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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 23 - 1er trimestre 1989
DROIT COMMUNAUTAIRE ET QUESTIONS D’ENSEIGNEMENT ENSEIGNEMENT ET LIBERTE a tenu son Assemblée Générale le 1er Février 1989. A l’issue de l’Assemblée, Monsieur Jean FOYER, Membre de l’Institut, a donné une conférence dont nous sommes heureux de publier le texte. DROIT COMMUNAUTAIRE ET QUESTIONS D’ENSEIGNEMENT 1 - Communauté et enseignement. Qu’y a-t-il de commun entre les deux termes ? Au premier abord, il semble qu’il n’y en ait point. La communauté économique européenne, qui de toutes les communautés est celle que les traités sont investi de la compétence la plus large, est cependant limitée dans sa mission et dans ses moyens. Aux termes de l’article 2 du traité signé à Rome le 25 mars 1957, la Communauté à pour mission de promouvoir :
Les moyens qui lui sont assignés pour remplir cette mission sont :
Différente d’un Etat, la communauté n’a point une compétence de droit commun, elle a une compétence spéciale, une compétence d’exception. Tout ce que le traité n’y a pas inclus, demeure de la compétence des Etats. La jurisprudence de la Cour, si encline d’ordinaire à étendre le domaine de la compétence de la communauté, dit elle-même que l’éducation continue d’appartenir à la compétence nationale des Etats membres. 2 - Cependant, les activités d’enseignement ne sont pas tout à fait étrangères au traité. Le titre III de la IIe partie, qui régit la libre circulation des personnes, des services et des capitaux, tend à habiliter les ressortissants de chaque Etat membre à exercer librement sur le territoire des autres des activités professionnelles dépendantes ou indépendantes, dans le cadre d’un établissement stable ou à titre occasionnel. Les dispositions en question ne distinguent point entre les professions, elles peuvent donc s’appliquer à des activités d’enseignement. Dans une énumération, qui n’est point limitative, l’article 60, relatif aux prestations de services, mentionne celles des professions libérales. Et, pour que la liberté, affranchie de la condition de nationalité, ne demeure pas un vain mot en matière de professions réglementées, l’article 57, qui a trait à la liberté d’établissement, impose au Conseil d’édicter des directives tendant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres. Mieux encore, l’article 128, au titre de la politique sociale, prévoit que le Conseil établit les principes généraux pour la mise en œuvre d’une politique commune de formation professionnelle qui puisse contribuer au développement harmonieux tant des économies nationales que du marché commun. 3 - En fait d’enseignement, les institutions communautaires ont d’abord fait preuve d’une grande réserve. Durant quatorze ans, elles se sont peu manifestées. Un événement révèle en 1973 un changement d’orientation. Dans l’organisation des services de la commission apparaît une direction de l’éducation. La date, elle-même, l’explique. La dynamique de l’évaluation a joué. Les Trente glorieuses ont pris fin. Le chômage désole la communauté. La concurrence des nouveaux pays industriels devient de plus en plus sévère. Les Etats de la communauté n’y peuvent résister et ne peuvent espérer dans une reconquête qu’à la condition de former des savants, des chercheurs, des ingénieurs, des cadres, des ouvriers du plus haut niveau. La construction d’une Europe des citoyens, selon le rapport adopté par le Conseil européen de Milan, implique le rapprochement des politiques éducatives dans la communauté. 4 - Tâche combien difficile. Les systèmes d’enseignement sont très différents d’un pays à l’autre. Très centralisés et publics en très grande majorité ici - en France par exemple -, ils sont ailleurs complètement décentralisés, au Royaume-Uni ou en R.F.A., et, dans beaucoup de pays, les universités sont des personnes morales de droit privé. La langue fait problème. La Communauté compte aujourd’hui douze Etats et neuf langues officielles, huit sont menacées par la progression de l’anglais. Peu de secteurs sont aussi sensibles que celui de l’enseignement. Il y a plus d’enseignants que de militaires en activité de service dans l’ensemble de la Communauté. Elèves et étudiants se comptent par millions. Les familles attachent à l’enseignement une importance extrême, la fonction publique et les professions réglementées sont tentées de regarder la diversité des diplômes comme une barrière contre la concurrence d’étrangers. Ce sentiment est très fort chez les Français qui ont grand peine, depuis deux siècles, à se départir des conceptions corporatistes d’Ancien Régime. Aussi s’explique-t-il que, même durant la seconde partie de la vie trentenaire de la communauté, l’audace des institutions ait été très progressive. Pendant une première période, les institutions communautaires ont fait usage de procédés qui relèvent encore, et pour certains exclusivement, du droit international classique, c’est-à-dire respectueux de la souveraineté des Etats. L’objectif est l’européanisation des enseignements dispensés et fréquentés(I). Puis, dans une nouvelle période commençant en 1980, l’action des institutions communautaires s’est appliquée à donner effectivité aux dispositions du traité concernant la libre circulation des personnes et des services, et à leur incidence en matière d’enseignement. Nous en sommes à ce stade, celui de l’européanisation des systèmes éducatifs(II). Reste à tenter une prospective des conséquences qu’aura pour la France l’action normative et jurisprudentielle des institutions communautaires(III). I - LES INCITATIONS A L’EUROPEANISATION DES ENSEIGNEMENTS ET DES ETUDES 5 - Indépendamment des stipulations du traité, les gouvernements des Etats membres, soit qu’ils agissent par la voie classique du droit international, c’est-à-dire par la conclusion de conventions, ou qu’ils délibèrent, en Conseil de ministres de la Communauté, sur proposition de la Commission, ont mis en œuvre une politique européenne de l’éducation visant deux objectifs complémentaires :
