.componentheading, .contentheading, div.module h3, div.module_menu h3, div.module_text h3, h2, a.contentpagetitle { font-family:Nobile;} #top_outer { border:none;}
Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
Lire la suite... |
Questions crucialesLettre N° 43 - 1er trimestre 1994
L’AFFAIRE DE LA "LOI FALLOUX" L’AFFAIRE DE LA "LOI FALLOUX" La décision du Conseil constitutionnel et ses suites Puisque le gouvernement à dû reculer, au mois de janvier 1994, dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire de la "loi Falloux", il est admis partout qu’il a eu tort d’engager cette réforme. La démagogie et l’ignorance se sont rejointes pour parvenir à ce résultat, qui fait penser à Kafka : "Vous êtes condamné donc vous êtes coupable !" L’histoire mérite d’être contée. Il s’agira, d’abord, de savoir quel était le problème posé et, ensuite, de connaître la manière selon laquelle il a été résolu. I - Le problème : la révision de la "loi Falloux" La loi du 15 mars 1850 sur l’enseignement date de la période conservatrice de la IIe République. Elle a été présentée en juin 1849 par M. de Falloux alors ministre de l’Instruction publique. Son article 17 est ainsi rédigé : "La loi reconnaît deux espèces d’écoles primaires et secondaires : les écoles fondées ou entretenues par les communes, les départements ou l’Etat, et qui prennent le nom d’écoles publiques ; les écoles fondées et entretenues par des particuliers ou des associations, et qui prennent le nom d’écoles libres." Parmi d’autres, son article 69 décidait : "Les établissements libres peuvent obtenir des communes, des départements ou de l’État, un local et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l’établissement." Il est certain que le système français de l’enseignement a connu, depuis 1850, des évolutions considérables dans ses structures nationales et locales, dans ses modalités d’exercice et dans son esprit. Les lois Jules Ferry, l’enseignement "laïc, gratuit et obligatoire", ont fait oublier une loi très liée à son époque et qui, disait récemment un commissaire du gouvernement devant le Conseil d’État, "relèverait plus de la compétence de l’archiviste-paléographe que de celle du juriste". Il s’agit des conclusions du commissaire du gouvernement Frydman dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 6 avril 1990, département d’Ille-et-Vilaine (Revue de droit administratif 1990, p. 596 et s.) Il y était montré, à partir de la jurisprudence, que les collectivités locales pouvaient librement verser des subventions aux établissements privés d’enseignement supérieur et d’enseignement secondaire technique. Même l’interdiction du versement de subventions aux écoles primaires, résultant de nombreux arrêts, semblait procéder d’une interprétation erronée de l’article 2 de la loi du 30 octobre 1886, l’une des lois de l’époque Jules Ferry. Pour M. Frydman, l’article 69 n’avait peut-être pas fait l’objet d’une abrogation implicite mais il était devenu "manifestement obsolète", notamment en raison de l’intervention de la loi Debré du 31 décembre 1959, car "il est clair que le volume des subventions accordées à ce titre excédera toujours à lui seul, et par définition, le modeste seuil du dixième des dépenses". Il apparaît donc que ceux qui prétendaient à l’application, en 1990, de l’article 69 et qui assuraient, contrairement au texte de l’article, qu’il ne concernait que les dépenses d’équipement commettaient une erreur. Pourtant le Conseil d’État ne suivit pas son commissaire du gouvernement. Et par une affirmation catégorique qui ne répond à aucune des objections qui avaient été présentées devant lui, il décida que le texte était en vigueur et que le seuil du dixième devait, à propos des "établissements secondaires privés d’enseignement général" (c’est-à-dire qu’il ne concernait pas l’enseignement secondaire technique), être respecté. La proposition de loi discutée au Parlement en juin 1993 et adoptée en décembre de la même année n’avait pas d’autre objet que de revenir à l’analyse qui vient d’être présentée et que le Conseil d’Etat n’avait pas voulu suivre. Elle se situait d’ailleurs dans le cadre strict de deux libertés fondamentales, la liberté de l’enseignement reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 novembre 1977, la libre administration des collectivités locales affirmés par l’article 72 de la Constitution et par la loi de décentralisation du 2 mars 1982, et reconnue par le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 