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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 44 - 2ème trimestre 1994
ITALIE : VERS UNE NOUVELLE POLITIQUE SCOLAIRE ITALIE : VERS UNE NOUVELLE POLITIQUE SCOLAIRE Professeur à l’université de Bologne, où il enseigne la philosophie des sciences, M. Petroni est par ailleurs directeur du Centre de recherche et de documentation "Luigi Einaudi" de Turin. Il y dirige la Biblioteca della Libertà, périodique de philosophie politique auquel collaborent les meilleurs représentants du courant libéral. La question du bon scolaire est devenue très populaire en Italie au cours des derniers mois. Elle a même été l’une des questions les plus discutées pendant la campagne électorale qui s’est terminée le 27 mars. Pour comprendre les enjeux, il faut évidemment partir de la situation présente du système éducatif italien, et des raisons de sa crise. 1. La mainmise de la puissance publique Plus de 90 % des élèves italiens fréquentent l’école publique. C’est là la donnée fondamentale de notre système. Il y a probablement très peu d’équivalents à cette situation dans l’Europe entière. Les raisons qui l’ont déterminée sont relativement simples. Au moment de l’Unité de l’Italie (1860) la grande majorité des écoles étaient gérées par l’Eglise. C’était spécialement vrai pour l’école primaire, tandis que de nombreux collèges et les universités qui n’étaient pas dans les Etats pontificaux étaient gérés par les villes. (Mais même dans les Etats pontificaux les universités étaient assez autonomes par rapport au contrôle de l’Eglise.) Spécialement dans les campagnes, la seule forme d’instruction disponible était celle donnée par les curés. Naturellement, le taux d’analphabétisme était très élevé. (En fait, il l’est resté jusqu’aux années 60 de ce siècle.) Pour des raisons bien connues, l’unification de l’Italie se fit largement contre la volonté de l’Eglise de Rome, et sans le soutien du clergé. Cela détermina une opposition presque frontale entre l’Etat et l’Eglise, dont l’instruction fut le tout premier terrain. L’un des plus urgents soucis des gouvernements de l’Italie unifiée fut justement d’ôter l’instruction des mains de l’Eglise. Il est peut-être utile de rappeler qu’une fraction très large des politiciens de l’époque étaient des francs-maçons. Il y avait donc des raisons politiques et des raisons idéologiques à la base de la décision de soustraire l’instruction au contrôle de l’Eglise. Etait prévalante l’idée qu’une réelle unification de l’Italie ne pouvait se réaliser que si l’Etat se chargeait directement de l’instruction tant des masses que des élites. C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre pourquoi Benedetto Croce, écrivant au début du XXe siècle, déclara que l’établissement d’un système d’instruction publique contrôlé par l’Etat avait été l’une des plus grandes décisions libérales de la "nuova Italia". Depuis cette époque, la tendance à l’expansion de la mainmise de la puissance publique dans l’instruction a été toujours constante, et sans aucun revers. Cette expansion a suivi deux chemins distincts, mais convergents : 1) la gestion directe des écoles (y compris les instituts d’instruction supérieure et les universités) de la part de l’Etat, qui s’est de plus en plus substitué aux villes et aux communes (et non pas seulement au clergé) dans cette tâche. Cela a induit des directives de plus en plus rigides et centralisées pour le recrutement des enseignants, y compris les professeurs d’université ; 2) l’imposition d’un curriculum national d’études à tous les niveaux, et des réglementations de plus en plus minutieuses et rigides pour l’accès aux professions. Mes amis français reconnaîtront facilement dans ce processus l’influence dominante du modèle administratif de leur pays, qui s’était imposé dès les débuts de l’Etat unitaire par la décision des hommes d’Etat provenant du Piémont. Le fascisme accéléra fortement le processus de centralisation de l’instruction à tous les niveaux. C’était naturellement conforme à la politique générale du régime. 