Le temps - je le regrette - m’oblige à passer rapidement sur cette partie, quelque intérêt qu’elle présente. A. La "dimension européenne" dans l’enseignement 6 - Le terme n’est guère élégant. Le mot dimension est employé une fois de plus à tort et à travers. Il n’a pas été employé dès le début de la Communauté. Mais la préoccupation de faire place à cette dimension était déjà dans les esprits au début des années 1970. Le terme dissimule assez mal une entreprise de propagande européenne. 7 - A deux reprises, le procédé de la convention internationale a été mis en œuvre. Par une convention du 19 avril 1972 a été créé l’Institut universitaire européen de Florence, université de troisième cycle à quatre départements (histoire et civilisation, sciences économiques, sciences juridiques et sciences politiques), ouverte à des étudiants ayant atteint le niveau de la maîtrise. Sa mission est de contribuer dans le domaine de l’enseignement et de la recherche au développement culturel et scientifique de l’Europe. Il ne semble pas que l’Institut ait répondu tout à fait encore aux espoirs que ses initiateurs avaient mis en lui. Repris du rapport Tindemans, le projet de fondation européenne a conduit à la signature à Bruxelles, le 29 mars 1982, d’une convention créant une Fondation européenne qui recevait l’ambitieuse mission "d’accroître la compréhension mutuelle entre les peuples de la Communauté, de promouvoir une meilleure connaissance du patrimoine culturel européen ainsi que de développer une plus grande compréhension de l’intégration européenne". La lourdeur de l’organisation était sans rapport aux modestes moyens prévus, qui excluaient le mécénat privé. Fernand Braudel a pu écrire "qu’au lieu d’avoir une personne pour recruter quarante stagiaires, on a un conseil d’administration de quarante personnes, avec les moyens pour recruter un stagiaire..." Le 17 mai 1987, le Sénat des Pays-Bas a refusé d’autoriser la ratification de la convention, la Fondation ne verra pas le jour. 8 - Moins ambitieux, le Conseil a formulé, en une résolution en date du 24 mai 1988, sa doctrine concernant la dimension européenne dans l’éducation, le passage des jeunes de l’éducation à la vie active, et l’éducation en matière d’environnement. Ce sont là des recommandations qui n’ont en vérité aucune force juridique et qui ne peuvent se traduire en réalisation que dans le cadre de programmes. B. L’harmonisation des enseignements 9 - Sans prétendre créer des institutions nouvelles, communautaires ou internationales, la Communauté a entrepris de rapprocher les systèmes éducatifs, de leur recommander certaines actions, d’harmoniser les enseignements, de faciliter les intercommunications, une sorte d’osmose entre eux. Elle l’a fait en adoptant des programmes, qui définissent des objectifs, des orientations, recommandent les mesures propres à les réaliser, et dégagent des crédits afin de stimuler la mise à exécution. La Communauté a cherché à obtenir le développement d’actions dans de nombreux domaines : correspondance entre systèmes éducatifs, enseignement des langues étrangères, égalité des chances entre filles et garçons - on peut demander si désormais les termes du procès ne sont pas inversés -, pour les enfants des travailleurs migrants et les handicapés, la lutte contre l’analphabétisme et les échecs scolaires, l’introduction des nouvelles technologies de l’information. Il serait intéressant de connaître les résultats obtenus par ces initiatives foisonnantes. 10 - Trois programmes sont plus connus, et le sont par leurs sigles : Comett, Erasmus et Yes pour l’Europe. Le programme Comett, adopté par le Conseil le 24 juillet 1986, programme communautaire d’éducation et de formation en matière de technologies, tend à doter la communauté en ingénieurs et techniciens de haut niveau qui réclament l’utilisation et le progrès des nouvelles technologies. Son idée essentielle est l’association des universités et des entreprises dans le domaine de la formation aux nouvelles technologies. Le programme Erasmus, adopté par le Conseil le 3 janvier 1986, tend à favoriser la mobilité des étudiants et la coopération inter-universitaire. Il est l’un des mieux connus. Le programme Yes pour l’Europe, issu du Conseil européen de Milan, est un programme d’échange de jeunes travailleurs. Tous ces programmes sont des moyens d’exercer des politiques d’incitation, de susciter des initiatives, plus souvent celles des universités, des entreprises et des étudiants que celles des Etats. L’application, assez tardive, du droit communautaire apporte des modifications d’une tout autre intensité aux systèmes nationaux, à leurs règles d’organisation et de fonctionnement. II - L’EUROPEANISATION DES SYSTEMES EDUCATIFS 11 - C’est dans la décennie 1980 que les transformations commencent à s’opérer. Elles seront dues pour l’essentiel aux deux institutions les plus technocratiques des communautés, la Commission et la Cour de Justice, cette dernière se prononçant soit sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale ou sur un recours en manquement formé par la Commission. Les deux institutions jouent avec habileté le même jeu. Elles montrent une audace extrême dans l’application du traité. Autant qu’elles le peuvent, elles préfèrent emprunter la voie de la jurisprudence, plutôt que provoquer l’intervention du Conseil, du Parlement et du Comité économique et social. L’action que l’on pourrait appeler d’intégration s’est développée dans deux terrains principaux :
