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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 10 - 4ème trimestre 1985
LES AVEUX M. Chevènement est un homme comblé. Il a réussi un prodige : l’an dernier, il s’est miraculeusement métamorphosé en restaurateur de cette école républicaine, élitiste et patriote, dont on avait apprécié les vertus et qu’il savait adapter aux temps modernes, et en pacificateur de la querelle scolaire. Depuis, personne ne semble avoir reconnu le révolutionnaire marxiste-léniniste qu’il était, et qu’il demeure, sous le déguisement en Jules Ferry de l’ère des ordinateurs. Tout le monde l’approuve, même les électeurs de l’opposition : parmi les plus déterminés d’entre eux - ceux qui votent pour M. Le Pen - on en trouve 84 % auprès desquels il est populaire ! Seuls quelques instituteurs gauchistes, nostalgiques de 68, renâclent, car on leur demande d’apprendre la Marseillaise à leurs élèves. Mais soyons rassurés : ils ne sont plus déjà qu’une poignée à troubler cette belle unanimité du peuple français enfin rassemblé autour de son ministre de l’éducation nationale. On doit d’autant plus admirer ce résultat qu’il a été obtenu à moindres frais. Que fait M. Chevènement ? Exactement ce que faisait son prédécesseur. Ce qui avait valu à celui-ci d’être honni des Français et, en définitive, chassé un beau soir de juillet 1984, fait qu’on se bat pour couronner de lauriers son successeur. La même politique, donc, mais plus habilement, plus discrètement conduite, accompagnée d’un autre discours. M. Chevènement ne se vante-t-il pas d’être de "ces hommes de gauche qui parlent le langage de la France et de l’intérêt national" ? Paris valait bien une messe et le destin national d’un ministre une Marseillaise. Admirons la puissance du verbe et ne reprochons pas trop à nos concitoyens d’être des naïfs. Après tout, leurs leaders politiques les ont-ils éclairés ? Sont-ils si courageux lorsqu’il s’agit d’attaquer M. Chevènement ? Toutefois, M. Chevènement a un défaut. Il en fait trop. Il est semblable à ces criminels endurcis qui ont élevé le crime au niveau des beaux-arts, prennent un malin plaisir à braver la police et la provoquent jusqu’au jour où ils se font pincer. Non seulement il nous conte par le menu les circonstances du dernier crime qu’il a commis, mais il nous prévient de l’heure et des conditions de ses prochains exploits. Ou - si vous préférez - pour filer encore la métaphore juridico-policière, il est passé à des aveux, complets et spontanés, comme doivent l’être tous les aveux ! Ces aveux nous les avons eus en primeur et en direct au cours de l’Heure de Vérité dont on avait bien voulu nous gratifier, le 2 octobre ; et comme leur auteur craignait visiblement que ses paroles s’envolassent, il les a réitérées par écrit dans Le Pari sur l’Intelligence, ouvrage publié avec l’aide de deux comparses (Hamon et Rotman). Autrement dit, le ministre persiste et signe. Nous pouvons donc désormais juger sur pièces et, sans construire nul procès d’intention, proposer simplement à nos lecteurs du Chevènement expliqué par Chevènement lui-même. Qu’est donc cet animal si rassurant qui a "les oreilles en figure aux nôtres pareilles", à en croire tous les souriceaux d’opposition ? ·Chevènement, pacificateur de la querelle scolaire ? N’a-t-il pas substitué au projet Savary qui intégrait les établissements privés dans le service public unifié, c’est-à-dire en fait les nationalisait, quelques mesures simples et pratiques exigées par la réactualisation de la législation antérieure et acceptables par tous ? Ce n’est pas ainsi que l’intéressé présente les choses. Certes, il déplore que son prédécesseur, dont il dit, non sans condescendance, qu’"il a fait ce qu’on lui demandait de faire" (p. 119) 1 ait voulu régler globalement le problème, qu’il ait notamment proposé aux maîtres du privé une titularisation sur place dans la fonction publique qui leur aurait conféré un privilège par rapport à leurs collègues du secteur public. De même sont abandonnées dédaigneusement les dispositions relatives aux E.I.P. (Établissement d’Intérêt Public) auxquelles étaient consacrées trois pages qui, dépouillées du bavardage inutile, sont facilement "ramenées à une ligne" (p. 127). Mais sur le fond y a-t-il quelques différences entre le projet Savary et le projet Chevènement ? Aucune : "j’ai arrêté un certain nombre de dispositions simples et pratiques qui, à mon sens, reprenaient tous les points positifs du projet Savary" (p. 127). Le président (Mitterrand) se contente de ces "mesures simples et pratiques qui reprennent d’ailleurs tous les points positifs contenus dans le projet Savary" (p. 119). M. Chevènement sait distinguer l’essentiel de l’accessoire : indépendamment de l’assainissement de quelques contentieux (au bénéfice des laïcs, bien entendu), il a maintenu les deux dispositions majeures du projet Savary. D’abord le principe des crédits limitatifs. Il a fait en sorte que "les établissements privés ne puissent se créer en dehors des schémas prévisionnels... de façon à éviter les doubles emplois et les gaspillages antérieurs" (p. 126). Entendons bien cela : les écoles publiques pourront se vider si par leurs choix les parents manifestent leur préférence pour l’enseignement privé. Grâce aux "mesures simples et pratiques", on n’ouvrira pas pour cette raison une seule classe supplémentaire dans le privé. La seconde mesure concerne la procédure de nomination des maîtres : "Pour garantir l’emploi de ces derniers, j’ai rétabli la nomination par le recteur après avis des chefs d’établissement" (p. 127). Passons sur le motif invoqué : il ne trompera aucun initié, mais aux yeux du grand public il constitue une intention louable. En réalité, cette simple mesure, qui abroge la loi Guermeur, met l’enseignement privé sous tutelle de l’Etat dans l’exercice de cette liberté fondamentale qu’est le choix de ses maîtres. Bridée dans son expansion, terrorisée par la menace que constitue d’une façon permanente la pesante tutelle rectorale, l’école privée est-elle encore libre en France ? Je laisse à chacun le soin d’en juger. Mais, dira-t-on, les partenaires de M. Chevènement ne sont-ils pas satisfaits de ces mesures simples et pratiques ? Lors de son adoption, l’U.N.A.P.E.L. n’a que mollement protesté et on la voit aujourd’hui nous prier instamment de ne pas rouvrir les plaies mal cicatrisées, souhaiter qu’on évite de soulever la question scolaire à l’occasion de la campagne des législatives ! Certes, mais qui est dupe à l’heure actuelle ? Tout le monde sait que les dirigeants de certaines organisations, dont la vocation est pourtant de défendre la liberté de l’enseignement, ont mis au premier rang de leurs soucis depuis 1981 de ne pas nuire au gouvernement socialiste. A peine les manifestants du 24 juin étaient-ils rentrés dans leurs logis, persuadés d’avoir enterré le projet Savary, que des négociateurs discrets reprenaient le chemin de la rue de Grenelle. Il y a tout lieu de croire que plutôt que de songer à exploiter leur avantage, ils avaient souci d’exprimer au ministre leur désolation de n’avoir pas su tenir leurs troupes en main. Peut-être même les pauvres gens ont-ils présenté leurs excuses. Toujours est-il que les contacts étaient renoués et le projet Savary qu’on croyait enterré aurait-il, tel le Phœnix, connu une renaissance, si M. Savary n’avait pas été congédié... Je n’invente rien. Cette fois ce n’est pas M. Chevènement qui parle, mais son prédécesseur qui, n’ayant plus rien à perdre, moucharde sur le compte de ses complices d’hier. (Ceux qui ont la faculté de résister aux vertus soporifiques de la prose d’Alain Savary pourront trouver les textes exacts notamment dans les dernières pages de son testament ironiquement intitulé : En toute liberté.) La cause doit être entendue : les fameux partenaires de l’enseignement catholique sont des témoins auxquels il faut n’accorder qu’un crédit extrêmement limité. L’interprétation la plus charitable de leur attitude consiste à déplorer leur naïveté... La loi Chevènement se distingue du projet Savary par un seul trait : l’absence de titularisation des maîtres qui constituait une mesure très grave parce qu’irréversible. Pour les autres dispositions, selon son auteur, elle ne fait que reprendre le projet antérieur. M. Chevènement n’a donc rien pacifié ; il a simplement su profiter de la lassitude et du désarroi de ses adversaires pour imposer sa volonté sans éclats inutiles. ·M. Chevènement, défenseur de l’élitisme républicain, partisan des notes, des mentions, de la sélection, de l’effort, contre les utopistes de 1968 ? Est-ce bien certain ? Sans doute se dit-il hostile au nivellement par l’école, hostile à l’égalitarisme. Il ne veut pas que l’école ait pour fonction "de façonner des enfants qui sont tous pareils" et il n’hésite pas à calquer son vocabulaire sur celui du Club de l’Horloge qui parlait dans l’ouvrage de Didier Maupas (L’école en accusation, Albin Michel) de "sélection républicaine". Mais cette hostilité au nivellement scolaire a surtout dans sa bouche une signification théorique. Elle renvoie à la position propre à M. Chevènement dans l’une de ces obscures querelles qui opposent entre eux les marxistes. Il existe une secte marxiste, largement inspirée par Gramsci, à l’origine du mouvement de mai 68, dont Pierre Bourdieu ou Louis Legrand sont des représentants typiques, qui considère les facteurs culturels comme déterminants dans le maintien du régime capitaliste ; pour eux l’école bourgeoise est nécessaire pour permettre à la division en classes de se "reproduire" et au régime capitaliste de se maintenir. La substitution d’une école égalitaire à l’école bourgeoise serait en conséquence le moment essentiel dans la révolution qui doit nous faire passer au régime communiste. M. Chevènement ne verse pas dans une telle utopie. Certes, il ne nie pas que l’école puisse avoir ce rôle conservateur, mais c’est pour ajouter qu’elle a également d’autres fonctions - par exemple transmettre les savoirs nécessaires à la production - qui exigent pour être correctement exercées qu’elle ne soit pas strictement niveleuse. De plus, il ne croit pas que la façon la plus habile de faire la révolution soit d’imposer l’école égalitariste. En cela, il est d’ailleurs plus réaliste et probablement plus fidèle à la pensée de Marx que ses adversaires. Tel est l’origine de l’"élitisme" de M. Chevènement, origine qu’il faut connaître pour apprécier judicieusement sa position. Il s’ensuit que cet "élitisme" a des limites très étroites. M. Chevènement se plaît à répéter que dans l’expression élitisme républicain "pour lui l’adjectif est plus important que le substantif", que "la réduction des inégalités sociales par l’école et l’élitisme républicain sont une seule et même chose" (p. 169). L’élitisme républicain signifie simplement que l’on ne s’astreindra pas à nier toute différence entre les aptitudes des élèves ou à abroger toute hiérarchie entre les résultats qu’ils obtiennent. Mais M. Chevènement maintient la thèse classique chez les marxistes selon laquelle les différences d’aptitude sont très largement d’origine sociale : "les racines de l’inégalité sont dans la société", et d’en tirer la conséquence commune : il faut une scolarisation très précoce (vers 2-3 ans) et très longtemps uniforme pour que s’efface l’essentiel des différences dues à l’influence inégale des familles (p. 141, notamment). Le "Vive l’école" de Chevènement signifie aussi "A bas la famille". D’où les conséquences pratiques. Parce qu’il avait parlé d’"élitisme républicain", les Français espéraient que M. Chevènement supprimerait le collège unique, uniformisateur entre 11 et 15 ans, qu’il autoriserait un choix par les parents de l’enseignement le mieux adapté aux goûts et aux aptitudes de leurs enfants, qu’on en finirait avec les classes hétérogènes, etc... Ils n’auront rien de tout cela. Jusqu’à 15-16 ans, le tronc commun sera maintenu. Le B.E.P.C. qui est situé au terme des années de collège est fixé comme "point de rendez-vous pour tous les élèves" (p. 138). L’espoir caressé quelque temps de voir un bilan des connaissances instauré à la fin de la scolarité élémentaire, pour permettre une répartition des élèves dans les collèges selon leur niveau, s’est évanoui en fumée ! M. Chevènement aurait-il en la matière essayé d’innover et il se serait heurté au syndicat des instituteurs qui tient au tronc commun qui a permis à ses adhérents d’envahir le corps professoral des collèges : le ministre n’a pas poussé l’héroïsme jusqu’à tenter l’épreuve de force. Il n’y aura pas d’assouplissement de la carte scolaire, ou très peu (p. 165). L’école "à plusieurs vitesses" est proscrite jusqu’à 16 ans (p. 171). Bref, l’égalitarisme a de beaux jours devant lui, malgré l’élitisme proclamé. Après 16 ans, il y aura bien entendu une certaine différenciation dans le contenu des enseignements. Mais M. Chevènement a proclamé son ambition de porter de 40 % à 80 % l’effectif d’une classe d’âge qui accédera au niveau du baccalauréat (p. 141). Le plan Langevin - Wallon de 1947, bible de la gauche, dont il faut rappeler qu’il est l’œuvre d’une commission présidée par deux communistes qui lui ont donné leur nom, prévoyait la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. En près de 40 ans, par un grignotage incessant, les syndicats d’enseignants ont obtenu sa mise en application progressive. La scolarité obligatoire restant toutefois fixée à 16 ans, une dernière étape restait à franchir : passer de 16 à 18 ans. Elle sera réalisée dans les faits, avant de l’être dans la loi, grâce au talentueux Chevènement et à sa réforme des lycées. Il est vrai que techniquement ce dernier projet est si irréalisable et si absurde - puisqu’il prévoit, entre autres mesures, (au nom de l’élitisme ?) de priver tous les bacheliers littéraires d’enseignement des sciences expérimentales dès la classe de première - qu’il a provoqué un tollé général dès sa présentation. Il est apparu que, sous le prétexte démagogique de lutter contre l’abus des mathématiques dans les procédures de sélection, c’était la sélection elle-même qui était systématiquement refusée. Les masques finissent toujours par tomber. Mais comme, pour un socialiste, la prolongation de la scolarité est un bien en soi, pourquoi s’arrêter à 18 ans ? En fait, tout est prévu : il n’y a pas lieu d’instaurer une sélection à l’entrée des Universités ; le baccalauréat suffit pour assurer de l’aptitude à poursuivre des études supérieures (p. 167). Quand on sait que l’enseignement supérieur n’a qu’un droit de contrôle tout théorique sur le baccalauréat, que M. Chevènement tient à multiplier les bacheliers, que les études supérieures sont pratiquement de durée indéfinie, la conséquence est manifeste : ce sera l’école pour tous jusqu’à l’âge de la préretraite. C’est ainsi que le moderniste Chevènement a trouvé le remède radical pour améliorer les statistiques des demandeurs d’emploi. Chacun sait d’ailleurs que ce remède est déjà appliqué, sur une vaste échelle, à l’heure actuelle. Ai-je vraiment besoin de conclure au sujet du prétendu élitisme de notre ministre ? ·Dernier mérite reconnu à Monsieur Chevènement : son patriotisme. Il aurait restitué à l’école le rôle fondamental qui doit être le sien dans le maintien de l’unité nationale et dans la formation du sens civique. Non seulement il a rétabli l’enseignement de l’histoire, mais il a eu le courage de rétablir, dès l’école primaire, celui de l’éducation civique. Tous les bons esprits, notamment d’opposition ont applaudi cette initiative. Leur bel enthousiasme a dû un peu se tempérer lorsqu’on a attiré leur attention sur le contenu de cet enseignement. Dans un remarquable article de Figaro-Magazine (en date du 21 septembre 1985), Henri Amouroux alertait ses lecteurs au sujet des cinq manuels publiés aux éditions Magnard et destinés à toutes les classes du Cours Préparatoire au Cours Moyen deuxième année. Le moins qu’on puisse dire est que ces manuels, au demeurant bien faits apportant une information considérable, peut-être trop complète et difficile à assimiler par de jeunes esprits, sont étrangement orientés. Est-il normal qu’on présente systématiquement le divorce, ou le concubinage, comme des situations familiales normales (sous prétexte, je suppose, que des cas semblables se rencontrent dans la classe) ? Tous les parents approuveront-ils qu’on enseigne à des enfants de moins de 11 ans que "par la contraception, les femmes maîtrisent leur droit à donner la vie" (C.M.2, p. 35) ? 