enseignement seront toujours en retard d’une guerre. Le Mur de Berlin est toujours dans leur esprit. Ils n’ont encore compris ni l’importance des enjeux pour le rayonnement intellectuel de la France en Europe et dans le Monde, ni les effets dévastateurs du retard de notre pays en matière de Recherche.
A vrai dire, il faut recommander à tous de lire ce savoureux petit rapport consacré à l’enseignement supérieur privé par le député Jérôme Chartier. C’est véritablement un modèle du genre.
Ou bien ce parlementaire est un plaisantin astucieux et facétieux, et il s’est alors livré à un petit exercice au second degré digne des meilleures satires. Ou bien cet élu était sérieux et pense vraiment ce qu’il a écrit, et alors on comprend mieux les déboires actuels de la France et l’importance de ceux qui nous attendent encore.
Dans la forme, d’abord, ce rapport est un condensé des effets les plus pervers de la production politico-médiatique. On devine que l’essentiel de l’investissement de l’auteur n’a pas été consacré à la réflexion sur son sujet ni à la recherche de solutions pertinentes. Non, l’essentiel de son effort a consisté à trouver une agence de communication pour présenter, d’une façon moderne et stylisée, quelques vérités d’évidence : il faut, nous dit le rapport, à grand renfort de gros titres qui tiennent à eux seuls une page entière : « définir », « participer », « accompagner » « développer », « réfléchir » (après avoir proposé, d’ailleurs !).
Si l’on ajoute que l’essentiel des propositions tient en quelques courtes lignes – mais d’un bleu roi tout à fait ravissant – on conviendra que ce rapport pourra certainement faire la gloire et la réputation de l’agence de communication qui l’a créé, mais certainement pas celles de son auteur !
Sur le fond, le contenu de ce rapport est franchement désespérant, pour les universitaires en général et pour tous ceux qui sont attachés à l’enseignement supérieur public comme à l’enseignement supérieur privé. Il montre surtout l’immense décalage qui existe entre l’intensité des besoins de la jeunesse estudiantine française, ceux de la recherche française et la conscience qu’en ont de tels élus.
Alors que les universités anglo-saxonnes connaissent aujourd’hui un rayonnement sans précédent et viennent désormais s’installer en France, alors que les grandes universités européennes sont elles aussi de plus en plus conquérantes, alors enfin que l’enseignement supérieur français et la recherche n’ont jamais autant été paupérisés… on nous propose le plus sérieusement du monde de « rechercher des solutions avec les partenaires sociaux », d’adopter quelques mesurettes fiscales pour prendre en compte les intérêts des emprunts contractés par les étudiants, de favoriser des « parrainages » d’élèves, ou de créer « des réseaux d’anciens élèves de l’enseignement supérieur à l’étranger ».
Et on peut d’ailleurs sérieusement se demander si, même cela, ne leur fait pas peur.
Pour ne pas parler de mesures qui existent déjà dans l’Université française à l’instar du concours des universitaires étrangers.
Il est dommage que les auteurs de tels rapports ne fassent pas, au moins, l’effort de se renseigner sur le fonctionnement de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ils gagneraient en crédibilité, non pas dans les petits déjeuners médiatiques à l’Assemblée nationale où les couleurs de la « plaquette » ont du susciter quelques petits cris de ravissement, mais auprès des intéressés.
En réalité, et plus fondamentalement, ce rapport est toujours inspiré de cette même gangrène qui stérilise la « pensée » politique française depuis plus de quarante ans : rien ne peut se faire sans l’autorisation et sans le contrôle de l’Etat. C’est la pensée unique, et sans doute l’absence de pensée tout court. Dès lors, rien ne peut être libre, et surtout pas l’enseignement supérieur privé.
Au mieux, l’enseignement supérieur privé a vocation à « combler les carences » de l’Etat, c'est-à-dire les « carences territoriales », là « où l’offre publique est inexistante » ou les « carences de spécialité face auxquelles l’Etat ne peut opposer de concurrence» nous dit le rapport… Bref, l’enseignement supérieur privé n’est admis qu’à titre de remplaçant. Il n’est qu’un supplétif de l’Etat Enseignant. Il est tout entier soumis à son bon vouloir. Car, comme d’habitude, l’Etat « identifie », « agrée », « précise », « autorise », « fixe »… nous dit encore le rapport.
C’est toujours la même logique du moule unique, cette logique dépassée et combien mortifère pour tant et tant de générations d’élèves et d’étudiants.
Comme si la liberté de l’enseignement n’avait pas valeur constitutionnelle depuis fort longtemps en France comme dans les autres pays de l’Union européenne.
Comme si l’Etat n’avait pas déjà perdu, de fait, son monopole pour la collation des grades et des diplômes comme le juge désormais la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE, 13 novembre 2003, Valentina Neri, aff.
C-153/02) ou comme le permet tout simplement la conjugaison de la liberté d’établissement et du principe de l’équivalence des diplômes sur le territoire de la Communauté européenne.
En clair, l’enseignement supérieur privé le plus dynamique aura contourné tout seul les rigidités françaises sans que nos élus ne s’en aperçoivent. Comme d’habitude, ils n’auront rien vu venir.
Vision passéiste, ambition au rabais, en tout cas décalée au regard des enjeux mondiaux et européens, méconnaissance des régimes juridiques des universités françaises et européennes, ignorance même des modalités élémentaires de fonctionnement du système universitaire actuel … comment ne pas manifester au moins de la colère devant de tels documents ?
