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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N°74 – 4ème trimestre 2001
Éducation : les priorités des lecteurs d’enseignement et liberté à l’aune des statistiques de l’OCDE
L’année qui s’ouvre sera celle des grands débats, des grandes promesses et sans doute de quelques propositions de réforme. Le domaine de l’Éducation ne sera sûrement pas en reste…Force est de constater qu’il le mérite bien. Il le mérite d’autant plus que les principaux maux dont la France souffre aujourd’hui sont en grande partie le résultat des perversions subies par notre système éducatif depuis une trentaine d’année. L’insécurité, la violence, la perte du sens et des valeurs résultent directement de toutes ces années d’enseignement pendant lesquelles le travail de structuration des personnalités n’a pas été fait à l’école. Faute de transmettre des repères, un ordre, un modèle cohérent d’organisation sociale, une culture…l’école s’est abstenue de remplir ses missions essentielles : former des citoyens responsables, transmettre des savoirs et des connaissances, inculquer le sens de l’ordre républicain sans lesquelles les jeunes gens d’aujourd’hui sont dépourvus de tout repère.
D’aucuns pourraient penser que nous tenons toujours le même discours catastrophiste, que nous succombons à la sinistrose ou que nous nous dopons à la critique systématique. Mais, et l’on doit ajouter, malheureusement, car personne ne s’en réjouit, nous disposons aussi d’instruments d’analyse internationaux qui démontrent que nos critiques ne sont pas isolées.
L’OCDE a, en effet, mené une étude dans trente-deux pays, étude destinée à déterminer " dans quelle mesure les élèves arrivant au terme de l’enseignement obligatoire possèdent les connaissances et les qualifications requises pour jouer pleinement leur rôle dans la société ". L’évaluation portait sur la compréhension écrite, la culture mathématique et la culture scientifique. Pour chacun de ces domaines, nous arrivons respectivement en quatorzième position, en dixième position, puis en douzième position. Et, au-delà de ce classement les résultats pris en eux-mêmes sont vraiment plus que médiocres.
Bien sûr, les experts du ministère ont contesté les méthodes. Ils ont même interdit la publication des résultats de l’un des questionnaires, celui qui était adressé aux chefs d’établissement ! Vieille méthode française : pour ne pas admettre que le malade a la fièvre, on casse le thermomètre !
En tout cas, les observateurs auront remarqué qu’à l’exception de quelques quotidiens, cette enquête n’a guère été rendue publique…On comprend pourquoi !
Cette enquête ne peut que nous conforter dans notre action. Elle nous encourage à persévérer dans nos propositions de réformes du système éducatif français.
Nous profiterons du débat présidentiel pour publier une lettre ouverte aux candidats avec nos principales propositions. Nous verrons bien qui nous répondra et surtout avec quelle crédibilité.
En attendant, nombreux ont été ceux d’entre vous qui avez répondu à notre propre questionnaire sur les priorités en matière d’éducation. Leurs réponses sont publiées dans ce numéro. Et, c’est la lutte contre l’illettrisme qui est placée en tête de vos priorités. Rien d’étonnant compte tenu de l’importance de cette question en tant que telle et en tant qu’elle conditionne bien d’autres difficultés dans notre société.
Vous trouverez aussi les principales réformes proposées par nos lecteurs après que ceux-ci eurent établi leur priorité en répondant au questionnaire qui leur avait été envoyé. Nous avons laissé leurs réponses telles qu’elles ont été formulées avec toute leur authenticité, et parfois même leurs contradictions, pour ne pas trahir la pensée de ceux qui se sont exprimés.
Là aussi, le résultat est édifiant. Au travers des réponses, apparemment si diverses, nous sentons bien tous que la transmission d’une culture commune, l’apprentissage des savoirs fondamentaux, l’organisation de l’autorité dans l’ordre scolaire, le respect de la liberté des parents, la simplification du système de gestion de l’éducation, la redéfinition du métier de professeur, entre autres questions, sont devenues des réformes incontournables. La France ne peut plus aujourd’hui en faire l’économie. Il n’y va pas simplement de sa réputation lors de la publication des statistiques de l’OCDE. C’est son avenir même qui est en jeu. Il faudra juger la crédibilité des candidats à la présidentielle sur leur capacité à mener ces réformes à bien.
Armel PECHEUL
Nous avions demandé à nos correspondants, adhérents et sympathisants, dans le courrier que nous leur avons adressé en mai, de nous indiquer leurs priorités en matière d'enseignement.
Pour faciliter le dépouillement des réponses, nous avions proposé une liste de cinq priorités, en ajoutant une cinquième rubrique libre. Le tableau ci-après présente la synthèse des réponses reçues en pourcentage.
Ces résultats font apparaître que l'illettrisme vient en tête des priorités, juste devant la liberté d'enseignement, suivie de la violence à l'école, puis du collège unique et de l'université. Ce classement, surprenant au premier abord de la part de défenseurs de la liberté d'enseignement, est dû pour une part à l'action du groupe de travail que nous avions constitué sur cette question avec Mme Wettstein-Badour et au débat auquel elle a participé le 16 janvier avec le professeur Israël et M. Burkard. Il exprime, sans doute, aussi que la liberté de l'école n'aurait guère de sens si l'on n'y apprenait plus à lire !
L'autre enseignement principal de cette enquête est donné par les réponses spontanées. Si elles sont moins nombreuses que celles aux priorités que nous avions proposées, c'est pour des raisons de commodité, mais aussi parce que notre sélection, qui n'a pas été contestée, coïncidait avec celle de nos correspondants.
Plutôt que d'ajouter une priorité à celles que nous leur avions soumises, ils ont choisi de donner leur avis sur les moyens à mettre en œuvre pour remédier à la situation présente. Ces moyens relèvent pour une part de la politique de l'éducation et, pour le reste, de la politique tout court. Nous avons imprimé en gras les propositions multiples et en maigre celles qui n'ont été formulées qu'une fois.
Au titre de la politique de l'éducation, viennent en tête les programmes et la discipline, suivis du civisme et de la sélection.
Pour les programmes, il est proposé :
Pour la discipline :
s'habiller convenablement
Pour le civisme, il est demandé :
Pour le rétablissement de la sélection :
Les solutions proposées sur le plan politique consistent à :
Le site Internet d’Enseignement et Liberté : http://www.enseignementliberte.fr.st
est entré en service.
Il sera mis à jour tous les trois mois et plus souvent si les événements le justifient.
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L’Institut International de Recherche sur la Liberté d’Enseignement organise le samedi 9 février 2002, à Lyon, une journée d’études à l’intention des personnes engagées dans les questions d’enseignement et de recherche, avec la participation de :
Le Collège Supérieur : 17/19 rue Mazagran 69007 Lyon.
Lettre N°73 – 3ème trimestre 2001
LE COMMUNAUTARISME CONTRE L’ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE
LE COMMUNAUTARISME CONTRE L’ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE Insensiblement, mais sûrement, la République se dilue sous nos yeux. Elle se dilue tout à la fois dans "le village planétaire", dans le multiculturalisme, dans le droit des minorités et dans le communautarisme. L'école de la République n'échappe pas à ce phénomène. Après avoir été le fruit des relations coupables entre Marx, Freud et Mc Donald’s, un dernier coût fatal est en train de lui être donné par le communautarisme. L'influence des marxistes depuis le plan Langevin Vallon est bien connue. Le marxisme a introduit dans l'école, non pas l'égalité républicaine, mais l'égalitarisme et la rupture délibérée avec nos valeurs et nos racines les plus traditionnelles. Il est aussi à l'origine de la remise en cause généralisée du contenu des enseignements suspecté d'exprimer les besoins et les valeurs d'une classe dite dominante. Il explique, de la même manière, la volonté de briser le lien entre les générations pour créer un homme nouveau. Puis, la génération dite de "1968" introduira Freud dans le système. Le principe du plaisir et la suppression de toute contrainte à l'école en seront les effets les plus directs. La façon d'enseigner sera plus importante que le contenu de l'enseignement et vive la psychopédagogie ! Finis les devoirs et les punitions. Finis les maîtres, qui deviendront les "copains", non plus d'élèves, mais de "jeunes". Aboli bien évidement le principe d'autorité, avec cette conséquence que les élèves ne connaissent plus comme règle que les rapports de force et la violence. Mc Donald’s (ou Coca-Cola) devait pointer son nez à la fin des années 1980. L'école deviendra alors un grand self-service dans lequel s'engouffreront tous les effets de mode et tous les à-coups médiatiques. On devra y apprendre la sécurité routière, l'euro, y mener la lutte contre le tabagisme, le sida, la toxicomanie, récolter du riz pour la Somalie, prévenir le racisme et l'antisémitisme, œuvrer pour la paix dans le Monde, commémorer l'abolition de l'esclavage, y préparer les repentances... C'est la consommation immédiate comme chez Mc Donald’s. Quel temps reste-t-il pour lire, écrire, compter, apprendre à se situer dans l'espace (géographie), dans le temps (histoire), lire les classiques pour comprendre le sens du Monde et développer l'esprit critique ? Aucun. Plus grave encore, désormais tout vaut tout. Il n'existe aucune hiérarchie entre ces nouvelles "valeurs". Les élèves zappent à l'école comme ils zappent devant leur télévision. Abolir les liens avec le passé, c'est Marx. Saper l'autorité, c'est Freud. Des esprits ballottés et modelés par les aléas médiatiques et le politiquement correct, c'est Mc Donald’s. Pour plagier Victor Hugo dans " L'Expiation ", est-ce le châtiment, cette fois, Dieu sévère ? Non, loin s'en faut. Il manquait encore un rejeton, enfant, cette fois, de l'apartheid cool et du totalitarisme soft : le communautarisme. Car, il restait encore un pilier à la nation, qui, il est vrai, faisait aussi la force des syndicats : l'unité républicaine. L'école était encore l'école de la Nation, même si le lien qui les unissait était de plus en plus fragile. C'est ce dernier pilier que Monsieur Lang a entrepris de saper. C'est l'école Diwan en Bretagne et les langues régionales ailleurs, la discrimination positive à Science Po et dans les zones difficiles, entre autres exemples. Bref, l'éducation n'est plus nationale. Il n'y a plus de communauté nationale. La République est abolie au profit des communautés et des groupes de pression. Viendra alors le temps où l'école devra s'incliner devant d'autres groupes plus radicaux encore, groupes rassemblés autour de revendications politiques, ethniques, religieuses, sexuelles etc., pourquoi pas les voisins d'aéroports, les victimes d'inondations, puisqu'il suffit de s'affirmer victime pour avoir le "droit à" bénéficier d'une discrimination positive à l'école. Et, ils le demanderont tous. Ils n'obtiendront plus leurs diplômes en fonction de leur savoir et de leurs talents, mais en fonction de leur couleur de peau, de leur orientation sexuelle, de leur domiciliation en Corse... Chaque enfant ou chaque groupe d'enfants pourra désormais vivre aux dépens des autres puisque la Nation n'est plus là pour les rassembler dans l'école. Après le grand Waterloo éducatif provoqué par Marx, Freud et Mc Donald’s, voilà donc que le nouveau Badinguet de la rue de Grenelle nous met la République en miettes, en sapant son dernier fondement, celui de l'unité républicaine. Pourtant, l'Histoire du Monde en général et celle de la France en particulier, n'est pas finie, loin s'en faut. Le Monde est au contraire entré dans une phase nouvelle, celle du "choc des civilisations". Dans ce contexte d'une cruelle actualité il est plus urgent que jamais de retrouver les voies de l'unité. Seules ces voies permettent de donner une identité aux jeunes gens qui résident dans ce pays. Seules ces voies permettent de les rassembler autour de valeurs communes qui sont avant tout celles de la civilisation occidentale. Le communautarisme en prend l'exact contre-pied. Ceux qui en sont coupables devront assumer une responsabilité terrible dans un avenir qui est désormais tout proche. Armel Pécheul
Alain Bournazel, l'Éducation tout au long de la Vie, Ellipse, 206 pages, 90 francs. Ouvrage frais, exhaustif et constructif que le livre d'Alain Bournazel. Voici un livre qui ne se borne pas à recenser les maux bien connus dont souffre notre système d'enseignement. Il propose aussi des solutions courageuses et réalistes, même si l'auteur concède qu'il s'agira bien d'une révolution. Alain Bournazel propose, en effet, de rassembler en un même ensemble cohérent l'éducation initiale et la formation continue, grâce aux nouvelles technologies, grâce à une nouvelle conception de l'école, grâce à une nouvelle politique d'éducation menée par les villes. Cet ouvrage s'adresse à tous ceux qui s'intéressent à l'école. Il mérite vraiment toute leur attention. A.P. LA GARANTIE CONSTITUTIONNELLE La liberté de l'enseignement est un principe de niveau constitutionnel dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, sinon dans la totalité d'entre eux. Cette liberté est, par surcroît, protégée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à laquelle tous les pays membres de l'Union ont adhéré (article 2 du Premier Protocole additionnel). Elle figure enfin, en toute lettre, en tant que liberté, à l'article 14 de la toute récente Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne signée lors du Conseil européen de Nice au mois de décembre 2000. On sait, par ailleurs, que la Cour de Justice des Communautés européennes impose aux Etats membres le respect de droits fondamentaux qu'elle fonde sur ce qu'elle appelle les "traditions constitutionnelles communes aux Etats membres". Il s'agit là de principes que l'on retrouve, sinon dans toutes les constitutions, au moins dans la plupart d'entre elles, même s'ils ne sont pas formulés de la même façon dans tous les États. Il est donc juridiquement possible de démontrer que la Liberté de l'enseignement fait partie intégrante du droit communautaire en tant que principe général du droit communautaire, et même au rang le plus élevé des principes généraux du droit, puisqu'il s'agit d'un droit fondamental. Il en résulte nécessairement que le respect de ce principe s'impose à tous les Etats membres de l'Union européenne, comme il s'imposera aux pays candidats à l'adhésion. Afin d’apporter notre contribution à la reconnaissance et à l’application de ce principe de la liberté d’enseignement, nous organiserons, le 15 juin prochain, avec l'Organisation internationale de défense de la liberté d’enseignement – OIDEL -, un colloque au Palais du Luxembourg. Au cours des mois qui précéderont la tenue du colloque, une dizaine de juristes des différents Etats concernés et une dizaine de spécialistes des sciences sociales (sociologues, philosophes, etc.) procéderont à l'étude systématique des dispositifs juridiques garantissant la liberté de l'enseignement dans les quinze pays de l'Union européenne, et, si possible, dans les pays candidats à l'adhésion. La journée du 15 juin 2002 sera articulée autour de deux thèmes principaux : le premier doit permettre de démontrer que la liberté de l'enseignement est un droit fondamental en droit communautaire ; le second est destiné à mesurer l'effectivité de ce principe général du droit communautaire dans l'ordre juridique des Etats membres de l'Union européenne. Concrètement, le plan de travail serait le suivant : La liberté de l'enseignement : un principe général du droit communautaire. Exposé de synthèse sur l'existence d'une garantie constitutionnelle de la liberté de l'enseignement dans les pays de l'Union européenne et dans les pays candidats à l'adhésion. Cette garantie constitutionnelle commune a pour effet d'ériger la liberté d'enseignement en droit fondamental que tous les Etats membres doivent respecter. Exposé de synthèse sur les nuances d'application du principe de la liberté d'enseignement dans les régimes juridiques propres à chacun des Etats membres. L'étude de ces nuances confrontées au principe lui-même doit permettre de suggérer les réformes à entreprendre par chacun des Etats concernés pour se conformer à l'obligation de respecter le principe de la liberté d'enseignement. L'effectivité du principe général de la liberté de l'enseignement. Droit national et engagements internationaux. Cette intervention doit permettre d'apprécier la façon dont les pays concernés intègrent, dans leur droit positif, les engagements internationaux en général et le droit communautaire en particulier, et notamment les principes généraux du droit communautaire. La question se pose, en effet, de savoir si la protection du principe général de la liberté de l'enseignement est assurée par la seule intervention de la CJCE ou s'il est possible d'invoquer directement la violation du principe devant les juridictions nationales en raison de l'effet direct et de la primauté de ce principe dans les ordres juridiques nationaux. Les financements. Le principe général de la liberté de l'enseignement ne peut être pleinement effectif que s'il est accompagné des moyens financiers permettant de le mettre en œuvre. Cette intervention permettra, d'une part, de faire le point sur les différents systèmes de financement dans les pays de l'Union européenne, d'autre part, d'étudier dans quelle mesure l'affirmation du principe pourrait permettre d'obliger les Etats membres de l'Union européenne à revoir la question du financement de la liberté de l'enseignement. Notre assemblée générale se tiendra le même jour et les Prix d’Enseignement et Liberté seront remis aux lauréats en fin de journée.