2. La situation législative présente La fin du fascisme et la naissance de la république après la Seconde Guerre mondiale ont définitivement figé la situation. En effet l’article 33 de la constitution de 1947 établit que "les associations et les privés ont le droit de fonder des écoles et des instituts d’instruction, sans que cela comporte des dépenses de la part de l’Etat". L’inscription dans la constitution même (et non pas dans les lois ordinaires) d’un tel principe mit fin à toute idée d’un pluralisme réel dans l’instruction. En effet, l’article constitutionnel réservait de facto l’école privée à une petite minorité d’élèves : ceux qui pouvaient payer les frais de scolarité élevés demandés par les "bons" instituts privés, et ceux qui étaient admis gratuitement (ou presque) dans un nombre très restreint d’écoles gérées par l’Eglise et destinées aux enfants et adolescents provenant des couches les plus modestes de la population (cas typiques, les orphelins). De telles écoles étaient (et sont encore) d’un niveau culturel très modeste, et dans la plupart des cas concernaient l’instruction élémentaire et l’instruction professionnelle, mais non l’instruction supérieure. De surcroît, l’existence d’un curriculum national d’études imposé par le ministère fait qu’il n’y a aucune différence véritable des contenus de l’enseignement avec celui des écoles publiques (sauf l’inclination en faveur de la religion catholique, bien sûr). Il a toujours été difficile de comprendre pourquoi l’article 33 a été accepté. En fait, la constitution a été écrite quand le parti catholique était fort dans l’Assemblée constituante, et l’influence de l’Eglise en matière de politique énorme. Très probablement cet article a été le résultat direct de l’influence qui était encore exercée dans l’Assemblée par l’ancienne classe politique libérale préfasciste, qui identifiait ce qui n’était pas école d’Etat avec l’école catholique, et qui voulut éviter de donner à l’Eglise les moyens d’acquérir une position dominante dans l’instruction. Des hommes comme Luigi Einaudi ou Benedetto Croce furent parmi les partisans de l’article en question. Mais ils ne tardèrent pas à voir les conséquences que cela entraîna très rapidement, c’est-à-dire une décroissance de la qualité de l’instruction à tous les niveaux. Aussi bien Croce (qui mourut en 1952) qu’Einaudi (qui mourut en 1961) ne manquèrent pas en fait de demander que l’école publique fût soumise à une réelle concurrence de la part de l’école privée : c’était là la seule possibilité d’en arrêter le déclin. Mais, bien sûr, il était impossible d’imaginer une réelle concurrence en présence de l’article constitutionnel en question. La situation n’a guère changé depuis lors. Le nombre d’étudiants de l’école privée est resté modeste, en dépit du fait que la croissance des revenus moyens a permis à de nombreuses familles de payer l’instruction privée pour leurs enfants. A présent, les écoles non-étatiques sont presque exclusivement catholiques. Un nombre très limité d’entre elles sont d’une excellente qualité, et sont destinées aux fils des familles riches qui peuvent payer des frais de scolarité élevés. Le plus grand nombre est d’une qualité très médiocre (et moins cher). Etant soumise à des contraintes budgétaires très sévères, la qualité des enseignants est très modeste. Bien souvent il s’agit d’enseignants qui n’ont pas réussi à passer les concours pour l’enseignement public, et qui acceptent des salaires plus modestes encore. Si l’on considère le niveau moyen des enseignants dans les écoles publiques, qui est absolument déplorable, l’on comprendra facilement que les motivations qui poussent les familles à inscrire leurs enfants dans les écoles privées n’ont rien à voir avec la qualité de l’enseignement, mais tient des motivations les plus variées, et souvent les moins nobles (par exemple, que la réussite scolaire y est plus facile que dans les écoles publiques). A son tour, la situation de l’instruction publique n’a pas cessé de se détériorer, à tous les niveaux. Le nombre d’enseignants est de plus de neuf cent mille, ce qui est énorme par rapport aux autres pays. 98 % du budget du ministère de l’instruction publique est destiné au paiement des salaires : ce qui fait que le ministre n’est guère plus qu’un chef du personnel ! Il n’y a aucun système d’incitation et de punition des enseignants. Les salaires sont modestes, et sans aucune différenciation qui ne soit due à l’ancienneté de service. En dépit du nombre énorme d’enseignants, celui des étudiants (spécialement dans le secondaire) est bas par rapport aux autres pays. Le nombre des échecs scolaires est très élevé, et la qualité moyenne de ceux qui réussissent est scandaleusement médiocre, même dans les curricula fréquentés par les "meilleurs" élèves. Tout professeur d’université le constate amplement aux examens de la première année. 