23 mai 1979 et 25 février 1982. Il est d’ailleurs probable que si la loi avait été adoptée au cours de la session extraordinaire de juillet 1993 (mais, comme on le sait, le président de la République s’y opposa), elle n’aurait provoqué aucun remous. II - La solution : la décision du Conseil constitutionnel et ses suites. La loi avait été adoptée par l’Assemblée nationale en juin 1993 et la discussion, commencée au Sénat, fut interrompue par la fin de la session ordinaire. Elle reprit devant celui-ci le 14 décembre et fut adoptée le même jour. Que n’a-t-on pas entendu, même dans les rangs de l’actuelle majorité, sur ce "vote à la hussarde"! Quels slogans excessifs ont été promenés dans les rues de Paris lors de la manifestation corporatiste du 16 janvier 1994 ! La loi, déférée au Conseil constitutionnel, donna lieu à la décision du 13 janvier 1994, évidemment présentée comme une victoire par les manifestants. Tous les arguments concernant la prétendue irrégularité de la procédure parlementaire ont été rejetés. Il ne reste rien du "vote à la hussarde", ce qui n’empêche pas, aujourd’hui encore, les organes de presse d’en parler. On dira d’ailleurs que, pour sa propre gloire, le Conseil se devait de rejeter ces moyens car s’il avait annulé la loi sur cette base, on l’aurait vite accusé, de toutes parts, d’avoir lâchement esquivé la difficulté. Et ceci, une fois de plus, montre la relativité du contrôle de constitutionnalité. Sur le fond, divers arguments avaient été invoqués contre la loi. Ils ne sont même pas repris dans la décision : le Parlement abandonne sa compétence au profit des collectivités locales ; la loi enrichit sans motif les propriétaires des bâtiments ; elle porte atteinte à la laïcité de l’État, à la séparation de l’Église et de l’État... Pour les manifestants, la question était pourtant là avec le slogan "École publique, fonds publics. École privée, fonds privés". Un seul article de la loi est déclaré non conforme. Il est vrai que c’était l’article essentiel, celui qui faisait disparaître le seuil du dixième des dépenses annuelles tout en assortissant d’ailleurs cette suppression de conditions précises. Les dispositions essentielles par lesquelles le texte est déclaré inconstitutionnel sont au nombre de deux. On les présentera et on les commentera ci-après : 1° - La loi donnait, en cette matière, trop de pouvoirs aux collectivités locales. Le Conseil reprend d’abord, sur ce point, une formule figurant dans sa décision du 18 janvier 1985 à propos de la loi Chevènement (La Lettre d’Enseignement et Liberté, n° 7, 1er trimestre 1985). Dans cette décision, le Conseil avait annulé une disposition de la loi selon laquelle la conclusion par l’Etat d’un contrat d’association avec un établissement privé était subordonnée à l’accord de la commune intéressée. Or il n’y a aucune comparaison possible entre une loi qui subordonne l’entrée en vigueur d’un contrat passé par l’Etat à l’accord d’une commune et une loi qui attribue une compétence (au demeurant facultative) à toutes les communes à propos de conventions qu’elles doivent conclure elles-mêmes. Le Conseil ajoute que les décisions pourraient ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire du fait de la décision de chaque assemblée locale sans vouloir se rendre compte que, ce faisant, il ignore le principe de libre administration des collectivités locales et fait en quelque sorte prévaloir sur lui un prétendu risque d’atteinte à l’égalité sur ce principe. Or toute sa jurisprudence passée montrait qu’il n’y avait pas de hiérarchie entre les règles constitutionnelles. L’interprétation donnée veut donc dire que les collectivités locales n’auraient plus la liberté d’accorder ou de refuser à quiconque une aide financière. L’absurdité de ces conséquences montre à quel point le raisonnement suivi est faussé. 