L’ouverture d’un site Internet d’Enseignement et Liberté à l’adresse : http://www.enseignementliberte.fr.st interviendra, sauf imprévu, avant la fin du mois d’octobre. Ce site sera un moyen de communication supplémentaire avec ceux qui s’intéressent à notre action. Nous y donnerons des informations sur nos activités, mais aussi, avec l’aide de tous, sur l’actualité en matière d’éducation ainsi que des adresses utiles. Ce site sera aussi utile à ceux que préoccupe la politique de l’éducation. C’est dans cette perspective que nous avons choisi d’y faire figurer les soixante-douze numéros de notre Lettre trimestrielle, publiée sans interruption depuis 1983.
L’Institut International de Recherche sur la Liberté d’Enseignement organise le samedi 15 décembre 2001, à Lyon, une journée d’études à l’intention des personnes engagées dans les questions d’enseignement et de recherche, avec la participation de :
Le Collège Supérieur : 17/19 rue Mazagran 69007 Lyon. Lettre N° 72 - 2ème trimestre 2001
APPRENTISSAGE DE LA LECTURE APPRENTISSAGE DE LA LECTURE Ouverture du débat par M. Lucien Israël, membre de l’Institut En prélude à cette séance consacrée à ce fléau qu’est l’illettrisme je voudrais rappeler quelques vérités de base concernant cet animal étrange, Homo sapiens sapiens. Entre son cousin immédiat le chimpanzé et lui la différence génétique est inférieure à 2 pour 100. Mais dans cette mince différence il y a tout ce qui fait l’homme, la distinction entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid, entre le bien et le mal. Il y a l’interrogation métaphysique, les hommages rendus aux morts, l’imagination et l’anticipation, l’amour et la douleur, la musique symphonique et la mécanique quantique. Comment tout cela a-t-il pu apparaître ? Il y a de toute évidence plusieurs niveaux de réponse à cette question, mais je ne veux retenir ici que le langage, l’existence d’un vocabulaire qui s’est enrichi au fil des millénaires et qui permet d’opérer sur ces métaphores des choses que sont les mots, d’où la pensée, d’où l’abstraction, la précision, d’où la connaissance de soi et la perception de la subjectivité d’autrui, la perception, grâce à la syntaxe, des nuances, des rapports de conditionnalité, d’antériorité, la manipulation conceptuelle du passé et de l’avenir. Et couronnement de tout cela l’écriture et la lecture, qui d’une part transmettent la mémoire des générations, les modèles d’identification, les savoirs accumulés, et qui d’autre part donnent brusquement à la culture une dimension qui jusqu’au néolithique ne pouvait exister. Langage, écriture, lecture, n’ont pas seulement façonné l’espèce. Ils continuent de façonner chaque individu, non seulement en lui permettant de prendre connaissance de lui-même et du monde, mais aussi en jouant un rôle déterminant dans la maturation de son cerveau, dans la création et la facilitation des circuits reliant ses différentes zones. Et tout cela, en outre, pour être fonctionnel doit intervenir dans le très jeune âge. Autrement dit, accepter l’illettrisme, même incomplet, tolérer que la lecture ne soit pas une opération parfaite, automatique, et cela très tôt, c’est accepter de fabriquer des humains inachevés, privés à jamais de l’actualisation de tout leur potentiel, et donc à jamais imparfaits. Il s’agit donc d’un vrai crime. C’est ce que je tenais à préciser en ouverture de ce débat. Intervention de M. Tom Burkard Mesdames et messieurs, bonsoir. Je voudrais remercier M. Israël et M. Pécheul de leur invitation ; j’aimerais aussi féliciter Mme Wettstein-Badour pour son excellent livre Lettre aux parents des futurs illettrés. Je regrette de devoir parler anglais : j’ai étudié le français à l’école pendant trois ans, mais l’enseignement des langues étrangères dans les écoles anglophones est encore plus mauvais que l’enseignement de la lecture dans leur propre langue. Fondateur et secrétaire du Promethean Trust, mon objectif prioritaire est de rechercher les moyens pratiques d’apprendre à des enfants dyslexiques à lire et à écrire. Sur ce sujet on a beaucoup écrit. Ma tâche est de trouver ce qui réussit et ce qui ne réussit pas. Même en Angleterre, où le gouvernement a reconnu la nécessité d’enseigner aux enfants la phonétique, nous sommes loin de tomber d’accord sur la meilleure façon de le faire. Puisque nous travaillons avec des parents et des enseignants, nous avons conscience des problèmes théoriques et des problèmes pratiques. Depuis des années, nous avons essayé nombre d’idées ; nous n’avons gardé que les plus efficaces. Je voudrais aborder deux questions ce soir. Premièrement celle de l’automaticité : grâce à de nombreuses études, nous savons qu’une mauvaise aptitude à reconnaître les lettres est un des plus forts indicateurs de la faiblesse en lecture. Il n’y a pas de doute que tous les mauvais lecteurs sont incapables de traduire vite et bien des lettres en son. Nous sommes les pionniers d’une méthode simple qui répond à ce problème. Ensuite, j’aimerais faire quelques remarques sur la question de la compréhension de ce que l’on lit. Les partisans de l’enseignement systématique de la méthode globale prétendent qu’apprendre aux enfants le code phonétique de leur langue les distrait de la tâche essentielle de comprendre ce qui est imprimé. Les enfants éprouvant les plus grandes difficultés à lire sont presque toujours lents à nommer des objets. Leur système neurologique n’est pas adapté à une traduction aisée et automatique de ce qui stimule l’œil en sons. Cela s’applique également à la désignation des objets, à celle des lettres ou à la traduction des graphismes en phonèmes. Une étude faite en 1998 à l’université de Newcastle montre aussi que les enfants dyslexiques répondent mal aux stimuli dynamiques. Ils trouvent difficile non seulement de traduire en phonèmes, comme l’a montré le travail de Barbara Tallal à l’université de Rutgers, aux Etats-Unis, mais aussi de reconnaître rapidement le graphisme d’une lettre et de le traduire dans son expression vocale. Ils ont de grandes difficultés à composer les sons en mots parce qu’ils les identifient si lentement qu’ils ont oublié le premier avant d’avoir achevé le dernier. Les enseignants sont tellement découragés par ces pauvres capacités que le plus souvent ils incitent de tels élèves à utiliser la méthode globale. Ainsi les enfants qui ont le plus besoin d’un entraînement syllabique sont ceux qui ont le moins de chance de l’avoir. Dans notre travail correcteur, au Promethean Trust, nous avons développé des techniques simples pour surmonter cette difficulté. Nous savons que c’est une difficulté organique, mais nous savons aussi que des exercices systématiques améliorent grandement la performance. Les enfants auxquels nous apportons notre aide diffèrent considérablement entre eux par l’âge, les capacités et le niveau. Le programme d’entraînement peut être pris à n’importe quelle étape, mais, pour plus de clarté, je supposerai ici que l’enfant qui vient nous voir ne sait rien, comme c’est d’ailleurs souvent le cas. En général, nous employons une procédure type pour chaque apprentissage. Par exemple, nous utilisons des flash cards ( des petits cartons comme ceux-ci sur lesquels sont imprimées une ou plusieurs lettres) pour apprendre aux enfants les sons correspondants à une lettre ou à deux lettres formant un seul son (ce que l’on appelle un digramme). L’enseignant prononce le son en montrant la carte et l’enfant le répète. S’il a des difficultés à prononcer correctement, nous lui montrons comment utiliser la langue et les lèvres pour le faire. Selon le degré des difficultés de chaque enfant, nous pouvons apprendre deux à six sons nouveaux chaque semaine. Pendant cinq minutes nous répétons le même son. Si l’enfant ne le reproduit pas correctement en deux secondes, le maître recommence la leçon. Ainsi, nous ne laissons jamais un enfant en difficulté. S’il ne sait pas la réponse, s’il ne réussit pas ce qui lui est demandé, nous le faisons pour lui. Par exemple, si vous enseignez le mot dog, vous direz dog, en prononçant les phonèmes aussi près que possible, mais en laissant un temps entre eux, jusqu’à ce que l’élève soit capable de répéter le mot après vous. Quand l’enfant réussit sans aide, on lui donne la carte qui n’est plus utilisée ce jour-là. Comme dans tous nos programmes, les parents sont formés pour l’emploi des mêmes techniques tous les jours à la maison. Les lettres et les digrammes appris les semaines précédentes sont pratiqués jusqu’à ce que la réponse soit instantanée et automatique. L’enfant est également entraîné à écrire la bonne lettre quand il entend le son. Comme l’exercice prend très peu de temps et comme l’enfant n’est jamais laissé seul devant la difficulté, il prend confiance en la méthode. En même temps l’enfant apprend à former des mots avec les sons. Beaucoup d’enfants ne peuvent faire cela que par petites étapes et il peut être nécessaire de les faire aussi simples qu’il se peut. Souvent nous devons commencer par des exercices oraux, en prononçant des mots courts de la façon la plus fluide - en articulant les consonnes sans le " uh " - et en leur demandant de quel mot il s’agissait. De cette façon ils commencent à saisir le principe du phonème. Dès qu’ils peuvent faire cela, nous commençons à leur faire lire des listes de mots d’une syllabe, avec une orthographe régulière. La première liste comporte uniquement des mots de trois lettres du type CVC (consonne, voyelle, consonne) ; les listes suivantes introduisent des digrammes et des associations de consonnes. Puisqu’il n’y a pas de contexte, les enfants n’ont pas la possibilité de deviner les mots. A ce stade, ils peuvent facilement reconnaître les digrammes anglais avec une prononciation unique, tels que ch, or et ar. Souvent l’enfant sera encore incapable d’associer les sons avec succès, parce que la tâche est encore trop difficile. Dans ce cas nous lui montrons la lettre en la prononçant et, bien sûr, il réussit. Progressivement, nous leur permettons de lire les lettres elles-mêmes. Une fois qu’ils sont capables de le faire sûrement, nous leur fixons des objectifs pour améliorer leur vitesse. Les plus jeunes ont des listes avec six mots par ligne et ils progressent jusqu’à des feuilles avec onze mots par ligne. Ils lisent une ligne à la fois, choisie au hasard pour que l’élève ne puisse pas retenir les mots. Nous les chronométrons et notons les temps. Au début l’enfant peut avoir jusqu’à 60 secondes pour lire chaque ligne, et il peut s’écouler plusieurs semaines avant que toutes les lignes d’une feuille aient été barrées. Ensuite ils ont à lire les mêmes mots en 45 secondes, puis 30, 20 et, finalement 12 secondes. Les listes de mots sont assez longues pour qu’ils ne puissent pas les reconnaître à vue et de nombreux mots ne font pas partie de leur vocabulaire usuel. De cette façon la capacité de l’enfant de passer des lettres aux sons automatiquement est assurée. Au fur et à mesure de leur progression dans le programme la rapidité de leur apprentissage augmente et leur confiance s’accroît énormément. Nous continuons à développer cette technique. Aux stades plus avancés les élèves apprennent à reconnaître des prononciations plus complexes et moins courantes. Il est important que ces exercices soient exécutés chaque jour, pendant 5 à 10 minutes. Dans une situation remise en ordre il est absolument nécessaire d’apprendre aux parents à faire le même exercice avec leurs enfants à la maison puisque nous ne les voyons qu’une fois par semaine. Nous avons constaté que cette technique donne des résultats remarquables et qu’elle peut être utilisée même quand les enfants fréquentent des écoles où ils sont encouragés à identifier des mots entiers au petit bonheur la chance. En même temps nous apprenons aux enfants l’orthographe selon le SRA, méthode développée par Dixon et Englemann aux Etats-Unis. C’est un programme très élaboré d’apprentissage personnel qui montre progressivement aux enfants comment limiter la part du par cœur. En effet une fois que nos élèves ont appris à déchiffrer des mots courts efficacement, c’est l’orthographe qui leur donne la structure morphologique des mots longs. Nous leur montrons comment le mot exceptionnaly se scinde en éléments - appelés morphèmes - ayant un sens propre ex-cept-ion-al-ly. Grâce à cette méthode il est beaucoup plus facile de lire et d’épeler les mots longs. Je crois pouvoir affirmer avec certitude que cette méthode est fréquemment utilisée dans les écoles allemandes. Supposons que nos élèves aient appris à reconnaître les mots imprimés exactement et couramment. Ce n’est pas un mince succès pour des enfants souffrant des troubles neurologiques si bien décrits par Mme Wettstein-Badour, mais cela est parfaitement réalisable pour tous les enfants, à l’exception des plus lourdement handicapés. Maintenant, comment apprenons-nous aux