3. Le bon scolaire C’est dans ce contexte que la question du bon scolaire s’est posée lors de la récente campagne électorale. Le premier à lancer d’une façon approfondie l’idée du bon scolaire au début des années 80 a été Antonio Martino, un économiste de Rome, élève de Milton Friedman, et qui est aujourd’hui devenu ministre des Affaires extérieures. La proposition tomba dans le vide le plus total. Sauf quelques intellectuels libéraux, tous étaient hostiles. La gauche l’était pour des raisons idéologiques évidentes, car elle ne voulait ni une plus grande présence des écoles privées, ni une expansion de l’influence de l’école catholique. Mais les démocrates-chrétiens étaient aussi hostiles. La raison très simple est que la D.C. contrôlait depuis toujours le ministère de l’Instruction publique, et ne voulait absolument pas se priver de l’un de ses instruments de pouvoir les plus importants. Après la disparition de la D.C., le climat a complètement changé. En effet, la proposition du bon scolaire lancée par le nouveau mouvement politique Forza Italia a eu tout de suite un grand succès parmi le monde catholique, spécialement au niveau des familles. Il n’est pas exagéré d’affirmer que la proposition du bon scolaire de la part de Forza Italia a été l’un des éléments les plus importants qui ont poussé l’électorat catholique à soutenir le nouveau parti. Bien sûr, la gauche a ressorti tout son ancien argumentaire contre le bon scolaire. Mais cette fois-ci les arguments jacobins de toujours en faveur du monopole public n’ont eu aucun effet sur les gens (et d’ailleurs la presse a démontré que la plupart des politiciens et intellectuels de gauche envoient leurs fils dans des écoles privées !). La raison principale est que la détérioration de l’instruction publique est devenue évidente même aux familles modestes, qui n’ont plus aucune confiance dans la mainmise publique. Parmi les couches les plus instruites de la population un rôle important a été joué par l’exemple des très rares universités privées, dont la qualité moyenne des licenciés est très supérieure à celle des universités publiques. Martino ne passe pas pour un fervent catholique. De son point de vue, comme de celui des libéraux qui soutiennent le bon scolaire, le but n’est pas de parvenir à une situation de duopole entre école publique et école catholique, mais d’élargir la liberté de choix des familles. En effet, l’introduction du bon scolaire pourrait permettre la naissance de nombreuses écoles privées laïques, ce qui serait une nouveauté pour l’Italie. Au contraire, il y a peu de doutes que le duopole, c’est justement ce que cherche à obtenir l’Eglise. C’est bien là la raison pour laquelle les hiérarchies ecclésiastiques sont tout à fait tièdes envers le bon scolaire, et réclament tout simplement que l’Etat finance directement les écoles catholiques existantes. A présent, un tel financement serait impossible dans le cadre de la norme constitutionnelle que j’ai rappelée, tandis que l’introduction du bon scolaire pourrait à la rigueur être déclarée par la cour constitutionnelle comme acceptable, car les dépenses additionnelles pourraient être compensées par des réductions du budget de l’instruction publique. En prévision d’une révision générale de la constitution, l’article en question pourrait être facilement supprimé. Le problème est de savoir si le gouvernement actuel sera disposé à s’engager dans un projet qui va contre des intérêts constitués énormes, en tout premier lieu ceux des enseignants. La proposition que personnellement j’ai formulée est que l’on présente un plan d’introduction du bon scolaire qui soit graduel mais qui soit en même temps fondé sur des étapes préfixées suffisamment rigides. Le changement normal des générations d’enseignants pourrait faire qu’au bout de trente ans environ le système compétitif soit achevé, sans devoir recourir à des licenciements massifs, qui seraient tout à fait impossibles dans la réalité. Naturellement, il ne faut pas se cacher qu’il y a un préjugé énorme en faveur du statu quo, et que la probabilité que rien ne va changer dans notre système éducatif est grande. Mais on aura au moins eu le mérite de présenter au peuple italien une alternative à la destruction de notre système éducatif, qui est désormais irréversible avec les