2 . Sans soulever la question éthique, remarquons que qualifier de "droit" ce qui est, jusqu’à nouvel ordre, une faculté dont les femmes sont redevables à leur nature, relève de la confusion conceptuelle : la volonté de propagande aboutit toujours à la désintégration intellectuelle. Est-il sensé de faire réfléchir des enfants sur les sondages d’opinion ? Il est vrai que c’est pour enseigner que le Figaro en présente les résultats de façon biaisée et qu’un sondage sur la peine de mort ne serait pas probant (C.M.1, p. 27). Quand il s’agit de bourrer le crâne, rien n’est jugé trop difficile pour être accessible à l’entendement d’un enfant. Le comble est atteint en la matière par cette question que le maître est convié à soumettre aux élèves du C.E.2 (8-9 ans !) : "Pourquoi y a-t-il deux assemblées (p. 87) ?" J’attends avec intérêt les dissertations de ces juristes décidément très précoces sur les avantages et inconvénients du bicamérisme ; mais on a compris l’intention : aucune raison ne justifie l’existence de l’épouvantable Sénat. Est-ce former la conscience morale des enfants que d’écrire (C.M.1, p. 71) "la délinquance, c’est-à-dire les petits délits, les vols" ? En quoi un vol est-il un petit délit ? Pourquoi dans la leçon consacrée à la justice (C.M.2, p. 24-25) donner comme seul exemple la condamnation d’un patron qui a pollué l’environnement ? Est-ce donc le type de délit le plus fréquent ? Pourquoi parler de la substitution des travaux d’intérêt général à la prison, si ce n’est parce qu’on est favorable aux réformes de Monsieur Badinter ? Je trouve enfin scandaleux qu’on aborde dans la même leçon la question de la peine de mort en citant simplement un texte du député R.P.R. Pierre Bas qui défend - ce qui est d’ailleurs son droit - ses opinions abolitionnistes, mais dont le plaidoyer n’a pas à figurer dans un manuel destiné à tous les petits Français et encore plus scandaleux qu’on propose la question suivante : "Pourquoi la peine de mort n’est-elle pas acceptable dans une civilisation comme la nôtre ?" Question piégée parce qu’elle préjuge de la réponse apportée à un problème qui divise les Français. Je pourrais poursuivre, mais j’arrête cette énumération pour en venir à l’essentiel. Comme un thème obsessionnel, sous prétexte de lutter contre le racisme, on prépare les enfants à vivre dans une société multiculturelle et à accepter de voir le nombre des immigrés se multiplier. Et là, tous les moyens sont bons. D’abord cette société est déjà la nôtre. Et on commence la propagande très tôt : "Nous, la classe multicolore" (C.E.1, p. 26). On propose une estimation du nombre des immigrés dont je ne suis pas certain qu’elle soit celle de Madame Dufoix : 7 millions (C.M.1, p. 91). D’ailleurs, il en aurait toujours été ainsi : un Français sur trois est d’origine étrangère si on remonte à la troisième génération : "Le gouvernement sait (admirons l’argument d’autorité !) que la France a toujours été faite d’étrangers" (C.M.1, p. 95). Aussi a-t-il édicté de bonnes lois, dûment répressives - car dans ce cas unique la répression est nécessaire et légitime - loi dont on cite intégralement le texte (qui date d’ailleurs de 1972) avec gourmandise (C.M.2, p. 47), de même que sont appelés en renfort Bernard Stasi et Jacques Gaillot, évêque d’Evreux, qui aime tant signer les pétitions avec les communistes ! Apparaissent comme des illustrations obsédantes la photo de Desmond Tutu, et, bien sûr, la fameuse main du pote (C.E.2, p. 75 ; C.M.2, p. 47). Et comme dans la véritable éducation morale, il faut passer de la réflexion à l’action, on communique les adresses des bonnes associations : "Droits de l’Homme et Solidarité", "Amnesty International" (dont on signale qu’elle fut créée par un avocat anglais mais dont on oublie de dire que son président à beaucoup de sympathie pour le communisme) et, bien entendu, l’inévitable "S.O.S. Racisme". Ces informations sont données sous la rubrique Agissons. On objectera qu’il s’agit sans aucun doute d’un manuel partial, marqué par la pensée tiers-mondiste (les échanges avec le tiers-monde sont naturellement tenus pour inégaux (C.M.2, p. 86)), mais que Monsieur Chevènement ne peut être tenu pour responsable du dévoiement des programmes qu’il avait proposés. Seuls les auteurs retenus par les éditions Magnard seraient coupables. Je tiens l’objection pour sans fondement. Je dis que pour le moins les programmes ministériels autorisent une telle interprétation et même qu’ils l’appellent naturellement. Lorsqu’on inscrit au programme "la reconnaissance des autres cultures et civilisations", nous fera-t-on croire sérieusement qu’on attend autre chose que ce qui est proposé ici ? Lorsqu’on inscrit successivement les deux questions suivantes : "la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen : 1789 ; la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : 1948" (celle de l’O.N.U.), on encourage la lecture proposée ici qui consiste à dire que la seconde déclaration prolonge et approfondit la première, qu’elle lui est préférable, car elle instaure la démocratie sociale et reconnaît de nouveaux droits "à réaliser" (C.M.2, p. 83). Fera-t-on croire sérieusement qu’un élève du cours moyen peut saisir les subtilités de la notion des Droits de l’Homme et comprendre, par exemple, que les droits de 1948 sont des droits sociaux, droits ouvrant des créances sur la société en général, qui fondent des revendications vagues et indéfinies, alors que ceux de 1789 sont des garanties de liberté réservées aux seuls citoyens, droits politiques et non droits sociaux. Telle est du moins la thèse d’Hayek, dont je partage l’opinion. Je veux bien qu’on parle de telles notions et des problèmes qu’elles soulèvent mais lorsque les élèves seront capables de les aborder, par exemple dans le cadre d’un cours de philosophie en classe de terminale. Les traiter de façon extrêmement prématurée, c’est favoriser un enseignement qui ne peut être d’intelligence et qui nécessairement sera d’endoctrinement. La règle d’or en la matière est qu’on ne doit absolument pas parler de ce qui dépasse les capacités intellectuelles d’un élève normal. Elle a été violée. De même que par la nature des questions soulevées - qui divisent le peuple français - on contraignait les maîtres à violer l’autre règle d’or - celle de Jules Ferry - qui est qu’un maître ne doit jamais rien dire qui puisse choquer les convictions d’une seule des familles qui lui ont confié leurs enfants. Monsieur Chevènement savait qu’il violait l’une et l’autre de ces règles et qu’il encourageait des manuels du genre de ceux dont nous avons parlé. C’est en cela qu’il est coupable. Non seulement il rendait licite le monstrueux endoctrinement dont nous venons de parler, mais il le souhaitait. La preuve en est qu’il l’a avoué. J’invite à lire dans le Pari sur l’Intelligence les pages 223 à 229. Je retiens simplement ici que M. Chevènement en est à espérer que la France soit demain "l’une des sources d’un Islam vraiment progressiste" (p. 224), comme si c’était sa vocation propre, qu’il tient "les pays arabes ou lusophones" pour "la jeunesse du monde" (p. 227), la France étant, je suppose, beaucoup trop vieille à ses yeux. Enfin qu’il estime nécessaire de revoir l’ensemble de nos programmes "en histoire, en géographie, en éducation civique notamment" pour tenir compte de l’apport des populations étrangères (p. 225). J’achèverai par cette déclaration où il définit parfaitement son objectif : "forger une personnalité (de la France) renouvelée, en fonction non pas d’une normalité rétrospective, mais d’un avenir commun à construire" (p. 225). La France d’aujourd’hui ne l’intéresse pas ; seule compte à ses yeux celle qui apparaîtra peut-être demain et qui sera conforme à son idéologie. Est-ce donc là le ministre patriote, soucieux de préserver l’unité et l’identité nationale que certains s’acharnent à voir en lui ? ·Aussi longtemps que les socialistes gouverneront, rien de positif ne sera fait, ni en faveur de la liberté de l’enseignement, ni en faveur de sa qualité, ni en faveur de sa neutralité. Il nous reste à faire en sorte que ceux auxquels les Français choisiront demain de confier le sort de leur patrie, son avenir, c’est-à-dire l’avenir de sa jeunesse, ne faillissent pas à leurs devoirs. Dès maintenant, Enseignement et Liberté demandera à ceux qui solliciteront nos suffrages des engagements précis sur tous les problèmes qui nous tiennent à cœur depuis la création de notre association. Il va sans dire que nous vous communiquerons en temps utile les réponses qui nous seront apportées. Il restera alors à chacun de juger en conscience, comme il convient à des citoyens libres de le faire. Maurice BOUDOT. ENSEIGNEMENT PRIVÉ : L’ÉTOUFFEMENT EN DOUCEUR. Après les affrontements de 1984, et le retrait du projet de loi SAVARY, les défenseurs de l’école libre ont poussé un soupir de soulagement : nos écoles conservent le droit de vivre, ont-ils pensé. Oui, bien sûr, mais elles sont en sursis. Deux données suffiraient à le comprendre :
UNE LIBERTÉ EN SURSIS. L’enseignement privé ne pourra continuer longtemps à supporter ces inégalités de traitement. Il est destiné à devenir l’enseignement des riches ou à disparaître. L’année scolaire 1985-1986 est, en fait, la première d’un début d’application de la nouvelle législation qui repose, pour l’enseignement privé, sur deux textes :
Le statut juridique de l’enseignement privé se trouve ainsi écartelé entre, d’une part des dispositions de la loi de Finances, révocables chaque année, et, d’autre part l’application d’une décentralisation régionale qui ne semble marquée ni par la clarté ni par le succès. Il faut souligner que la décentralisation de l’enseignement a été réalisée par une loi spéciale, et donc indépendante du reste de l’édifice. En outre demeurent applicables à l’enseignement libre :
Il n’est vraiment pas commode de s’orienter dans ce maquis. Mais le trait caractéristique principal de ce statut légal est sa précarité. Or le Ministère de l’Éducation Nationale veut accréditer l’idée que le gouvernement s’est contenté d’obtenir du Parlement un aménagement de la législation antérieure en fonction des nécessités financières (crédits limitatifs) et de la décentralisation régionale, par de simples mesures pratiques qui ne toucheraient pas au principe de la liberté ; la guerre scolaire serait désamorcée et même la paix assurée. En fait, bien que le nouveau régime ne soit mis en place que depuis trois mois à peine, les intentions réelles apparaissent derrière les décisions de détail. Tout se passe comme si, sous l’apparence d’un "compromis historique" auquel certains défenseurs de l’enseignement libre rêvent de se rallier, la puissante institution de l’Éducation Nationale, qui perdure à travers tous les changements politiques, avait décidé : a) de brider l’enseignement privé dans son avenir par deux méthodes :
b) de limiter les effectifs de l’enseignement privé, et d’abord d’arrêter leur progression, en les tarissant à leur source, surtout par la comédie des "crédits limitatifs". Tout n’est certes pas nouveau dans cette tactique ; mais il faut prendre conscience de ce qu’elle est plus habilement appliquée. Et il faut que le Parlement veuille en 1986 un vrai changement dans le sens d’une vraie liberté. L’AVENIR COMPROMIS DE L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ. Affaiblir l’autonomie de décision des établissements privés semble l’un des objectifs du Ministère. 1) La désignation des maîtres dans les établissements sous contrats d’association pour la rentrée de septembre 1985 s’est effectuée, en fait, encore sous le régime de la loi Guermeur de 1977. La situation était jusqu’à présent bloquée puisque les "commissions consultatives mixtes" prévues par le décret N° 85727 du 12 juillet 1985 dans chaque académie pour examiner les candidatures n’étaient pas mises en place. Elles viennent d’être élues et des nominations pourront intervenir au 1er trimestre 1986 pour la rentrée suivante avant toute réforme de la loi et des décrets et dans une période où d’autres soucis occuperont l’opinion. D’ailleurs, l’autorité académique dispose d’un pouvoir quasiment arbitraire :
L’arbitraire est presque total. 2) Ce n’est pas seulement la conclusion des contrats d’association ou leur extension à de nouvelles classes qui sont soumises au bon plaisir du ministère dans le cadre, d’une part des crédits limitatifs de la loi de Finances, et, d’autre part, pour le second degré, des schémas prévisionnels, plans régionaux et cartes de formation (article 18 27/3 de la loi du 25 janvier 1985). Une résiliation de ces contrats peut intervenir d’après des critères d’appréciation purement arbitraires en invoquant la planification des formations (article 18 27/6 de la même loi). Bien entendu, cet arbitraire n’a pas encore pu se manifester, mais il plane comme une épée de Damoclès sur l’existence des établissements privés. Il contribue nécessairement à rendre leurs dirigeants plus compréhensifs vis-à-vis du Ministre et spécialement de ses services. Est-ce cela la liberté ? Entraver la modernisation de l’enseignement privé paraît un autre objectif destiné à compromettre son avenir. 1) Carrière et formation des maîtres. Il est d’abord évident que les incertitudes qui planent sur l’enseignement libre ne sont pas de nature à susciter des vocations d’enseignants en sa faveur (surcharge des classes, limitations du nombre des postes par rapport aux besoins...). Les refus divers ou les limitations de crédit pour leur formation ne sont pas pure coïncidence et trahissent des intentions :
2) Pour l’équipement en matériel, surtout informatique, l’enseignement privé est aussi sacrifié. Il ne reçoit rien alors que le budget de l’État réserve à l’enseignement public un crédit de 577,13 millions de francs intitulé "technologies nouvelles et dépenses pédagogiques". Certes l’informatique n’est pas une panacée : elle constitue un moyen utilisable pour le meilleur et pour le pire, y compris la manœuvre politicienne. Mais l’enseignement libre ne doit pas s’en laisser priver et se faire marginaliser sur ce point. 3) Des sommes importantes sont affectées chaque année aux constructions et à l’équipement de l’enseignement public ("Dotation régionale d’équipement scolaire. Dotation départementale d’équipement des collèges"). Le budget de l’Etat fixe des autorisations de programme pour 1986 afin de verser :
Les établissements privés ne disposent d’aucun subside d’Etat correspondant. La décentralisation aurait dû leur apporter une possibilité de recevoir des crédits de ce type de la part des collectivités locales : mais le Ministère de l’Education Nationale s’y oppose par une interprétation extraordinairement restrictive et contestable de la loi. La discrimination est flagrante et l’avenir s’en trouve gravement obéré. LES ENTRAVES A LA DEMANDE D’ENSEIGNEMENT LIBRE. Il est permis de supposer qu’existe une consigne officieuse du Ministère de l’Education Nationale qui tendrait à tarir progressivement à leur source les effectifs de l’enseignement privé, quitte à laisser plus ou moins survivre, vaille que vaille, les établissements qui existent (ceci afin d’éviter de soulever des vagues au niveau politique). Le Ministère ne peut pas ne pas s’inquiéter de l’augmentation du flux net des transferts de l’enseignement public vers l’enseignement privé (d’après le document N° 2987 de l’Assemblée Nationale, le solde net en faveur du privé a atteint 41.300 en 1981/1982, 62.600 en 1982/1983, 72.600 en 1983/1984 et 83.500 en 1984/1985, rien que pour le second degré. Ces chiffres auraient été beaucoup plus élevés si les vœux des parents avaient été respectés. Les moyens utilisés pour endiguer le flot sont discrets mais assez efficaces. 1) La petite guerre inavouée. Elle est conduite par une série de décisions dont aucune n’est spectaculaire.
2) Le résultat de cette tactique s’est traduit par de nombreux refus d’inscription dans l’enseignement privé, qui ne peuvent pas faire l’objet de statistiques. En raison de la politique très spéciale d’apaisement du Ministère, il est impossible d’énumérer tous les endroits où il aurait fallu pouvoir constater ces nombreux refus d’inscription faute de crédits. Il est, en revanche, assez facile de se faire l’écho des plaintes venant de toutes les régions : Amiens, Rouen, Caen, Rennes, Nantes, Versailles, Orléans, Poitiers, Clermont-Ferrand, Reims, Nancy, Dijon, Limoges, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Montpellier, Marseille, Nice,... Et pourtant, avec une augmentation des effectifs de 83.500, les établissements privés paraissent avoir atteint la limite de leurs capacités d’accueil. Malgré cette progression, il faut crier très haut que le besoin scolaire du privé n’a pas été reconnu conformément à la loi. Les parents ont bien été contraints de caser leurs enfants dans un quelconque établissement, même s’il ne répondait pas à leur choix véritable. Et c’est ainsi que s’est fabriquée la rumeur officielle d’une rentrée scolaire paisible tant il est facile d’ergoter sur le "besoin scolaire reconnu". Cet étouffement de la demande a eu pour principal moyen la comédie des "crédits limitatifs". 3) C’est bien de comédie qu’il faut qualifier l’interprétation de l’article 119 de la loi de Finances de 1985. Un budget public est composé normalement surtout de "crédits limitatifs" afin d’éviter des déficits trop élevés, ou des majorations d’impôts ou des emprunts. Mais nul n’ignore que :
A qui serait-il possible de faire croire que les dépenses pour adapter l’enseignement libre à la demande coûteraient plus cher, et présentent un intérêt moindre que celui des dépenses ci-dessus énumérées.
Les quelques millions de francs ou même centaines de millions nécessaires à l’enseignement libre sont hors de commune mesure avec les déficits réels ou dissimulés de l’Etat, et avec les sommes gaspillées en dépenses superflues. Si les crédits n’ont pas été dégagés, en temps utile, c’est que le Gouvernement ne l’a pas voulu bien qu’il l’ait pu. D’ailleurs les crédits dits "limitatifs" de la loi du 29 décembre 1985 ne concernent, d’après la lettre du texte, que la rémunération des enseignants et "en fonction des effectifs d’élèves". En définitive, c’est à une léthargie, puis à une disparition par mort lente, qu’aboutiraient les textes en vigueur, même s’ils étaient appliqués dans un esprit un peu plus coopératif qu’à l’heure présente. Ils laissent trop de latitude à l’arbitraire du Ministère, de ses bureaux et de certaines collectivités locales hostiles à la liberté de l’enseignement. Il est donc indispensable qu’ils soient refondus et qu’un esprit nouveau se substitue à celui qui inspire le comportement actuel du Ministère de l’Education Nationale. L’ambition de ce Ministère d’exercer un monopole sur toutes les formes d’enseignement en France ne date pas d’hier : elle semble demeurer inchangée. A la faveur des circonstances politiques, qu’ils ont cru favorables, ses inspirateurs ont voulu brusquer la manœuvre. Celle-ci était trop visible : les manifestations populaires qui se sont déroulées du 4 décembre 1983 au 24 juin 1984 les ont arrêtés dans leur élan. Mais l’examen des textes et des faits récents qui a été tenté ci-dessus, laisse la conviction profonde que les objectifs n’ont pas changé, si la tactique est devenue plus souple et plus habile. Le législateur issu des élections de Mars 1986 doit s’imprégner de cette conviction, et il lui appartiendra d’adopter de nouveaux textes plus conformes à la volonté de liberté de l’enseignement, tout à fait explicite, de l’immense majorité des Français, au-delà de tous les clivages politiques. Pierre SIMONDET. 1 Toutes les citations renvoient au Pari sur l'Intelligence (Flammarion). Je n'invente rien ; je cite Lettre N° 9 - 3ème trimestre 1985
LA LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
Où en sommes-nous ? Que fait-on à l'étranger ?
Ce neuvième numéro de la Lettre d'ENSEIGNEMENT et LIBERTE paraît dans un format inhabituel et sous une présentation différente.
Nous avons tenu en effet à publier intégralement les exposés des orateurs français et étrangers qui ont pris part à notre colloque du 11 juin 1985 ainsi que l'essentiel des débats qui ont suivi ces exposés.
Nous pensons apporter ainsi une contribution utile à la cause de la liberté de l'enseignement.
Le colloque du 11 juin 1985 a été préparé par un groupe de travail composé de M. André Jacomet, Administrateur d’Enseignement et Liberté, Madame Christine Ranunkel, Attachée de presse, MM. André Labat, Pierre Simondet et Jean Villemain.
SOMMAIRE
- Allocution de M. Alain PEYREFITTE, de l'Académie Française
ALLOCUTION de Monsieur Alain PEYREFITTE
de l'Académie française
L'an dernier, pendant cinq mois, de la fin de janvier à la fin de juin, du défilé de BORDEAUX à la fête parisienne de la liberté, près de 4 millions de marcheurs ont exprimé leur volonté collective, avec la sérénité des justes.
Dans notre pays, qui a pourtant connu tant de bruits et de fureurs, jamais une marée humaine n'avait atteint une pareille hauteur, jamais ne s'était produit un pareil phénomène de civilisation. Depuis la foule en liesse venue fêter la libération de PARIS le 26 août 1944 sur les Champs Elysées, seuls trois autres rassemblements ont eu une ampleur comparable :
A chacune de ces trois manifestations on peut dire que le destin a vacillé. Celle de 1968 a sifflé la fin d'une récréation qui n'avait que trop duré. La deuxième, celle de VERSAILLES, a fait taire un moment les extrémistes de la laïcité et a failli permettre aux négociateurs de trouver le chas de l'aiguille par lequel on pourrait faire passer le compromis. Mais ces extrémistes ayant réussi, au dernier moment, à durcir le texte au mépris de la parole donnée par le gouvernement aux évêques, le troisième rassemblement, celui de la Bastille, a fait voler en éclats, d'abord le projet de loi liberticide et ensuite le gouvernement lui-même qui l'avait préparé.
A ceux qui ont participé à ces journées, on aurait envie, si on ne craignait pas l'emphase, d'appliquer le mot de GOETHE à VALMY – que NAPOLEON devait reprendre, treize ans après, à AUSTERLITZ -, « Vous pourrez dire: j'y étais »...
Par leur détermination calme, ils ont – nous avons, puisque j'imagine que nous y étions tous -détourné le fleuve de l'histoire.