enfants à comprendre ce qu’ils lisent ? Il y a certainement très peu d’intérêt à apprendre aux enfants à déchiffrer s’ils ne peuvent comprendre ce qu’ils lisent. En 1917, Edward Thorndyke publia des recherches montrant que des enfants étaient incapables d’extraire des informations réelles d’un court paragraphe. Or ce paragraphe était dans un style d’une complexité grammaticale telle qu’il ne pouvait avoir été écrit que par un fonctionnaire britannique ; et, de fait, il fût constaté que beaucoup d’adultes ne le comprenaient pas non plus. Néanmoins cela déclencha un mouvement massif pour enseigner la compréhension de la lecture, une véritable quête du Saint-Graal ou de la pierre philosophale. Si seulement l’on pouvait apprendre aux enfants à comprendre ce qu’ils lisent, les maîtres auraient une tâche très facile. Cela pourrait aider les éducateurs à concrétiser l’idéal progressiste de l’enfant apprenant par lui-même et poursuivant ses propres objectifs, dans sa propre voie. Sans exagération des milliers d’études et de projets ont été mis en œuvre pour enseigner la compréhension du texte hors de sa connaissance, et pourtant aucun d’entre eux n’a montré de gain significatif en compréhension, mesuré par les tests classiques. Ces chercheurs semblent ne s’être jamais demandé s’il y avait une différence effective entre compréhension de l’écriture et compréhension de la parole. En 1972, Sticht conduisit une étude sur les recrues de l’armée américaine et trouva une très faible différence entre leur compréhension de ce qu’ils lisaient et de ce qu’ils entendaient. Ces résultats ont été confirmés par trois études postérieures. Les seules exceptions sont celles d’individus avec des aptitudes au déchiffrage faible dont l’attention au texte peut être diminuée par l’effort pour reconnaître les mots. Il en résulte qu’enseigner la compréhension des textes lus est la même chose que d’enseigner la compréhension en elle-même. Et s’il en est ainsi, pourquoi s’encombrer d’un texte imprimé quand l’élève est avec vous dans la classe ? la parole est un moyen de communication plus efficace : à moins que nous ne soyons de très mauvaise humeur, correspondons-nous par écrit avec des gens dans la même pièce que nous ? Quelques chercheurs commencent à comprendre que la compréhension d’un texte dépend presque entièrement de la connaissance antérieure du sujet par le lecteur. Tout texte est écrit avec l’hypothèse que le lecteur dispose déjà d’une large somme d’informations. Même le livre d’enfant le plus simple repose sur cette hypothèse. En écrivant cette contribution, je devais nécessairement supposer que vous connaissiez déjà beaucoup de choses sur la façon d’apprendre à lire aux enfants, sinon ma tâche aurait été insurmontable. Cette théorie procède de la psychologie de Gelstat et de l’idée que nous possédons tous des acquis qui nous font capables de comprendre une nouvelle information. En 1996, Peretti, de l’université de Pittsburg, concluait que " un meilleur niveau de compréhension [...] se développe habituellement à l’accumulation progressive des connaissances ". En d’autres mots, la compréhension de la lecture, pour les enfants qui déchiffrent bien, est inséparable d’un bon enseignement. Et un bon enseignement doit être convenablement organisé, avec des connaissances de base et des mécanismes acquis avant l’introduction de notions plus complexes. Un élément important de cet enseignement sera l’acquisition de nouveaux mots : un texte écrit a, normalement, un vocabulaire plus complexe que celui d’une conversation courante et, passé l’âge de neuf ou dix ans, la plupart des mots nouveaux s’apprennent par la lecture. Les enfants qui ne peuvent lire sans effort ne liront probablement pas plus souvent que le strict nécessaire. Keith Stanovich a comparé cette notion à " l’effet Mathieu " : l’enfant qui sait lire et lit enrichira son stock d’informations et de vocabulaire, alors que celui qui ne sait pas l’appauvrira progressivement. J’aimerais conclure par quelques commentaires sur le nouveau consensus représenté par la National Literacy Strategy en Grande-Bretagne et par l’œuvre de Reid Lyon, l’influent chercheur du National Institute of Child Health and Development aux États-Unis. Selon cette nouvelle orthodoxie, la méthode alphabétique et la méthode globale sont l’une et l’autre nécessaires pour apprendre à lire. En pratique nous devons savoir que des millions d’instituteurs ont été formés à une méthode fausse, la méthode globale ; il ne sera pas facile de leur faire abandonner leurs croyances. Mais, en réalité, cette nouvelle orthodoxie n’est qu’une faible amélioration de la précédente : on apprend aux enfants les sons à partir d’exercices sur la reconnaissance des phonèmes en employant des rythmes et des allitérations pour développer leur connaissance de la structure des mots en phonèmes. Malheureusement cela est inutile si l’on apprend aux enfants à associer les mots de la manière que j’ai indiquée. Notre méthode est encore universelle dans les écoles allemandes et Heinz Wimmer de Salzbourg a montré que la connaissance des phonèmes est une conséquence naturelle de l’enseignement de la lecture par cette méthode. De la même façon toutes les activités liées à la méthode globale : faire deviner aux enfants la suite d’une histoire, les instruire des différents " genre " et de stratégies " comprehensive ", sont une vaste perte de temps pour l’enfant. La conséquence pratique de l’encombrement de l’emploi du temps avec ces activités hors sujet est de distraire le maître de l’objectif simple d’enseigner le b-a-ba à tous les élèves et de leur donner les connaissances suffisantes pour qu’ils puissent apprendre par eux-mêmes. Intervention du Dr Ghislaine Wettstein-Badour Enseignement et Liberté défend la liberté de l’enseignement mais aussi la liberté dans l’enseignement. S’il est indispensable pour les parents de pouvoir choisir une école conforme aux valeurs morales ou religieuses qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants, il ne l’est pas moins de connaître la nature des pédagogies utilisées dans les établissements scolaires pour l’acquisition des savoirs. Parmi ceux-ci l’apprentissage de la lecture constitue un élément clé dans la mesure où il ouvre la porte à toute connaissance et où le choix des méthodes pratiquées a une incidence directe sur la qualité des résultats obtenus. Or, il règne sur cette question cruciale pour l’avenir des enfants une totale désinformation. Enseignement et Libertéa donc décidé de constituer un groupe de travail concernant cette question. Nous avons fait appel à des parents et des enseignants de l’enseignement public et privé. Je remercie tous ceux qui ont eu le courage de s’engager avec nous dans ce combat difficile et tout particulièrement un professeur d’IUFM dont le concours nous a été extrêmement précieux. En ce qui concerne les syndicats, également invités, le sujet ne les a vraisemblablement pas intéressés puisqu’un de leurs représentants, présent à notre première réunion, n’a pas donné suite à sa démarche. Notre groupe de travail est arrivé à des conclusions que je ne développerai pas ici en raison du peu de temps dont nous disposons. Ceux qui le désireront pourront se procurer le rapport qu’Enseignement et Liberté publiera ultérieurement avec toute la bibliographie sur laquelle s’appuie notre étude. J’insisterai ici simplement sur deux points : la désinformation dont sont victimes les parents, et celle qui touche les enseignants eux-mêmes abusés par des notions totalement aberrantes qui leur sont transmises pendant leur formation. Je ne reprendrai pas en détail les chiffres de l’illettrisme mais rappellerai simplement à ce sujet quelques points essentiels. Les media parlent de 10 à 15 pour 100 d’élèves qui entrent en 6ème sans maîtriser l’écrit, ce qui signifie, selon la définition de l’OCDE, lire un texte court et simple en étant capable d’en comprendre l’essentiel. En réalité, 60 pour 100 des élèves se trouvent dans cette situation. Ce chiffre ne sort pas de mon imagination. Lorsque M.Jospin était ministre de l’Éducation nationale, il écrivait dans le rapport annexé à la loi d’orientation de 1987 que " moins d’un élève sur deux arrive au collège avec une maîtrise suffisante de la lecture ". Dix ans après, en 1997 lors du Colloque " Langues et Langage " le directeur de l’Évaluation et de la Prospective du ministère de l’Éducation nationale annonçait à son tour que 62 pour 100 des élèves entrés en 6ème en septembre 1997 ne savaient pas lire : 12 pour 100 d’entre eux ne lisaient rien et 50 pour 100 d’entre eux étaient incapables de comprendre le texte lu. Ce chiffre de 62 pour 100 a évidemment de quoi vous inquiéter en tant que parents. Il doit aussi amener notre association à travailler pour lutter contre la désinformation qui pollue ce sujet, car le drame qui se joue en ce domaine est d’une importance insoupçonnée de l’opinion. Il nous faut agir pour que cesse cette situation inacceptable. C’est sur le plan des causes qui sont à l’origine des difficultés d’apprentissage de l’écrit que la désinformation atteint son apogée à la fois chez les parents et chez les enseignants. Les textes officiels attribuent l’échec en lecture à deux types de phénomènes : les dyslexies-dysphasies et les troubles psycho-affectifs. L’Éducation nationale découvre les notions de dyslexie et de dysphasie en affirmant en même temps qu’en réalité ces anomalies représentent un très petit pourcentage de cas. Sur ce point, je dois dire que je partage cet avis car la véritable dyslexie ne touche que 5 à 8 pour 100 des enfants. Quant à la dysphasie, très anormalement assimilée à la dyslexie, il s’agit, en fait, d’une affection neurologique rare. Quant aux autres enfants, pourquoi sont-ils en échec ? La réponse de l’Éducation nationale à cette question est simple : ils sont victimes de troubles psycho-affectifs. Mais qui donc en est responsable ? Mais bien évidemment vous, parents ! Si vos enfants ne savent pas lire c’est parce que vous êtes vous-mêmes perturbés. Vous devez vous en convaincre. Au cas où vous ne seriez pas en cause, c’est alors la société qui est à l’origine de ce désastre. Le plus récent rapport publié sur cette question, le rapport Ringard - c’est le nom de son signataire - fait état de ces deux types de causes mais à aucun moment, ni dans ce texte ni dans les précédents, vous ne voyez figurer la moindre interrogation sur le rôle des méthodes dans l’apprentissage de la lecture. Ou bien l’Éducation nationale médicalise le problème, ou elle se décharge totalement de ses responsabilités sur les parents et la société. Vous, parents et grands-parents, vous ne pouvez accepter de telles affirmations. Vous voulez aborder le problème des choix pédagogiques et de leurs conséquences. Si vous posez à l’école des questions à ce sujet vous entendez tous les mêmes réponses qui peuvent se résumer à ceci : " Quel est ce langage ? Le débat sur les méthodes n’existe plus. C’est un problème dépassé. Toutes les méthodes se valent, seule compte la manière dont elles sont appliquées. D’ailleurs, votre question n’a plus lieu d’être ; les méthodes globales ne sont plus utilisées. Quant aux semi-globales, elles sont en fait transformées en méthodes alphabétiques. Vous n’avez donc aucune raison de vous inquiéter, faites confiance aux enseignants et tout s’arrangera ". Il nous faut reprendre ces quelques points car ils constituent le cœur du débat. Dire que toute les méthodes se valent est une affirmation totalement mensongère. La raison en est simple : il est des méthodes qui correspondent à la manière dont le cerveau est capable d’apprendre à lire et d’autres qui contrarient son fonctionnement au point de lui faire commettre de très nombreuses erreurs. Quels sont les éléments qui conduisent à une telle affirmation ? Les avancées scientifiques de ces vingt dernières années ainsi que les conclusions des travaux effectués avec les nouveaux modes d’exploration du cerveau (IRM.f) permettent de comprendre comment un cerveau lit et apprend à lire. Nous sommes encore loin de tout expliquer - et sans doute n’y parviendrons-nous jamais - mais les éléments dont nous disposons, admis par l’ensemble de la communauté scientifique internationale, nous apportent un certain nombre de certitudes dont je reprendrai ici les points les plus importants. Nous savons que le cerveau est incapable de considérer le mot comme une image. Il doit, pour comprendre la lecture, connaître le code qui unit les sons du langage oral aux signes qui les représentent et n’assimile jamais le mot à un ensemble. Il opère par une succession de mécanismes d’analyse et de synthèse qui vont du plus simple vers le plus complexe. C’est en associant le souvenir des unités sonores et graphiques de la langue que le cerveau parvient à trouver un sens à l’écrit. Il part des lettres et groupes de lettres