Enfin, les institutions de la Communauté se sont résolues - mais n’ont pas achevé - à résoudre un problème dont la solution détermine l’efficacité de toutes les autres dispositions : la reconnaissance mutuelle des diplômes. A - L’accès à l’enseignement 12 - Pour notre pays, les solutions dégagées par la Cour de justice ont moins d’importance pratique que la méthode de raisonnement suivie pour y parvenir. Si le traité CEE a proclamé la liberté, pour les ressortissants d’un Etat membre d’exercer une activité professionnelle sur le territoire d’un autre Etat membre, suivre un cycle d’étude n’est pas une profession. On l’oublie trop souvent et il est malsain de l’oublier. 13 - Comment justifier l’intervention du Droit et des institutions communautaires dans la solution des questions d’accès à l’enseignement ? La Cour a bâti un raisonnement sur les articles 128 et 7 du traité. L’article 128 fait obligation au Conseil d’établir "les principes généraux pour la mise en œuvre d’une politique de formation professionnelle qui puisse contribuer au développement harmonieux tant des économies nationales que du marché commun". Première conclusion tirée par la Cour : la Communauté est compétente en matière de formation professionnelle à quelque emploi que la formation conduise. De là, la jurisprudence de la Cour a refusé de distinguer entre enseignement académique et apprentissage. Elle a considéré que l’enseignement supérieur, en règle, ne saurait être exclu de la formation professionnelle (Aff 24/86 - arrêt Blaiziot c/ université de Liège au 2 février 1988). Ayant intégré de la sorte l’enseignement supérieur dans le domaine d’application du Traité, la Cour applique l’article 7, aux termes duquel "est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité", dans le domaine d’application du Traité. 14 - En conséquence, la Cour a jugé que les conditions d’accès d’un ressortissant à un autre Etat membre devaient être les mêmes que celles des nationaux et que l’imposition d’un minerval constitue une discrimination prohibée par l’article 7 (Aff 293/83 - Gravier c/ville de Liège - 13 février 1985) Dans la même ligne, mais statuant cette fois sur la validité d’une décision de refus, la Cour a décidé que ne pouvait être refusée à une ressortissante française une aide à la formation prévue par la loi allemande, sous le prétexte qu’elle ne remplissait point la condition de résidence de cinq ans exigée des étrangers (Aff 39/86 Sylvie Lair c/université de Hanovre - 21 juin 1988). Cependant, la Cour distingue entre l’aide destinée à couvrir les frais d’inscription et de scolarité, dont le refus aux ressortissants des autres Etats membres est prohibé, et l’aide accordée aux étudiants pour subvenir à leurs besoins, qui n’entre point dans le champ d’application du traité. Fruit d’une construction audacieuse, cette jurisprudence est pourtant moins étonnante que les arrêts relatifs à la fonction publique ? Car les solutions admises sur ce dernier point sont de nature à dénationaliser l’enseignement public. B - L’accès à la fonction d’enseignement ou la dénationalisation de l’enseignement public 15 - L’application de l’article 48 à l’enseignement privé, ne paraît pas soulever de difficultés. Les règles exigeant la nationalité de l’Etat pour un enseignement ne sont plus opposables aux nationaux des autres Etats membres de la Communauté, y compris dans des établissements privés sous contrat, comme le prévoit en France la loi Debré. Mais cet article 48 du Traité, texte fondamental, qui pose le principe de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté et en déduit les conséquences énonce, en son paragraphe quatrième, une restriction d’importance, les dispositions de l’article ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration publique. Qu’entendre par ce terme ? Il semble ne point souffrir d’interprétation, car il est clair. Est administration publique ce que le Droit de chaque Etat membre qualifie tel, le concept variant évidemment d’un Etat à l’autre. 16 - Ce n’est pas ainsi que la jurisprudence de la Cour entend le terme, auquel elle donne un sens unitaire. Déjà dans un arrêt Sotgiu du 12 février 1974 (Aff 152/73), elle avait décidé que la portée de l’exception exprimée au § 4 de l’article 48, ne saurait être déterminée par la qualification du lien juridique existant entre le travailleur et la collectivité publique qui l’emploie, statutaire ou contractuel. L’arrêt de principe est la décision Commission c/Royaume de Belgique du 17 décembre 1980 (Aff 149/79). Dans cet arrêt, la Cour a dit que seuls les "emplois qui comportent une participation à l’exercice de la puissance publique et les fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités territoriales" sont placés hors du champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs. A la suite de cet arrêt qui concerne les employés des chemins de fer belges, la solution a été appliquée aux infirmiers français (Aff 307/84 - 3 juin 1986), à une Britannique