Pourtant les solutions existent, et le rapport, rendons-lui cette grâce, en évoque une ou, soyons généreux, peut-être deux. Telle est notamment l’hypothèse de la Fondation, technique qui fonctionne parfaitement bien chez nos voisins et de l’autre côté de l’Atlantique.
Mais encore faudrait-il que les fondations ne soient pas elles-mêmes aussi ficelées juridiquement et financièrement que le sont les fondations françaises au regard des fondations étrangères ou des institutions équivalentes. Là encore, la liberté n’est pas de règle, loin s’en faut. Et, le rapport Chartier n’entend pas revenir sur de tels carcans.
Faudra-t-il attendre que les universités étrangères aient totalement conquis le meilleur de notre enseignement supérieur pour que nous acceptions enfin de faire bouger les lignes ?
Il sera malheureusement trop tard, car chacun sait bien qu’en attendant, les meilleurs de nos étudiants, comme les plus brillants de nos chercheurs, s’en vont ailleurs… pour ne plus revenir.
Recteur Armel Pécheul
Le rôle de la société civile dans la gouvernance de l’éducation
Sous ce titre l’OIDEL organise du 9 au 11 septembre, à Saint-Jacques-de-Compostelle un symposium réunissant des représentants des parents, des professeurs, et plus généralement de la société civile, secteur privé et autorités publiques.
L’objet du symposium est de réfléchir aux conséquences pour le système éducatif du développement en Europe de ce que l’on appelle : « la société de la connaissance ».
Le vendredi 9, est consacré à une visite du musée pédagogique de Galice.
Le débat du samedi matin portera sur la politique de l’éducation, vue sous l’angle des rapports entre la société civile, l’Etat et l’entreprise privée. La séance sera présidée par G. Haddad, directeur de la division de l’enseignement supérieur de l’UNESCO et le rapporteur sera A. Fernandez, directeur général de l’OIDEL.
La séance du samedi après-midi sera consacrée aux modèles de participation de la société civile dans l’éducation. Elle sera présidée par C. Currás, ministre de l’éducation du gouvernement de Galice et aura pour rapporteur
Ch. L. Glenn, professeur à l’université de Boston.
La séance du dimanche, intitulée Promouvoir une éducation compétitive pour la société de connaissance : normes internationales et normes nationales, sera présidée par M. Mafuro, vice-président du Parlement européen. Le rapporteur en sera le recteur Armel Pécheul.
Les langues de travail seront l’espagnol et le français. Les droits d’inscription sont de 30 € (10 € pour les étudiants).
OIDEL
32, rue de l’Athénée
par Jean-Daniel Nordmann, Ad Solem, 2004, 160 pages, 20 €.
L’école, de façon générale, est en crise. Quant à l’école catholique, elle connaît à la fois cette crise générale et une crise propre, qui touche à son identité et à sa vocation. Or dans toute crise se présente une tentation : vouloir la résoudre en se contentant de changer certains modes de fonctionnement, voire l’ensemble de l’organisation, mais sans s’interroger sur l’essentiel. Par exemple, pour l’école, on cherchera à améliorer la pédagogie, à renforcer l’autorité des professeurs, on modifiera les effectifs des classes, on créera de nouvelles activités, etc. Toutes choses qui peuvent être tout à fait légitimes, mais ne peuvent suffire à résoudre véritablement une crise importante. Pour cela, il faut s’interroger sur les fondements.
C’est ce que fait Jean-Daniel Nordmann. Sa réflexion contraste avec certaines interrogations timides sur l’identité de l’école catholique ! Il pose d’emblée le principe qui doit guider la réflexion : la finalité de la vie humaine est d’aller au Ciel ! Un lieu de formation comme l’école catholique peut-il s’organiser sans tenir compte de cette finalité, mieux, sans que cette finalité détermine effectivement les moyens concrets qui vont être mis en œuvre ? L’école catholique, dit Jean-Daniel Nordmann, « peut et doit formuler de façon explicite son projet d’ouvrir devant l’enfant une perspective d’humanisation ascensionnelle, qu’en théologie on nomme divinisation ». Pour que ce projet ne reste pas sans fruits, il importe aussi de considérer de façon réaliste l’humanité de l’enfant, en se dégageant de conceptions erronées qui faussent le projet pédagogique (méconnaître, par exemple, la nécessité de pratiquer les vertus morales pour grandir).
L’auteur a une riche expérience de l’enseignement et de la direction d’établissement. En 1997, il a créé l’École La Garanderie. Parmi les publications qui existent aujourd’hui sur ce sujet, son livre est certainement l’une des plus pertinentes. On appréciera particulièrement la grande cohérence de sa pensée, de la mise en valeur des principes aux applications les plus concrètes, dans tout ce qui constitue l’organisation de l’école et la relation éducative.
Florence Eibl
Nous remercions bien vivement la rédaction de la revue La Nef de nous avoir autorisés à reprendre la « Note de lecture » publiée dans son numéro 159 d’avril de l’ouvrage du directeur général adjoint de l’OIDEL
.
La Nef
, BP 48, 78810 Feucherolles. Tél. : 01 30 54 40 14
Consultez notre site Internet : www.enseignementliberte.org
Plus d'articles... |