pour passer au mot, à la phrase et enfin au texte. Cette méthode de travail ne ressemble en rien au traitement de l’image qui est, lui, de nature globale. Nous ne pouvons ici nous lancer dans le débat qui compare la lecture des mots des langues phonogrammiques comme le français à celle d’idéogrammes. Disons simplement qu’il n’y a pas de cerveaux pour Européens et d’autres pour Asiatiques et qu’il est possible de prouver aujourd’hui que la lecture des idéogrammes est, elle aussi, de nature analytique ! Ce passage par la connaissance du code de correspondance entre les sons et les signes graphiques est une étape obligée de la lecture qui devra intervenir quelle que soit la pédagogie proposée. Le moyen utilisé depuis qu’existe l’écriture, né du bon sens, consiste à fournir ce code à l’enfant. C’est ce que font les méthodes alphabétiques. Presque tous les enfants peuvent apprendre à lire avec ces méthodes. Les grands dyslexiques y parviennent également mais plus lentement. Des statistiques faites aux Etats-Unis, en Angleterre et en France montrent que les résultats de ces pédagogies sont excellents. De nouveaux modes d’apprentissage, les méthodes globales ou semi-globales, se sont implantés dans l’ensemble de la France dans les années 1958-1959. Leur démarche pédagogique est totalement opposée à celle des méthodes alphabétiques : en partant de phrases qui lui sont lues l’enfant doit découvrir seul le sens de l’écrit sans qu’on lui fournisse le code unissant sons et graphismes. Leurs promoteurs partent du principe que le mot est une image, qu’il est mémorisé dans son ensemble et reconnu ensuite quand il est rencontré à nouveau. Ils pensent que l’enfant fera ainsi l’économie du déchiffrage et accédera directement au " sens du texte ". Ceci étant neurologiquement impossible, le cerveau va devoir deviner seul ce code en faisant coïncider ce qu’il voit avec ce qu’il entend. Cette opération très complexe se réalise correctement dans la moitié des cas. Y parviennent les enfants qui savent bien identifier les sons de leur langue. M. Burkard vous a parlé tout à l’heure de l’importance de la reconnaissance des unités sonores élémentaires du langage oral : les phonèmes. Il s’agit là en effet d’un temps essentiel dans la lecture. La capacité de discrimination des phonèmes permet d’isoler les sons dans le discours oral. Normalement un enfant y parvient rapidement mais cependant 50 pour 100 environ des élèves de CP ne peuvent différencier des sons très proches comme, par exemple, " f " et " v ", " s " et " z ". Seuls réussiront avec les méthodes globales et semi-globales les enfants qui seront capables d’isoler parfaitement tous les sons les uns des autres. Mais ceci ne suffit pas. Il faut aussi qu’ils puissent différencier les lettres c’est-à-dire reconnaître leur forme et leur orientation dans la ligne graphique à lire. Prenons un exemple : après avoir vu écrit plusieurs fois le mot " pipe " et l’avoir entendu prononcer, l’enfant comprendra qu’il entend deux fois dans ce mot le son " p ". Il en déduira qu’il y doit y avoir un signe identique qui se retrouve également deux fois dans le mot écrit. Le " p " répond à cette exigence. Il aura alors appris à lire " p ". Il devra procéder ainsi pour tous les phonèmes et graphèmes pour apprendre à lire. Vous imaginez sans peine ce qui peut se passer lorsqu’un enfant n’a pas de bonnes capacités de discrimination auditive ou lorsque qu’il présente des difficultés pour reconnaître les formes ou pour les orienter dans l’espace. Il commettra alors de multiples erreurs entre les lettres dont le son est proche (" b/d ", " f/v ", " s/z ") ou celles dont il percevra mal l’orientation des boucles par rapport aux lignes (par exemple les lettres symétriques dans l’espace : " b/d/p/q ", " n/u"). Ces difficultés peuvent d’ailleurs se cumuler. Toutes ces confusions conduiront à l’échec en lecture. Je n’aime pas employer dans ce cas le terme de dyslexie car il ne s’agit pas, en fait, d’une dyslexie constitutionnelle mais d’une difficulté d’apprentissage de la lecture créée par la méthode employée chez des sujets qui avaient au départ quelques difficultés qu’on aurait très bien pu faire disparaître si on leur avait proposé des exercices de discrimination auditive, de reconnaissance des formes et d’orientation spatiale avec un apprentissage de type alphabétique. Par contre, en laissant ces enfants découvrir seuls la correspondance entre sons et graphèmes, il était neurologiquement impossible d’éviter l’échec pour la moitié d’entre eux. Quant à ceux qui parviennent cependant à lire " malgré ces méthodes ", il faut signaler que la grande majorité d’entre eux deviendront de grands dysorthographiques. Comment, en effet, réussir en ce domaine lorsqu’on ignore les plus élémentaires règles du montage des mots et lorsqu’on ne parvient pas à automatiser les mécanismes de base de l’écrit ? On peut, bien évidemment, se demander si cette situation dramatique va persister. On peut répondre oui à cette question, sans aucune hésitation. Depuis quelques années, s’implante une nouvelle méthode d’apprentissage de la lecture : " la lecture par hypothèses ". Cette pédagogie a de quoi faire frémir ! Jusqu’à présent, on souhaitait que les enfants lisent ce qui était réellement écrit dans le texte. Désormais, l’enfant - qui n’est plus un élève mais " un apprenant " - doit " faire des hypothèses de sens " et " construire " lui-même " le sens du texte " à partir des indices qu’on lui fournit ou qu’il découvre. Les hypothèses n’ont pas besoin d’être exactes pour être retenues. Peu importe ce que l’auteur a voulu dire. Seule compte la signification que l’enfant attribue au texte. On mesure là toute la perversité de cette approche qui gagne de plus en plus de classes et s’implante maintenant dans les grandes sections de maternelles où l’enfant doit être, selon la formule consacrée, " immergé dans un bain de lecture ". Ainsi, quand les enfants arriveront en CP, non seulement leurs difficultés de discrimination sonore, de reconnaissance des formes et d’orientation dans l’espace n’auront pas été corrigées mais, au contraire, elles se trouveront majorées et l’on aura créé les conditions idéales d’un échec en lecture. On ne vous parlera pas, lors de l’inscription de vos enfants en classe, de la " lecture par hypothèses ". On vous affirmera que les méthodes de type global ou semi-global ne sont plus utilisées. Or, elles le sont pourtant dans la presque totalité des écoles mais on les appelle désormais " méthodes naturelles ". Une enquête avait été demandée sur ce sujet par Monsieur Bayrou, au moment où il voulait réformer l’Éducation nationale et pensait pouvoir inciter les enseignants à adopter des méthodes alphabétiques, projet vite abandonné en raison des résistances auxquelles le ministre s’est heurté et dont j’ai pu concrètement mesurer l’importance lors d’une réunion à laquelle j’avais été conviée au ministère ! Cette étude a montré que tous les ouvrages utilisés dans les établissements scolaires publics ou privés sous contrat d’association correspondaient à des méthodes d’inspiration globale ou semi-globale. Or, il faut bien comprendre que ces deux variétés de pédagogies sont aussi dangereuses l’une que l’autre. Beaucoup de maîtres croient cependant minimiser les risques inhérents à la méthode semi-globale en isolant des lettres ou syllabes dans leurs leçons. Ils oublient un élément d’une importance capitale : le graphème qu’ils isolent, après une période plus ou moins longue d’approche purement globale, est noyé lors de chaque leçon dans des ensembles de mots que l’enfant doit décrypter tout seul. Affirmer qu’une méthode semi-globale ne présente pas les risques d’une méthode globale est une désinformation, trop souvent véhiculée par l’opinion publique et par les media, qu’il faut énergiquement combattre. Les enseignants en sont eux-mêmes victimes et je connais des établissements qui croient sincèrement appliquer des méthodes alphabétiques et proposent, en fait, des semi-globales (par exemple le trop célèbre Ratus !). Je ne mets pas en doute leur bonne foi. Tout le drame vient du fait qu’à aucun moment de leur formation les maîtres ne reçoivent les connaissances de base dont ils auraient besoin pour comprendre comment le cerveau apprend à lire. Leurs études incluent uniquement des théories basées sur des hypothèses psychosociales que toutes les neurosciences contemporaines contredisent. Les psychosociologues ont le droit de travailler sur des hypothèses dans leur domaine d’activité. Pour les neurologues une hypothèse n’est retenue que lorsqu’elle a donné lieu à des travaux qui la valident et en font une réalité scientifique. Devant cette situation que pouvons-nous faire, vous parents ou grands-parents, et nous, association ? Informer et agir. Nous devons faire éclater la vérité sur ce drame qui condamne à l’échec la moitié des enfants alors qu’il est possible grâce à des méthodes efficaces de proposer des pédagogies du succès. Nous nous trouvons devant un véritable assassinat intellectuel car - et c’est sur ce point, probablement le plus important, que je terminerai - la manière dont on apprend ne conditionne pas seulement la qualité du savoir mais détermine aussi la surface des aires cérébrales et la structuration des circuits qui les réunissent. Elle agit donc sur l’anatomie du cerveau. Suivant la méthode qui sera utilisée pour apprendre à lire à vos enfants, leur cerveau se modèlera de manière différente. Or, si le cerveau est mal construit, il sera handicapé pour mener à bien un raisonnement et disposer d’une pensée claire et structurée. Tous ensemble nous devons encourager tous ceux qui, comme vous, comme nous, veulent agir pour que cesse enfin ce scandale d’autant plus pernicieux qu’il se développe à bas bruit, en toute impunité, sans que rien aujourd’hui ne vienne le contrecarrer. Débat Lucien Israël. - Je voudrais vous présenter d’abord deux réflexions :
Ghislaine Wettstein-Badour. - Ils ne sauront pas lire, d’abord parce qu’on ne leur apprendra pas. Ils seront donc totalement débordés par le travail scolaire. On peut même dire que ceux qui lisent modérément bien désapprendront peu à peu parce que lorsqu’on lit mal, on ne prend pas goût à la lecture et on lit de moins en moins. Ces élèves se tourneront plutôt vers l’image et perdront vite le peu qu’ils savaient. Jean Proudhon. - Deux questions à Mme Wettstein-Badour :
GWB. - Les partisans des méthodes globales et semi-globales avancent essentiellement comme argument qu’en partant d’une approche globale on place l’enfant qui apprend à lire dans une situation identique à celle qu’il vit chaque jour en appréhendant le monde qui l’entoure. Cet argument n’a aucun sens puisque la neurologie démontre que l’écrit est totalement différent de l’image. Le second argument avancé est que les enfants apprennent à lire plus rapidement avec une méthode globale ou semi-globale et ont directement accès au sens du texte sans passer par le décryptage. Ceci peut sembler exact les premiers jours. En fait, l’enfant ne lit pas mais connaît par cœur le contenu des pages de son livre de lecture. Il existe même des " petits malins " qui réussissent cette performance tout au long de l’année ! Il y a ainsi des enfants qui passent en CE1 sans que personne ne se soit vraiment aperçu qu’ils ne savaient pas lire. J’en ai vu beaucoup dans cette situation. Ils lisaient parfaitement dans leur livre habituel mais, parfois, ils continuaient leur " lecture " en oubliant de tourner les pages ! En réalité, ils récitaient leur livre. Je me souviens d’un enfant de CM2 en grande difficulté, considéré comme limité intellectuellement - alors qu’il avait en fait beaucoup de possibilités - qui m’a déclaré avec une grande tristesse : " vous savez, madame, pourtant, je sais encore mon Ratus par cœur " ! Enfin, dire qu’il est possible d’avoir un accès direct au sens sans passer par le décodage est un non-sens neurologique. L’accès au sens n’est possible que lorsque l’assemblage des graphèmes et des phonèmes est réussi. En ce qui concerne le caractère imposé des méthodes, il faut dire que si, en théorie, les enseignants sont libres de leurs choix, en réalité, il en va tout autrement. Que ce soit dans l’enseignement public ou privé sous contrat d’association, ce sont les inspecteurs qui font la loi. Ils sanctionnent les maîtres qui n’appliquent pas les méthodes qu’ils approuvent. Un enseignant en fin de carrière peut se permettre des libertés. Un jeune maître ne peut pas prendre de risques pour la poursuite de sa carrière. Il s’agit là, en fait, d’une atteinte sournoise à la liberté de choix des enseignants. J’ai personnellement le témoignage de maîtres qui cachent la manière dont ils font la classe. Certains qui utilisent des méthodes alphabétiques me disent : " j’utilise telle méthode mais j’ai des pages différentes toutes prêtes