A VERSAILLES, Mgr LUSTIGER avait demandé: "Qui êtes-vous ?". Le Pouvoir s'imaginait peut-être que l'école libre n'intéressait que quelques curés attardés, quelques politiciens réactionnaires, quelques privilégiés, désireux d'élever leurs enfants dans du coton. Or, il suffisait de suivre ces manifestations -particulièrement celle de la Bastille pour constater que toutes les catégories sociales s'y côtoyaient, et que les plus modestes étaient les plus nombreux.
Les manifestants récapitulaient tous les points cardinaux, toutes les provinces, tous les âges, toutes les professions, toutes les couches de la population. Ils illustraient vraiment le mot de BERNANOS « il n'y a pas de peuple de gauche et de peuple de droite ; il n'y a qu'un peuple de France »…C'était bien le "peuple de France" : il avançait en masses souriantes, comme pour une communion solennelle.
Que voulaient ces millions de français ?
Sur nos 10.000 écoles libres, plus de 9.000 sont catholiques. Assistons-nous donc à une recrudescence des luttes de la fin du X1Xème siècle entre cléricaux et anti-cléricaux ? Non. Pourquoi les rues auraient-elles été pleines de militants catholiques, alors que les fidèles sont si rares dans les églises ? C'est que le conflit n'oppose absolument pas les catholiques aux non catholiques, ni même les parents des élèves de l'enseignement privé aux parents des élèves de l'enseignement public. Il oppose les militants d'une laïcité devenue un engagement partisan en faveur d'un monopole sur lequel ils ont mis la main, à tous ceux qui sont inquiets de voir l'enseignement public se dégrader et qui constatent que l'enseignement libre est, comparativement, épargné.
Beaucoup de ceux là même qui ont confié leurs enfants à un établissement public tiennent à pouvoir, s'il le fallait, retirer leurs enfants de l'enseignement public pour les mettre dans un établissement privé. Tous revendiquent le droit pour les familles de décider elles-mêmes de l'éducation qu'elles donneront à leurs enfants.
Au fond, ce qu'ils réclament, c'est moins l'enseignement libre, que la liberté du choix de l'enseignement. Ils refusent de se voir condamnés à l'établissement unique qui pourrait céder à la tentation de l'endoctrinement. Ce qui ne veut pas dire que tous y cèdent, ni même que beaucoup y cèdent. Mais c'est un risque contre lequel chacun veut pouvoir se prémunir. Ils repoussent donc un système irresponsable et aveugle, où les maîtres sont nommés par ordinateur, où les élèves sont affectés par quartier, selon l'adresse de leurs parents. Ils rejettent l'omnipotence de syndicats qui ne sont que les courroies d'entraînement de partis marxistes.
La gauche, en voulant accroître encore son emprise sur l'éducation, déjà si lourde par le fait de ces syndicats, touchait ainsi, sans l'avoir prévu, au point le plus sensible.
Un de ses membres s'est écrié à la tribune de l'Assemblée Nationale "la liberté à sauvegarder ce n'est pas celle des parents, mais des enfants. Et en démocratie c'est à l'Etat d'y veiller"... La majorité de l'Assemblée a vivement applaudi; le gouvernement n'a pas émis la moindre réserve à l'égard de cette thèse. Or, le pays profond n'est pas de cet avis; il estime que l'enfant n'appartient pas à l'Etat et que les responsables de son éducation sont d'abord, non pas des fonctionnaires, mais ses parents…
Une pancarte à Montparnasse, le 24 juin, m'avait frappé. Elle traduisait naïvement cette conviction : « touchez pas à nos enfants »... Cela ne vous rappelle rien ? Après tout, nos enfants valent bien nos "potes".
Par des moyens démocratiques, -les seuls qui soient dignes d'un peuple adulte -, les Français ont remporté l'an dernier une grande victoire. Ils ont condamné l'exécutif, à son plus haut niveau, à se déjuger. Le Président a fini par comprendre qu'il ne suffit pas que des réformes soient légales. Encore faut-il qu'elles soient légitimes, c'est-à-dire qu'elles répondent à la volonté profonde de la nation. Surtout quand elles touchent à des droits fondamentaux. Surtout quand elles mettent en cause les consciences.
Donc, l'idéologie a brusquement reculé devant la manifestation claironnante du sentiment profond des Français. Tous les sondages concordaient depuis des années -et continuent de le faire. Ils offrent, d'une année à l'autre, une remarquable constance deux Français sur trois, ou trois Français sur quatre veut le maintien de l'école libre. Plaise au ciel que, sur tous les problèmes nationaux, règne un pareil consensus.
Mais jamais, sur aucun front, la liberté n'est assurée d'une victoire définitive. Rien ne nous dit que la reculade du gouvernement est autre chose qu'une trêve tactique. Tout nous confirme au contraire que nous n'avons rien perdu pour attendre.
Mon ami SERAMY, qui connaît ces questions parfaitement, vous le dira tout à l'heure plus savamment que je ne pourrais le faire. Moins de six mois après le retrait du projet SAVARY, Jean-Pierre CHEVENEMENT déposait devant l'Assemblée un nouveau texte; les communes recevaient un pouvoir discrétionnaire sur l'autorisation des établissements privés, et l'administration recevait un droit d'entrave sur le libre recrutement des maîtres. De plus, en prévoyant que l'enseignement serait dispensé selon les règles de l'enseignement public, le texte pouvait conduire, par une application très littérale, à remettre en cause ce qui est fondamental, c'est-à-dire le "caractère propre" des écoles privées, pourtant reconnu par ailleurs.
Il a fallu qu'en janvier dernier, le Conseil Constitutionnel annulât, au nom de l'unité de la nation, le droit de veto des communes sur de nouveaux contrats d'association, pour que la menace la plus grave fût écartée. Alors, il faut se poser la question : Est-ce que le pouvoir n'en finira jamais avec ses tentatives d'empiétement ? Pense-t-il, oui ou non, à réitérer une attaque en règle ? On amis un couvercle sur la marmite, mais le bouillon continue de mijoter; de temps en temps la vapeur s'échappe... .
Vous vous souvenez du meeting du Bourget, par exemple, où les militants de la laïcité, qui avaient été exaspérés par l'appui populaire qu'avait reçu l'école libre menacée, avaient conspué le Premier Ministre MAUROY et le Ministre de l'Education Nationale SAVARY, jugés trop mous et trop temporisateurs. On a vu la suite…
Le désir d'intégration dans le "service public laïc et unifié" est resté intact, même si les moyens sont devenus plus habiles et plus sournois. Ne nous faisons pas d'illusions ! Dès la prochaine rentrée, par le biais de restrictions à l'indépendance pour la nomination des maîtres, la situation faite aux écoles libres risque de s'aggraver.
Or, le plus grave, c'est que nous n'avons plus la capacité de soulever l'indignation populaire. On peut se battre contre une loi spectaculaire. On peut faire appel au peuple pour un texte de cette dimension. Mais comment voulez-vous soulever l'opinion sur une circulaire d'application, sur l'interprétation restrictive donnée à un texte ? Il faut donc rester vigilant, si l’on veut que la liberté, que nous avons reconquise l'an dernier et qui nous a été reconnue, reste une liberté effective.
Chacun, dans le grand public, a compris que le slogan « l'argent public a l'école publique; l'argent privé à l'école privée » signifiait tout simplement l'asphyxie de l'école privée. Les marxistes connaissent bien l'opposition entre « liberté réelle » et « liberté formelle »… Peut-on reconnaître la liberté de l'enseignement comme une liberté constitutionnelle mais la vider de son contenu en décidant que cette liberté, seuls les riches pourraient en profiter ? Cette liberté qui serait réservée aux riches serait un leurre sans l'intervention financière de l'Etat.
Dans le monde industrialisé d'Occident – les témoins venus de l'étranger, que vous avez auprès de vous, vous le diront tout à l'heure avec plus de précision – la France serait bien la seule nation à imposer un monopole d'Etat à l'enseignement, comme elle est déjà la seule, d'ailleurs, à avoir imposé un monopole d'Etat au crédit et à la majorité des entreprises de la grande industrie. Chez nos 9 partenaires européens, cette querelle de la laïcité fait l'effet d'un anachronisme absurde. Interrogez des députés européens au Parlement de STRASBOURG ; ils vous diront tous qu'il n'y a pas un de leurs pays où l'Etat ait créé, ou même ait tenté de créer, un "Service Public laïc et Unifié de l'Education Nationale". Chez certains comme la Belgique ou les Pays-Bas, les écoles libres financées par l'Etat rassemblent plus d'élèves que les écoles publiques.
L'Italie ? C'est un cas un peu différent. Elle nous administre une sorte de preuve a contrario -la baisse de qualité dans l'enseignement public pousse des élèves de plus en plus nombreux vers le secteur privé, qui n'est pas encore subventionné. La qualité devient une sorte de privilège, de luxe. Quelle reforme croyez-vous qu'on envisage ? La nationalisation totale ? Point du tout. Mais le libre accès des enfants dans l'école de leur choix.
Telle est en effet la voie de l'avenir: la liberté de choix entre l'école publique et l'école privée doit être absolument garantie, pour que chacun puisse faire élever ses enfants dans des écoles où ne sera pas foulé aux pieds ce que leur famille leur a appris à respecter, à aimer, à croire.
Mais il faudra aller sans doute beaucoup plus loin : nous sommes le seul pays au monde (en dehors des pays "socialistes", naturellement) où tout l'enseignement est centralisé et géré -théoriquement -par le Ministre mais en fait par un syndicat bénéficiant d'un monopole: la 'Fédération de l'Education Nationale. Ce monopole a été quelque peu contrarié, lors des dernières élections professionnelles, par la percée de Force Ouvrière, mais la Fédération de l'Education Nationale reste largement majoritaire, omniprésente et Omnipotente.
Notre éducation est devenue une sorte de machinerie monstrueuse, ingouvernable, ruineuse. Chaque élève, dans un établissement public, coûte beaucoup plus cher à l'Etat qu'un élève dans un établissement privé. Il faut d'abord délivrer l'école publique de la bureaucratie et de la syndicalocratie qui se renforcent mutuellement.
Si l'école libre, avec moins de moyens, réussit mieux, c'est parce qu'elle est plus libre, tout simplement, parce que chaque établissement peut définir ses buts, ses méthodes, tout en restant en contact avec les familles et en étant responsable devant elles.
Ce qu'il faut, ce n'est pas étatiser l'enseignement libre : c'est libérer l'enseignement d'Etat. Il faut que souffle un esprit nouveau.
"L'Instruction publique" de Jules FERRY a été remplacée par "l'Education nationale" des syndicats politisés. Seules auraient pu leur faire contrepoids les organisations de parents d’élèves. Or, la Fédération de l'Education Nationale a pris en otage la principale association des parents, réduite au rang de filiale peu encombrante. La toute puissance des syndicats, leur corporatisme étroit, leurs mots d'ordre souvent marxisants ne pourront être efficacement combattus que par la création d'une nouvelle légitimité, la dévolution aux parents de la réalité du pouvoir éducatif.
Il n'est pas légitime qu'un Service Public s'exerce hors du contrôle des citoyens; s'il est vrai que le Service Public, c'est avant tout le service du public, les citoyens devraient en être les bénéficiaires et non les sujets.
Or, sous le couvert de la laïcité, l'Etat socialiste entend les assujettir à un monopole. Libérer l'Ecole en la rendant aux parents et aux enfants, est une priorité pour demain ; un des pivots de ce "projet de responsabilité" pour la société française, qui devra être adopté, aussitôt que possible par les citoyens.
L'enseignement n'est pas d'abord fait pour les enseignants, mais pour les enseignes, et en regard de ce principe, finalement, comme il est vain le débat entre l'école publique et l'école privée... Est-ce que l'école de la République ne devrait pas donner l'exemple de la liberté ? Alors, que tous nos efforts soient tendus vers un seul but: « Des écoles libres...pour un pays libre ».
EXPOSE de Monsieur le Sénateur Paul SERAMY
Monsieur le Président, merci de vos paroles aimables, mais ce n'est pas pour moi un pensum, bien au contraire; c'est toujours une satisfaction et une joie de pouvoir venir parler des travaux du Sénat et également de la défense de l'enseignement.
Mais, par contre, vous m'avez joué un tour en me faisant succéder à un ancien Ministre de l'Education Nationale. Ce qui est extraordinaire c'est qu'il est aussi mon compatriote en Seine-et-Marne et que nous avons en commun d'être parlementaire, maire et Conseiller Général... Mesdames et Messieurs, je ne suis pas académicien…
Comme lui, je dirai que la mobilisation de l'opinion publique contre le projet SAVARY a été un évènement capital. On a assez tendance à dire que les français sont des gens sceptiques qui sont revenus de tout, depuis fort longtemps; mais on a pu constater aussi qu'ils savaient se réveiller et d'ailleurs cette manifestation a été le tournant du septennat puisqu'elle a entraîné le changement de Premier Ministre. Or, il me semble que le peuple de France n'est pas pour autant endormi et qu'il a démontré qu'il était désormais difficile à tout gouvernement, quel qu'il soit, .d'affronter la majorité de l'opinion sur le terrain des libertés. Mais sommes-nous pour autant venus ensemble célébrer une victoire ? Une telle attitude serait bien vaine; avons-nous le sentiment qu'elle a été aussi complète que la défense du pluralisme scolaire l'aurait exigé. Notre colloque, Monsieur le Président, va nous permettre d'apporter quelques éléments de réponse. Vous avez voulu lui donner, fort à propos, une envergure internationale, et je me réjouis de la présence de spécialistes éminents : allemand, américain et néerlandais, à cette tribune. Leur expérience sera pour nous riche d'enseignements, dans la comparaison qui ne manquera pas de naître entre nos situations, et nous aurons ainsi l'occasion de nourrir une réflexion sur le devenir de notre propre système éducatif dans son ensemble et sur les améliorations qu'il convient de lui apporter.
Alain PEYREFITTE, tout à l'heure, parlait de ce qui se dans d'autres pays. Or, je voudrais rappeler rapidement que dès le 14 mars 1984, le Parlement Européen avait adopté, rapport de Monsieur LUSTER, une résolution sur la liberté d'enseignement dans la Communauté Européenne.
Je vais me permettre de vous en résumer les principales dispositions :"Tous les enfants et les adolescents ont droit à l'éducation et à l'instruction. Ce droit englobe le droit de chaque enfant au plein épanouissement de ses aptitudes et dons. La liberté de l'éducation et de l'instruction doit être assurée. Cette liberté inclut le droit des parents de choisir pour leurs enfants, parmi les établissements comparables, une école qui dispense à ces derniers l'enseignement souhaité.
L'état ne saurai avoir pour tâche de recommander ou de privilégier des écoles confessionnelles en général, ou des écoles d'une confession déterminée, ni de faire prévaloir semblable recommandation ou privilège, dans l'intérêt de l'enseignement non confessionnel. Le respect de la liberté de conscience doit être garanti, tant dans les écoles publiques dépendant directement de l'Etat, que dans les établissements qui sont liés à celui-ci par contrat.
Le droit à la liberté de l l'enseignement implique l'obligation pour les états membres de rendre possible -également sur le plan financier -l'exercice pratique de ce droit, et d'accorder aux écoles les subventions publiques nécessaires à l'exercice de leur mission et à l'accomplissement de leurs obligations.
Tout cela est parfaitement clair et il suffisait de s'en remettre à cette résolution pour qu'il n'y ait pas de problèmes en France.
Or, d'où venons-nous à faire ? Où sommes-nous arrivés ? Que reste-t-il ?
Face au projet SAVARY, notre attitude a été guidée par une analyse fort simple: à partir du moment où ce texte mettait en cause une liberté, il fallait utiliser toutes les ressources de la procédure parlementaire pour obtenir que ce projet soit bien modifié, ou bien retiré.
Et comme la majorité de l'opinion était manifestement du côté du Sénat, il n'était pas interdit d'espérer un résultat favorable, et naturellement aussi du côté de la minorité de l'Assemblée Nationale - chère Hélène MISSOFFE, vous pensez bien que je ne veux pas vous oublier dans cette citation car vous avez fait partie des bons combattants de première ligne, sinon des commandos de choc !
Le Sénat atout d'abord essayé d'obtenir que le projet Savary soit modifié.
Le Président POHER, vous vous en souvenez, a fait une démarche en ce sens auprès du Président de la République et, très modestement, j'avais profité du "sommet" de FONTAINEBLEAU pour lui en parler aussi Eh bien, le Président POHER n'a pas réussi, moi, naturellement, pas plus.
C'est ainsi que le Sénat en est arrivé à la conclusion que les citoyens devaient trancher eux-mêmes un conflit aussi grave ; nous avons donc adopté une motion demandant au Président de la République de soumettre au référendum le projet SAVARY. Dès le lendemain, cette motion a été repoussée par l'Assemblée Nationale, mais la position du gouvernement était devenue intenable puisqu'il était clair désormais que le gouvernement refusait le verdict des électeurs sur ce sujet.
Il en tirait les conséquences le 12 juillet, mais à cette époque beaucoup d'incertitudes subsistaient. Il y avait tout d'abord le projet de référendum constitutionnel; il y avait aussi et surtout l'annonce, par le Président de la République, qu'un nouveau projet de loi serait déposé...Or, sur le premier point vous savez que le Sénat a décidé de refuser la réforme constitutionnelle et donc d'empêcher le référendum qui était prévu... Pourquoi cette décision ? Nous avons jugé que ce référendum était une opération de diversion; ce que nous voulions c'était un référendum sur la liberté scolaire. A la place, on nous proposait un référendum sur la constitution et même, un référendum sur le référendum... Il y avait donc un risque de trouble et de confusion dans les esprits alors que le référendum suppose la clarté.
Dès que le texte a été connu – il s'agit du projet CHEVENEMENT – il est apparu que le nouveau projet était moins dangereux que le précédent puisque certaines dispositions essentielles de la législation en vigueur n'étaient plus remises en question.
On peut considérer aujourd'hui ces dispositions comme des acquis sur lesquels il sera très difficile de revenir, et je crois qu'il faut que nous en soyons tous très persuadés et fermement décidés à les défendre.
La loi DEBRE n'est pas abrogée…
Les écoles libres gardent donc le droit de conserver leur "caractère propre".
De même, l'existence des contrats simples, pour l'enseignement du premier degré, est préservée…
La loi de 1971 n'est pas non plus abrogée : en conséquence, l'existence d'un "besoin scolaire reconnu" – je dois vous dire d'ailleurs que cette formule de besoin scolaire reconnu est une expression à laquelle Monsieur CHEVENEMENT est totalement allergique il ne veut absolument pas reprendre ce terme de "besoin scolaire reconnu" ; cela le gêne c'est trop clair. C'est pourquoi nous tenons beaucoup à ce qu'il y ait ce "besoin scolaire reconnu".
Donc, pour la conclusion de ces contrats d'association, ce "besoin scolaire reconnu" doit être apprécié en fonction du "caractère propre" de l'établissement qui demande le contrat. De plus, plusieurs aspects importants de la loi GUERMEUR sont maintenus c'est notamment le cas des mesures améliorant le statut des maîtres de l'enseignement privé; c'étaient également, dans une certaine mesure, les textes qui ont trait à la formation professionnelle des maîtres de l'enseignement privé. Mais là encore, je pense qu'il va falloir être très vigilants. Les textes sont confus et je ne crois pas que l'on puisse aller jusqu'à la définition exacte de ce que l'on espérait, c'est-à-dire qu'il y ait le maintien d'une formation professionnelle particulière en ce qui concerne les maîtres de l'enseignement privé.