2° - Une autre atteinte à l’égalité résulterait du fait que la loi ne comporterait pas de garanties suffisantes pour que des établissements privés, se trouvant dans des conditions comparables, bénéficient d’aides identiques. Ou encore pour que des établissements privés se trouvent dans une situation plus favorable que celle des établissements publics. C’était là oublier les conditions strictes prévues par la loi elle-même et les règles générales sur le financement des établissements privés depuis 1959. Si des situations de cet ordre devaient se présenter, elles auraient été condamnées par le juge administratif comme il l’a déjà fait. Or selon une jurisprudence constante du Conseil depuis 1986 (décision 86-207), les risques d’abus dans l’application d’une loi ne peuvent à eux seuls la faire regarder comme contraire à la Constitution. La décision du 13 janvier 1994 a déjà fait l’objet de commentaires critiques dans les revues juridiques. Le Conseil constitutionnel y brûle ce qu’il a adoré et revient, on n’ose dire pour les besoins de la cause, sur des solutions établies qui résultaient de sa propre jurisprudence. La loi a pourtant été publiée, à l’exception de l’article 2 (loi n°14.51 du 21 janvier 1994, J.0., 22 janvier). Le Conseil n’a pas estimé, comme cela lui arrive, que les autres dispositions de la loi étaient "inséparables" de l’article annulé. Il en résulte un certain nombre de conséquences : 1° - L’article 69 de la loi Falloux subsiste, et il subsiste tel que le commissaire du gouvernement du Conseil d’Etat l’avait analysé en 1990, c’est-à-dire avec une interprétation souple du seuil. Il convient seulement de le combiner avec les conditions des articles 3 et 4 de la loi nouvelle (compatibilité, pour l’enseignement secondaire, avec les schémas prévisionnels des formations ; conclusion d’une convention). 2° - L’article 1er de la loi qui est maintenu dispose : "Les collectivités territoriales de la République concourent à la liberté de l’enseignement, dont l’exercice est garanti par l’Etat." Ce "concours" que la loi consacre donc les associe désormais à une reconnaissance qui s’est manifestée par les lois de 1959, 1977 et 1985. Elles ont donc une latitude qui n’existait pas auparavant et qu’il appartiendra aux autorités administratives et aux tribunaux de reconnaître. Tous les Français doivent pouvoir imaginer ce que serait le sort de leurs enfants si les écoles privées ne disposaient d’aucune aide de l’État et des collectivités locales. Ils comprendraient alors que cette aide est un signe de reconnaissance dans tous les sens du mot. Professeur Roland Drago Revenir sur les événements qui ont marqué le début de l’année, est-ce utile, est-ce nécessaire? Je le pense, en raison de l’énormité de leurs conséquences et des enseignements considérables qu’on peut et qu’on devrait en tirer. D’ailleurs, mon opinion quant à l’importance de cet épisode de la guerre scolaire - car il s’agit bien d’un épisode d’une guerre plus longue que celle de cent ans - rejoint exactement celle des auteurs de l’émission du 8 mars présentée sur la chaîne de télévision FR3, dans le cadre du cycle "les brûlures de l’histoire", même si elle diverge du tout au tout en ce qui concerne les conclusions à tirer de ces événements et l’appréciation du comportement des différents acteurs. Ce soir-là, en effet on nous présentait la manifestation du 16 janvier, déjà momifiée, comme un fait historique, à mettre en parallèle au moins avec les grandes manifestations de 1984 en faveur de la liberté de l’enseignement, peut-être même avec le vote des lois Ferry ! Une situation bloquée Quant à l’importance numérique de la manifestation, malgré les images biaisées qu’on veut nous en donner aujourd’hui, il ne faut rien exagérer. Vraisemblablement elle réunissait trois cent mille personnes venant de toute la France -"chauffées" au cours de six mois de préparation (grâce au délai accordé en juillet par la décision de François Mitterrand de renvoyer l’affaire à plus tard). Les manifestants bénéficiaient de toute l’infrastructure de feu la FEN - infrastructure toujours en place -, de l’aide de tous les partis de gauche et du matraquage publicitaire de tous les grands médias radio et télévisuels. Leur nombre n’a rien d’étonnant et ne saurait être comparé à celui (au moins cinq fois supérieur) des manifestants de 1984, réunis dans de tout autres conditions, quoi qu’aient insinué Laure Adler et Mona Ozouf au cours de l’émission que j’ai évoquée et qui devait susciter une sainte et légitime colère de Pierre Chaunu en raison de la légèreté avec laquelle elle prenait les données historiques et de sa partialité (je renvoie au Figaro du 8 mars, jour de sa diffusion). Une manifestation dont il serait bien entendu ridicule de nier l’importance mais qui ne nous apprenait rien de nouveau, sinon que le peuple de gauche était sorti de la léthargie consécutive à son échec électoral. Ce peuple de gauche avait-il au moins changé, avait-il procédé à un aggiornamento ? On essaye de nous le faire croire et même des quotidiens sans sympathie excessive pour le laïcisme l’écrivent : il serait moins agressif, seulement inquiet parce