instruments traditionnels de la mainmise de la puissance publique. Angelo Maria Petroni Si, en matière d’éducation, le gouvernement avait eu quelque projet audacieux, il aurait été guéri de toute témérité par les deux échecs qu’il a subis depuis le début de l’année : la révision de la loi Falloux, réforme pourtant mesurée, plus symbolique que décisive, a été arrêtée par le Conseil constitutionnel et a donné l’occasion à la gauche laïque de rassembler une de ces manifestations unitaires qui constituent son élixir de longue vie. Quant à l’instauration du fameux C.I.P., tenu un peu abusivement pour relevant de la politique de l’éducation, tout le monde a en mémoire la façon malhabile et assez déshonorante dont il a été retiré sous la pression de la rue. Le Parlement vient de porter en terre le projet en abrogeant les dispositions légales qui fondaient le décret de M. Giraud. Il l’a fait dans la même apathie de l’opinion qui avait présidé à leur adoption ! Dans les deux cas, l’épisode est clos. Ni dans un cas, ni dans l’autre, la mise en œuvre du projet n’aurait amélioré la situation de façon décisive. Aussi, intrinsèquement, ces deux échecs ne portent pas à des conséquences considérables. En revanche, ils sont très funestes parce qu’ils sont révélateurs de l’impuissance du gouvernement à réformer le système éducatif. C’est ainsi qu’ils ont été perçus, et ils ont suscité une vague de défaitisme dans les sphères gouvernementales qui cherchaient des excuses à leur volonté de ne rien faire. Dans les deux cas, les fautes commises n’étaient pas vraiment graves. Dans le premier, tout dérivait de la faiblesse manifestée au départ, quand on avait accepté, sans la moindre protestation, une lecture de la constitution trop favorable au président de la République dans la distribution des pouvoirs. Bien entendu, le renvoi à la session d’octobre de la discussion sur la "loi Falloux" n’était pas pris à la légère et on donnait ainsi à la gauche le temps et le moyen de mobiliser ses troupes, ce qui lui était strictement impossible en juillet. L’affaire était donc d’importance et l’échec serait retentissant. Rétrospectivement, c’est l’un des cas où l’on peut dire que lorsqu’on ne veut pas se soumettre, il faut être prêt à se démettre. Quant au Conseil constitutionnel, il n’a fait en quelque sorte que sceller l’échec, rendre la difficulté quasi insurmontable pour qui n’a pas l’habileté et la ténacité de nos amis italiens ! Dans le second cas, tout résultait d’une invraisemblable accumulation de maladresses de présentation qui nous obligent à douter de l’existence de services ministériels chargés de la communication (à moins de supposer qu’ils aient pour principal dessein de nuire à ceux qu’ils prétendent servir !) Mais l’échec fut considérablement aggravé par l’étrange volonté de maintenir des bribes du projet initial, par le refus d’une armée gouvernementale en déroute de capituler purement et simplement, alors que chacun voyait clairement que telle serait l’issue. A guerroyer en retraite, on n’a fait que se déconsidérer et donner à l’adversaire ces gages importants pour l’avenir. Tout le monde savait que la cohabitation n’est pas propice à une rénovation du système éducatif, œuvre qui exige du temps, et reste toujours délicate en raison du pouvoir acquis par des organisations portées au corporatisme conservateur et hostiles (dans leur majorité) à l’actuel gouvernement. Personne n’attendait de miracles. Toutefois, il aurait pu y avoir d’emblée plus de changements parmi les hauts responsables de l’Education nationale dont la nomination dépend du gouvernement. Le faible mouvement esquissé pendant un temps semble actuellement arrêté. De plus, on pouvait revenir sur certaines mesures sectorielles en cours d’application. Enfin on pouvait procéder à des corrections mineures qui n’allaient pas déclencher une tempête. Tout ceci n’a été fait que très imparfaitement. Je veux bien que, faute de pouvoir l’emporter, on préfère ne rien faire et s’enfermer dans l’expédition des affaires courantes. C’est à peu près la politique conduite dans les universités. Mais au moins ne faut-il pas encourager systématiquement les procédures les plus démagogiques et présenter de façon bruyante, sous un habillage rutilant, quelques pauvres mesures qui appartiennent à l’arsenal courant de la rue de Grenelle. On vient pourtant de tomber dans l’un et l’autre de ces travers. En arrivant au