sollicitant l’accès à un stage préparatoire conférant l’aptitude à la carrière supérieure d’enseignement dans les lycées de la R.F.A. (Aff 66/85 - 3 juillet 1985), aux chercheurs du C.N.R. italien (Aff 225/85 - 16 juin 1987). Et le gouvernement grec ne pouvait avoir meilleure chance en soutenant que relevaient de l’exercice de l’autorité publique des fonctions qui semblent avoir relevé de l’enseignement privé (Aff 147/86 - 15 mars 1988). Sans doute la question n’a-t-elle jamais concerné directement un enseignant public. Mais il est évident que la solution serait identique par identité de motifs. C’est bien ainsi que l’a compris la commission dans sa communication aux Etats membres du 5 janvier 1988. La commission entend faire porter son effort de "libération" sur des secteurs prioritaires. Auprès de la santé y sont rangés l’enseignement et la recherche dans les établissements publics. 17 - Au point de vue juridique, la jurisprudence de la Cour est, à mon avis, plus que contestable. Elle est erronée, et systématiquement erronée. Selon ses méthodes dites constructives d’interprétation, la Cour a fait prévaloir sa conception intégrationniste sur la lettre claire du traité. Mais il est vain de s’insurger. Aucune autorité, aucune procédure n’est actuellement en état de briser une telle jurisprudence. Or, dans le seul domaine de l’enseignement public, cette jurisprudence concerne des millions d’emplois. Seuls le Royaume-Uni, l’Irlande et les Pays-Bas n’exigent point de leurs enseignants la condition de nationalité. Les autres Etats membres l’exigent en général, avec de fréquentes dérogations dans l’enseignement supérieur. En France, la condition est exigée à tous les degrés. La loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1988 permet d’associer aux universités mais non d’intégrer des professeurs étrangers. Voici donc des emplois en nombre considérable désormais accessibles à des ressortissants communautaires en France. Reste bien un barrage, constitué par les conditions de diplôme. Il va maintenant être démantelé. C - La reconnaissance des diplômes 18- La condition de diplôme est en droit moins difficile à satisfaire que la condition de nationalité. Il suffit d’obtenir le diplôme exigé par le droit national, puisque l’accès à l’enseignement ne peut être refusé à un ressortissant communautaire. Mais une telle réponse n’est guère satisfaisante. Elle ne facilite pas la mobilité recherchée. La solution est dans la reconnaissance des diplômes, qui rendra effectif l’accès des ressortissants communautaires à la fonction enseignante nationale, et qui facilitera grandement aussi l’exercice de la liberté d’enseignement, pouvant prendre pour les établissements d’un Etat la forme de création de succursales ou de filiales dans les autres. 19 - Prévue à l’article 57, la reconnaissance n’a pas fait de bien rapides progrès. Des directives sectorielles sont intervenues. Le système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur vient d’être approuvé par le Conseil, mais le texte de la directive tel qu’il a été définitivement adopté n’est pas encore publié. Il s’agira cette fois d’une mesure générale applicable à toutes les professions réglementées pour lesquelles une formation universitaire d’au moins trois années est exigée. La reconnaissance ne peut être refusée que par une décision motivée et susceptible de recours. La Cour de Justice l’avait déjà jugé. La directive le dira. Les dispositions de la directive sont assez complexes. Les auteurs ont prévu les cas dans lesquels la diversité des formations qui ont conduit au diplôme rend nécessaire une compensation qui peut consister en un stage ou une épreuve d’aptitude. C’est sur ce terrain que les professions réglementées se sont défendues et celle d’avocat a été active et efficace. Il est impossible d’entrer dans des distinctions dont on ne connaît pas encore les termes exacts mais qui vaudront pour l’enseignement privé comme pour le public. A coup sûr une étape seulement a été franchie, mais une étape probablement décisive. III - ESSAI DE PROSPECTIVE DU SYSTEME FRANCAIS 20 - L’environnement juridique change et pour une grande part le changement est réalisé. Quelles en seront les conséquences pour la France ? Il convient de distinguer entre les conséquences proches et les conséquences plus lointaines, comme toute prospective, celle-ci comporte une marge d’incertitude considérable. A - Les conséquences proches 21 - D’ores et déjà, certaines d’entre elles paraissent devoir être nulles(a), d’autres sont assez douteuses(b), d’autres semblent plus sérieuses en puissance(c). (a) 22 - La jurisprudence sur l’accès à l’enseignement supérieur n’aura guère d’incidence sur le recrutement des universités françaises qui ne comporte pas de condition de nationalité. Quant aux droits universitaires, le droit français ne connaît pas de tarifs différentiels selon la nationalité. Au demeurant, les droits universitaires sont en France d’un montant dérisoire et personne n’ose y toucher dans la crainte de voir juger que leur maintien est contraire au Préambule de la Constitution de 1946 qui déclare l’enseignement public gratuit à tous ses degrés. 