Le texte CHEVENEMENT, à la différence du projet SAVARY, ne prévoit plus ni la fonctionnarisation des maîtres, ni l'agrément des projets éducatifs des établissements, ni l'intégration des établissements privés au sein d'établissements d'intérêt public. Et, sur le premier point, vous vous souvenez de l'astuce chère – Hélène MISSOFFE – qu'avait eue le gouvernement d'introduire dans une loi de finances une ligne où l'on disait "Voilà, titularisation de 10.000 maîtres de l'enseignement privé" sans mettre d'ailleurs de somme en face. Naturellement, nous avons sauté à pieds joints sur l'erreur qui avait été faite. C'était un "cavalier budgétaire", et c'est pourquoi nous avons obtenu du Conseil Constitutionnel qu'il soit dissocié de la loi de finances.
Le nouveau texte était donc apparemment moins néfaste que le précédent. Cependant, au départ, il contenait encore un bon nombre d'éléments inquiétants; et nos inquiétudes portaient sur trois grands domaines :
et ce sont les trois points que je vais m’efforcer de développer rapidement.
Comme vous le verrez, une bonne partie des menaces qui subsistaient ont été assez largement neutralisées grâce aux débats parlementaires, et surtout grâce à la décision du Conseil Constitutionnel. Mais il faut malheureusement constater que de réelles incertitudes demeurent, et il serait bien imprudent de croire que tout est réglé. C'est pourquoi ma brochure a pour titre "Rien n'est réglé". Car, en définitive, si la loi a été votée, ce qui est important ce sont les décrets d'application et les circulaires qui les accompagnent. Tout le reste n'est que littérature – c'est le cas de le dire -.Et qu'est-ce que nous constatons: c'est que la loi étant votée, le gouvernement a assez tendance à l'interpréter à sa façon et à en faire souvent une interprétation libre... En tant qu'ancien professeur de langues, je vous dirai que les interprétations libres, je n'aime pas tellement cela ; j'aime mieux qu'on se tienne le plus près possible du texte.
Les moyens financiers d'abord
:
la nouvelle loi, je le rappelle, prévoit la mise en place d'une limite budgétaire stricte pour la conclusion des contrats. Cela est très important, car la loi CHEVENEMENT précise qu'il est interdit de conclure des contrats même s'ils répondent à un besoin manifeste, si les crédits correspondants ne figurent pas dans la loi de finances.
En conséquence, le respect du choix des parents n'est plus garanti que dans certaines limites: celles que la loi de finances détermine un an à l'avance.
La décision du Conseil Constitutionnel, il est vrai, a atténué d'une manière non négligeable la portée de cette règle en précisant que le nouveau texte ne fait pas obstacle à la modification en cours d'année du montant des crédits par une loi de finances rectificative, en cas d'évolution des données qui servent de base au calcul des crédits. Mais c'est une possibilité, ce n'est pas une obligation. Tout dépend finalement de la bonne volonté du gouvernement, ce qui est, vous en conviendrez, une garantie bien mince.
Vous me direz peut-être qu'il suffit pour régler ce problème de prévoir au départ, dès la loi de finances, des moyens suffisants pour répondre aux besoins. Malheureusement, tout est prévu, si j'ose dire, pour que les prévisions de départ ne soient pas réalistes. Car, comment calcule-t-on ce qui est nécessaire à l'enseignement privé: on le calcule en fonction des résultats de l'année précédente. Or la loi de finances est élaborée au mois d'août, c'est-à-dire avant les résultats de la rentrée suivante; c'est-à-dire qu'en définitive il y a deux ans de décalage entre les besoins que peut exprimer l'enseignement privé et les éventuels crédits supplémentaires ou inscrits à la loi de finances de l'année suivante. Ainsi, pendant deux ans l'enseignement privé peut continuer à avoir des effectifs trop importants pour pouvoir les accepter ; et, de ce fait, à partir du moment où les effectifs sont trop importants, les élèves s'en vont dans l'enseignement public… C.Q.F.D… c'est ce que veut le gouvernement…
Voilà ce qui, à mon avis, est très, très grave et c'est pourquoi je vous demande aux uns et aux autres de bien vouloir me faire parvenir certaines anomalies que vous pourriez constater dans vos communes ou dans vos établissements j faites les moi parvenir suffisamment tôt avant la discussion de la loi de finances pour que je puisse en faire part à la Haute Assemblée et au gouvernement. Hélène MISSOFFE également, j'en suis sûr, sera heureuse d'avoir vos indications car cela nous permettra de dire que le gouvernement n'est pas honnête avec ce qu'il avait promis puisque les besoins sont ceux que nous exposerons et non pas ceux que le gouvernement aurait exposés, d'autant plus que, souvenez-vous, il y avait autrefois un comité de conciliation, et ce comité de conciliation permettait justement de savoir quels étaient les besoins qui pouvaient s'exprimer au niveau de l'enseignement privé; ce comité de conciliation a été supprimé et nous avions proposé que l'on substitue à ce comité de conciliation un comité des sages, en quelque sorte, dans lequel siègeraient des représentants du Conseil d'Etat, de la Cour des Comptes, etc.., donc des gens qui étaient tout à fait "en dehors du coup", mais qui allaient juger exactement si oui ou non il y avait une adéquation entre les besoins et les crédits.
Donc, aucun organisme national de concertation, et c'est ainsi que la loi de finances sera amenée inévitablement à se fonder comme je vous l'ai dit -sur une situation vieille de deux ans.
A partir du moment où les écoles privées ne pourront plus conclure de conventions nouvelles, elles seront asphyxiées. Je l'ai dit déjà, et je le rappelle une fois de plus, la politique du gouvernement socialiste est la politique du garrot, c'est-à-dire qu'au début cela serre peu; puis, peu à peu, cela serre davantage et, à la fin, cela vous étouffe: il faut que tout le monde en soit conscient. Au travers de la loi de finances c'est l'asphyxie progressive des écoles privées à laquelle nous risquons d'aboutir.
Et maintenant je passe à la question du respect de l'identité des établissements
Plusieurs dispositions de la nouvelle loi semblaient menacer le caractère propre des établissements privés. Tout d'abord, comme vous le savez, la nouvelle loi – tout en maintenant le droit pour les écoles privées de conserver leur caractère propre, - supprime la disposition de la loi GUERMEUR précisant que les maîtres sont tenus de respecter ce "caractère propre". Pour ma part, dès le début, j'avais observé que la suppression de ces aspects de la loi GUERMEUR était vraiment sans portée. J'avais écrit dans mon rapport que le projet CHEVENEMENT ne supprimait pas cette obligation, mais la ramenait simplement de l'explicite à l'implicite. Le Conseil Constitutionnel, sur ce point, a tranché sans ambiguïté en faveur de cette interprétation. Il a précisé dans ses décisions que l'abrogation de la disposition de loi du 25 novembre 1977, imposant aux maîtres, enseignant dans les classes sous contrats d'association, l'obligation de respecter le caractère propre de l'établissement, n'a pas pour effet de soustraire les maîtres à cette obligation. Mais, je garde le meilleur pour la fin… ; la nouvelle loi modifie les règles relatives au choix des maîtres, exerçant dans les classes sous contrat d'association; et cela est encore une chose sur laquelle il faut beaucoup insister.
Ainsi, j'ai eu l'occasion, l'autre jour, de poser une question d'actualité à Monsieur CHEVENEMENT et, comme il n'était pas là, c'est Monsieur JOXE qui m'a répondu; qui m'a répondu, naturellement, à côté. En réalité, comme vous le savez, depuis la loi GUERMEUR l'initiative du recrutement des maîtres appartenait aux chefs d'établissement; les maîtres étaient nommés par le Recteur sur proposition de la Direction de l'établissement. Le Chef d'établissement avait donc la possibilité de constituer une équipe homogène autour du projet éducatif de l'établissement. Or, cela a été supprimé. Désormais, les maîtres sont nommés en accord avec la Direction de l'établissement, l'administration aura donc un rôle déterminant.
Le Conseil Constitutionnel n'a pas annulé cet aspect de la nouvelle loi, mais dans sa décision, il a cherché à poser des verrous afin d'interdire toute interprétation de la loi qui serait contraire à la liberté de l'enseignement. Il a précisé qu'au cas où l'administration proposerait systématiquement à la direction des candidatures incompatibles avec le "caractère propre" de l'établissement, le juge de "l'excès de pouvoir", c'est-à-dire les tribunaux administratifs pourraient valablement être saisis, l'administration n'a donc pas le droit de chercher à forcer la main des chefs d'établissement et je vous expliquerai que, là encore, c'est un blocage.
Le Recteur, ou l'Inspecteur d'Académie, propose un maître. Le Directeur dit non; bien: il n'y a pas de maître. Le Recteur – ou l'Inspecteur d'Académie – propose un deuxième maître; le Directeur dit non : toujours pas de maître.
Je pense que là encore c'est un mauvais coup qui est porté à l'enseignement libre car que je ne vois pas très bien de quelle manière on pourrait accepter un professeur qui affiche des idées totalement différentes de celles qui sont enseignées dans l'établissement. Mais, à l'inverse, des directeurs risquent d'être obligés de céder au chantage. Le mot n'est pas trop fort. Le Ministre m'a répondu à ce moment là, "oui, mais vous voyez toujours les choses d'une façon extrême !" Cela peut arriver et c'est pourquoi je suis bien obligé de le dire.
Troisième grand sujet d'inquiétude : le rôle des collectivités locales... et je sais que dans la salle sont présents un certain nombre de maires : ils savent l'inquiétude qui est du côté des établissements, comme du côté des communes.
En effet, Monsieur le Président, lorsque j'ai rapporté ces quelques articles de la loi CHEVENEMENT sur l'enseignement privé, je rapportais en même temps tous les autres articles sur les transferts de compétence en matière d'enseignement aux communes, aux départements Et aux régions. Donc, il y a les deux à la fois et il faut se dire qu'à partir du 1er janvier 1986, et même à partir du 1er septembre 1985, les élus municipaux vont être confrontés à des problèmes énormes… Je ne vous cacherai pas que je suis inquiet; très inquiet parce que depuis une quinzaine de jours, je constate des difficultés considérables et cela dans les petites communes. Surtout je vous en prie, ne regardez pas le problème de l'Enseignement privé seulement de PARIS et à la dimension des grandes villes voyez le aussi à la dimension des petites communes où il est beaucoup plus difficile à régler…
Je me demande si, là encore, le gouvernement ne va pas essayer de tourner la décision du Conseil Constitutionnel, car dans une circulaire récente, le Ministre a précisé – écoutez-moi bien - "que lorsque la commune aura donné un avis défavorable, il faudra des raisons impérieuses, au regard du besoin scolaire, pour que le contrat soit signé"... Il s'agit déjà du contrat. Or, qu'est-ce que cela veut dire "des raisons impérieuses" ? A première vue, rien, car il a toujours fallu des raisons impérieuses pour obtenir un contrat. En réalité c'est une manière discrète d'indiquer aux Autorités compétentes, aux Préfets et aux Recteurs, qu'il faut, autant que possible, refuser les contrats si la commune n'est pas d'accord. C'est clair : Or, cela, c'est la circulaire ; ce n'est pas la loi. Autrement dit, la loi sera appliquée de la manière la plus restrictive possible, ou même ne sera pas appliquée du tout ; et je dois ajouter que l'enseignement privé va rencontrer encore d'autres difficultés dans ses rapports avec les collectivités locales, tout d'abord pour les contrats d'association futurs. La commune où est située l'école ne sera désormais tenue de prendre en charge les dépenses de fonctionnement de cette école que pour les élèves domiciliés sur son territoire ; le Conseil d'Etat vient de le confirmer et cela je vais vous l'expliquer, car je crois que c'est un des points forts de la discussion qui va avoir lieu, dans les prochaines semaines, entre les communes.
La commune A a un établissement privé ; la commune B envoie des élèves dans l'établissement privé de la commune A; la commune A paie, puisqu'il y a une convention, pour les élèves de sa commune; par contre, elle demande à la commune B qui envoie des élèves dans cet établissement de bien vouloir prendre en charge le coût des élèves qu'elle y envoie. Alors là, je vous assure que même les mieux disposés, sont très réticents et qu'il va falloir, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président -et là je compte beaucoup sur vos associations -non pas pour faire pression sur les maires, mais pour leur expliquer qu'en définitive on en revient exactement à la situation antérieure et que surtout ce qu'il faut constater -et ce que chacun des maires doit reconnaître -, c'est qu'il est indispensable de faire en sorte que l'égalité des chances demeure et l'égalité des chances passe toujours par l'égalité des moyens.
Le problème ne se posera pas, et c'est heureux, pour l'enseignement secondaire : les collèges et les lycées. La nouvelle loi risque d'entraîner des difficultés dans un autre domaine. Depuis 1977, la loi prévoyait que les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association étaient prises en charge sous forme d'une contribution forfaitaire versée par élève et par an; elle précisait également que les personnels non enseignants restaient soumis au droit privé. Or, ces mesures sont supprimées par la nouvelle loi dans le cas de l'enseignement primaire.
Le nouveau texte prévoit seulement que les dépenses de fonctionnement sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public, c'est-à-dire que cela permet aux communes de prendre en charge directement les dépenses de fonctionnement en cause, que ce soit par des prestations en nature ou par la réalisation de certaines tâches par le Personnel Communal lui-même. Donc, là encore, source de conflits. Je l'ai toujours dit depuis le début de la discussion de cette loi, ce sont des conflits permanents auxquels nous allons assister, car comment voir si les prestations en nature correspondent à ce que normalement aurait pu représenter la dotation forfaitaire... Il y aura, là encore, des communes qui accepteront de faire ce qu'il faut, et puis d'autres qui discuteront.
Je l'ai dit à Monsieur CHEVENEMENT : « ce n'est pas nous qui essayons de rallumer la guerre scolaire, c'est vous qui le faites d'une façon permanente et par les dispositions que vous êtes amenés à faire prendre par votre majorité parlementaire.
Enfin, pour les classes maternelles, le Conseil d'Etat a rappelé, le 31 mai, que les communes n'étaient plus obligées de les subventionner, mais, dernier coup dur si l'on peut dire, c'est un projet de loi qui est passé totalement inaperçu, à vous tous: c'est le projet de la loi que j'ai rapporté il y a trois semaines et qui consistait en la création d'établissements publics à la seule diligence du gouvernement là où il le souhaiterait...
Je dois vous dire que je me suis battu. En effet, qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie d'abord qu'il y a 522 communes dans lesquelles il n'y a qu'un établissement privé. Monsieur CHEVENEMENT m'a répondu "vous savez bien que c'est un problème politique"… et je l'ai très bien compris : pour ces 522 communes, il sera possible à l'Etat de créer, sans l'accord de la commune, un établissement public dans toute commune de son choix, c'est-à-dire que, comme je le lui ai dit, on peut très bien en arriver à cette absurdité de créer un établissement public où déjà l'enseignement est parfaitement couvert par un établissement privé et de doubler les dépenses, et en même temps de faire mourir et l'un, et l'autre, faute d'effectifs.
Tout cela n’est pas sérieux ; c'est pourquoi j'ai obtenu tout de même deux amendements importants : que ces créations d'établissements publics nouveaux soient conformes au schéma prévisionnel des formations..."schéma prévisionnel des formations", voilà encore un terme barbare... Cela signifie tout simplement que désormais il y aura une instance de concertation au niveau de la région, entre la région et les départements, pour déterminer là où l'on doit mettre des établissements, ce que l'on doit y faire. C'est un verrou important. Deuxième verrou… j'ai obtenu que cette création soit également compatible avec l'organisation normale de l’enseignement dans la commune en question.
Or, lorsqu'il s'agit des schémas prévisionnels des formations doit-on tenir compte du droit des familles à choisir un type d'établissement plutôt qu'un autre ? Une confirmation nette a été donnée dans les débats. Un de mes collègues avait posé la question suivante "les capacités d'accueil de l'enseignement public seront-elles un argument que l'administration pourra opposer aux demandes de contrat ?" et Monsieur CHEVENEMENT a répondu très clairement : "Les capacités d'accueil des établissements d'enseignement public ne sont pas opposables en tant que telles; elles n'ont d'ailleurs jamais été opposées aux demandes de mise sous contrat : "le besoin scolaire résulte non pas d'un accueil insuffisant dans les écoles, lycées ou collèges publics, mais du choix effectué par un certain nombre de familles, d'un genre particulier d'éducation". Voilà au moins une réponse qui nous donne satisfaction car vous voyez que nous avons, là encore, fait œuvre utile et qu'il était indispensable de faire dire au Ministre - qui d'ailleurs est très parcimonieux en ce qui concerne ses déclarations - de le faire aller au fond des choses afin de nous éclairer.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs... j'ai essayé de faire le tour des principales difficultés de la loi CHEVENEMENT. Comme vous avez pu le constater, certaines des mesures les plus graves contenues dans ce texte ont été largement atténuées ; mais un bon nombre d'incertitudes subsistent. De quels moyens financiers disposeront les établissements privés ? Quelle sera l'attitude des communes ? Quel sera le statut des maîtres ?
Bien des questions restent posées ; ces questions, au fond, se résument en une seule: la loi sera-t-elle vraiment respectée dans sa lettre et dans son esprit ? Encore une fois, je crois qu'il faut rester très prudent et très vigilant. Je crois aussi qu'il faut réfléchir pour l'avenir aux améliorations que l'on pourra apporter un jour, je l'espère, à la législation actuelle. Qu'on me comprenne bien : je ne voudrais surtout pas un bouleversement de l'édifice constitué par les lois successives et par les décisions importantes du Conseil Constitutionnel; tout cela doit être préservé, mais je crois qu'il est possible de parvenir à certaines améliorations pour consolider à la fois la liberté et la paix scolaire.
Un premier thème de réflexions, et c'est à vous que je m'adresse, Monsieur le Président et à tous vos invités et à tous vos amis, pourrait être le financement des établissements privés. En superposant à la loi DEBRE les lois de décentralisation on en est arrivé à un système très compliqué 4 échelons: Etat, région, département, commune interviennent dans le financement des dépenses de fonctionnement : cela fait beaucoup et cela multiplie les risques de conflit.
Il me semble - et je n'ai pas d'idées bien arrêtées là-dessus et j'essaie d'y réfléchir -...il me semble donc qu'il doit être possible de mettre au point un système plus simple et plus stable.
Toujours dans le domaine des moyens financiers, je crois qu'il serait bon d'instituer une sorte de "Haute Autorité" qui serait notamment chargée d'évaluer de manière impartiale les besoins des différents établissements publics et privés et d'informer, aussi objectivement que possible, le Parlement au moment du vote de la loi de finances. Mais avant que cette "Haute Autorité" ne soit créée, je vous demande d'être mes informateurs.
D'une manière ou d'une autre, il faut trouver une formule pour que le choix des familles soit respecté.