pour le jour où l’inspecteur viendra " ! Michel de Nomazy. -J’appartiens au club informatique de l’association Valentin Haüy qui apprend la lecture et l’écriture aux aveugles. Le Dr Wettstein-Badour est venu voir nos méthodes et nos résultats. Nous leur apprenons, avec l’informatique, la lecture et l’écriture des voyants et non le Braille. GWB. - Cette expérience m’a, en effet, paru extraordinaire car elle permet aux aveugles d’écrire comme vous et moi. Cette démarche va tout à fait dans le sens de ce que nous disions précédemment. Les aveugles lisent et écrivent lettre après lettre, l’ordinateur réunit les lettres ensemble et prononce le mot. La démarche utilisée est parfaitement conforme aux exigences du fonctionnement cérébral et il est particulièrement regrettable que l’Education nationale ignore complètement ce travail et prive ainsi les aveugles d’un enseignement fondamental qui leur permettrait d’accéder au même langage que les voyants. Mme Revéret. -Professeur de français dans l’enseignement public, je ne peux que confirmer le désastre auquel j’assiste tous les jours. C’est vrai qu’il faut avoir beaucoup de courage pour résister devant la pression des inspecteurs. Je connais une maman qui a découvert que son enfant ne savait pas lire en sixième, parce que les maîtres lui avaient demandé de ne jamais le faire lire à voix haute. Pour savoir si un enfant a compris son texte on lui pose une vague question, avec réponse à choix multiple ; s’il a compris qu’il s’agit d’une poule ou d’un canard on est content et on ne lui en demande pas plus. En somme on ne les fait pas lire et on demande aux parents de ne pas les faire lire. GWB. - Je voudrais dire un mot sur la lecture à voix haute. Les consignes données sont effectivement de ne pas oraliser la lecture sous prétexte que l’adulte lit à voix basse. En fait, la neurologie nous apprend que les circuits de la lecture sont faits de telle manière qu’ils se terminent dans les zones motrices du larynx et des cordes vocales. La lecture conduit naturellement à l’oralisation. Pour lire à voix basse, il faut faire intervenir des coupe-circuit. Pour un jeune qui débute, mettre en action un mécanisme d’inhibition pour bloquer un circuit est beaucoup plus difficile que de laisser le phénomène neurologique aller à son terme. M. X. -Je voudrais faire une remarque qui se rattache au fait qu’on ne lit plus à haute voix : dans tous les pays occidentaux, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Espagne, comme on ne fait plus réciter, la diction se perd et il devient difficile de comprendre ce qui est dit, aussi bien dans les films qu’à la télévision. GWB. - La diction est d’autant plus importante que pour lire correctement il faut être capable de discriminer tous les sons de sa langue. L’enfant n’y parviendra pas s’il a en face de lui des adultes qui articulent mal. Sophie Carré. -Je suis directrice d’une école primaire et professeur de lettres. Tout ce que vous avez dit du primaire est continué au collège où l’on est obligé de procéder par méthode inductive, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de règles à donner, et cela dans toutes les matières, mathématiques, français...On ne doit plus donner de théorème, de règle ou de loi, mais partir du vécu de l’enfant, et si l’on n’applique pas cette méthode l’on est sanctionné lors des inspections. Ensuite, au lycée, on demande une maîtrise de la langue, une connaissance que les enfants n’ont pas pu acquérir. Mme Y. -Je suis psychologue et j’appartiens à l’Éducation nationale. j’ai apprécié ce qui a été dit à la tribune, mais j’ai quand même été un peu choquée par le fait que l’on n’ait pas abordé la question des conditions de travail de nos enfants et des enseignants. On est dans un monde de désinvolture et les enfants sont détournés de l’école par le confort familial, par les medias. On a à l’école des enfants turbulents, pour qui c’est difficile d’apprendre, d’écouter, d’obéir. Quant à la méthode globale, je ne la connais pas, parce que je ne vois pas d’enseignants qui utilisent cette méthode, il y a longtemps qu’ils y ont renoncé. La méthode globale existe à l’école maternelle, effectivement, où l’on apprend à reconnaître son prénom et le jour de la semaine globalement, mais au CP on apprend le b-a-ba parce que c’est nécessaire. GWB. - Vous êtes une favorisée, madame ! Si votre école peut proposer le b-a-ba, les enfants qui la fréquentent ont beaucoup de chances car vous êtes dans un des rares établissements où cela se pratique encore ! Mme Y. -Je voulais vous dire aussi qu’après l’apprentissage de la lecture les choses se dégradent, parce que les enfants que je côtoie ont des parents qui ne parlent pas français et on est dans une société où on aime la désinvolture, le modernisme, l’à peu près ; on manque de rigueur, on manque de précision et les choses se dégradent ; et je comprends qu’après, en sixième ils ne sachent plus lire, parce que les gens ne lisent plus. Conclusion par Lucien Israël Après ces exposés et ce débat du plus grand intérêt et après mon introduction sur les conséquences individuelles de l’illettrisme, je souhaiterais conclure en mettant l’accent sur ses conséquences sociales. Une culture nationale, au sens anthropologique, suppose la réunion d’un certain nombre d’ingrédients, à savoir :
Tout cela, et particulièrement la langue dans laquelle on communique en permanence avec autrui, est indispensable pour que se constituent
Or il est évident qu’une population d’illettrés ne peut ni atteindre ces objectifs ni même se les donner. Elle est sans racines, sans attaches, sans solidarités, ce qui constitue pour une culture nationale une faiblesse majeure et dangereuse, conduisant aux divisions et à l’éclatement. Il est difficile dans ces conditions d’écarter complètement une hypothèse selon laquelle une telle situation serait voulue par des idéologies prônant la disparition des nations et le multiculturalisme. A mon point de vue la montée de l’illettrisme dans l’enseignement primaire dans notre pays ne saurait être un fait du hasard. The End of illiteracy, parTom Burkard et Lettre aux parents des futurs illettrés par le Docteur Ghislaine Wettstein-Badour peuvent être achetés, au prix de 79 F l’exemplaire, franco, aux Editions de Paris, BP 30107 - 75327 Paris cedex 07 Le droit de choisir l’école, par J.D. Nordmann et A. Fernandez, L’Age d’homme, 160 pages, 120 francs. Voilà un excellent ouvrage à recommander à tous les lecteurs de la Lettre d’Enseignement et Liberté. Ecrit par des spécialistes qui plus est partagent nos idées, ce livre présente une gamme complète des solutions qui s’offrent aux parents dans les différents pays développés pour assurer à leurs enfants la meilleure formation possible. A l’aube d’une année riche en promesses électorales, voilà un " livre ressource " pour interroger les futurs candidats et espérer leur faire prendre enfin des engagements sérieux et cohérents en matière d’éducation. La Fédération internationale pour la défense des valeurs humaines fondamentales attribuera pour la seconde fois les prix FIVA " Non à la violence " Attribués à des personnes, associations ou écoles pour leur action sur le terrain contre la violence scolaire, les prix seront décernés par un jury présidé par M. Pierre-Christian Taittinger, ancien ministre. Les dossiers de candidature devront comporter :
Les dossiers doivent être adressés avant le 10 juillet à : Lettre N° 71 - 1er trimestre 2001
ASSEMBLÉE GENERALE DU 16 JANVIER ASSEMBLÉE GENERALE DU 16 JANVIER Ouverture de l’assemblée par M. Roland Drago, membre de l’Institut Mesdames, messieurs, en tant que vice-président de l’association, j’ai assuré la transition en l’absence de M. Boudot et je voudrais avant tout dire que sa santé est meilleure, que l’on espère qu’il se rétablira ; mais il a souhaité démissionner de ses fonctions qui étaient lourdes. Je voudrais dire aussi que l’on lui doit beaucoup. Vous vous rappelez qu’il a fondé cette association en 1983, à une époque très dangereuse, très difficile, où il fallait notamment organiser les manifestations considérables que la France a connues à cette époque et qui ont abouti à des résultats très positifs, entraînant le rejet des projets que le gouvernement de l’époque avait préparés. Ma pensée, votre pensée vont vers lui ; nous espérons qu’il pourra reprendre séance, puisqu’il ne veut plus être président, après avoir été pendant longtemps un président très actif, notamment avec les articles qu’il publiait dans notre lettre trimestrielle. Le conseil d’administration a désigné pour le remplacer mon collègue le Recteur Armel Pécheul qui est professeur à l’université d’Angers, et agrégé des facultés de droit. C’est un spécialiste du droit administratif et constitutionnel fort connu qui a en même temps des activités d’élu local. Il s’est intéressé avec efficacité aux problèmes de l’enseignement, comme recteur puis comme élu local ; il a été lauréat d’un de nos prix en 1998. Il avait donc toutes les raisons, son expérience, autorité, compétence pour être élu à cette présidence et je lui passe tout de suite la parole ; car s’est à lui qu’appartient la maîtrise du débat. Rapport moral du Recteur Armel Pécheul Merci, mon cher Maître. Je dois dire qu’il n’est pas simple pour moi de succéder à M. Boudot qui a présidé aux destinées de cette association pour laquelle j’ai une très grande estime depuis son origine. Il a su montrer à la fois son dévouement pour les valeurs que nous partageons et qui nous rassemblent cet après midi. Il a su aussi faire preuve de pugnacité dans l’action, notamment au moment où la liberté de l’enseignement était le plus menacée. Et puis, au moment où, apparemment, les choses étaient un peu plus calmes, par le ton qu’il donnait à ses articles et à ses éditoriaux, il a su maintenir la flamme qui permet de conserver intactes les valeurs que nous partageons. La première chose que je voudrais vous proposer c’est de lui exprimer unanimement notre reconnaissance en le faisant par acclamation président d’honneur de notre association. Applaudissements. Je voudrais aussi remercier tous ceux qui ont animé cette association : M. Drago, qui n’a pas voulu accepter une présidence qui lui revenait de droit et qui a été l’âme de cette association pendant que M. Boudot était indisponible. M. Jean Cazeneuve qui a su assurer d’une main de maître la présidence du jury qui nous permet de nous signaler à la grande presse ; et puis surtout, il n’est pas là parce que précisément c’est une des tâches ingrates qu’il assume, je voudrais remercier Philippe Gorre qui est la cheville ouvrière de cette association. Même s’il n’est pas là, je voudrais qu’on l’applaudisse. Il me revient de faire le rapport moral ; ce que je voudrais dire simplement c’est que nous partageons tous un certain nombre de valeurs communes qui sont contenues dans le nom même de l’association : enseignement et liberté. Ces deux grands mots ont été aujourd’hui menés de façon contradictoire, pour ne pas dire malmenés, puisque, on le voit bien avec toutes les dérives de l’Education nationale, c’est plutôt la liberté de penser qui est mise en cause. A titre individuel, sans engager l’association, je crois que ce qui menace nos républiques et nos démocraties, c’est probablement le totalitarisme de la pensée. Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous sommes condamnés par avance, dès lors que nous émettons nos opinions. Le rôle essentiel de notre association est sans doute de témoigner, au nom de cette liberté. Comment pouvons-nous témoigner ? En publiant, car il nous reste encore aujourd’hui la liberté de nous exprimer. Nous avons des éditoriaux, et j’invite tous ceux qui le souhaiteraient à s’exprimer dans notre Lettre; nous avons des thèmes de réflexion comme celui dont nous allons traiter tout à l’heure avec le Professeur Israël. Toutes ces possibilités de nous exprimer, il ne faut surtout pas les abandonner aux autres. Notre association a témoigné, en réagissant aux événements, par les éditoriaux de M. Boudot, par la réunion de groupes de travail et en récompensant par des prix, tous les deux ans, des œuvres, des ouvrages consacrés à l’éducation qui ont tous manifesté la liberté de penser en matière d’éducation. Ce que je vous demande d’approuver, en approuvant ce rapport moral, c’est le travail qui a été fait pendant toutes ces années, en nous donnant la possibilité de le continuer. Nous vous proposerons même tout à l’heure lors du vote des résolutions d’aller un peu plus loin en attribuant des prix chaque année. Pour le reste, nous avons pris avec Roland Drago un certain nombre de contacts avec ceux qui sont "nos usagers privilégiés ", les représentants de l’enseignement privé. Les responsables de l’enseignement catholique nous ont reçus avec une grande ouverture d’esprit. Ils ont pu être parfois frileux, aujourd’hui ils souhaitent que nous fassions un bout de chemin ensemble, probablement parce qu’ils rencontrent des difficultés très grandes. Les promesses qu’ils ont reçues ou les faux accords qu’ils ont pu passer avec l’Etat, ils en ont vu aujourd’hui les limites et je les crois prêts à travailler avec nous. Je vous propose donc aussi de nous autoriser à poursuivre tous les contacts que nous pouvons avoir avec ceux qui sont en dehors du carcan de l’Education nationale : l’enseignement privé traditionnel, du primaire à l’universitaire, mais aussi avec toute forme d’expérience pédagogique, en encourageant tout ce qui peut sortir du moule unique. Pour conclure ce rapport, je souhaite que nous continuions tous à mener ce combat, en essayant de résister au politiquement correct. Si nous gardons cette liberté d’expression, nous éviterons en en usant que l’on nous l’enlève. ALLOCUTION DE M. GERARD LARCHER, VICE-PRESIDENT DU SENAT Monsieur le Président, mesdames et messieurs, tout d’abord merci de m’avoir invité à votre assemblée générale. Elle se tenait dans une des salles du Sénat, ce qui démontre sa préoccupation, au travers de ses missions de représentation du territoire, de la mission d’éducation. D’ailleurs le Sénat a produit, notamment par la plume d’Adrien Gouteyron une évaluation et un rapport sans complaisance il y a moins de deux ans sur la situation de notre système éducatif. Moi-même, dans un cadre plus politique et avec un groupe de proviseurs, de principaux, d’instituteurs, d’institutrices et de parents d’élèves, j’ai commis un rapport volontairement bref sur l’enseignement il y a quelques semaines, contribution à la réflexion de l’opposition, dans la perspective d’une alternance, dans le cadre de ce que nous avons intitulé peut-être pompeusement " une nouvelle école pour la France ". Vous êtes donc ici chez vous et le Président Poncelet m’a prié de vous transmettre ses amicales pensées au moment de votre assemblée générale. Naturellement, Enseignement et Liberté a été auditionnée par notre groupe de travail et y a apporté la contribution de ses travaux et de ses réflexions. Cet après-midi même, vous traitiez d’une des formes de ce qui est constaté comme un des échecs de notre système, celui de l’apprentissage de la lecture. Moi-même, je suis rentré il y a maintenant plus d’un an dans cette réflexion, dans ce rapport, sans avoir l’expérience d’un Armel Pécheul ou d’un éducateur. J’y étais rentré avec le sentiment, comme maire, que le maillon faible de notre système éducatif était le collège ! Et je suis revenu sur cette première appréciation : c’est dans les fondamentaux, donc à l’école primaire, et peut-être même avant que se situent les problèmes essentiels de notre système éducatif . En effet les statistiques nous montrent qu’en sixième 15% des élèves ne maîtrisaient pas du tout la lecture en 96, ils sont 20% en 99. Quel que soit le thermomètre qu’on utilise, " Celsius ou Fahrenheit ", le systèmes, nous amène à une croissance de l’échec de la connaissance de la lecture compréhensive à l’entrée en sixième. En ce qui concerne le calcul, on passe de 33% à 38% en trois années. C’est dire que ce double échec vis-à-vis des fondamentaux est une question qui n’appartient pas aux seuls enseignants, mais c’est bien une question qui est posée à l’ensemble de la classe politique. C’est elle qui se doit de réagir, face à cette réalité. Et si elle ne réagit pas, c’est le principe d’égalité qui est battu en brèche. Il est assez paradoxal que ce soient celles et ceux qui se réclament le plus de" l’égalité " qui soient assez indifférents à ce principe fondamental de l’égalité ! La connaissance à l’âge de onze ou douze ans d’une bonne lecture compréhensive est fondamentale pour la réussite. Comment former des citoyens à la liberté de choix si à onze ou douze ans, ils sont dans l’incapacité de comprendre ce qu’il tentent de lire. Quatre causes principales, à l’origine de l’ échec : 1) tout d’abord, le laxisme de l’institution, car vous y avez consacré, si ma mémoire est exacte, un de vos feuillets il n’y a pas si longtemps, une institution qui ne prend pas au sérieux la violence, la délinquance et qui oublie l’application des valeurs de la République et de l’ordre républicain; 2 ) ce passage à de nombreux niveaux que l’on va retrouver jusqu’en terminale, le plus souvent automatique ou à la disposition des familles dans la classe supérieure; 3 ) c’est aussi la réduction excessive que l’on trouvera au-delà du primaire d’un certain nombre de sections professionnelles; 4) c’est le manque crucial et cruel d’autonomie pédagogique. Mais permettez-moi de dire que les programmes paraissent devoir d’abord être recentrés sur l’essentiel. Nous avons fait un relevé de ce que serait une journée complète, au collège ou en primaire de ceux qui voudraient célébrer tout ce qu’on leur demande de célébrer, en partant des circulaires du ministre de l’Education nationale. Et bien pour la même année, est-ce que l’instituteur, est-ce que le principal est prêt à célébrer la journée de la femme, de la mère et de l’enfant, des aveugles, de l’environnement, de la musique, du souvenir de la déportation, de la lutte contre le sida, la semaine nationale des personnes âgées, la semaine des arbres, la semaine nationale des paralysés et infirmes civils, la quinzaine de l’école publique. C’était à l’époque l’anniversaire de l’armistice de 1918, celui des traités de paix de 1919, le centenaire de l’association Valentin Haüy, le centenaire de la naissance du Général de Gaulle, le bicentenaire de la révolution française, l’hommage à Jean Monnet, le concours national de la résistance, etc. enfin il y en a deux pages. Il faut se recentrer sur l’essentiel. L’essentiel, c’est d’avoir des acquis fondamentaux et c’est de cesser de faire croire que l’encyclopédisme serait un objectif. C’est une illusion et voilà la première des conclusions que nous posons dans notre rapport, qui je le crois rejoint certaines de vos préoccupations. Le deuxième des sujets, c’est la réflexion que nous devons avoir me semble-t-il et sur lequel il serait important qu’Enseignement et Liberté se penche, c’est décentralisation et déconcentration. Est-ce qu’on croit qu’il est encore possible, alors que c’est 13 millions de personnes concernées, que l’on puisse continuer à vivre la centralité, sous prétexte qu’elle préserverait les valeurs de la république. Il y a un moment où la centralité, parce qu’elle devient comme un super tanker, échappe et à son capitaine et à ses officiers, pour devenir une machine qui s’auto-alimente, qui vit dans ses propres rêves. Comment conjuguer l’égalité républicaine, la déconcentration et la décentralisation, il y a là, me semble-t-il, une vraie réponse que nous devrons apporter si, par hasard ou par volonté, nous arrivons à nous entendre les uns les autres, à nous rassembler et à nous réunir pour proposer à notre pays une alternance à ce système médiocre qu’on nous propose aujourd’hui. Alors, mesdames et messieurs, " il y a du pain sur la planche" , autour de quelques idées simples, autour de quelques idées fortes qui nécessiteront du courage politique, mais un courage politique qui doit être pragmatique ; parce que nous voyons bien que si nous ne faisons pas preuve de pragmatisme et de réalisme ou le coup de gouvernail que l’on veut donner n’est soit suivi d’aucun effet, ou c’est suivi d’une espèce de folie et d’un sauve-qui-peut sur le navire. Nous assistons à chaque fois au blocage de toutes les réformes que nous souhaiterions conduire. Il y a ici Armel Pécheul qui a réfléchi à beaucoup de choses, qui a tenté beaucoup de choses et nous voyons bien parfois que le dépit ou un certain découragement pourrait nous saisir ! En tous les cas, comme gaulliste, le découragement ou le dépit sont contraires à la nature de mon engagement politique. Je pense aussi que le pragmatisme fait partie de cette nature ; c’est autour de ces valeurs-là qui est une école qui enseigne les fondamentaux, une école où le chef d’établissement a plus d’autonomie et de responsabilité que je vous propose de réfléchir, notamment autour des thèmes de la décentralisation et de la déconcentration. Merci de m’avoir invité pour quelques minutes à votre assemblée générale d’Enseignement et Liberté. J’ai une demande à faire : ne baissez pas les bras, continuez le combat, donnez à Enseignement et Liberté encore plus de force et de rayonnement, parce qu’on finit par croire que dans ce système il n’y aurait qu’une pensée unique, pensée unique sous forme de fourches caudines sous lesquelles hommes et femmes politiques, quelle que soit leur sensibilité seraient condamnés à passer pour entrer "dans Rome". Eh bien je vous propose que nous entrions par d’autres voies ensemble. Voilà, mesdames et messieurs, ma contribution ! M. Jean Cazeneuve, président du jury Monsieur le président, mesdames, messieurs, chers amis, tout d’abord je tiens à exprimer mes vœux de meilleure santé a M. Boudot et mes compliments au recteur Pécheul qui a bien voulu accepter de lui succéder dans ses fonctions difficiles où il sera assuré d’être aidé efficacement par M. Gorre. Le jury dont j’ai l’honneur d’être le président a décerné pour cette année deux prix :
Il n’est pas très utile de présenter M. Desjardins, déjà auteur d’une vingtaine d’ouvrages qui ont connu un large retentissement. Il a reçu d’ailleurs le prix Albert Londres du meilleur reportage de la presse écrite et il est aussi l’adjoint du directeur général du Figaro. Ce qu’il développe dans Le Scandale de l’Education nationale est très bien explicité dans le sous-titre ou pourquoi (et comment) l’école est devenue une usine à chômeurs et à illettrés. On ne s’étonnera pas de ce sous-titre, puisque l’on sait que M. Thierry Desjardins n’a pas l’habitude d’édulcorer sa pensée. Il peut se le permettre, étant donné qu’il s’appuie toujours sur une argumentation très efficace. En ce qui concerne ce déclin de l’école en France, qui s’éloigne beaucoup de l’école de Jules Ferry, il fait appel, pour sa démonstration, à de nombreuses statistiques qui sont tout à fait convaincantes. Et il trouve la cause principale de ce déclin dans une idéologie d’origine marxiste et dans un égalitarisme sans nuances. Ceux que M. Thierry Desjardins appelle les gourous de la rue de Grenelle estiment en effet que l’objet principal de l’éducation nationale est beaucoup moins de préparer l’enfant à sa vie professionnelle que de faire de lui un être social. Quant à la montée de la violence dans les écoles, ils pensent que le meilleur moyen de lutter contre elle c’est tout simplement de lui trouver des excuses. Au passage, M. Desjardins met en évidence les méfaits de la méthode globale dont nous venons de parler, de l’immigration mal maîtrisée et du collège unique. Ce livre bien documenté méritait vraiment d’être distingué par le jury d’Enseignement et Liberté, ce qui va me donner le grand plaisir de lui remettre ce prix que j’accompagnerai de mes félicitations. Remerciements de M. Thierry Desjardins Monsieur le président, je vous remercie. Rarement j’ai eu l’honneur d’être premier à un concours aussi difficile : c’est une sorte de revanche sur mes années d’université. Je suis particulièrement sensible au fait que ce soit vous qui me le remettiez, car l’un des livres qui m’a le plus marqué, après ma scolarité, est La Psychologie de la joie que vous avez écrit il y a quelques années et qui reste bien sûr d’actualité. Je crois que, quand nous aurons pris le pouvoir, il faudra peut-être en imposer la lecture dans toutes les écoles, ce qui d’une part apprendrait aux élèves une langue belle et classique et d’autre part donnerait une des grandes raisons de l’enseignement, l’école du bonheur, qui a été l’une de vos grandes idées. Je ne peux vous attribuer à mon tour un prix pour ce livre, mais je souhaitais en reparler, car l’idée de la joie et du bonheur, qui fait partie de votre œuvre, est une chose maintenant complètement absente de l’école et de l’éducation au sens général du terme. Je veux aussi remercier tous les autres membres du jury, avec un peu de confusion, parce que je n’avais pas la prétention avec ce livre d’apprendre quelque chose à des spécialistes de l’enseignement comme eux. Je voulais simplement, dans une suite, allais-je dire, de lieux communs et d’idées que tout le monde a, pousser une sorte de coup de gueule, il n’y a pas d’autre terme, et dire, en tapant sur la table, ce que tout le monde murmure. Tout le monde sait qu’il y a maintenant 40 % d’illettrés en France, dans la définition de l’OCDE, qui n’est pas la même que la définition française, ce qui a permis aux autorités françaises de récuser cette enquête. Mais l’OCDE reprend la même définition que l’UNESCO, en considérant comme illettrée toute personne incapable de comprendre un texte usuel de vingt lignes et d’en faire un résumé de cinq lignes. Ce n’est pas notre définition