23 - Actuellement, les étudiants nationaux des Etats membres de la Communauté sont en nombre très faible, sinon infime, dans les universités françaises, surtout les ressortissants des grands Etats du Nord. Si bien des raisons l’expliquent, et d’abord la moindre progression de la langue française dans le Monde, cette absence est un signe regrettable. Les universités françaises sont surtout le déversoir des universités d’Etats du Tiers-Monde. Ces derniers Etats lorsqu’ils ont créé des établissements d’enseignement supérieur publics, ont institué pour la plupart une sélection rigoureuse et la France accueille en grand nombre des candidats écartés par la sélection. Ce n’est guère satisfaisant. Ce recrutement douteux nous donnera-t-il au moins des enseignants ? (b) 24 - Théoriquement, l’abandon de la clause de nationalité pour l’admission à la fonction publique enseignante pourrait contribuer à la solution d’un problème aigu, qui est posé à la France comme il l’est au Royaume-Uni. Dans ce dernier pays déjà la condition de nationalité n’a pourtant jamais été exigée des enseignants. Ce problème est celui du recrutement. Les ambitieux projets de développement de l’éducation nationale en France, dont l’application coïncidera avec la retraite des enseignants du second degré recrutés en masse au début des années 1960, exigeraient, de maintenant à l’an 2000, le recrutement de 160 000 professeurs et de 130 000 instituteurs. Il y aura grande difficulté à pourvoir les emplois quantitativement et qualitativement. 25 - Il est douteux que les nationaux des Etats membres ne viennent en masse relayer les Français défaillants. Les traitements offerts aux enseignants en France sont modestes, y compris les traitements de l’enseignement supérieur, comme l’a montré mon collègue et ami, Georges Bonet, dans un article récent. Les bâtiments sont souvent d’une malpropreté repoussante, les classes hétérogènes, les relations avec les élèves souvent inacceptables. On n’imagine guère, abstraction faite du problème de langue, les ressortissants des Etats communautaires dont le revenu national par tête d’habitant est important, se précipiter en masse dans nos établissements. L’amélioration du recrutement, l’attraction retrouvée de la vocation enseignante suppose une réforme profonde, qui est impossible dans l’enseignement public. Impossible structurellement si l’on poursuit le rêve de conférer des diplômes à tout le monde. Impossible politiquement si l’on veut revenir sur cette illusion démagogique. C’est pourquoi, il est concevable qu’à l’inverse la fréquentation d’établissements étrangers et la création d’établissements étrangers en France, connaissent davantage de succès. (c) 26 - Certes, les étudiants français n’entreront pas dans les universités et autres établissements d’enseignement supérieur des autres Etats de la Communauté par centaines et même par dizaines de milliers. Il y aurait à cela des obstacles matériels de toutes sortes. Mais le nombre des Français dans ces universités augmentera certainement et deviendra significatif. Les programmes de la communauté y incitent et y inciteront de plus en plus. On peut penser que, dans le domaine, immense, des disciplines scientifiques, une certaine division du travail s’instaurera dans la Communauté. Comme au Moyen-Age et à la Renaissance, des maîtres prestigieux attireront des disciplines de plusieurs pays. De nos jours, une élite d’étudiants en droit n’est plus attirée par l’agrégation. Leur ambition est d’être engagés dans des cabinets d’hommes de loi anglo-saxons. A défaut d’aller aux Etats-Unis, ils chercheront à se former dans des universités européennes. 27 - Verrons-nous des universités étrangères créer des antennes en France, ou se créer ab ovo sur notre territoire ? La chose n’est pas inconcevable, même si elle ne doit pas prendre des proportions massives. La première formule - celle de l’antenne - présenterait l’avantage de permettre aux étudiants de subir les épreuves dans l’université-mère et d’en obtenir le diplôme désormais reconnu. Il y aurait, pensons-nous, un marché, une clientèle potentielle, pour les filiales ou antennes françaises de prestigieux établissements qui offriraient le moyen d’obtenir des diplômes réputés. Le coût de ces études ne serait pas un obstacle. Depuis quarante-cinq, les partis politiques français rivalisent de démagogie aux étudiants. Les événements de 1968 et de 1986 ont aggravé le mal. Tout doit être gratuit. Or, comme les jeunes Américains, les meilleurs des nôtres admettraient qu’il est légitime de consentir efforts et sacrifices pour se faire une situation supérieure en intérêt intellectuel et en satisfaction matérielle à celles des autres jeunes de leur génération. Certes, l’on ne verra pas se créer de la sorte des enseignements étrangers de sanscrit, d’esthétique, d’archéologie ou de droit romain. Mais on pourrait bien voir naître des antennes de prestigieuses écoles d’ingénieurs, des enseignements de technologie, de gestion, de droit, d’économie. Bien que leurs activités aient été libérées parmi les premières, les médecins étrangers ne sont pas venus en force, je doute qu’ils créent des unités de médecine appuyées sur de grandes cliniques privées. Et la Sécurité Sociale est là... 28 - Ne peut-on envisager que de grandes entreprises de la Communauté implantent des établissements en France, principalement dans des régions désertifiées, devenues la proie des étrangers communautaires, une unité de formation et de recherche dans la technique qu’elles exploitent. Dans ce cas, la reconnaissance du diplôme ne se poserait même plus. Car la valeur juridique des diplômes n’a d’intérêt que pour l’accès à la fonction publique et aux professions réglementées, le privé les juge à leur valeur intrinsèque. J’ai surtout parlé de l’enseignement supérieur. Les établissements primaires et