qu’il a le sentiment que l’équilibre entre école publique et école privée est rompu en faveur du privé ; et Mona Ozouf développe avec insistance ce thème : la loi Bayrou (qui reprend la proposition Bourg-Broc) crée une situation injuste, car l’enseignement privé est traité à parité avec le public qui a des contraintes beaucoup plus grandes. On voit repris dans une émission qui se veut historique tout l’argumentaire du recours entériné par le Conseil constitutionnel. En tout cas, nulle trace d’anticléricalisme et aucune mise en cause d’un enseignement privé n’anime les manifestants. Affirmer cela, c’est se moquer de nous. Car enfin, le même Figaro qui donne une image si apaisante des manifestants, dont "peu de banderoles ou de chants affichaient un franc anticléricalisme" nous offre dans le même encadré un florilège édifiant : "Pas de fonds pour la calotte", "Vade retro soutanas", "Pas un rond pour les curetons", et un peu plus loin "Tout au laïque, rien aux curés", "Ecole libre = cerveau occupé" (lundi 17 janvier, p. 4). Et si on veut quelques éléments complémentaires on les trouvera dans le numéro du 3 janvier de Force Ouvrière (organe du syndicat de ce nom) intitulé "L’école publique en danger", qui affiche le slogan "Les fonds publics à l’école de la République", présente la loi récemment adoptée comme une "agression" qui tend à effacer les lois de Jules Ferry et "remet en cause tout le rôle de l’école de la République". M. Bayrou ne ferait qu’accomplir l’œuvre entreprise par la loi Debré et les accords Lang-Cloupet ! Et si on veut juger du niveau d’agressivité de ceux qui prétendent que, l’"école publique est en état de légitime défense" - ce qui justifie presque tout, comme chacun sait sauf pour les particuliers effectivement agressés et qui doivent rendre des comptes à une justice si clémente en d’autres cas ! - je renvoie à la bande dessinée (p. 2-2) qui confronte un hypocrite élève de l’école privée "Lang-Cloupet" (sic) et un gentil (mais pauvre) élève du public ! Bien sûr, dans l’immédiat, on ne pouvait rien demander ni obtenir d’autre que le retrait de la loi Bayrou, mais si les circonstances étaient plus favorables on irait beaucoup plus loin. Ce n’est pas une solution juste milieu qu’on désire, mais le règne d’un strict monopole. Ceux qui se faisaient des illusions à ce sujet en sont pour leurs frais. Il y a tout un ensemble d’organisations qui n’ont rien perdu de leur sectarisme, tandis que le camp opposé se décomposait. Expliquer la véhémence dont témoignait cette manifestation par le fait que les défenseurs de l’école publique auraient le sentiment (légitime) qu’on fait un cadeau à l’enseignement privé en leur volant un argent qui leur est indispensable est une explication très courte. Car, enfin, ces manifestants ignoraient-ils que la dépense nouvelle pour aider les établissements privés ne dépassait pas 4 milliards, alors que la part de l’éducation dans les budgets public (État ou collectivités territoriales) est de cent fois supérieure à ce chiffre ? Philippe Némo vient de publier un livre très intéressant (Le Chaos pédagogique, Albin Michel, 1993) qui contient des données chiffrées édifiantes : en quarante ans (depuis 1952, plus exactement) les dépenses en matière d’éducation (estimées en francs constants) ont été multipliées par dix, la durée moyenne de la scolarité étant multipliée par deux. Personne ne peut prétendre que les résultats soient à la mesure de l’effort fourni. En tout cas, il n’est pas possible de soutenir sérieusement que tout est affaire de moyens : l’éducation nationale ne manque aucunement de moyens (même si, ici ou là, on peut constater quelques déficiences). Son incontestable échec vient d’ailleurs : du désordre qui y règne, de la mauvaise définition des objectifs qu’on lui assigne notamment. Il n’y avait donc pas de raison de soupçonner un concurrent avide ! Et, pourtant, ce discours a bien fini par l’emporter au point que le gouvernement a cru apaiser l’opposition qu’il sentait monter en proposant dès la fin décembre une augmentation des crédits attribués à l’enseignement public, notamment pour l’entretien des locaux, les travaux de sécurité, etc. Promesses qui se sont englouties dans un gouffre d’ingratitude. Puis, après la manifestation du 16 janvier, en raison de son succès (pourtant prévisible), voilà M. Bayrou poussé à une série de négociations avec les syndicats pour réexaminer la situation et, pour la nième fois, accordant de nouveaux moyens. Et, malgré la