officielle de l’illettrisme, mais il faut savoir qu’aujourd’hui personne ne peut trouver un emploi et une place dans la société s’il est incapable de lire un mode d’emploi de vingt lignes. Qu’il y ait 40% d’illettrés est bien un scandale; tout comme le fait, d’après les statistiques du ministère de l’Education nationale, que sur sept cent mille jeunes qui sortent du système scolaire chaque année, il y en ait quatre cent mille qui n’ont reçu aucune formation à la vie active. Tout comme est inadmissible, mais il y aurait de quoi écrire chaque semaine un livre sur le scandale de l’éducation, qu’alors que nous avons encore deux millions de chômeurs, les industries du bâtiment cherchent deux cent mille personnes à embaucher, qu’elles ne trouvent pas faute de formation, de même que les industries mécaniques en cherchent quatre cent mille. La faute en revient à l’école et il faut que les politiques mais aussi tout le monde prennent conscience qu’il faut changer quelque chose. Le président m’a, je crois, tout à l’heure reproché d’avoir un peu politisé le sujet. Je ne l’ai pas politisé au sens droite gauche, puisque je considère en effet que, depuis au moins un demi-siècle, la droite et la gauche ont été à peu près aussi mauvaises l’une que l’autre dans le traitement de cette question. L’éducation aujourd’hui souffre de politisation, parce que, depuis les années 45, nous avons eu ce que j’appelle des gourous qui n’ayant pas pu faire la révolution marxiste dans la rue ont eu la très bonne idée de la faire à l’école. On vous dit dans les programmes officiels que la mission du maître, rebaptisé médiateur, n’est pas de transmettre des connaissances, car ce serait réimposer le système bourgeois oppresseur d’autrefois, mais d’éveiller des compétences. Cela veut dire que les gourous veulent tout niveler et créer un homme nouveau. J’ai beaucoup de respect pour les enseignants, mais ce n’est pas à eux de choisir notre société de demain et de créer un homme nouveau. C’est au nom de la même idéologie qu’ils ont refusé la compétition, alors que l’école devrait préparer à la vie et que la vie c’est la compétition. Je ne veux pas vous résumer mon livre, mais vous dire que je suis très content d’avoir eu ce prix. Ce livre qui est très modeste ne s’adressait pas tellement à vous, mais à ceux qui ne s’intéressent pas malheureusement aux problèmes de l’éducation. J’en veux un peu aux politiques qui, tout de même, devraient savoir qu’il y a aujourd’hui 29 millions d’électeurs qui ont des enfants d’âge scolaire. Il s’agit de savoir quelle sera la France dans vingt ans. C’est un problème politique, comme le sait bien M. Larcher qui a toujours été en pointe dans le combat contre la pensée unique en matière d’éducation. M. Roland Drago Comme l’a rappelé le président, les prix d’Enseignement et Liberté sont d’une part attribués à des ouvrages de portée générale, tel celui de M. Desjardins dont nous avons tous apprécié la pugnacité, les compétences et l’attirance pour les problèmes d’éducation et d’autre part à des ouvrages plus universitaires. Cette année ce prix a été attribué à un excellent étudiant colombien, M. Carlos Molina Betancur qui a étudié un problème purement français : les réformes de la loi Falloux. Cet ouvrage, préparé sous la direction de M. Claude Goyard, mon collègue de l’université de Paris II, est excellent. Avant de dire ses qualités, je voudrais faire une remarque plus générale, qui touche à ce livre mais qui va au-delà. Si nous faisons partie d’Enseignement et Liberté cela veut dire qu’en France le problème de la liberté de l’enseignement présente une importance considérable. Or il se trouve que la constitution de 1946, dont le préambule est d’ailleurs intégré dans la constitution de 1958, n’avait pas voulu, pour des raisons politiques de l’époque, consacrer dans son préambule la liberté de l’enseignement qui pouvait alors, pour certains et même peut-être pour la majorité, paraître ne plus avoir sa place dans la vie publique. Or il se trouve qu’en 1977 le Conseil constitutionnel, ayant eu à trancher des problèmes concernant cette matière, a consacré cette liberté de l’enseignement, de façon catégorique, à partir de ce qu’il appelle " les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ". Cette consécration par le juge constitutionnel est très importante, mais il faut dire que, de toute manière, les protocoles des Nations unies, que nous appliquons ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme consacrent aussi cette liberté de l’enseignement. La charte des droits de l’homme, si médiocre, qui a été adoptée récemment à Nice consacre néanmoins la liberté de l’enseignement, avec ses caractéristiques essentielles. Par conséquent nous défendons cette liberté, et dans toutes ses acceptions. Tout à l’heure on a parlé de la liberté interne et de la liberté externe ; nous la défendons dans les deux sens, la liberté externe, c’est-à-dire la possibilité pour quiconque, s’il a les capacités requises de diriger un établissement et la liberté interne, celle des maîtres, celle des étudiants ou celle des parents. Je reviens maintenant à la loi Falloux qui date de 1850 et dans laquelle figure pour la première fois l’expression " enseignement libre ", beaucoup plus parlante que l’expression enseignement privé quelquefois utilisée. Il a pu sembler à un certain moment que la loi Falloux avait disparu, qu’elle était tombée en désuétude, car le Conseil d’état l’avait presque dit. Il n’empêche que quand, en 1993, le Conseil constitutionnel a été amené à trancher ce problème, il a, au contraire, considéré que la loi Falloux était encore en vigueur avec les règles qu’elle avait formulées. Elle concerne l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Elle ne concerne pas l’enseignement supérieur qui relève d’une loi de 1875 qui a beaucoup plus de portée encore et qui déclare " l’enseignement supérieur est libre ". Autrement dit, tous les ordres d’enseignement français sont sous le régime de la liberté, dans les deux acceptions que j’ai dites tout à l’heure. J’en reviens maintenant au livre de M. Molina Betancur. C’est un livre de 841 pages qui présente toutes les caractéristiques de l’ouvrage scientifique préparé dans le système universitaire. M. Molina a examiné la loi Falloux et son contexte sous la seconde République -- on n’oublie pas que la loi Falloux a été adoptée non pas sous un régime autoritaire, mais sous la seconde République. Il a ensuite montré l’évolution qui s’est faite à propos de l’enseignement libre dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire. Il a étudié les problèmes qui se sont posés au lendemain de la première guerre mondiale, avec la loi Astier de 1919 qui a transposé les principes de la loi Falloux dans l’enseignement technique. Enfin il a évidemment étudié la réforme Debré de 1959 et au-delà, en ce qui concerne l’exercice effectif de la liberté d’enseignement, car à l’époque actuelle il est devenu normal, c’est une chose acquise. Surtout, M. Molina Betancur a étudié le problème de la réforme envisagée par le gouvernement en 1993 et la décision prise par le Conseil constitutionnel, en ce qui concerne les modalités de fonctionnement des écoles libre. Il n’empêche que le Conseil constitutionnel a, par-là même, reconnu la portée et l’existence de la loi Falloux dans notre système actuel d’enseignement. Ces lois, ces textes, la loi Falloux, la loi Astier, la loi Debré et d’autres, sont aujourd’hui intégrés, malheureusement, dans un code de l’éducation nationale qui leur a fait perdre leur signification historique et leur date, avec des numéros ridicules, et qui a permis, peut-être, des manipulations dont on se rendra compte plus tard. Voilà ce que je voulais dire à propos du livre de M. Molina Betancur. Remerciements et exposé de M. Carlos Molina : La Loi Falloux, abrogation ou réforme Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Il est pour moi un honneur de me retrouver devant vous dans cette belle et prestigieuse chambre qui a autrefois servi de parloir à des célèbres personnalités politiques tels VICTOR HUGO oule comtede FALLOUX pour exprimer leurs convictions et leurs craintes sur la liberté de l’enseignement. Hier, menacée par une idéologie ultra-laïque qui a failli effacer le droit des parents d’élèves de choisir librement l’éducation de leurs enfants, cette liberté se trouve aujourd’hui protégée par la Constitution, grâce notamment à la sagesse de la garde de la République : le Conseil Constitutionnel. Déclarée, en effet, en 1977 principe fondamental reconnu par les lois de la République, la liberté de l’enseignement échappe depuis aux passions volontaristes de majorités politiques qui aimeraient, même de nos jours, l’anéantir au profit d’une certaine UTOPIE EGALITAIRE. A l’aube du troisième millénaire la menace est latente, il faudra rester éveillés pour rappeler à ces personnes que là où l’investissement éducatif est élevé et la liberté garantie, la croissance est au rendez-vous : éducation et croissance vont donc de pair. Tous les pays qui à la fin du dernier siècle ont investi en savoir ont connu d’importants développements économiques. La France consacre plus de 6 % de son P.I.B a l’éducation, soit 20 % du budget général de la Nation dépassant celui de défense. Elle fait partie des sept pays du monde où 100 % des enfants sont scolarisés dans le primaire, 30 % des 18-24 ans poursuivent des études supérieures alors que la moyenne européenne est de 23 %, elle est légèrement dépassée par la Grèce et la Belgique. Si l’enseignement général est couvert à 83 % par le secteur public, le reste est assuré par le privé, aujourd’hui en grande partie sous le système contractuel avec l’Etat. La réussite de la loi Debré est incontestable, elle aurait évité à nombre de ces établissements de disparaître pour " délit de pauvreté ". A cette disparition résistent encore un bon nombre d’établissements hors contrat qui ont préféré refuser l’argent conditionné de l’Etat pour préserver intacte leur liberté. De petites écoles bilingues et des écoles associatives qui luttent sans cesse pour transmettre un savoir-faire ou garder une mémoire culturelle se trouvent dépourvues de moyens financiers suffisants pour enseigner librement leurs convictions. L’éducation unique conduit à la pensée unique ! En période de pleine construction européenne la France se doit d’être le moteur du développement scolaire européen, elle doit financer davantage la liberté de l’enseignement. Qui pourra dire à l’heure actuelle que la France n’a pas été et reste encore le carrefour du continent avec une forte culture bretonne à l’Ouest qui la rattache aux anglo-saxons celtiques, une autre plus bas qui l’identifie au pays basque et à l’Espagne, encore celle du Sud qui relie l’Occitanie et la Corse à la Méditerranée et à l’Est celle qui l’identifie la Germanie. Mais hélas, certaines écoles privées françaises qui essaient de préserver cette identité multiculturelle se trouvent au bord de la disparition, oubliées, et parfois méprisées par le gouvernement central. C’est grâce aux gouvernements frontaliers et à des personnes comme vous qu’une grande partie de ces établissements peuvent subsister. Depuis notamment 1981, des illustres sénateurs de droite se battent pour réformer la loi Falloux de 1850 qui limite à 10% les dépenses annuelles des établissements l’aide publique en faveur de l’enseignement libre. Le Conseil d’Etat, puis le Conseil Constitutionnel de deux septennats mitterrandiens se sont opposés à une telle volonté de réforme. Et pourtant, le rapport Vedel de 1993 sur l’état matériel de ce secteur est accablant. Sur 8 000 établissements analysés plus des la moitié nécessitaient des réparations, soit 48 % des écoles, 62 % des collèges et 57 % des lycées. Plus d’un million d’élèves ne travailleraient pas dans des bonnes conditions de sécurité. Ce qui pousserait certaines collectivités territoriales à détourner la loi finançant jusqu’à 50 % les dépenses de ces établissements. Ce rapport jamais publié a permis au gouvernement Balladur de débloquer des prêts sans intérêts pour que les collectivités territoriales intéressées en fassent bon usage. Mais, d’après le dernier rapport de l’Observatoire de la sécurité éducative, très peu d’établissements privés ont bénéficié de ces avantages, c’est l’enseignement public le plus favorisé. La situation pour le secteur privé demeure dans l’état de 1993, voire pire. Comme pour l’analphabétisme ou l’illettrisme, la France ne communique pas ces chiffres, conteste les méthodes de comptabilité des prestigieuses organisations internationales telles l’O.C.D.E et l’UNESCO et persiste dans l’idéologisme scolaire. De plus en plus grande est la protestation de sociologues, politiciens et intellectuels qui se lèvent contre le système scolaire actuel : pour eux l’école de Jules FERRY ne fait plus recette, la