secondaires, écoles, collèges et lycées, créés par des ressortissants communautaires sont évidemment concevables. Ils pourraient même demander à conclure des contrats en application de la loi Debré. Le refus de ces contrats ne pourrait être motivé par le défaut de nationalité française. Mais, il y a la condition du besoin scolaire reconnu... Nous ne sommes qu’au début d’un processus qui sera long, qui demandera du temps, mais dont les conséquences lointaines devraient être bénéfiques pour la France. B - Les conséquences plus lointaines 29 - J’en vois pour ma part deux principales. L’une est de fait(a), l’autre est de droit(b). De l’une et l’autre, les réformateurs lucides ont rêvé depuis longtemps. Peut-être s’avancent-elles par le détour du Droit communautaire. (a) 30 - Le premier mérite du droit communautaire appliqué en la matière, si du moins son application prend une importance suffisante, serait de renforcer la concurrence qui est la condition du salut de l’enseignement français. Certes, la législation du XIXe siècle a démantelé, en droit, le monopole de l’université impériale. Mais si le monopole de droit a disparu, en bien des cas et sur bien des points du territoire subsistent des monopoles de fait, partout où la concurrence n’est point suffisante. Et quant aux diplômes, elle est imparfaite. Or, en matière d’enseignement comme en tous les domaines, la concurrence est la garantie de la qualité du service prêté, elle est facteur de progrès, elle est une protection contre la dégradation. L’aspiration à l’autonomie n’avait point d’autre sens. On sait ce qu’il en a été, on sait comment les minables et leurs défenseurs politiques se sont acharnés à défendre un système qui attache les mêmes effets de droit au meilleur et au pire. Le monopole de fait n’a résisté qu’à l’abri des diplômes nationaux, qui semblent bien être désormais condamnés à terme. (b) 31 - Nos universités, prétendues autonomes, confèrent des diplômes nationaux, suivant un programme minimum fixé par l’autorité publique, et auxquels sont attachés des effets de droit identiques indépendamment de la qualité de l’établissement qui le confère. C’est le monopole de la collation des grades qui survit. Il a été maintenu, malgré la proclamation de la liberté de l’enseignement, pour assurer la prédominance de l’enseignement public. Il est d’une grande importance car les diplômes nationaux sont les clefs d’accès aux emplois publics et aux professions réglementées. Jusqu’à présent, il a été impossible de démanteler le système. L’intérêt des étudiants a été invoqué. Personne n’est parvenu à leur faire admettre que ce système était protecteur des enseignements de médiocre ou de mauvaise qualité. Comment pourra-t-on justifier son maintien au fur et à mesure que la reconnaissance des diplômes recevra des applications croissantes ? La plupart des universités étrangères sont des universités privées. Comment sera-t-il concevable de reconnaître leurs diplômes et de refuser de reconnaître, aux mêmes conditions, les diplômes des universités privées françaises ? Le monde occidental a cru trop longtemps trouver la sécurité et le salut dans la réglementation, réglementation qui l’étouffe. Les Communautés ont été contaminées par le mal de la réglementation, ce qui allait à contresens de leur finalité. Félicitons-nous quand la réglementation tend à établir la liberté. Jean FOYER ASSEMBLEE GENERALE DU 1er FEVRIER 1989 RAPPORT MORAL Fondée en 1983, pour la défense de la liberté de l’enseignement, et de ce qu’implique cette liberté : l’autonomie de l’enseignement privé, la neutralité de l’enseignement public, la nécessaire diversification des types d’enseignement, notre association a connu, depuis qu’elle existe, deux phases profondément distinctes. La première, qui dure approximativement jusqu’en 1985, est celle où la menace contre l’école libre est imminente, manifeste et grave. C’est la phase d’essor de notre association. Alors, notre action était facile et elle nous a permis de contribuer à cette victoire qu’a constitué le retrait du projet SAVARY, à la suite de la manifestation du 24 juin 1984. La seconde phase, qui dure depuis 1986, est d’une nature toute différente. L’offensive contre l’enseignement privé est achevée ; les menaces qui le visaient se sont estompées ; les autorités de l’enseignement catholique sont satisfaites de l’équilibre instable qu’assure le compromis qui s’est établi et se refusent à poursuivre plus longtemps leur combat. Pendant un intermède de deux ans, de nouvelles forces politiques détiennent le pouvoir gouvernemental. Elles ne peuvent être soupçonnées de la moindre malveillance en ce qui concerne la liberté de l’enseignement. C’est dire que les conditions de notre action ont profondément changé. Nous étions en présence d’un dilemme : l’essentiel ayant été acquis, au moins en apparence, avions-nous encore une raison d’agir et d’exister ? En d’autres termes, le temps n’était-il pas venu de dissoudre l’association ? Je dois dire qu’aucune réponse positive à cette question n’a jamais été préconisée par aucun de nos administrateurs. Des raisons très fortes parlaient contre cette réponse. On ne dissout pas une association créée au milieu des difficultés, surtout quand elle réunit un grand nombre d’adhérents, à moins d’avoir la certitude que sont pleinement atteints et définitivement assurés les buts pour lesquels elle a été créée. Tel n’était pas le cas très manifestement. Cette sage décision - continuer à agir - a été comprise puisqu’une proportion appréciable