Un deuxième thème de réflexion est l'enseignement supérieur. Je crois qu'il serait bon d'étudier la possibilité, peut-être, d'étendre le système des contrats à l'enseignement supérieur ; non seulement cela, mais beaucoup d'autres choses encore. Cela existe pour l'enseignement supérieur agricole, et pourquoi pas dans d'autres domaines ?
Si dans l'enseignement supérieur on introduisait un peu plus d'émulation, davantage de choix pour les étudiants et leurs familles, je crois que notre système universitaire s'en trouverait grandement amélioré. Il faudra un jour ou l'autre aborder cette question. Voici quelques domaines où des progrès seraient possibles.
Or, vous me direz peut-être qu'à l'heure actuelle je rêve tout haut : c'est vrai, pour l'instant il faut surtout protéger les acquis et faire en sorte que l'esprit de la loi tel qu'il résulte des décisions du Conseil Constitutionnel soit respecté; mais si nous parvenons à sauvegarder les acquis, ils seront une base pour l'avenir.
Alors, comme mon ami PEYREFITTE l'a exposé "Ne touchez pas à l'enseignement" ; moi, je vous dirai "Ne touchez pas à la liberté de l'enseignement".
EXPOSE du Dr. Günter PAUL (R.F.A),
Avocat International a FRANCFORT - Président du " Mouvement d'Action pour le libre choix de l'école"
Monsieur le Président m'a présenté à vous. Je suis Günter PAUL. Je viens d'Allemagne, exactement de FRANCFORT au milieu de la Hesse. Je me trouve invité à cause de la position que je prends dans des mouvements et des associations de parents et de professeurs pour la défense de la liberté de l'enseignement.
LE SYSTEME SCOLAIRE EN ALLEMAGNE
Le système scolaire en Allemagne est certainement bien différent du système français. Les données principales sont les suivantes :
Lettre N° 8 - 2ème trimestre 1985
RIEN N’EST JOUÉ... Le nombre des participants à notre colloque du 11 juin, les échos qu’il a eus dans la presse écrite et parlée ont contribué au nécessaire éveil de l’opinion, car la liberté de l’enseignement et la liberté dans l’enseignement sont toujours menacées. RIEN N’EST JOUÉ... ainsi que le dit Monsieur PEYREFITTE, dont nous publions l’allocution prononcée à l’ouverture du colloque. Mais ce colloque a aussi permis de réfléchir aux solutions qui pourraient être mises en œuvre. La qualité des interventions de M. W.W. HALSEY II pour les Etats-Unis, du Docteur PAUL pour la République Fédérale d’Allemagne, de MR. L.A. STRUIK pour les Pays-Bas et du Sénateur SERAMY pour la France, justifie pleinement la publication que nous en préparons pour la rentrée. En prologue au colloque s’est tenue l’Assemblée Générale d’ENSEIGNEMENT et LIBERTÉ qui a permis de faire le bilan de ses dix-huit premiers mois d’existence. Nous publions le rapport moral qui y a été présenté par Monsieur BOUDOT et approuvé à l’unanimité des participants. Mesdames. L’an dernier, pendant cinq mois, de la fin de janvier à la fin de juin, du défilé de Bordeaux à la fête parisienne de la liberté, près de 4 millions de marcheurs ont exprimé leur volonté collective, avec la sérénité des justes. Dans notre pays, qui a pourtant connu tant de bruits et de fureurs, jamais une marée humaine n’avait atteint une pareille hauteur, jamais ne s’était produit un pareil phénomène de civilisation. Depuis la foule en liesse venue fêter la libération de Paris le 26 août 1944 sur les Champs-Elysées, seuls trois autres rassemblements ont eu une ampleur comparable :
A chacune de ces trois manifestations on peut dire que le destin a vacillé. Celle de 1968 a sifflé la fin d’une récréation qui n’avait que trop duré. La deuxième, celle de Versailles, a fait taire un moment les extrémistes de la laïcité et a failli permettre aux négociateurs de trouver le chas de l’aiguille par lequel on pourrait faire passer le compromis. Mais ces extrémistes ayant réussi, au dernier moment, à durcir le texte au mépris de la parole donnée par le gouvernement aux évêques ; le troisième rassemblement, celui de la Bastille, a fait voler en éclats, d’abord le projet de loi liberticide et ensuite le gouvernement lui-même qui l’avait préparé. A ceux qui ont participé à ces journées, on aurait envie, si on ne craignait pas l’emphase, d’appliquer le mot de Goethe à Valmy - que Napoléon devait reprendre, treize ans après, à Austerlitz - "Vous pourrez dire : j’y étais". Par leur détermination calme, ils ont - nous avons, puisque j’imagine que nous y étions tous - détourné le fleuve de l’histoire. A Versailles, Mgr Lustiger avait demandé : "Qui êtes-vous ?". Le pouvoir s’imaginait peut-être que l’école libre n’intéressait que quelques curés attardés, quelques politiciens réactionnaires, quelques privilégiés, désireux d’élever leurs enfants dans du coton. Or, il suffisait de suivre ces manifestations - particulièrement celle de la Bastille - pour constater que toutes les catégories sociales s’y côtoyaient, et que les plus modestes étaient les plus nombreux. Les manifestants récapitulaient tous les points cardinaux, toutes les provinces, tous les âges, toutes les professions, toutes les couches de la population. Ils illustraient vraiment le mot de Bernanos "il n’y a pas de peuple de gauche et de peuple de droite ; il n’y a qu’un peuple de France"... C’était bien le "peuple de France" : il avançait en masses souriantes comme pour une communion solennelle. Que voulaient ces millions de Français ? Sur nos 10.000 écoles libres, plus de 9.000 sont catholiques. Assistons-nous donc à une recrudescence des luttes de la fin du XIXe siècle entre cléricaux et anticléricaux ? Non. Pourquoi les rues auraient-elles été pleines de militants catholiques, alors que les fidèles sont si rares dans les églises ? C’est que le conflit n’oppose absolument pas les catholiques aux non-catholiques, ni même les parents des élèves de l’enseignement privé aux parents des élèves de l’enseignement public. Il oppose les militants d’une laïcité devenue un engagement partisan en faveur d’un monopole sur lequel ils ont mis la main, à tous ceux qui sont inquiets de voir l’enseignement public se dégrader et qui constatent que l’enseignement libre est, comparativement, épargné. Beaucoup de ceux-là même qui ont confié leurs enfants à un établissement public tiennent à pouvoir, s’il le fallait, retirer leurs enfants de l’enseignement public pour les mettre dans un établissement privé. Tous revendiquent le droit pour les familles de décider elles-mêmes de l’éducation qu’elles donneront à leurs enfants. Au fond, ce qu’ils réclament, c’est moins l’enseignement libre, que la liberté du choix de l’enseignement. Ils refusent de se voir condamnés à l’établissement unique qui pourrait céder à la tentation de l’endoctrinement. Ce qui ne veut pas dire que tous y cèdent ni même que beaucoup y cèdent. Mais c’est un risque contre lequel chacun veut pouvoir se prémunir. Ils repoussent donc un système irresponsable et aveugle, où les maîtres sont nommés par ordinateur, où les élèves sont affectés par quartier, selon l’adresse de leurs parents. Ils rejettent l’omnipotence de syndicats qui ne sont que les courroies d’entraînement de partis marxistes. La gauche, en voulant accroître encore son emprise sur l’éducation, déjà si lourde par le fait de ces syndicats, touchait ainsi, sans l’avoir prévu, au point le plus sensible. Un de ses membres s’est écrié à la tribune de l’Assemblée Nationale : "la liberté à sauvegarder ce n’est pas celle des parents, mais des enfants. En démocratie c’est à l’État d’y veiller"... La majorité de l’Assemblée Nationale a vivement applaudi ; le gouvernement n’a pas émis la moindre réserve à l’égard de cette thèse. Or, le pays profond n’est pas de cet avis ; il estime que l’enfant n’appartient pas à l’État et que les responsables de son éducation sont d’abord, non pas des fonctionnaires, mais ses parents. Une pancarte à Montparnasse le 24 juin m’avait frappé. Elle traduisait naïvement cette conviction : "touchez pas à nos enfants"... Cela ne vous rappelle rien ? Après tous, nos enfants valent bien nos "potes". Par des moyens démocratiques, - les seuls qui soient dignes d’un peuple adulte -, les Français ont remporté l’an dernier une grande victoire. Ils ont condamné l’exécutif, à son plus haut niveau, à se déjuger. Le Président a fini par comprendre qu’il ne suffit pas que des réformes soient légales. Encore faut-il qu’elles soient légitimes, c’est-à-dire qu’elles répondent à la volonté profonde de la nation. Surtout quand elles touchent à des droits fondamentaux. Surtout quand elles mettent en cause les consciences. Donc, l’idéologie a brusquement reculé devant la manifestation claironnante du sentiment profond des Français. Tous les sondages concordaient depuis des années - et continuent de le faire. Ils offrent, d’une année à l’autre, une remarquable constance : deux Français sur trois, ou trois Français sur quatre veulent le maintien de l’école libre. Plaise au ciel que sur tous les problèmes nationaux règne un pareil consensus! Mais jamais, sur aucun front, la liberté n’est assurée d’une victoire définitive. Rien ne nous dit que la reculade du gouvernement est autre chose qu’une trêve tactique. Tout nous confirme au contraire que nous n’avons rien perdu pour attendre. Mon ami Seramy, qui connaît ces questions parfaitement, vous le dira tout à l’heure plus savamment que je ne pourrais le faire. Moins de six mois après le retrait du projet Savary, Jean-Pierre Chevènement déposait devant l’Assemblée un nouveau texte ; les communes recevaient un pouvoir discrétionnaire sur l’autorisation des établissements privés, et l’administration recevait un droit d’entrave sur le libre recrutement des maîtres. De plus en prévoyant que l’enseignement serait dispensé selon les règles de l’enseignement public, le texte pouvait conduire, par une application très littérale, à remettre en cause ce qui est fondamental, c’est-à-dire le "caractère propre" des écoles privées, pourtant reconnu par ailleurs. Il a fallu qu’en janvier dernier, le Conseil Constitutionnel annulât, au nom de l’unité de la nation, le droit de veto des communes sur de nouveaux contrats d’association, pour que la menace la plus grave fût écartée. Alors, il faut se poser !a question : est-ce que le pouvoir n’en finira jamais avec ses tentatives d’empiétement ? Pense-t-il, oui ou non, à réitérer une attaque en règle ? On a mis un couvercle sur la marmite, mais le bouillon continue de mijoter ; de temps en temps la vapeur s’échappe... Vous vous souvenez du meeting du Bourget, par exemple, où les militants de la laïcité, qui avaient été exaspérés par l’appui populaire qu’avait reçu l’école libre menacée, avaient conspué le Premier ministre Mauroy et le ministre de l’Éducation Nationale Savary, jugés trop mous et trop temporisateurs. On a vu la suite... Le désir d’intégration dans le "Service public laïc et unifié" est resté intact, même si les moyens sont devenus plus habiles et plus sournois. Ne nous faisons pas d’illusions ! Dès la prochaine rentrée, par le biais de restrictions à l’indépendance pour la nomination des maîtres, la situation faite aux écoles libres risque de s’aggraver. Or, le plus grave, c’est que nous n’avons plus la capacité de soulever l’indignation populaire. On peut se battre contre une loi spectaculaire. On peut faire appel au peuple pour un texte de cette dimension. Mais comment voulez-vous soulever l’opinion sur une circulaire d’application, sur l’interprétation restrictive donnée à un texte ? Il faut donc rester vigilant si l’on veut que la liberté, que nous avons reconquise l’an dernier et qui nous a été reconnue, reste une liberté effective. Chacun, dans le grand public, a compris que le slogan l’argent public à l’école publique ; l’argent privé à l’école privée signifiait tout simplement l’asphyxie de l’école privée. Les marxistes connaissent bien l’opposition entre "liberté réelle" et "liberté formelle"... Peut-on reconnaître la liberté de l’enseignement comme une liberté constitutionnelle, mais la vider de son contenu en décidant que cette liberté, seuls les riches pourraient en profiter ? Cette liberté qui serait réservée aux riches serait un leurre, sans l’intervention financière de l’État. Dans le monde industrialisé d’Occident - les témoins venus de l’étranger, que vous avez auprès de vous, vous le diront tout à l’heure avec plus de précision - la France serait bien la seule nation à imposer un monopole d’État à l’enseignement, comme elle est déjà la seule, d’ailleurs, à avoir imposé un monopole d’État au crédit et à la majorité des entreprises de la grande industrie. Chez nos 9 partenaires européens, cette querelle de la laïcité fait l’effet d’un anachronisme absurde. Interrogez des députés européens au Parlement de Strasbourg ; ils vous diront tous qu’il n’y a pas un de leurs pays, où l’État ait créé, ou même ait tenté de créer, un "Service public laïc et unifié de l’Éducation Nationale." Chez certains, comme la Belgique ou les Pays-Bas, les écoles libres financées par l’État rassemblent plus d’élèves que les écoles publiques. L’Italie ? C’est un cas un peu différent. Elle nous administre une sorte de preuve a contrario - la baisse de qualité dans l’enseignement public pousse des élèves de plus en plus nombreux vers le secteur privé, qui n’est pas encore subventionné, et la qualité devient une sorte de privilège, de luxe. Quelle réforme croyez-vous qu’on envisage ? La nationalisation totale ? Point du tout. Mais le libre accès des enfants dans l’école de leur choix. Telle est en effet la voie de l’avenir : la liberté de choix entre l’école publique et l’école privée doit être absolument garantie, pour que chacun puisse faire élever ses enfants dans des écoles où ne sera pas foulé aux pieds ce que leur famille leur a appris à respecter, à aimer, à croire. Mais il faudra aller sans doute beaucoup plus loin : nous sommes le seul pays au monde (en dehors des pays dits "socialistes", naturellement) où tout l’enseignement est centralisé et géré - théoriquement - par le Ministre, mais, en fait, par un syndicat bénéficiant d’un monopole : la Fédération de l’Éducation Nationale. Ce monopole a été quelque peu contrarié lors des dernières élections professionnelles par la percée de Force Ouvrière, mais la Fédération de l’Éducation Nationale reste largement majoritaire, omniprésente et omnipotente. Notre éducation est devenue une sorte de machinerie monstrueuse, ingouvernable, ruineuse. Chaque élève, dans un établissement public, coûte beaucoup plus cher à l’État qu’un élève dans un établissement privé. Il faut d’abord délivrer l’école publique de la bureaucratie et de la syndicalocratie qui se renforcent mutuellement. Si l’école libre, avec moins de moyens, réussit mieux c’est parce qu’elle est plus libre, tout simplement, parce que chaque établissement peut définir ses buts, ses méthodes, tout en restant en contact avec les familles et en étant responsable devant elles. Ce qu’il faut, ce n’est pas étatiser l’enseignement libre ; c’est libérer l’enseignement d’État. Il faut que souffle un esprit nouveau. "L’Instruction publique" de Jules Ferry a été remplacée par "l’Éducation Nationale" des syndicats politisés. Seules auraient pu leur faire contrepoids les organisations de parents d’élèves. Or, la Fédération de l’Éducation Nationale a pris en otage la principale association des parents, réduite au rang de filiale peu encombrante. La toute-puissance des syndicats, leur corporatisme étroit, leurs mots d’ordre - souvent marxisants - ne pourront être efficacement combattus que par la création d’une nouvelle légitimité, la dévolution aux parents de la réalité du pouvoir éducatif. Il n’est pas légitime qu’un Service Public s’exerce hors du contrôle des citoyens ; s’il est vrai que le Service Public c’est avant tout le service du public, les citoyens devraient en être les bénéficiaires, et non les sujets. Or, sous le couvert de la laïcité, l’État socialiste entend les assujettir à un monopole. Libérer l’École, en la rendant aux parents et aux enfants, est une priorité pour demain ; un des pivots de ce "projet de responsabilité" pour la société française, qui devra être adopté, aussitôt que possible, par les citoyens. L’enseignement n’est pas d’abord fait pour les enseignants mais pour les enseignés ; et en regard de ce principe, finalement, comme il est vain, le débat entre l’école publique et l’école privée... Est-ce que l’école de la République ne devrait pas donner l’exemple de la liberté ? Alors, que tous nos efforts soient tendus vers un seul but : "Des écoles libres... pour un pays libre". Alain PEYREFITTE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE du 11 JUIN 1985 Notre association a été fondée, au milieu de l’année 1983, au moment même où l’Assemblée nationale examinait en première lecture le projet de loi SAVARY relatif aux enseignements supérieurs. Ce projet allait être adopté malgré une courageuse bataille d’amendements conduite par l’opposition parlementaire, malgré la censure du Conseil constitutionnel qui devait l’amputer de quelques articles sans lui ôter son venin, enfin malgré la vigoureuse opposition des professeurs et des étudiants libéraux, réunis pour la première fois depuis 1968, en dépit du misérable slogan qui voulait que toujours s’oppose l’enseignant naturellement "exploiteur" à l’enseigné aussi naturellement "exploité". Souvenez-vous. C’était aux Invalides, il y a deux ans seulement, lorsqu’un gouvernement, surpris de rencontrer des résistances, ne trouvait d’autre réponse que d’opposer les C.R.S. aux professeurs et aux étudiants. Deux ans, et ce temps nous semble déjà lointain. Le souvenir des 30.000 manifestants des Invalides est éclipsé par celui de la foule, dont la réunion est sans précédent historique et qui permettait de compter près de deux millions de participants à la triomphale journée du 24 juin 1984. C’est pourtant, sous des formes diverses, du même combat qu’il s’agit, et l’escarmouche initiale était comme l’annonce de l’engagement décisif. Je ne me suis permis cette brève évocation historique que pour en tirer deux leçons relatives à la démarche de notre association.