ministère, M. Bayrou, qui est homme d’expérience et de bon sens, et dont on ne peut nier la ténacité, avait fixé quelques objectifs de son action. Pour qui savait lire entre les lignes, il était manifeste qu’il s’agissait d’abord de recentrer l’enseignement de l’école élémentaire sur les disciplines fondamentales, ensuite d’apporter remède à la malencontreuse instauration du collège unique, œuvre de M. Haby. Aujourd’hui, M. Balladur a cru indispensable d’illustrer les propositions de M. Bayrou qu’il juge dignes d’être retenues (150 sur 155... et personne ne semble se soucier de savoir quelles sont les cinq propositions qui ont disparu) en introduisant leur présentation lors d’une séance solennelle dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. C’est beaucoup de bruit pour rien. Ces propositions, dont M. Bayrou dit qu’elles sont présentées "indépendamment, sans commentaire, sans hiérarchie et surtout sans habillage", c’est-à-dire un simple catalogue, deviennent pompeusement un "nouveau contrat pour l’école". Elles ne contiennent pourtant rien de très neuf ou de très inattendu : soutenir que "la maîtrise de la langue française doit devenir la priorité des priorités de l’école" avait déjà été dit. Il s’agit quelquefois de mesures déjà appliquées ou en cours d’application (ainsi pour l’éducation civique, ou pour l’instauration d’enseignements de "consolidation" - jusqu’à maintenant, on disait "soutien") et quelquefois d’objectifs irréalisables : où trouvera-t-on les enseignants capables d’assurer l’initiation quotidienne à une langue vivante depuis le cours élémentaire ? Lorsqu’on sait qu’on a dû différer l’application de certaines dispositions de la réforme Lang renforçant l’enseignement des langues vivantes dans les premiers cycles universitaires faute d’enseignants qualifiés, on comprend qu’il ne peut s’agir ici que d’un objectif lointain ! Le plus intéressant, ce sont les quelques mesures qui marquent la volonté de "promouvoir la diversité", de lutter "contre le moule unique et la pédagogie uniforme", comme l’introduction d’un enseignement optionnel du latin en 5e, ou d’une seconde langue vivante en 4e. Mais ces mesures de "différenciation" sont très timides et, sans être rejetées, ce sont elles qui sont le moins bien accueillies du public. Car, et nous en venons par là à la méthode employée pour élaborer ce projet, le catalogue des mesures suit fidèlement les enseignements d’un sondage commandé à la Sofres ; de plus il a été à peu près approuvé lors d’une large consultation des principaux partenaires de l’éducation. Mais pour les sondages, on sait que des mesures peuvent être approuvées prises séparément, mais que les problèmes surgiront lorsqu’il faudra les hiérarchiser, voire choisir entre ce qui est incompatible. Quant à la large consultation, chacun sait que le consensus n’est jamais dégagé dans ce style de réunion que sur le plus petit dénominateur commun ! Qu’on ait voulu se prémunir contre les mauvaises surprises, c’est bien compréhensible. Mais il n’est pas sûr que ce soit très efficace. Avec un débat parlementaire en automne sur une vague "loi d’objectifs", que certains voudraient voir changer en loi de programmation, les fissures déjà apparues ont le temps de s’élargir. Déjà, certains renâclent à l’idée que les "filières" distinctes risquent de renaître, et avec elles la sélection ! Bien sûr, on a déjà entonné la fameuse complainte, que "ces mesures ne sont pas vraiment mauvaises, mais exigeraient beaucoup plus de moyens". Avec le débat budgétaire à l’automne, rien n’exclut donc les mauvaises surprises d’une agitation qui prendra prétexte de la mauvaise application des "promesses" de juin. Le spectacle de la pusillanimité gouvernementale ne peut qu’encourager les opposants. Cette manie de la consultation, pour dégager sa propre responsabilité, conduit le gouvernement à se mettre dans d’étranges situations. A la suite de l’affaire du C.I.P., qui n’avait duré que trop longtemps, au lieu de conclure qu’il avait mal manœuvré et qu’on avait exploité l’inquiétude des jeunes devant le chômage, le déficit de formation, M. Balladur a pensé qu’il fallait "mieux identifier les attentes de la jeunesse et encourager le dialogue des jeunes avec les adultes". Pour atteindre l’objectif, on lancera une enquête d’une ampleur sans précédent, puisqu’elle concerne les huit millions de jeunes de quinze à vingt-cinq ans ! Le questionnaire est rédigé