de nos adhérents ont finalement renouvelé leur cotisation, que leur nombre ne connaît qu’une érosion naturelle, et que nous savons que beaucoup de ceux qui nous ont abandonnés nous rejoindraient de nouveau en cas de crise grave. Mais il est manifeste que dans cette nouvelle phase notre action devait connaître de nouvelles formes, adopter un rythme nouveau, beaucoup plus lent, et c’est ce qui explique la date tardive à laquelle nous tenons cette Assemblée Générale. Il a fallu nous plier à ces circonstances nouvelles qui ne dépendaient pas de nous et qui nous contraignaient, non pas au silence, mais à la prudence et à l’attentisme. Rappelons ce qu’étaient ces circonstances : 1°) Il y a d’abord l’attitude des autorités de l’enseignement libre qui se sont refusé à formuler la moindre critique contre les dispositions simples et pratiques adoptées en 1985 par M. CHEVENEMENT et qui ont clairement manifesté qu’elles tenaient pour provocatrice toute expression de désaccord. Il était difficile de se montrer plus royaliste que le roi. Le résultat, prodigieusement étonnant à la réflexion, est que, peu après 1984, année pendant laquelle la liberté de l’enseignement a été au centre des préoccupations des Français, on a assisté en 1986 et en 1988 à deux campagnes électorales au cours desquelles ce problème n’était pas abordé, si ce n’est de façon tout à fait marginale. Pour notre part, nous ne pouvions plus accorder à la seule question de l’école libre toute la place très prépondérante que nous lui avions initialement accordée ; nous ne pouvions plus inlassablement répéter que les dispositions simples et pratiques devaient être améliorées sur un certain nombre de points précis que nous avions signalés, notamment les textes réglementaires régissant la procédure de nomination des maîtres de l’enseignement privé. Il nous a fallu centrer de façon différente les thèmes de notre action et insister plus sur ce qui concernait la liberté dans l’enseignement public et le respect de sa neutralité. Nous l’avons fait d’autant plus qu’en ce domaine se sont multipliées des offensives qui pour être moins apparentes n’en étaient pas moins sérieuses. 2°) Ensuite est arrivée au pouvoir une nouvelle équipe gouvernementale dont le programme comportait un certain nombre de mesures significatives destinées à mieux assurer la liberté de l’enseignement. Dès le printemps de 1986, nous avons eu la possibilité de rencontrer au plus haut niveau un certain nombre de responsables qui nous ont réservé le meilleur accueil. C’est ainsi que nous avons rencontré M. MONORY, ministre de l’Education Nationale, Madame ALLIOT-MARIE, secrétaire d’Etat, et M. le Recteur DURAND, conseiller du Premier Ministre. Nous leur avons rappelé les engagements pris et nous leur avons dit ce qui nous semblait le plus urgent. L’action qu’ils avaient entreprise fut profondément entravée par trois facteurs : d’abord la limite du pouvoir gouvernemental qu’entraînait la situation dite de cohabitation, ensuite, ce qui résultait de la limite du temps qui leur était imparti, alors que chacun sait qu’en matière d’éducation, il n’y a d’action efficace que sur la longue durée, enfin la gêne constituée par le silence persistant des autorités de l’enseignement libre. Toujours est-il que cette action devait connaître un échec grave sur un problème particulier : l’abrogation de la loi SAVARY relative à l’enseignement supérieur. La question fut trop longtemps différée. Confiée à un ministre indécis, qui devait, après sa démission, avouer sans vergogne son désaccord avec la politique du gouvernement auquel il appartenait, elle fut engagée à un mauvais moment - beaucoup trop tard - dans de mauvaises conditions - sur une proposition de loi équivoque - alors qu’on disposait six mois plus tôt d’un projet de la loi parfaitement satisfaisant déposé par M. FOYER. La déroute du gouvernement de l’époque devant des manifestations auxquelles participaient de nombreux étudiants abusés et dont les organisateurs avaient trouvé dans la réforme de l’enseignement supérieur un prétexte facile pour préparer d’autres offensives, devait avoir des conséquences politiques considérables. Prenant date, nous l’avons écrit à l’époque dans notre lettre d’information. Pour ce qui nous concerne, nous avons noté deux conséquences importantes : d’abord l’abandon de tout projet qui remette en cause le statu quo en matière de politique de l’éducation. Il a fallu à René MONORY une singulière obstination et un remarquable courage pour faire adopter les deux seules mesures importantes qui l’aient été entre 1986 et 1988 : d’une part l’instauration d’un corps de maîtres-directeurs dans l’enseignement primaire, d’autre part l’arrêt du recrutement des P.E.G.C. qui constituaient un corps de professeurs de collèges insuffisamment qualifiés. La première mesure a été très rapidement abrogée par M. JOSPIN ; la seconde risque de l’être dans les faits si les projets qui sont actuellement préparés sont mis en œuvre. Bien plus, on risque bientôt de ne recruter pour les collèges que des professeurs qui seront l’équivalent des P.E.G.C., à ceci près qu’ils recevront une dénomination nouvelle ! Quant aux universités, elles sont aujourd’hui toutes contraintes d’appliquer la loi SAVARY plus de cinq ans après sa promulgation, délai que je crois vraiment exceptionnel dans l’histoire de la République. Et c’est ainsi qu’il ne restera bientôt plus rien, ou presque plus rien, de ce qui avait été fait en matière de politique de l’éducation entre 1986 et 1988. 