Telles sont les deux leçons que je vous avais annoncées. Venons-en maintenant à un examen plus précis de notre action passée. Faut-il rappeler que nous ne sommes ni un syndicat d’enseignants, ni une association de parents d’élèves. Nous ne sommes pas plus une fédération d’organisations de ce type, comme l’est en revanche le Comité national laïque, dont nous n’avons pas l’intention de constituer un jour en quelque sorte l’image symétrique. C’est dire qu’encore moins que lui, nous n’avons qualité pour participer à une négociation officielle ou officieuse ! Personne ne nous y invite et nous n’éprouvons de ce fait nul dépit. Nous ne sommes pas plus habilités à déposer par exemple des recours devant les juridictions administratives lorsque certains établissements privés sont victimes de décisions scandaleuses. C’est dire que notre action est par nature limitée dans les formes qu’elle veut revêtir. Nous ne représentons que nos adhérents mais à travers eux tout un secteur de l’opinion publique. Cela seulement, mais c’est déjà beaucoup. Pour un mouvement d’opinion, tel que le nôtre, le simple fait d’exister, et que son existence soit connue - et croyez-moi, elle n’est pas passée inaperçue - c’est déjà une forme d’action. Le nombre des adhésions mesure la profondeur de l’engagement à défendre certaines idées. Mais pour défendre ces idées, encore faut-il les faire connaître. C’est pourquoi, pour l’essentiel, notre action a consisté à diffuser nos idées. Dressons un bref bilan en ce domaine. Il y a notre lettre d’information mais aussi notre manifeste qui a été diffusé à plus de 850.000 exemplaires. Chiffre considérable, si l’on songe qu’il a dû ainsi atteindre plus de 5 % des foyers français. Certains de nos adhérents recevant une nouvelle fois ce manifeste nous ont fait amicalement remarquer que notre gestion n’était pas rigoureuse. En fait, l’élimination des envois doubles est plus coûteuse que l’envoi lui-même dont le destinataire fait bien souvent bénéficier un ami. Même si l’appel à adhérer n’était naturellement pas toujours suivi d’effet, la diffusion par elle-même faisait connaître nos idées. Nous avons ainsi contribué au gigantesque effort de mobilisation de l’an dernier. Toutes les fois où l’occasion leur en a été donnée, le Président et les Administrateurs ont publié des articles dans la presse nationale : Le Figaro, à plusieurs reprises et en des moments décisifs, Le Figaro Magazine, La Lettre de la Presse, Famille Chrétienne, ont notamment bien voulu les accueillir. Qu’ils en soient remerciés, comme doit l’être Radio solidarité où nous avons à plusieurs reprises pris la parole. Est-il bien nécessaire d’ajouter qu’en revanche je n’ai eu à décliner aucune invitation de la télévision ou de radios officielles ? Nous avons publié 18 communiqués de presse envoyés à plus de 200 destinataires. Il n’a pas dépendu de nous qu’ils ne recueillent pas plus d’écho. Enfin, nous avons participé aux manifestations de Versailles et de Paris. Chaque fois nous avions obtenu, bien tardivement à vrai dire, l’autorisation de défiler sous notre propre bannière. Je crois que nous étions la seule organisation à laquelle cette autorisation ait été accordée. C’est dire que notre action est loin d’être négligeable. Je crois qu’elle fut efficace. Même s’il est impossible de mesurer avec précision le rôle que nous avons pu jouer dans la mobilisation qui devait aboutir à la journée du 24 juin et sans nous donner le ridicule de nous en attribuer la gloire, nous pouvons dire que nous avons contribué, selon nos moyens, au succès de cette journée. Nous avons toujours eu souci d’entretenir les meilleures relations avec les associations régionales ou nationales dont les objectifs sont les mêmes que les nôtres. Nous avons multiplié les contacts avec leurs responsables pour qu’il n’y ait aucune concurrence entre nous, mais convergence de nos activités. Nous avons aussi résolu de façon satisfaisante le problème de nos rapports avec les syndicats d’enseignants et avec les associations de parents d’élèves. Il ne pouvait aucunement s’agir de leur faire concurrence. Nous devions simplement les soutenir dans leurs actions, lorsque leurs objectifs étaient les nôtres. Les soutenir, même si nous n’approuvions pas, au jour le jour, chacune des décisions prises, ou plus encore l’absence de décision. Les soutenir sans nous substituer à ces organisations qui ont leur rôle propre, distinct du nôtre sans nous substituer à elles à moins qu’elles soient incontestablement défaillantes. Pourquoi cacher aujourd’hui que nous avons été inquiets lorsque nous avons vu l’U.N.A.P.E.L. d’alors différer trop longtemps la manifestation nationale dont la nécessité était patente et hésiter longtemps avant de franchir le pas ? Nous l’avons dit et notre voix, qui se joignait à beaucoup d’autres, fut entendue. Nous avons fait cela, et fort heureusement, nous n’eûmes rien d’autre à faire. Cette politique de calme résolution ne nous a pas empêché de conserver l’indépendance de nos jugements que nous n’avons jamais hésité à exprimer publiquement. Elle fut toujours la nôtre par le passé. Elle restera la nôtre dans l’avenir. ·Tel est le bilan de l’action passée dont nous n’avons pas à rougir. Tournons-nous vers l’avenir. Chacun sait que la situation actuelle est incertaine, ambiguë, mouvante, insaisissable, et de ce fait même extrêmement dangereuse. Certes, vraisemblablement, il n’y aura pas de décision majeure avant la prochaine échéance législative. Mais le risque réside précisément en ce qu’on essaie de faire croire aux Français que, pour l’essentiel, les problèmes les plus graves sont résolus. Pour ce qui concerne l’enseignement privé, la décision la plus grave, celle qui était irréversible, la fonctionnarisation des maîtres, est pour l’instant évitée. Mais subsiste le problème des conditions de leur nomination et, par la voie des décrets on essaie aujourd’hui de reprendre d’une main ce que l’on a dû concéder de l’autre sous la pression populaire. De plus, le principe du budget limitatif ayant été très imprudemment accepté par l’enseignement catholique, chacun sait que les établissements privés sont financièrement étranglés, que leur essor est entravé, et que les parents se trouvent en fait dépossédés de la liberté de choisir l’école de leurs enfants faute de places dans le privé. Nous regrettons vivement que les représentants officiels de l’enseignement privé ne fassent pas connaître avec force les difficultés qu’ils rencontrent dans les prétendues négociations au sujet des décrets. Pour notre part, nous les porterons à la connaissance de nos adhérents et nous ferons en sorte que l’opinion soutienne toutes les actions qui seront entreprises pour que, conformément à la loi et aux importantes décisions du Conseil constitutionnel, la liberté de l’enseignement soit effective en France. Nous l’avons fait lors du refus par le Ministre d’une convention pour les classes préparatoires de Stanislas. Aussi, est-ce avec un grand plaisir que nous vous annonçons que le Tribunal administratif a jugé la semaine dernière que les conditions nécessaires à la signature d’une convention étaient bien remplies par Stanislas. Nous interviendrons aussi, si nous pensons pouvoir le faire utilement, dans d’autres domaines. C’est ainsi que nous étudions actuellement les conditions dans lesquelles le plan "Informatique pour tous" s’applique ou plutôt ne s’applique pas à l’école libre. En ce qui concerne l’enseignement public, la situation est encore plus ambiguë. Le mouvement d’opinion, qui s’est développé l’an dernier, a contraint M. Chevènement à changer de discours. Mais le discours ne suffit pas, même s’il est relativement satisfaisant. Il est salutaire de dire que l’école a pour première mission de diffuser l’instruction. Encore faut-il qu’il en soit effectivement ainsi. Les raisons sont nombreuses de craindre que les beaux discours n’aient qu’un seul but : endormir la vigilance des Français, enfin éveillés à l’importance des problèmes du secteur éducatif. Nous demandons que ces discours soient suivis de décisions effectivement appliquées. Nous demandons plus spécialement que soit abrogée la carte scolaire, qu’au niveau des collèges et des lycées au moins, les parents aient une certaines latitude de choix entre les établissements et que des voies différenciées, adaptées aux capacités et aux goûts des élèves, soient instaurées. Pour les universités, l’application de la loi Savary se heurte à une forte opposition des Universitaires, comme en témoigne un manifeste en voie de diffusion. Nous demandons que cette application soit différée et que les Universités n’aient pas à voter de nouveaux statuts, ce que beaucoup d’entre elles se refusent à faire. De même, doit être abrogé le scandaleux arrêté qui confie aux Recteurs le soin de répartir les étudiants entre les universités. Il faut que chaque université ait pleine latitude de recruter les étudiants selon les modalités qu’elle choisira. Si cette faculté ne lui est pas accordée, elle n’aura ni liberté, ni responsabilité. C’est sur ce point essentiellement que se pose le problème de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur public. Sur tous ces problèmes nous serons vigilants et nous éclairerons l’opinion publique. ·A l’extrémité commune du passé et du futur est le présent. Le présent, c’est pour nous ce colloque qui témoignera de notre vitalité et qui nous permettra d’estimer le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir si l’on veut un enseignement qui soit libre et adapté aux besoins de notre société. Je tiens à souligner que le succès de ce colloque est dû au travail de M. le Conseiller Jacomet et de l’équipe si efficace qu’il a su réunir autour de lui. Qu’ils en soient vivement remerciés. Je veux aussi remercier l’ensemble du Conseil d’administration qui a su si habilement conduire nos activités et celui qui a mis en place un dispositif d’action efficace, Philippe Gorre. Les remercier de leur dévouement, de leur sincérité et avant tout, de leur si cordiale amitié. Enseignement et liberté c’est l’œuvre de chacun d’entre nous, c’est une œuvre collective, c’est la leur d’abord. Je dois enfin exprimer notre gratitude envers les personnalités éminentes qui ont accepté de participer à notre Comité d’Honneur. Le prestige de leurs noms, l’autorité morale que conférait leur patronage, ont, sans aucun doute, constitué un élément déterminant pour le développement de notre Association. Lettre N° 6 - 4ème trimestre 1984
LES MOTS ET LES CHOSES M. CHEVENEMENT a bien voulu rappeler que le but de l’institution scolaire est d’abord de transmettre des connaissances, qu’il est hautement souhaitable qu’à l’entrée au collège les élèves sachent lire et qu’il est même désirable que les rudiments de la lecture soient acquis au terme du cours préparatoire. Il affirme aussi qu’aucune éducation n’est possible si on n’exige pas de ceux qu’on éduque un minimum d’effort. Il soutient qu’on ne peut viser exclusivement l’égalité des résultats atteints par les élèves, qu’il faut encourager les meilleurs, ne pas sacrifier la qualité de l’enseignement et il en vient à prôner l’élitisme républicain. Ces propos, fort bien présentés à vrai dire, car M. CHEVENEMENT se préserve constamment du jargon dont les discours pédagogiques nous ont donné trop d’exemples, méritent-ils vraiment d’être relevés ? En d’autres temps, ils auraient constitué le fond du discours des Prix qu’un Ministre peu inspiré serait allé prononcer dans quelque obscur lycée de province. Il n’y a rien de contestable parce que tout est évident au point d’être banal. ·Faut-il que la réflexion sur les fins de l’éducation soit tombée bien bas pour que ces propos attirent l’attention, suscitent des réactions assez passionnées d’approbation ou d’indignation ? Le fait est qu’ils tranchent sur tout ce qui était habituellement dit. Nous n’aurons pas la cruauté de les mettre en parallèle avec le discours que tenaient les socialistes, il y a peu de temps encore. M. CHEVENEMENT se voit contraint aujourd’hui de brûler tout ce qu’on adorait hier dans son parti. C’est trop manifeste pour qu’on ait besoin de s’appesantir. Naturellement, le Ministre rencontre à gauche de nombreux esprits bien moins déliés que le sien qui s’attachent aux vieux fantasmes et ne comprennent pas qu’il est plus que temps de changer au moins de discours. Le dernier exemple en date nous est fourni par M. Edmond MAIRE qui, persuadé de son universelle compétence, a bien voulu nous faire part de ses idées en matière d’éducation. Nous apprenons ainsi que soutenir que "tout est dans le savoir et la transmission des connaissances" est blâmable, parce qu’alors "les élèves ne semblent pas exister". Admirons le raccourci qui tient lieu de pensée à M. MAIRE : celui qui transmet un savoir à quelqu’un nie l’existence de celui auquel il transmet ce savoir. Il est vrai que M. MAIRE craint aussi qu’on "nie la pédagogie", cette sublime science dont chacun sait qu’on peut mesurer les progrès récents au fait que les résultats obtenus aujourd’hui en certains domaines comme l’apprentissage de la lecture, sont très inférieurs à ceux qu’ils étaient il y a cinquante ans ! Que le nouveau discours ministériel ait quelques effets urticants à gauche, nous ne nous en étonnerons pas. Il n’y a pas lieu non plus de s’étonner de voir quelques porteurs d’eau se montrer en l’occurrence plus socialistes que le C.E.R.E.S. Les lecteurs du FIGARO (1.2 septembre 1984, page 17) ont pu apprendre que "l’enseignement de la seule intelligence" est "socialement injuste": "ce critère unique avantage les enfants des familles cultivées, des classes aisées où l’on manie plus facilement les concepts que les outils. Dans les H.L.M on lit plus facilement les B.D. que Claudel". Que les élèves restent tous à lire leur B.D. et qu’ils ignorent Claudel, au nom de l’égalité ! Ce morceau de prose est signé de M. STOLERU - dont il est inutile de rappeler qu’il fût Ministre avant le 10 mai - qui manifestement se trouve en plein accord de pensée avec M. LEGRAND. Nous savions de longue date que les théories gauchistes en matière d’éducation avaient contaminé une large fraction de la classe politique. Le mal est plus rebelle qu’on ne pouvait le croire. Il est bien entendu absurde de tenir pour suprêmement habile une tentative de contournement de M. CHEVENEMENT par sa gauche. Le seul problème qui mériterait d’être posé, sur le plan de l’analyse politique, est de savoir pourquoi il tient un tel langage. Une fois la part faite des choix qui lui sont personnels ou qui appartiennent en propre à la tendance politique qu’il anime, la raison est simple. Le discours de l’autre gauche, de cette gauche désormais archaïque représentée par l’équipe SAVARY ne passait plus. Il ne passait plus auprès du grand public qui avait pris conscience, en partie à l’occasion de la réflexion qu’avait suscitée le mouvement en faveur de l’enseignement libre, de la faillite de toute une politique éducative régie par les idées de gauche, mais dont il faut reconnaître qu’elle ne date pas du 10 mai même si sa mise en œuvre s’est accélérée après cette date. Il ne passait plus également auprès de ce corps enseignant qui, en grande partie, réprouvait les idées pédagogiques de ces socialistes pour lesquels il constituait néanmoins une clientèle électorale intéressante. Il fallait satisfaire et l’opinion et les enseignants. M. CHEVENEMENT leur a fait aisément plaisir avec quelques paroles. Sur ce plan nous nous garderons de lui adresser le moindre reproche. Après tout, il y a quelques vérités élémentaires dont il est bon qu’elles soient rappelées de temps en temps, surtout lorsqu’elles ont longtemps été effrontément niées. Mais les paroles ne suffisent pas ; il faut que les actes suivent. Or, si nous considérons ce qui est fait, et non ce qui est dit, le bilan est beaucoup plus inquiétant. ·Commençons par l’enseignement public, auquel le Ministre entend accorder tous ses soucis pour mieux manifester sa volonté de dédramatiser le problème du privé. On nous abreuve de déclarations d’intentions, d’annonces de projets qui vont du rétablissement du B.E.P.C. à la restauration de l’enseignement de l’histoire à l’école primaire. Tout ceci est assez touchant, mais reste bien vague et souvent ambigu. Je prends comme exemple le dernier projet connu, celui relatif à l’instruction civique. Je reconnais bien volontiers que, sans prétendre transformer les collégiens en spécialistes du droit constitutionnel, il est hautement souhaitable qu’ils sachent comment est choisi un Maire, qu’ils n’ignorent pas tout des fonctions d’un Député ou qu’ils sachent que le Président de la République est élu pour 7 ans. Il n’y a pas de quoi faire toute une affaire du rétablissement de ce type d’enseignement, comme le fait la télévision officielle. Et comme certains, non sans raison, ont dit qu’il fallait éviter qu’il y ait là matière à propagande politique, on voit les Officiels du Ministère venir nous assurer qu’on n’enseignera que des principes généraux sur lesquels il y a un suffisant consensus - du type des droits de l’homme - et se défendre de façon si confuse qu’ils en sont suspects. Comme si un enseignement qui vise à la simple connaissance des mécanismes qui régissent la vie publique dans notre Société devait nécessairement se diluer dans des considérations générales relevant de la philosophie politique dont il est difficile d’éviter qu’elle soit idéologiquement impartiale. C’est ainsi que l’anodin devient suspect. Mais mon reproche essentiel reste qu’on ne fait rien et que du même coup la situation empire. Il ne faut pas oublier que M. SAVARY avait mis sur ses rails un train de mesures destinées à être appliquées progressivement. Les plus notables étaient la réforme des collèges inspirée par M. LEGRAND et la loi des enseignements supérieurs. M. CHEVENEMENT n’est revenu sur aucune de ces mesures, même pas sur la première qui pouvait être abrogée par simple voie réglementaire. La proportion des collèges LEGRAND ira donc en croissant, sans qu’on semble d’ailleurs se soucier d’établir un bilan de "l’expérience LEGRAND". Les Universités sont fermement invitées à multiplier les nouveaux premiers cycles dont la pédagogie est réglée par le refus systématique de toute sélection. Est-ce un progrès de l’élitisme républicain ? Non seulement la thèse d’État est supprimée, mais les candidats qui la préparent actuellement et ne la soutiendront pas dans un bref délai n’auront plus les droits qu’assurait dans le passé la possession du Doctorat d’État (à savoir, la possibilité de briguer un poste de Professeur d’Université). Cette mesure, qui constitue un déni de justice est-elle donc un moyen d’encourager les talents comme on prétend le faire ? Ne rien faire c’est donc laisser le mal s’étendre. Ne nous laissons pas abuser par les mesures parcellaires, bruyamment annoncées. Elles ne sont que de la poudre aux yeux comme les beaux discours. ·Quant à l’enseignement privé, les quelques "mesures pratiques" annoncées depuis le mois de juillet, en cours d’examen au Parlement, se sont transformées en un dispositif législatif bien agencé. Certes, il a fallu renoncer aux mesures les plus provocantes. Mais on a conservé des armes redoutables. Le système des crédits limitatifs, l’insertion de l’enseignement privé dans les schémas prévisionnels permettent d’interdire à tout moment l’extension du secteur privé. La procédure de nomination des maîtres donne les moyens d’empêcher la constitution d’équipes cohérentes. Malgré la volonté gouvernementale de procéder de façon silencieuse il y a eu suffisamment de débats, de prises de position, pour qu’on sache à quoi s’en tenir. Je ne reviendrai donc pas sur un certain nombre de points. Affirmer que le Gouvernement s’est donné des armes pour entraver l’extension de l’enseignement privé et gêner son fonctionnement, ce n’est pas engager un procès d’intention. D’abord, l’accumulation des armes prouve la volonté d’agresser. Ensuite, dès maintenant, le Gouvernement se sert des armes qui sont à sa disposition. Il y a d’abord le fait massif que constitue la faible dotation en postes d’enseignement qui a été accordée à l’enseignement privé. Faute de capacités suffisantes, cet enseignement a dû refuser des élèves qu’il était prêt à accueillir. Pour de nombreux parents, la liberté du choix de l’école est restée une fiction. Mais il y a aussi des difficultés qui pour être plus limitées n’en sont pas moins significatives. Je pense naturellement à l’affaire des classes préparatoires du Collège STANISLAS dont M. GORRE retrace par ailleurs l’historique. Il serait regrettable qu’on n’y voie qu’un problème particulier concernant dans un seul établissement un secteur d’enseignement particulièrement "élitiste" et qu’on en conclue qu’il n’y a pas lieu qu’on se batte pour STAN ! Rappelons que ces classes ont un siècle d’existence, qu’à une époque où le fait n’était pas coutumier le collège STANISLAS avait décidé de préparer certains de ses élèves aux concours d’écoles publiques, qu’ont été ainsi formés de nombreux hauts fonctionnaires et parmi eux de nombreux Maîtres éminents de l’Université publique. Pourquoi s’acharne-t-on à entraver le fonctionnement de ces classes ? Simplement, parce qu’elles constituent un secteur prestigieux pour le privé, parce qu’elles lui permettent d’apprécier et de faire apprécier sa valeur par une concurrence loyale qu’elles établissent avec les établissements publics lors de concours dont, pour l’essentiel, l’organisation relève de l’État. On comprend que M. CHEVENEMENT ne soit pas disposé à céder en ce cas. Parce qu’il est élitiste il ne peut supporter ce qu’il peut y avoir d’élitiste dans l’enseignement privé. ·Le recul tactique, les paroles apaisantes, ne doivent pas nous dissimuler la continuité des desseins. L’offensive a été stoppée, elle peut reprendre à n’importe quel moment si l’assaillant croit en tirer un bénéfice de quelque ordre que ce soit. On sait maintenant que la décrispation n’a qu’un temps. Maurice BOUDOT, le 5 décembre 1984.