France se doit une rénovation scolaire en accord avec la réalité européenne. En effet, la plupart des quinze ont adopté depuis longtemps un système éducatif décentralisé fortement et largement financé par les collectivités territoriales sans exclure la participation des secteurs économiques, sociaux ou religieux. L’Allemagne et la Belgique ont inscrit les principes de tolérance et de financement paritaire dans la Constitution. Dans la plupart de ces pays l’entreprise participe activement à l’école et les collectivités territoriales gèrent avec autonomie et participation des associations des parents d’élèves les destins de futures générations. Georges CHARPAK, prix Nobel français, Gabriel GARCIA MARQUES, prix Nobel colombien et Rodolfo STAVENHAGEN, intellectuel mexicain, et beaucoup d’autres sont d’accord sur le besoin d’une nouvelle éducation pour la nouvelle génération : ils y travaillent. Notre thèse se propose d’apporter un grain de sable à cette construction. J’ai voulu partager avec vous la conviction profonde que de nos jours pour réduire les inégalités, il faut : - sortir de l’école, - abandonner les discours idéologiques - financer davantage la liberté de l’enseignement. Merci, à mon directeur de thèse ici présent le Professeur Claude GOYARD pour m’avoir encouragé dans cette démarche, au Président Roland DRAGO pour s’intéresser à ce projet, au Président du jury, M. Jean CAZENEUVE et à l’Association pour financer ce qui sera au printemps prochain une publication, à vous tous de m’avoir écouté. Armel Pécheul : Voici pour conclure une remarquable intervention de, je l’espère, l’un de nos futurs collègues. Je vous remercie tous de l’attention que vous avez bien voulu apporter aux débats. Je renouvelle toutes mes excuses, mais nous étions pris par un emploi du temps assez serré, à tous ceux d’entre vous qui auraient voulu s’exprimer davantage et que l’on discutât plus encore, notamment des questions de la lecture. Nous sommes tous dans le bon chemin, que ce soit dans les ouvrages que nous récompensons ou par la réunion que nous avons organisée, notre association montre son dynamisme. Je souhaite maintenant que, de votre côté aussi le dynamisme suive. Par les temps qui courent, où la médiatisation peut mettre en exergue quelques personnes qui s’enchaînent autour d’un mur, je ne vous demanderai pas de vous enchaîner autour d’une centrale nucléaire, mais si nous étions dix ou douze mille à manifester ce serait beaucoup. Merci et à bientôt Lettre N° 70 - 4ème trimestre 2000
L’INACCEPTABLE BANALISATION DE LA VIOLENCE SCOLAIRE L’INACCEPTABLE BANALISATION DE LA VIOLENCE SCOLAIRE
La violence à l’école est désormais devenue un fait divers tout à fait banal. Il ne se passe pas de semaines sans qu’un professeur ne soit agressé par un élève ou qu’un adolescent n’assène un coup de couteau à l’un de ses camarades de classe. Tous les établissements scolaires sont touchés ou presque. Le collège n’y échappe plus, bien au contraire. Et bientôt le mal s’étendra à l’école primaire. Et chacun d’accuser son voisin : les quartiers difficiles, la télévision, la famille monoparentale, l’insuffisance du nombre des surveillants. Si les caméras de télévision sont intervenues à temps, le Recteur accordera quelques postes de surveillants supplémentaires. L’établissement scolaire sera fermé quelques jours puis les choses reprendront leur cours jusqu’à la prochaine agression... pourvu que cela ne fasse pas trop de vagues ! En tout cas, on ne voit pas d’actes de contrition - on dirait aujourd’hui d’actes de repentance - de la part de ceux qui ont voulu à tout prix "socialiser l’enfant". On ne voit pas plus de mesures de fond qui aient été prises par les ministres de l’Education nationale qui se sont succédés depuis une bonne dizaine d’années, au-delà de l’annonce du énième plan anti-violence. Leurs plans sont d’ailleurs aussi efficaces que les plans de lutte contre l’échec scolaire... depuis le temps qu’ils existent tous ceux qui fréquentent les écoles de France et de Navarre devraient lire, écrire et compter couramment... hélas, il n’en est rien ! On ne voit pas, non plus, de critiques de fond de la part d’une opposition tétanisée dès qu’il s’agit de s’exprimer dans les domaines de l’éducation et de la culture ou tout simplement dans le domaine des valeurs. Bref, les premiers ne veulent pas se renier, les seconds ne veulent pas d’ennui, les troisièmes se cachent derrière leur petit doigt de peur d’être taxer de "ringards". D’où vient cette lâcheté collective ? D’où procède cet abandon de ce qui devrait être le plus cher à notre société, le plus précieux pour son avenir : ses enfants ? Sûrement de la conjugaison de plusieurs phénomènes. D’abord, la lâcheté est générale quand il s’agit d’aborder les questions fondamentales, celles des valeurs d’une société. Plus personne n’ose dire dans quelle France il entend que nos enfants vivent demain. Faute de modèle à proposer, il n’y a plus d’idéal commun et le repli sur soi fait le reste. Les réponses données aux grandes questions de ce temps sont uniquement esquissées au gré des pressions médiatiques quotidiennes. Elles sont à peine formulées que la vague suivante a déjà emporté la précédente. La violence scolaire ne fait pas exception, elle fait partie du "zapping" quotidien. Mais, il en résulte aussi que l’école, de son côté n’affiche plus ses priorités. Puisque tout est important médiatiquement rien ne l’est plus dans la réalité des élèves. Et, la violence n’échappe pas à la règle, celle précisément de ne plus être évitée par des règles. Ensuite, l’éradication de la violence scolaire à l’école supposerait que des mesures soient prises sur le long terme, et des mesures fortes même si elles sont impopulaires. Quel responsable politique aurait le courage aujourd’hui de prendre et surtout de tenir des engagements pour une à deux générations d’élèves ? Tout respect gardé pour les professeurs, on entend bien les déclarations ministérielles faites à propos des plans pluriannuels de recrutement des maîtres. Mais, on n’a jamais vu un ministre de l’Education nationale lier ses promesses d’augmentation des effectifs enseignants à l’acquisition effective des savoirs fondamentaux pour tous les élèves, ni à la transmission des valeurs fondamentales d’une société démocratique dont la sécurité pour tous et le respect de chacun sont des piliers incontournables. Afficher des résultats qualitatifs au lieu et place de vagues statistiques qui ne trompent plus personne, voilà qui serait révolutionnaire dans l’Education nationale. Enfin, pour lutter contre la violence scolaire, il faudrait aborder le thème de l’ordre social, expliquer aux enfants que tout n’est pas permis, que la transgression des règles entraîne punitions et sanctions. Et là, ce serait trop ! Ce serait renier trente ans de philosophie soixante-huitarde, autant d’années de psychopédagogie, casser le mythe de l’épanouissement personnel de l’élève, reconnaître que le maître transmet et que l’élève reçoit, expliquer que la discipline n’est pas une règle morale mais la condition élémentaire de la survie du groupe, affirmer que la liberté n’est véritablement respectée que dans la sécurité... Que d’obstacles devant le rénovateur qui oserait prononcer ces mots ! Non décidément, ils ne feront rien, car au mieux ils auront autre chose à faire, au pire, ils auront peur. Et l’école, comme toutes ces institutions qui ne vivent plus que pour se survivre n’y survivra pas. Rassurons-les, elle n’explosera pas. Elle implosera tout simplement. Elle sera progressivement vidée de toute sa substance. L’éducation se fera ailleurs, et autrement. En attendant combien compterons-nous encore de victimes ? Puisqu’ils n’écoutent plus, il ne reste plus qu’à utiliser le moyen que sans doute ils craignent le plus, celui qui les rend inéligibles. Que les victimes de la violence scolaire portent plainte contre les responsables successifs de l’Education nationale. Ils sont responsables et coupables des déviations de l’école. Ce ne sera que justice. Armel PÉCHEUL CONSEIL D’ADMINISTRATION DU 26 OCTOBRE Le recteur Armel Pécheul succède au professeur Maurice Boudot M. Maurice Boudot ayant dû, pour des raisons de santé, renoncer à la présidence de notre association qu’il a exercée depuis sa création en 1983, le conseil d’administration réuni le 26 octobre dernier, a, sur sa proposition, désigné à l’unanimité pour lui succéder M. Armel Pécheul, professeur agrégé des facultés de droit, professeur à l’université d’Angers et à l’Institut catholique d’enseignement supérieur de la Roche-sur-Yon. M. Pécheul a été, avec Bernard Kuntz, en 1996, lauréat du Grand prix d’Enseignement et Liberté, pour leur livre, Les déshérités du savoir ; il est depuis membre du jury. Assemblée générale et réunion du 16 janvier 2001 En fonction de la disponibilité des salles du Sénat, le Conseil a décidé de convoquer une assemblée générale ordinaire le mardi 16 janvier 2001, à 15 heures, au Palais du Luxembourg, salle Clemenceau. Une convocation a été adressée, avec l’ordre du jour, aux adhérents. Cette assemblée débutera par la présentation du nouveau président, puis par le rappel qu’il fera de l’action en faveur de la liberté d’enseignement et de la liberté dans l’enseignement menée par son prédécesseur pendant dix-sept ans. Elle sera suivie de la présentation d’un débat sur les méthodes d’apprentissage de la lecture présidé par le Professeur Lucien Israêl. Les prix d’Enseignement et Liberté seront ensuite remis aux deux lauréats par M. Jean Cazeneuve, président du jury, en présence de M. Gérard Larcher, vice-président du Sénat. RENCONTRE AVEC L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE M. Drago et M. Pécheul se sont entretenus le 26 octobre avec le secrétaire général de l’Enseignement catholique, M. Malartre, ainsi qu’avec M. de Labarre et M. Duhem, président et vice-président de l’UNAPEL. Les deux entretiens ont porté sur la place de l’enseignement libre dans notre système éducatif et sur les difficultés qui résultent du statu quo instauré après l’échec de la révision de la loi Falloux. Nos interlocuteurs nous ont cité en particulier les difficultés qu’ils rencontrent sur les questions du statut des maîtres, du financement des dépenses para scolaires et de la prise en charge par les communes où sont situées les écoles des enfants résidant dans une autre commune. Nous les avons assurés de notre soutien dans leurs efforts et leur combat pour assurer les libertés de l’enseignement catholique. A PROPOS DE L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE Si la nocivité de la méthode globale et son omniprésence encore aujourd’hui, sous des noms d’emprunt, ne font pas de doute, plusieurs approches, pédagogiques, neurologiques ou statistiques sont possibles pour établir sa nocivité et le débat que nous aurons le 16 janvier n’épuisera certainement pas le sujet. C’est pourquoi nous croyons utile de signaler à ceux qui souhaitent aller plus loin quelques ouvrages sur le sujet, de nos orateurs et de Mme Lurçat, chercheuse au CNRS. F Dans une Lettre aux parents des futurs illettrés publiée aux Editions de Paris, le Dr Wettstein-Badour montre, en faisant appel aux récentes découvertes des neurosciences, la nocivité de la méthode globale et de ses succédanés pour l’apprentissage de la lecture. Editions de Paris B.P. 30107. 75327 Paris CEDEX 07. 79 F Franco. F Tom Burkard rapporte dans The end of illiteracy les résultats obtenus, avec des élèves en tous points comparables, entre des écoles appliquant la méthode globale et des écoles utilisant la méthode alphabétique dans le Clackmannanshire. Editions de Paris, 79 F franco FMme Lurçat a, en tant que chercheuse au CNRS, mesuré sur le terrain les résultats de la méthode globale et clairement analysé les présupposés et les intentions de ses promoteurs. Elle a exposé le résultat de ses recherches dans La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs Editions François-Xavier de Guibert, 3, rue J. F. Gerbillon 75006 Paris Tél. : 01 45 48 97 77 PROGRAMME DE LA REUNION DU 16 JANVIER Sous le Haut Patronage de M. Christian Poncelet, Président du Sénat 15 h : assemblée générale ordinaire, salle Clemenceau, avec l’ordre du jour suivant
15 h 45 : méthodes d’apprentissage de la lecture
17 h 30 : allocution de M. Gérard Larcher, vice-président du Sénat 17 h 45 : remise des prix d’Enseignement et Liberté
18 h 30 : cocktail Ce programme ne peut servir de carte d’entrée : les participants seront admis dans l’enceinte du Palais sur présentation d’une pièce d’identité et d’une carte d’accès. Vous pouvez nous demander cette carte, pour vous-même ou pour une tierce personne, par courrier ou par télécopie, en joignant l’étiquette adresse de ce courrier ou en nous indiquant le numéro qui y est porté. Nous vous adresserons votre carte d’accès dès réception de votre réponse. Plus d'articles... |