3°) Enfin, de décembre 1986 date une profonde mutation idéologique, surprenante par sa brutalité. Elle constitue la troisième circonstance qui conditionne désormais notre action, et c’est, de loin, la plus importante. Du jour au lendemain, le thème de la liberté de l’enseignement disparut des média, des discours officiels. Autour de 1984 avaient été publiés une multitude d’ouvrages, d’articles, émanant d’horizons divers mais qui avaient en commun de mettre en évidence le mauvais fonctionnement du système éducatif français. On avait abondamment critiqué son excessive uniformisation et la pédagogie niveleuse. On avait reconnu et montré la nécessité d’une adaptation aux capacités des élèves qui passait nécessairement par certaines formes de sélection M. CHEVENEMENT lui-même avait bâti sa popularité en défendant l’idée exacte que l’école n’est pas d’abord un "lieu de vie" mais qu’elle a pour fonction première la transmission des savoirs. On avait dénoncé les infractions sournoises à la neutralité de l’enseignement public, sa politisation excessive dont témoignaient trop de manuels scolaires. Du jour au lendemain, tout ceci fut oublié. On n’avait plus qu’un souci : reprendre en chœur le slogan des étudiants qui avaient manifesté : "Pas de sélection à l’entrée de l’Université", en le généralisant à la proscription de toute forme de sélection. Les milieux politiques les plus divers furent frappés de cet étrange mal et c’est ainsi qu’on en vint à soutenir qu’il fallait supprimer tout redoublement, éviter toute orientation autoritaire et, en définitive, donner le baccalauréat à tout le monde ! Progressivement, réapparurent tous les thèmes de l’idéologie qui avait fleuri en 1968 et aujourd’hui ceux qui s’étaient illustrés dans la création de cette idéologie réapparaissent, chargés d’importantes fonctions dans la préparation des nouvelles réformes. Tout au plus, cette idéologie qui se veut moderniste est-elle mâtinée de quelques slogans empruntés aux lieux communs du libéralisme. C’est ainsi qu’on parle d’une promotion au mérite des enseignants, mesure dont on comprend facilement qu’elle irrite les intéressés car le mérite en question serait mesuré par leur participation à des activités annexes, jamais par ce qui fait l’essentiel de leur métier ! Dans tout cela, il n’est plus question de liberté de l’enseignement. La prodigieuse machine à oublier que constitue le système des média modernes a parfaitement fonctionné. Tout ce qui avait été pensé, dit, écrit, reconnu comme vrai d’un accord sinon unanime, du moins très largement majoritaire, autour des années 1984, est tombé dans le trou de mémoire. On assiste à un prodigieux phénomène de régression sur le plan idéologique : en 1988, on a le sentiment d’avoir rétrogradé en 1981, comme si aucune idée n’avait été acquise entre-temps. Sur le plan de la démarche politique, l’échec de la tentative d’intégration de l’enseignement privé a vraisemblablement porté ses fruits. Elle ne sera pas récidivée sous une forme brutale. En revanche, sur le plan des idées, on a pu faire disparaître dans le silence de l’oubli tout ce qui semblait avoir été acquis autour de 1984. Dans ces conditions, il nous est facile de déterminer quelle est la plus importante de nos missions, de fixer la ligne directrice de notre action dans la période à venir. Il nous faut lutter contre cet oubli, il nous faut développer et approfondir notre réflexion sur la liberté de l’enseignement, ses modalités d’exercice, ses conditions. Les textes publiés dans notre Lettre sont un élément de cette action. La conférence que M. FOYER nous fait l’honneur de nous présenter sera une contribution importante. Mais comme cette action doit être prolongée et approfondie, comme elle doit recevoir la maximum de publicité, nous vous faisons une autre proposition qui est de créer des prix destinés à couronner des travaux consacrés à la liberté de l’enseignement, qu’il s’agisse de travaux de type universitaire, éventuellement d’ouvrages récemment publiés, ou d’un ensemble d’articles qui seraient l’œuvre d’un journaliste professionnel. Ainsi encouragerons-nous la réflexion sur le problème qui nous préoccupe et qui a motivé la création de notre association. Nul doute que la remise de ces prix donnera du lustre à notre association. Telle est, à notre avis, la forme que peut prendre l’action d’ENSEIGNEMENT ET LIBERTE qui conservera, dans la période qui s’ouvre devant nous, la lucidité et la vigilance dont nous avons essayé de faire preuve jusqu’à maintenant. Maurice BOUDOT LES PRIX D’ENSEIGNEMENT ET LIBERTE L’Assemblée Générale a décidé de créer des prix destinés à couronner des travaux consacrés à la liberté de l’enseignement :
Le Conseil d’Administration a été chargé d’établir le règlement de ces prix et d’en constituer le jury. COMPOSITION DU CONSEIL D’ADMINISTRATON L’Assemblée Générale a procédé au renouvellement du Conseil d’Administration, dont la composition est la suivante : Messieurs Aimé Aubert, Président de l’Association de Parents pour la Promotion de l’Enseignement Supérieur Libre, Maurice Boudot, Professeur à Paris IV - Sorbonne, Roland Drago, Professeur à la Faculté de Droit et Sciences Economiques de Paris, Claude de Flers, Lucien Gorre, Commissaire Contrôleur Général des Assurances (e.r.), André Jacomet, Conseiller d’Etat honoraire, Pierre Magnin, ancien Recteur d’académie. Professeur à l’Université de Besançon, Pierre Simondet, Michel de Soye, Henri de la Ville-Baugé.
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