Les classes préparatoires de STANISLAS STANISLAS est le seul établissement privé catholique de PARIS assurant la préparation aux grandes écoles d’ingénieurs et de gestion des élèves issus de l’enseignement secondaire. Depuis 1951, époque des lois BARENGE et MARIE en faveur de l’école libre, STANISLAS avait passé, avec l’approbation de Monsieur LAPIE, Ministre Radical Socialiste de l’Éducation Nationale à l’époque, un accord avec le lycée SAINT-LOUIS pour le fonctionnement de ces classes préparatoires. Cet accord, qui laissait à STANISLAS la responsabilité de l’inscription des élèves, lui donnait aussi la possibilité de recruter ses professeurs parmi ceux du prestigieux lycée SAINT-LOUIS leur rémunération restant à la charge de l’État. Après que Monsieur SAVARY, en refusant de tenir un engagement pris par un de ses prédécesseurs au Ministère de l’Éducation Nationale, eut contraint STANISLAS à fermer ses classes préparatoires pendant l’année scolaire 1983-1984, Monsieur CHEVENEMENT met tout en œuvre pour les détruire après leur réouverture en octobre 1984. En inaugurant la rubrique "Pour la liberté de choix des parents", que nous annoncions dans le précédent numéro de la Lettre, par le cas de STANISLAS, nous avons bien conscience des différences que crée la nature de l’enseignement dispensé entre ces classes préparatoires et les classes primaires ou secondaires des milliers d’écoles qui constituent la substance de l’enseignement libre à travers tout le territoire. Le cas de STANISLAS n’en est pas moins exemplaire de la continuité d’une volonté de destruction de ces écoles. Il est aussi exemplaire par la fermeté des représentants de STANISLAS qui ont préféré fermer les classes préparatoires pendant une année scolaire plutôt que d’accepter un statut préfigurant celui prévu par le projet de loi de Monsieur SAVARY et qui ont réussi à rouvrir ces classes avec un financement uniquement privé. Les OBSERVATIONS de la COUR des COMPTES A l’occasion d’une inspection du lycée SAINT-LOUIS en 1977, la Cour des Comptes fit observer qu’il conviendrait de mettre en conformité le statut particulier de STANISLAS avec celui défini postérieurement par la loi DEBRE de 1959. Conformément à la demande de la Cour des Comptes, un Protocole d’Accord fut signé en 1980 entre le Recteur de l’Académie de PARIS, en tant que représentant du Ministre, et le collège STANISLAS. Ce Protocole établissait, sans la moindre ambiguïté, qu’au régime contractuel existant serait substitué celui de droit commun du contrat d’association pour la rentrée scolaire de 1983. Après avoir laissé sans réponse les demandes répétées de mise en application du Protocole, Monsieur SAVARY, reniant l’engagement de son prédécesseur, prétendit, en mai 1983, imposer un statut d’établissement d’intérêt public (E.I.P.) que l’on retrouvera quelques mois plus tard dans le projet de loi auquel il a attaché son nom. Après en avoir référé aux Autorités responsables de l’enseignement catholique et, en particulier, à Monseigneur HONORE, le collège STANISLAS refusa de donner au gouvernement la possibilité de se targuer d’un précédent, préférant la fermeture des classes préparatoires et la dispersion de ces classes, qui eut en effet lieu en octobre, 1983 dans des lycées parisiens. La RÉSISTANCE à l’ARBITRAIRE Grâce à la générosité de particuliers et d’entreprises, 8 classes préparatoires ont pu être rouvertes en septembre 1984. Parallèlement, en décembre 1983, STANISLAS a demandé l’extension aux classes préparatoires du contrat d’association qui est le sien pour l’enseignement secondaire. Ce n’est que le 9 juillet 1984 que le Préfet de PARIS, agissant pour le compte du Ministre de l’Education Nationale, répondit négativement à cette demande d’extension en arguant du fait que les Professeurs proposés n’avaient pas sollicité leur nomination. STANISLAS fit alors appel au Comité Départemental de conciliation qui a pour mission d’arbitrer ce type de conflit. Par lettre du 26 juillet, STANISLAS fournissait à l’Administration toutes les informations prouvant que les conditions nécessaires à l’extension du contrat étaient remplies :
Lors de la réunion du Comité de Conciliation, tenue le 3 octobre, et sans qu’aucune précision complémentaire n’ait été demandée à la suite de la lettre du 26 juillet, l’ensemble des participants se prononça en faveur de l’extension du contrat, à l’exception du seul représentant de la Fédération de l’Éducation Nationale (F.E.N.). Le représentant de la Préfecture déclara pour sa part "l’Administration estime que, en l’état actuel du dossier, la situation de certains professeurs assurant l’enseignement dans les classes préparatoires, ne paraît pas conforme aux conditions imposées par les textes en vigueur et que, en conséquence, il n’apparaît pas possible d’accorder l’extension du contrat aux dites classes préparatoires". STANISLAS a depuis introduit un recours devant le Tribunal Administratif et obtenu que celui-ci use de la procédure d’urgence. Grâce à cette procédure, le jugement devrait être rendu dans huit mois. Il sera, nul n’en doute, favorable à STANISLAS, mais le Ministère fera appel devant le Conseil d’État, nul ne peut en douter malheureusement. Cet appel étant suspensif et les procédures de ce type devant le Conseil d’État ayant une durée moyenne de trois ans, le gouvernement dispose de cinq années pour étrangler financièrement les classes préparatoires. Lucien GORRE.
LES DEUX CAMPS La journée du jeudi 13 décembre marque un nouveau tournant du combat entre ceux qui veulent imposer le grand service public laïc et unifié et ceux qui défendent la liberté de l’école. La majorité du Sénat a amendé le projet de loi de M. CHEVENEMENT après l’avoir déclaré, selon l’expression d’un de ses plus éminents représentants "tout aussi pernicieux et inopportun" que le projet SAVARY. Dans un communiqué, l’U.N.A.P.E.L. dénonce les comités de vigilance qui font "des interprétations erronées d’une partie des textes actuellement en discussion devant le Sénat". Le même jour, des parents d’élèves de Loire-Atlantique, alertés par ces comités de vigilance, ont installé, comme ils l’avaient fait au mois de juin, une école libre sur l’esplanade de la gare Montparnasse. Quelques heures après, la police les en chassait par la force. Pour sa part, l’U.N.A.P.E.L. "s’oppose à une agitation qu’elle estime aujourd’hui néfaste pour la cause qu’elle défend" en affirmant sa volonté "de voir régler les problèmes que posent encore les textes CHEVENEMENT dans le cadre des débats parlementaires et des concertations prévus". ENSEIGNEMENT et LIBERTÉ unit dans le même hommage la majorité sénatoriale et les parents de NANTES. ENSEIGNEMENT et LIBERTÉ appelle chacun à choisir son camp en se prononçant par tous les moyens que la Constitution autorise pour le texte qui vient d’être adopté par le Sénat. Paris, le 13 décembre 1984.
DANS LA PRESSE : • Dans "MADAME FIGARO" du 17.11.84, à la question de Karine CIUPA lui demandant "les parents du privé doivent-ils être totalement rassurés ?", Jean-Pierre CHEVENEMENT a répondu "En réalité, les parents du privé n’ont jamais eu lieu d’être inquiets". Le reste de l’entretien confirme bien l’identité de la démarche de Monsieur CHEVENEMENT et de celle de Monsieur SAVARY : certains raccourcis ont été jugés impraticables et l’allure est plus lente, mais l’objectif reste le même. DÉCLARATION d’UN MINISTRE : • L’objectif de Monsieur SAVARY puis de Monsieur CHEVENEMENT est-il compatible avec un idéal de liberté ? Telle n’est pas l’opinion de Madame Georgina DUFOIX, alors Secrétaire d’ÉTAT auprès du Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale, chargé de la famille, de la population et des travailleurs émigrés, s’exprimant à la tribune de l’Assemblée le 6 avril 1984. En effet, en réponse à une question d’un député communiste dénonçant la collecte, par une entreprise, d’informations sur la vie privée et les opinions politiques des candidats à un emploi, Madame DUFOIX a répondu en dénonçant ces pratiques comme autant d’atteintes à la liberté (en précisant par la suite que lesdites pratiques n’étaient connues que par voie de presse). Elle a ajouté "ces atteintes à la liberté sont moins visibles que d’autres qui suscitent d’immenses manifestations. Mais si elles sont moins spectaculaires, elles sont plus pernicieuses, plus dangereuses, beaucoup plus graves au regard des libertés de la personne". Tout lecteur qui nous dira quelles sont les immenses manifestations qui ont été suscitées dans la période précédant le 6 avril par des atteintes bien visibles à la liberté, recevra autant d’exemplaires de ce numéro de la Lettre d’ENSEIGNEMENT et LIBERTÉ qu’il le souhaite pour le distribuer à ses amis. Encore deux précisions :
MANIFESTATION La PÉTITION NATIONALE pour une MEILLEURE ÉCOLE1 est une Association qui s’efforce de rassembler des idées concrètes pour améliorer notre système éducatif. Déjà, à la fin du printemps, la P.N.M.E. avait organisé un colloque avec sept Professeurs, auteurs de livres récents sur l’école. Le 16 octobre, une nouvelle réunion rassemblait autour de M. FOUGERE, Conseiller d’Etat, deux anciens Ministres, MM. BEULLAC et HABY, le Recteur BOURSIN et Madame MOURAL, Inspectrice Générale de l’Education Nationale et M. de VULPILLIERES, Maître de Requêtes au Conseil d’Etat. Il s’agissait de montrer les difficultés de fonctionnement de l’administration de l’Éducation Nationale, surtout dans ses rapports avec la F.E.N. et de rechercher les moyens d’y remédier. Certes, ces moyens doivent être définis, mais il y faudra avant tout une forte volonté politique. BIBLIOGRAPHIE Dominique de La MARTINIERE vient de faire paraître une "Lettre ouverte aux Parents qui refusent le massacre de l’Enseignement"2. Ce titre provoquant est l’expression de son indignation qui fait suite à une profonde inquiétude ressentie depuis des années. Certes, cela fait plusieurs mois que nous lisons le témoignage de Professeurs criant leur angoisse devant l’état de délabrement de notre système éducatif. Mais pour lui qui regarde les choses de l’extérieur avec la longue expérience d’un grand commis de l’État, il s’agit d’abord de contester la double dictature d’une administration monstrueuse et d’un syndicalisme monopolistique pour leur opposer le pouvoir parental. Très largement documenté, il analyse avec une cruelle précision des faits qu’il est difficile de mettre en doute et recherche avec lucidité les causes de cette situation aux conséquences tragiques pour l’avenir de la Nation. Et ce, pour aboutir à la conclusion qu’il faudra arriver à une reconstruction complète dont il définit les fondements essentiels. Ce livre est un document très utile non seulement pour les Parents, mais aussi pour tous les adhérents d’ENSEIGNEMENT et LIBERTÉ.
CONSEIL D’ADMINISTRATION Monsieur Roland DRAGO, Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris, et Monsieur Henri de La VILLE BAUGE, Vice Président de la Fédération de Paris des APEL, ont été cooptés au Conseil d’Administration. ADHÉSIONS : Les adhérents recevront au début d’année un appel pour le renouvellement de la cotisation. Les bulletins d’adhésion et d’abonnement ci-dessous sont donc exclusivement destinés à des personnes qui n’ont pas encore adhéré. Bien entendu, leur adhésion vaudra pour 1985. 1 3, rue Logelbach - 75017 Paris - Tél. : 227.04.85 Lettre N° 5 - 3ème trimestre 1984
JANUS OU GRIBOUILLE ?... Le retrait de la loi SAVARY, l’engagement d’une procédure (désormais avortée) de réforme de la Constitution, la démission d’Alain SAVARY, le changement de gouvernement, le départ des ministres communistes, nous n’imaginions pas que notre manifestation du 24 juin déclencherait une telle suite de conséquences. La preuve est donc apportée que la protestation populaire, lorsqu’elle atteint un certain niveau d’intensité dans son expression, peut faire reculer un gouvernement pourtant acharné à réaliser ses desseins. Car c’est bien d’un recul qu’il s’agit, et même d’une déroute dont on cherche en vain à masquer la véritable nature. La manifestation nationale, trop longtemps différée, imposée par la base à une direction craintive, a emporté une victoire dans une bataille décisive. Il faut le dire et il faudra le répéter, toutes les fois où il sera utile de le faire. Mais il serait dramatique de céder à l’illusion que le danger a disparu, d’oublier les responsabilités dans cette affaire ou de se tromper sur les intentions de ceux qui nous gouvernent. Pour apprécier la situation actuelle, il nous faut revenir sur l’enchaînement des événements qui se sont déroulés depuis des mois. Ils ont déjà donné lieu à tant de commentaires qu’on peut craindre de lasser en proposant une analyse supplémentaire. Elle est toutefois nécessaire, dans la perspective qui est la nôtre, car avec le recul du temps on peut éclairer quelques points laissés dans l’ombre. ·Qu’est-ce qui a conduit le Président de la République à changer radicalement d’attitude, à décider le retrait du projet de Loi SAVARY ? La chronologie fournit quelques indices pour déterminer la réponse la plus plausible à cette question. Du 24 juin au 12 juillet, date de la fameuse allocution présidentielle, il y a trois semaines. Pendant cette période, nulle manifestation nouvelle, nul événement majeur si ce n’est la déclaration du Pape le 28 juin qui rappelle les positions fondamentales de l’Église sur le problème de l’enseignement confessionnel - positions qui étaient parfaitement connues - et le conflit avec le Sénat qui va en s’aggravant. Que fait le Pouvoir? Est-il décidé à tenir compte de la protestation populaire dont il a cherché très maladroitement à minimiser l’ampleur par les décomptes fantastiques de Gaston DEFERRE ? Aucunement ; il le dit très clairement et le manifeste par ses actes. M. MAUROY n’exprime pas sa seule opinion lorsque, le 3 juillet, il affirme qu’il n’y a pas lieu d’amender le projet SAVARY tenu pour "une loi de concorde et de paix". Deux jours plus tard, le Chef de l’État affirmera qu’il a toujours encouragé les choix de M. MAUROY et qu’il ne faut pas dissocier leurs responsabilités. Sur le problème de l’école, il n’y aurait, à l’en croire, qu’un simple malentendu. M. MITTERRAND dénonce "la médiocre politique" qui s’est emparée du problème et condamne ceux qui, sous le nom de liberté, défendent leurs "privilèges". Il en vient jusqu’à soutenir que ce sont les lois DEBRE qui avaient "blessé dans leurs convictions des millions de Français". Il ne renoncera donc sur aucun point ; "Il ne se laissera pas intimider par les invectives et les obstructions". Incontestablement, le langage est celui de la radicalisation plus qu’il ne le fut à aucun moment. Non seulement le langage, mais les actes, comme le prouve l’attitude à l’égard du Sénat. Que demande le Président de la Haute Assemblée ? Rien d’autre, en premier lieu, qu’un délai suffisant pour l’examen sérieux des textes qui lui sont soumis, au premier rang desquels figure la loi SAVARY. On sait quel accueil il reçoit. On décide le 30 juin que le Parlement est convoqué en session extraordinaire pendant tout l’été et le gouvernement affirme sa volonté de voir réglées dans les 3 mois toutes les questions en cours d’examen. Jusqu’à la journée du 12 juillet, la querelle sur le calendrier des travaux s’aigrit : après avoir puni le Sénat comme une classe chahuteuse par une privation de récréation, on en vient au point où se profile la menace du recours aux ordonnances !... Quant à la proposition sénatoriale de soumettre à référendum le projet SAVARY, non seulement on lui oppose l’argument très douteux de son anticonstitutionnalité, mais on la présente comme un "coup politique", "une manœuvre de retardement qui renforcera l’antiparlementarisme et l’extrémisme de droite" et ses auteurs sont qualifiés de "démagogues qui mettent en péril un édifice toujours fragile : la démocratie parlementaire". Je ne fais que citer des propos tenus à l’Assemblée Nationale le 6 juillet et dont on se demande comment ils n’auraient pas à s’appliquer à M. MITTERRAND lorsqu’une semaine plus tard il proposera à son tour un référendum !... D’ailleurs, M. MITTERRAND lui-même tourne en dérision l’initiative sénatoriale et n’hésite pas à dire : "si un référendum était à faire, ce serait auprès des enseignants du privé." Admirons la formule révélatrice des intentions de son auteur : l’argument de la prétendue inconstitutionnalité est subalterne ; tout simplement, un référendum sur la question scolaire est totalement inopportun. Comment en une semaine pourra-t-il changer totalement d’avis ? Faut-il supposer que M. MITTERRAND, retenu par un scrupule excessif, que lui imposait une lecture très restrictive de l’article 11, n’avait pas songé plus tôt qu’on pouvait accéder à la demande sénatoriale en modifiant la Constitution ? Ce serait lui faire injure de lui attribuer une méconnaissance d’une Constitution qu’il a charge de garder. Faut-il supposer qu’au cours d’une brève entrevue, M. GISCARD d’ESTAING a pu le convaincre de prendre cette initiative pour restaurer l’unité nationale ? Mais on est étonné de voir l’actuel Chef de l’État accorder tant de crédit aux conseils de son prédécesseur. Faut-il supposer que, la retraite au bord du Jourdain aidant, M. MITTERRAND a compris la portée d’une protestation populaire dont il se décide enfin à tenir compte ? Mais pourquoi avoir attendu si longtemps et donner d’abord l’impression qu’on agissait en sens contraire ? Aucune de ces explications n’est satisfaisante. Il nous faut donc chercher ailleurs. Probablement les choses se sont-elles passées ainsi : M. MITTERRAND sait que la radicalisation est coûteuse et risquée pour un Pouvoir très affaibli depuis les 17 et 24 juin ; mais il sait qu’est également coûteuse et risquée, compte tenu de l’état des forces politiques, une démarche d’apaisement qui ne prend un sens que dans un processus de recentrage. Il a d’abord choisi la radicalisation, mais un obstacle en apparence mineur l’arrête. C’est l’attitude du Sénat qu’on essaye vainement de faire taire à coup de menaces. Les problèmes de calendrier deviennent alors tout à fait essentiels. Le Pouvoir comptait en finir avant la rentrée ; il espérait qu’après la période estivale la question scolaire appartiendrait au passé pour sa phase législative. Les risques de voir à l’automne l’agitation repartir de plus belle seraient ainsi minimisés. Calcul dérisoire, illusion qu’on ne peut prêter à de fins politiques, dira-t-on. Mais ne vivent-ils pas d’illusions ceux qui ont cru qu’ils obtiendraient du Sénat le vote désiré sur la révision de l’article 11 ? La radicalisation était donc plus coûteuse que prévu, son succès de plus en plus incertain. Mieux valait prendre l’autre parti qui présentait quelques avantages, d’abord celui de se débarrasser de l’encombrant M. MAUROY, dont étrangement le nom ne sera pas prononcé dans l’allocution du 12 juillet, alors que l’article 89 de la Constitution précise que l’initiative de sa révision revient au Président de la République "sur proposition du Premier Ministre". (Savoir si le