pénurie, on créera quelques paquets de postes nouveaux, dont il n’est pas certain qu’ils correspondent à de vrais besoins et qui ont pour seul avantage réel et certain d’éponger un tout petit peu le chômage. On a oublié les problèmes de liberté de l’enseignement pour retrouver les seuls intérêts de la corporation des enseignants, comme on l’a fait si souvent depuis des décennies. Le mauvais exemple Avoir adopté une attitude si lénifiante après la courageuse décision prise le 14 décembre et le combat de M. Bayrou au Sénat, et persévérer au moment où le Conseil constitutionnel venait par une décision stupéfiante de rendre publics les prétextes qu’il avait trouvés pour invalider la loi, était-ce bien nécessaire, était-ce bien utile ? Il n’était pas question d’amadouer le Conseil constitutionnel, ni les participants à une manifestation qui avait déjà eu lieu, et si on croyait ainsi apaiser ceux qui avaient profité de la manifestation, on se trompait. Ils allaient empocher les bénéfices et formuler de nouvelles demandes, selon leurs habitudes. Il faut être imperméable aux leçons de l’expérience pour ne pas l’avoir prévu. En revanche, le gouvernement avait donné un tel spectacle de faiblesse que ce devenait un jeu pour ses adversaires que de le contraindre sans cesse à la reculade. Et ce n’est pas un hasard si c’est une question relative à la formation de la jeunesse, même si elle ne relève pas au sens strict de la compétence du ministre de l’Education qui permet à tout un chacun de s’amuser à faire perdre la face à M. Balladur. Car, enfin, ce samedi 20 mars, après deux semaines de manifestations violentes, où en sommes-nous et que penser de ces CIP (contrats d’insertion professionnelle) contre lesquels se déchaîne une telle fureur ? L’objectif du projet - faciliter l’embauche de jeunes qui n’ont pas une formation professionnelle suffisante - est incontestable. L’idée de confier aux entreprises elles-mêmes la charge de donner ce complément de formation est parfaitement saine. Il allait de soi qu’il fallait alors, en contrepartie, offrir une compensation financière et casser dans ce cas la rigidité de la barrière du SMIC... Pourquoi faut-il qu’un tel projet ait causé un si prodigieux émoi ? Sans aucun doute, parce que, initialement, il était mal présenté parce que mal conçu. Proposer 80 % du SMIC à des titulaires d’un diplôme de niveau bac + 2 a quelque chose d’insultant, de décourageant aussi ; faut-il entreprendre d’aussi longues études pour si peu d’avantages ? Comment maintenir dans ces conditions la juste hiérarchie des rémunérations ? Et comment assurer le sérieux des études et des examens qui les sanctionnent ? D’ailleurs le simple fait de se référer à ce niveau veut-il dire que c’est désormais le niveau moyen et qu’on est passé si vite de 80 % de bacheliers à 100 % de titulaires du DEUG (ou d’un diplôme équivalent) ? Sur ce point essentiel, le projet a été revu. Mais le mal était fait et chacun devait ergoter sur la justification de cette réduction de 20 % du salaire : le temps de travail (hors formation) devrait être réduit de 20 %, chaque jeune ayant un tuteur, avec cahier de formation, etc. Bref, le recrutement d’un jeune par CIP finira par coûter plus cher aux entreprises que hors contrat ; il créera tant de contraintes qu’il y aura vraisemblablement bien peu de propositions du côté des entreprises. Ceci n’empêchera pas les manifestations violentes de continuer. Les démagogues se sont engouffrés dans la place et des enseignants sans scrupules attiseront le conflit en partie parce que, par sectarisme, ils exploitent toutes les situations défavorables à la majorité en place, en partie parce que dans les CIP qui confient aux entreprises le soin de donner un complément de formation, ils ont vu une atteinte au dogme sacré selon lequel toute formation doit se faire dans le cadre de l’Éducation nationale. En raison d’une maladresse initiale et parce qu’il a donné l’impression d’être constamment sur la défensive, le gouvernement mis en échec par une jeunesse à la fois pitoyable et arrogante, complètement démoralisée (en tous les sens du terme) risque de voir son autorité considérablement affaiblie et sa capacité d’action très limitée, surtout en ce qui concerne les réformes du système éducatif. Et pourtant ceux qui gouvernent actuellement ne sont que partiellement responsables de la situation qu’ils ont trouvée et à laquelle ils essayaient d’apporter un remède dont la portée ne pouvait être que très limitée. Ce sont toutes