par une commission dont on confie la présidence à Mme Alliot-Marie, ministre de la Jeunesse et des Sports, mais composée à la discrétion du Premier ministre de personnalités dont la présence est un peu déroutante : un animateur d’une émission sulfureuse sur une radio libre, une animatrice de télévision, le P.D.G. d’une compagnie d’assurance, etc. Le plus qualifié est un sociologue, l’inévitable Alain Touraine, qui figurait sur la liste "L’Europe commence à Sarajevo" ! En un mot je ne pense pas que si les électeurs de la majorité actuelle ont prêté quelque attention à cette affaire, la composition de la commission soit de nature à les satisfaire. Le questionnaire mis au point va être diffusé incessamment. Ceux qui seront retournés (dans quelle proportion ?) seront exploités par diverses agences. Coût de l’opération : 30 millions. Bien entendu, qui est au courant des techniques de sondage sait que les résultats seront dépourvus de toute garantie scientifique d’objectivité. (Ne serait-ce qu’en raison du fait que restera totalement ignoré le biais de l’échantillon constitué par les réponses obtenues). Mais soyons assuré que toute cette masse de données sera exploitée dans tous les sens pour faire passer les mesures les plus extravagantes, puisque les jeunes que "le gouvernement ne pourra plus ignorer" (selon un membre de la commission cité dans Valeurs actuelles) veulent ceci ou cela, dira-t-on ! Mais on est allé plus loin dans la démagogie : comme le questionnaire suscitait un enthousiasme très modéré, car beaucoup de destinataires pensaient qu’on ne tiendrait aucun compte de leur avis, on a plus ou moins promis qu’on ferait passer dans la réalité le maximum de ces vœux. Il est absurde de supposer qu’une mesure qui concerne les jeunes doit être prise par les jeunes eux-mêmes, de façon prioritaire ou exclusive. Il est scandaleux qu’on escamote en quelque sorte le rôle de la représentation nationale. Il y a une Assemblée, élue il n’y a guère plus d’un an, à elle et au gouvernement qu’elle contrôle de décider et non à un échantillon aux contours indécis dont les souhaits sont recueillis par des procédures qui n’offrent aucune garantie démocratique. Cette dérive est alarmante : se multiplient les exemples de cas où on demande à des enfants (ou à de jeunes adolescents) de faire pression sur les adultes en tel ou tel sens. Il y a quelque temps on rassemblait des classes entières sur le Champ de Mars pour chanter sur la Bosnie. Maintenant, c’est M. Basile Boli qui va, sous le patronage de S.O.S. Racisme, expliquer dans les écoles (de Montreuil, je crois) que nous devrions intervenir au Rwanda ! Décidément, M. Kouchner et son riz somalien ont fait école : à chaque situation internationale délicate, on essaie d’obtenir que les enfants fassent pression sur les adultes (en général dans le sens de l’intervention). C’est l’indice décisif du renoncement des adultes à assurer leur mission éducative. Et c’est ainsi que la jeunesse est livrée aux démagogues. En ce jour anniversaire, pense-t-on que le général de Gaulle avant de lancer son fameux appel l’aurait soumis à l’opinion des cours de récréation ? Maurice Boudot, le 18 Juin 1994 UNE IDEE D’AVANT-GARDE : LE CHEQUE SCOLAIRE Les arguments développés par le professeur Petroni en faveur du bon scolaire sont-ils susceptibles d’inciter le gouvernement français à aller dans ce sens ? Il est à craindre qu’il n’en soit rien, alors même que nombreux sont ceux dans l’actuelle majorité à y être favorables. C’est qu’en effet le professeur Petroni ne sera peut-être pas tenu pour une "autorité morale". Mais, par bonheur, le bon scolaire a ses partisans à gauche. Le passé communiste, qu’il ne renie pas, de M. Gilbert Trigano et l’œuvre culturelle qu’il a accomplie à la tête du Club Méditerranée rendent ses propositions respectables. Que préconise M. Trigano ? Tout simplement d’attribuer à chacun à la sortie de la classe de troisième un "héritage-scolarité-formation de 350.000 à 410.000 F" sous la forme d’un "chèque strictement réservé à l’éducation et à la formation". Ceci se combine d’ailleurs, étrangement, avec "un tronc commun intégrant la scolarité jusqu’à la sortie du collège ou son équivalent". Ces textes sont extraits de "Trigano, l’aventure du Club Med", rédigé par Alain Faujas, journaliste au Monde et publié en janvier de cette année chez Flammarion (p. 193).
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