départ des communistes était prévu ou voulu est une question sur laquelle je n’ai aucune lumière). Restait alors à monter un dispositif ingénieux pour donner l’impression qu’on cédait beaucoup, alors qu’on reculait au minimum pour faire croire à un virage décisif du septennat ; alors qu’on se contentait d’embrouiller les problèmes, enfin pour déconcerter l’Opposition et contraindre provisoirement au silence les plus résolus défenseurs de la laïcité. Ce fut fait, non sans talent, reconnaissons-le. Mais si tel est le fond des choses, et je ne vois pas quelle autre hypothèse avancer, il y a quelques leçons à tirer. D’abord, la protestation populaire n’a pas été vaine. Le Pouvoir a dû reculer et s’il doit maintenant masquer ses intentions c’est un signe de sa faiblesse. Ensuite, le mouvement populaire a eu d’autant plus d’efficacité qu’il a trouvé un relais institutionnel. Sans le 24 juin, le Sénat n’aurait pas eu la détermination qui est la sienne. Mais sans le Sénat, les effets de la manifestation auraient été bien moindres. C’est dire que dans la défense des libertés, on ne doit pas se priver du concours des institutions qui contribuent à les sauvegarder, sous le futile prétexte d’éviter toute récupération politique. Enfin et surtout, il faut se souvenir que M. MITTERRAND jusqu’au 12 juillet s’est radicalisé. Il l’a fait aussi longtemps qu’il a cru pouvoir le faire sans trop grand risque pour l’avenir de son septennat. Il y avait non seulement intention manifeste, mais bien plus qu’un commencement d’exécution, une tentative que seules les circonstances ont fait avorter. On ne lui attribuera donc aucun mérite dans sa brutale conversion, inquiétante d’ailleurs en ce qu’elle manifeste l’imprévisibilité de son comportement. Le repentir peut être tardif, encore faut-il qu’il soit sincère. Très manifestement cette dernière condition n’est pas remplie. ·D’ailleurs, quelles décisions étaient portées à notre connaissance dans l’étrange allocution du 12 juillet ? Deux décisions totalement distinctes : le retrait de la loi SAVARY de l’ordre du jour du Parlement et l’engagement d’une procédure de révision par référendum de l’article 11 de la Constitution relatif à la procédure référendaire. Deux décisions entre lesquelles une confusion délibérément entretenue a laissé croire qu’existaient des rapports autres que ceux qui les liaient vraiment, qu’on a présentées comme complémentaires alors qu’elles se contredisaient. Donnons acte à M. MITTERRAND qu’il n’a jamais explicitement promis un référendum sur le problème de l’enseignement privé. D’emblée il a d’ailleurs à peu près annoncé le contraire. Au projet SAVARY qui n’existait plus - et qui ne pouvait donc donner lieu à référendum - succéderait un autre projet de loi qui porterait "sur des points qui relèvent à l’évidence des procédures habituelles". Formule dont je ne vois pas ce qu’elle signifie sinon l’exclusion du référendum. Dans l’entretien du 14 juillet, il se refuse à promettre un référendum sur la question scolaire. Si la révision constitutionnelle est adoptée c’est lui qui décidera des circonstances dans lesquelles l’application de la procédure référendaire est opportune. On n’apprendra rien de plus, si ce n’est que cette procédure ne s’appliquera pas au problème de la peine de mort qui "n’est pas compris dans la définition constitutionnelle des libertés publiques" alors qu’étrangement les socialistes ont coutume de présenter l’abolition de cette peine comme l’un de leurs acquis en matière d’extension des libertés (de celles des victimes, supposé-je) ! Certes, Laurent FABIUS affirmera un mois plus tard le contraire, mais sa déclaration tardive est si manifestement destinée à fléchir le Sénat, tellement conditionnelle (c’est au seul cas où la question de l’école "poserait pour les Français un grave problème de conscience" qu’elle serait soumise à référendum) qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte. Nous sommes donc éclairés : la révision constitutionnelle n’était pas destinée à résoudre le problème de l’école. Tout simplement, la querelle scolaire avait fait sentir à M. MITTERRAND l’opportunité d’un élargissement de la procédure référendaire. Il était naturel qu’il présentât en même temps que la mesure d’apaisement (le retrait de la loi) son projet de révision constitutionnelle. Bien sûr, on a pu aussi laisser entendre que le retrait de la loi SAVARY n’était définitif que sous réserve d’une acceptation de la loi de révision. Mais ce marchandage s’apparentait trop au chantage pour qu’on osât insister sur ce thème... Si nous retenons cette vision des choses - et il faut le faire en l’absence d’un engagement formel d’appliquer la procédure référendaire à la question scolaire -, dès le 12 juillet le problème constitutionnel est totalement dissocié de cette question. Demander alors à ceux qui avaient pensé qu’un référendum pouvait préserver la liberté de l’enseignement de voter la révision pour ne pas se contredire est un argument de mauvaise foi, puisque précisément ils n’auraient pas le référendum qu’ils voulaient. D’ailleurs, s’il s’agissait simplement d’apaiser la querelle scolaire, des deux mesures annoncées le 12 juillet, il y en avait une de trop. Le retrait de la loi SAVARY rendait inutile la révision constitutionnelle. En revanche, la révision n’aurait été efficace que si on avait appliqué la procédure référendaire à cette loi. J’aurais aimé qu’on nous annonçât qu’elle n’était retirée de l’ordre du jour du Parlement que pour être soumise au Peuple. Il est étrange que M. MITTERRAND n’ait pas été curieux du résultat. Une démission au lendemain d’un référendum négatif aurait été d’ailleurs un digne départ pour M. SAVARY. Il en est allé autrement, ce qui prouve que M. MITTERRAND redoutait un rejet solennel et définitif par le Peuple des projets socialistes en matière d’éducation. Bref, avec ces deux décisions distinctes, François MITTERRAND donnait l’impression de céder deux fois. En apparence, il nous submerge sous une avalanche de bienfaits. Que fait-il en réalité ? Il reprend d’une main ce qu’il nous donne de l’autre. Contraint de reculer sur la question scolaire, il fait de ce recul une occasion de voir réaffirmée sa légitimité et ses pouvoirs considérablement renforcés. De là l’invention de ce référendum "à blanc", de caractère nettement plébiscitaire, dont l’un des avantages était non pas de rendre possible l’autre référendum, voulu par les Français et demandé par le Sénat, mais de permettre de l’éviter. Ainsi s’explique le rejet des propositions, faites par l’opposition, de soumettre la révision constitutionnelle à l’approbation du Congrès. Si l’on examine son contenu, le projet de révision constitutionnelle apporte au problème de la sauvegarde des libertés publiques une solution extravagante. Soyons sérieux. Qui, dans un régime comme le nôtre, dans une conjoncture du type de celle que nous connaissons, peut menacer les libertés ? Nul autre qu’un gouvernement choisi par le Président de la République et soutenu par la majorité de l’Assemblée Nationale. A tort ou à raison c’est bien lui que les Français soupçonnent. Or, qui aurait le pouvoir de recourir au référendum pour préserver les libertés ? Nul autre que le Président de la République qui en a seul l’initiative. Jusqu’à nouvel ordre un passé de pyromane n’habilite pas à entrer dans le corps des sapeurs pompiers. Pour être honnête, la loi de révision devait pour le moins prévoir une initiative conjointe, par exemple un référendum décidé par le Président de la République à la demande du Sénat ou avec son accord. Rien de semblable n’a été proposé parce que le but réel de la révision était seulement d’accroître les pouvoirs du Président de la République. Vraisemblablement, M. MITTERRAND pensait à l’éventualité où il se trouverait en présence, en 1986 ou avant, d’une Assemblée hostile. Il se préparait pour cette occurrence une arme beaucoup plus redoutable que le pouvoir de dissoudre. Le problème de la révision constitutionnelle était donc posé en termes tels qu’il n’avait plus aucun rapport avec la question scolaire. Il était devenu un problème d’équilibre des pouvoirs et, à mon sens, la solution négative qui lui a été apportée était la seule acceptable. Il faut beaucoup d’aplomb pour continuer à dire, comme le fait M. JOSPIN, que l’opposition a refusé ce qu’elle avait demandé : un référendum n’égale pas n’importe quel autre référendum. Concluons vite, puisque la question "n’est plus d’actualité" comme le constatait l’orateur communiste à l’Assemblée pour justifier que son groupe vote une révision qu’il venait de condamner ! Le Pouvoir a utilisé la question scolaire comme un simple prétexte pour tenter, à son occasion, une opération politique qui devait assurer de meilleures conditions de survie au Président de la République au cas où les prochaines législatives lui seraient défavorables. Je suppose que, lorsqu’il dénonce la politisation du débat scolaire, M. DANIEL pense à cela. · Achevé l’épisode référendaire, où en sommes-nous ! Un seul point est acquis : le retrait de la Loi SAVARY, encore qu’on n’ait aucune assurance qu’elle ne renaîtra pas de ses cendres, un jour ou l’autre, avec un nouveau parrain. M. CHEVENEMENT a fait part de sa volonté d’aller vite pour régler les problèmes urgents. Mais en matière d’éducation, l’urgence est une notion toute relative. Les universités ne vivent-elles pas depuis 8 mois sous le régime d’une loi incomplète dont le Conseil Constitutionnel a condamné les dispositions indispensables à son application (à savoir, le mode de désignation des Conseils), sans qu’on semble avoir hâte de remplacer ces textes ? Décidément, les lacunes juridiques ne font pas peur à nos gouvernants et, en guise de constructions, M. SAVARY n’aura laissé derrière lui que des édifices inachevés. Néanmoins, on essaiera vraisemblablement d’adapter la Législation en vigueur aux transferts de compétences qu’entraîne la loi de décentralisation, en utilisant la procédure réglementaire qui permet d’agir en catimini. Hier, on nous disait que c’est l’incompatibilité des lois DEBRE-GUERMEUR avec la loi de décentralisation qui rendait indispensable qu’on leur substitue une loi nouvelle ; aujourd’hui M. LAIGNEL nous apprend qu’on peut actualiser la législation en vigueur par de simples décrets et M. CHEVENEMENT proteste quand on lui attribue l’intention de déposer une nouvelle loi ("je n’ai rien dit de tel", LE MONDE, 28 août). Nous aimerions savoir où est la vérité. Cette adaptation par décret comportera des pièges. On nous répète sans cesse que l’enseignement privé doit renoncer à ses privilèges, "comme la possibilité accordée au seul privé de créer des postes" (A. LAIGNEL, Le QUOTIDIEN de PARIS, 21 août 1984). Naturellement, il s’agit là d’une description extravagante de la situation actuelle, puisqu’il n’y a création de postes que s’il y a besoin scolaire reconnu. Faute de venir à bout de l’enseignement privé, au moins peut-on espérer entraver son développement, lui interdire de faire face à l’afflux de demandes nouvelles qu’il a connu cette année. La concurrence sera "planifiée", soyons-en assurés. Comptons sur l’inventivité de nos socialistes pour multiplier les pièges, imprévisibles par nature, puisque c’est la condition de leur efficacité. C’est dire que ceux qui ont en charge de suivre le problème devront redoubler de vigilance et que l’opinion publique ne doit pas se laisser endormir par les propos lénifiants. Mais ira-t-on au fond de la question, lui apportera-t-on une solution définitive ? Vraisemblablement non, et le candide espoir qu’entretiennent certains défenseurs du privé sera déçu. Je suis assez étonné de voir qu’on se réfère à la récente déclaration de M. LAIGNEL, dont je viens de citer une formule, comme si son auteur y répudiait les principes qui sont les siens. Certes, le ton patelin, dans le goût du jour, est nouveau ; mais sur le fond M. LAIGNEL ne renie rien. Il y aurait, selon lui, deux logiques pour résoudre le problème. Celle de "l’intégration", qui consiste à absorber l’enseignement privé dans un service public unifié, en lui laissant une marge d’autonomie plus ou moins restreinte (c’est moi qui commente) et celle de la séparation "schématisée par la formule "fonds privés pour l’école privée"". L’intégration déplaît aux laïcs ; elle a été refusée par le privé, alors que la loi SAVARY la lui proposait à des conditions avantageuses qu’acceptaient les laïcs "parce que c’était un gouvernement de gauche qui le leur demandait" (à croire que les laïcs au lieu de suivre leurs convictions obéissent à des considérations de basse politique !). On est heureux d’apprendre au passage que la loi SAVARY était une loi d’intégration, ce qui était nié, il y a trois mois. Toujours est-il qu’il reste la seule logique de la séparation qui, d’ailleurs, a toujours eu les faveurs de M. LAIGNEL, car elle est "très libérale" et "correspond aux souhaits de beaucoup de gens". (Faut-il supposer qu’on est libéral du simple fait qu’on n’interdit pas l’enseignement privé ?). Tout ceci est parfaitement cohérent. On attend la conclusion : supprimons sans délai toutes les aides publiques à l’enseignement privé. Naturellement, elle ne vient pas. M. LAIGNEL n’a quand même pas envie de saborder son parti. Il accepte donc d’attendre ; sur ce point sa position s’est effectivement modifiée. Toutefois, il est certain qu’on restera dans l’instabilité, puisque la rigueur des temps interdit de s’installer dans le système séparatiste : "la question de la définition des rapports entre le public et le privé resurgira un jour ou l’autre". Je ne serais pas étonné que M. LAIGNEL pense au lendemain d’une victoire aux prochaines législatives. ·Nous sommes prévenus. L’occasion manquée, dont M. LAIGNEL est si navré de voir que le privé n’a pas su la saisir, c’est la loi SAVARY. Il n’y en aura pas d’autre, si ce n’est les lois "séparatistes" dont on rêve. Tout ce qui sera proposé, quel qu’en soit l’habillage, relèvera de la disposition transitoire, même si on soutient mensongèrement le contraire. Il est temps que certains milieux cessent de rêver. Il n’y aura pas de solution définitive et satisfaisante de la question scolaire aussi longtemps que gouvernera le parti de M. LAIGNEL. Il y a eu recul du Pouvoir, non volonté réelle d’apaisement. Maurice BOUDOT, le 5 septembre 1984. P.S. - On aura compris que cet article était prêt pour l’impression, lorsque M. CHEVENEMENT a rendu publiques ses intentions. Sa déclaration ne comporte aucun élément imprévu et ne nous conduit sur aucun point à modifier notre analyse. Vraisemblablement, on restera dans le provisoire, avec quelques aménagements progressifs du statu quo dont il est à craindre qu’ils soient tous défavorables à l’enseignement privé. Mais tout jugement définitif doit être différé jusqu’au moment où les intentions du Ministre se traduiront en textes précis. Pour l’instant, nous éviterons soigneusement d’entrer dans le jeu de la propagande qui veut nous faire croire que la bonne volonté du gouvernement lui a permis de trouver très rapidement une solution équitable des problèmes en suspens. Ces problèmes sont en réalité, ou différés, ou éludés. On est beaucoup plus pressé de nous faire croire qu’on les a déjà résolus que de les résoudre réellement. Il faut beaucoup de candeur pour se réjouir bruyamment de voir disparaître les mesures les plus intégrationnistes de la loi SAVARY. N’était-ce pas prévisible depuis le 12 juillet ? M. CHEVENEMENT avait-il un autre choix ? Nous n’accorderons donc pas à cette déclaration plus d’importance qu’elle n’en mérite. Remarques à l’attention des adhérents et abonnés
I - COMMUNIQUES DE PRESSE DIFFUSES DEPUIS LA LETTRE N° 4 COMMUNIQUE N° 15 (du 20 juin 1984) "Contre le monopole de l’école, ENSEIGNEMENT et LIBERTE invite ses adhérents à participer à la manifestation du 24 juin 1984. Rassemblement à 13 h 00 rue de l’Arrivée, au coin de la Place du 18 juin 1940." COMMUNIQUE N° 16 (du 13 juillet 1984) "La volonté populaire, clairement manifestée les 17 et 24 juin, et le Sénat, dont la résistance était indomptable parce qu’elle donnait un cadre institutionnel à l’expression de cette volonté, ont contraint le Pouvoir à une retraite dont l’habileté de sa présentation ne saurait dissimuler le caractère humiliant. ENSEIGNEMENT et LIBERTÉ se réjouit de cette première victoire mais ne se laissera pas griser par ce succès :
On peut douter de sa volonté en la matière puisque le Président de la République parle de "points qui relèvent à l’évidence des procédures habituelles". On peut donc redouter que le référendum annoncé, sur la Constitution, n’ait pour but que d’en éviter un autre, désiré par les Français, qui leur permettrait de se prononcer en toute clarté sur l’ensemble des questions concernant l’enseignement privé. La plus grande vigilance s’imposera dans la période nouvelle qui s’est ouverte hier." COMMUNIQUE N° 17 (du 31 août 1984) "Les "propositions" de Monsieur CHEVENEMENT relatives à l’enseignement privé constituent une simple déclaration d’intention et on ne pourra entièrement les juger que lorsqu’elles auront été complétées par des textes précis. Elles n’apportent pas les conditions d’un apaisement définitif de la question scolaire mais manifestent qu’après la déroute qu’il a subie, le Gouvernement éprouve le besoin de conclure, à des termes favorables, une trêve qu’il pourra toujours remettre en cause lorsque les circonstances lui seront moins funestes. Toutes les modifications qu’on projette d’apporter au statu quo (crédits limitatifs, soumission à la carte scolaire, mise en place de commissions de concertation, etc...) sont faites au détriment de l’enseignement privé. Elles reprennent ou évoquent en filigrane des dispositions contenues dans la loi SAVARY. Dans un premier temps elles empêcheront le développement de l’enseignement privé ; dans un second temps elles viseront à l’enserrer dans un réseau de contraintes étatiques. Faute de pouvoir réaliser brutalement ses desseins, le Gouvernement adopte la stratégie du grignotage." II - LIBERTÉ DE CHOIX DES PARENTS Nous combattons pour que cette liberté existe dans l’école publique et dans l’école privée. L’étape législative, dans la direction du grand service public laïc unifié, ayant échoué, il faut s’attendre au déclenchement d’une guérilla administrative dans le même but. Nous demandons à nos lecteurs de nous adresser toutes les informations dont ils peuvent avoir connaissance sur les atteintes portées au libre choix de l’école par les Parents en raison de l’insuffisante capacité d’accueil ou de difficultés d’inscription. III - DERNIÈRE NOUVELLE Monsieur CHEVENEMENT, nouveau Ministre de l’Éducation Nationale, nous a annoncé des mesures "simples et pratiques". Sans attendre l’énoncé de ces mesures, il nous a paru nécessaire de faire, au moyen de cette lettre, un bilan des événements antérieurs. Bien entendu, si la situation le demande, nous la compléterons au cours du trimestre par un numéro spécial. ORGANISATION :
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