les forces politiques qui se sont succédé au pouvoir depuis vingt-cinq ans qui ont participé à la prolongation abusive de la scolarité, aux bradages des diplômes, au laxisme systématique dans les cursus scolaires. Tous ont voulu les 80 % de bacheliers. Le processus s’est même accéléré sous les gouvernements socialistes (si on laisse de côté l’action de M. Chevènement). En vingt-cinq ans le nombre des étudiants est passé de trois cent mille à deux millions. Et aujourd’hui on ne sait qu’en faire. Quant aux intéressés, ils découvrent qu’ils ont été payés en monnaie de singe, que leurs diplômes n’ouvraient aucune porte. On comprend leur colère. La présentation du projet avec 80 % du SMIC pour bac+2 était une espèce d’aveu. Il montrait l’effondrement de tout le système éducatif. La crise économique n’a joué qu’un rôle de détonateur. En fait, ce qu’on découvre, c’est l’impossibilité de pratiquer la fuite en avant en prolongeant toujours plus la scolarité, afin de dissimuler les insuffisances de formation ou de contourner les problèmes de l’intégration dans la vie active de ceux qui sortent du système scolaire. Il faut maintenant affronter le problème. Que faire de ceux qui pour leur malheur appartiennent à la génération des "mal appris" ? Il n’y a en réalité aucune solution pleinement satisfaisante mais de simples palliatifs du genre de ce que propose actuellement le gouvernement. Mais, au moins peut-on éviter de multiplier le nombre des victimes de ce monstre qu’est le système éducatif fondé sur les principes du plan Langevin-Wallon. Il faudrait en premier lieu s’attaquer au "collège unique", diversifier dès la sixième parcours de formation et voies ouvertes selon les capacités et le goût de chacun. M. Bayrou qui connaît parfaitement la question à promis de s’atteler à la tâche. Nul ne peut douter que l’entreprise sera particulièrement périlleuse, car elle mettra en question des principes érigés en dogmes et portera atteinte à des situations acquises. Les oppositions seront vives et multiples. L’essentiel ne pourra être fait que lorsqu’on sera sorti de cette situation politique instable que crée le fait de la cohabitation. Mais il faut pourtant aller vite, faute de voir aggravés des problèmes auxquels notre pays est affronté. Le gouvernement qui entreprendra alors cette tâche aura besoin d’une autorité restaurée. Il aura aussi besoin de ne pas voir son action systématiquement dénigrée par les grands médias, faut-il ajouter. Souhaitons de voir bientôt ces jours. Maurice Boudot L’HISTOIRE SE REPETERA-T-ELLE ? "Tout cela a conduit, le 8 décembre, le Premier ministre à retirer purement et simplement l’ensemble du projet de réforme. La gauche, utilisant les étudiants, avait atteint son but, et le gouvernement connu une défaite, la première, la plus grave, celle qui allait lourdement compromettre les chances de Jacques Chirac, [...] il me sembla, dans un premier temps, que nous ne pouvions pas ne pas proposer la réforme promise. Le projet Devaquet me paraissait très modéré, à la limite de l’inutilité tant il l’était, mais je n’y voyais aucun risque d’explosion. Tout au long des discussions interministérielles, je soutins Alain Devaquet. L’agitation commencée, je pensai que le gouvernement ne pouvait retirer le texte, qu’il y allait de sa crédibilité, alors que Charles Pasqua, mieux informé de l’état des esprits dans l’Université, s’interrogeait. Cependant, c’est moi qui convainquis Jacques Chirac, décidé à maintenir le texte, que mieux valait finalement y renoncer." Ces propos de M. Balladur sont extraits de Passion et longueur de temps (p. 126 et 127), publié en 1989 chez Fayard. E.L. le 28.3.1994 COMMUNIQUE DE PRESSE DU 17 JANVIER Aucune loi qui marquait une nette volonté de rupture avec le socialisme n’a échappé à la sanction du Conseil constitutionnel (prise avec diverses argumentations aux conséquences encore imprévisibles) ; la révision de la loi Falloux ne pouvait échapper à cette règle. Les manifestants de dimanche étaient privés de leur objectif avoué. Ils furent néanmoins nombreux à se réunir, car leur but réel était de prendre leur revanche sur les rassemblements de 1984. Ils ont pu ainsi manifester au grand jour leur anticléricalisme et leur haine du pluralisme scolaire. Seule l’instauration d’un strict monopole pourrait les satisfaire. Ceux qui croyaient le conflit scolaire apaisé et tenaient MM. Mitterrand ou Rocard pour "modérés", en ce qui concerne les problèmes scolaires, en sont pour leurs frais. Tweet |