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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 95 – 1er trimestre 2007
Contribution aux débats présidentiel et législatif
Contribution aux débats présidentiel et législatif
La période qui suivra ce numéro d’Enseignement et Liberté sera celle des engagements électoraux. Nous ne sommes par forcément dupes de toutes les promesses, mais, après tout, pourquoi ne pas tenter nous aussi de rappeler nos principes fondamentaux aux candidats. Au moins nos lecteurs disposeront-ils d’un cadre général pour les interroger directement si l’occasion leur en ait donnée.
Chacun conviendra d’abord que la réforme de l’éducation nécessite la remise en cause totale du système et non de simples ajustements techniques ou quelques milliards supplémentaires.
Cela étant posé, nous pourrions alors accorder notre soutien à ceux des candidats qui nous rejoindraient sur les engagements suivants :
♦ Il faut transmettre une formation intellectuelle honnête et rigoureuse à tous les enfants de ce pays, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques. Elle doit être la même pour tous, avec une langue commune et fondée sur un apprentissage de la lecture de l’écriture et du calcul dès le plus jeune âge, en bannissant notamment les méthodes globales et semi globales. Il ne devrait pas être possible d’aborder l’étape suivante si ces éléments ne sont pas maîtrisés. Il ne sert à rien de multiplier les plans de lutte contre l’échec scolaire au collège. L’échec se prévient dès le primaire. Il suffit de décider que l’on ne passe plus à l’étape suivante à l’ancienneté, mais seulement quand on dispose des connaissances nécessaires pour l’aborder. Ne rien exiger des élèves, c’est les condamner pour l’avenir. C’est le goût de l’effort et du travail bien fait qu’il faut inculquer à nos enfants.
♦ Il faut rétablir le principe d’autorité, l’imposer dès le plus jeune âge pour apprendre le respect réciproque et la vie en commun. Pour lutter contre la violence scolaire, il faut imposer l’idée que la transgression des règles entraîne punitions et sanctions. Il faut éradiquer trente ans de philosophie soixante-huitarde, autant d’années de psychopédagogie, reconnaître que le maître transmet et que l’élève reçoit, expliquer que la discipline n’est pas une règle morale mais la condition élémentaire de la survie du groupe, affirmer que la liberté n’est véritablement respectée que dans la sécurité de tous.
♦ Il faut que l’école soit ouverte sur une formation professionnelle à un moment ou à un autre, pour qu’il y ait enfin adéquation entre la formation et l’emploi. Il n’est pas normal de voir tous ces « sans diplômes » sortir du système éducatif alors que tant d’offres d’emploi restent insatisfaites. Ici, le combat est idéologique. Certains syndicats et les partis de gauche ont coupé l’éducation du monde du travail. Il faut tout faire pour réhabiliter la formation professionnelle, mais en bouleversant le système. Il ne s’agit pas de prévoir une cotisation supplémentaire pour les entreprises. Il faut supprimer le collège unique et mêler étroitement formation intellectuelle et formation à un métier à ce niveau. Dans le cas contraire la France ira chercher ses métiers manuels ailleurs ! ♦ Il faut, et c’est une condition de notre survie, que les valeurs de la civilisation occidentale soient transmises à tous les enfants. Ce sont nos valeurs collectives, notre mémoire partagée, notre culture commune, enfin fières du passé et porteuses d’espoir pour l’avenir. Ceux qui veulent venir chez nous sont les bienvenus, mais qu’ils acceptent d’abord nos valeurs. On n’a jamais vu un ministre de l’Education lier ses promesses d’augmentation de postes à l’acquisition effective des savoirs fondamentaux pour tous les élèves, ni à la transmission des valeurs fondamentales de notre pays. Afficher des résultats qualitatifs au lieu et place de vagues statistiques qui ne trompent plus personne, voilà qui serait révolutionnaire. ♦ Il faut des professeurs formés à l’Université et non dans les IUFMet qui expriment enfin leur fierté de servir l’Education nationale. Ils sont au service de la Nation. Ils seront respectés et mieux considérés, y compris financièrement, s’ils se respectent eux-mêmes. En France on savait faire un président de la République d’un petit-fils de paysan. C’est notre modèle républicain. Il est le seul qui offre un avenir sérieux aux enfants, il est le seul à permettre à la France d’avoir encore un destin. Ce modèle est sous la responsabilité des professeurs.
♦ Il faut rendre les universités définitivement autonomes et développer les filières courtes débouchant sur des diplômes professionnels. En contrepartie les universités devront être évaluées et subventionnées, non pas en fonction des étudiants inscrits, mais d’après leurs résultats rendus publics (taux d’échec et de réussite, devenir professionnel des étudiants). Une place importante devra aussi être faite aux fondations et à une véritable politique de recherche menée de concert avec les entreprises privées.
♦ Il faut organiser la liberté offerte aux parents de choisir leur école pour éradiquer l’égalitarisme, le collège unique et la carte scolaire et leur redonner leur juste place dans l’éducation de leurs enfants. Les collectivités locales ne peuvent pas aujourd’hui subventionner librement les établissements d’enseignement privé, en dehors de quelques cas particuliers : il faudra donc abroger la loi Falloux.
Recteur Armel PECHEUL
Le texte qui suit du Docteur G.WETTSTEIN-BADOUR est celui de la conférence qui a suivi notre Assemblée générale du 7 mars. Il apporte sur le fonctionnement de l’œil dans la lecture, des précisions d’un grand poids en faveur des méthodes alphabétiques.
Conférence du Docteur G. WETTSTEIN-BADOUR
C’est toujours un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous et je remercie bien vivement Enseignement et Liberté - qui m’a fait l’honneur de me décerner en 1994 son prix pour mon premier ouvrage - de me permettre de m’exprimer sur le sujet qui mobilise mon action depuis plus de trente ans : l’évolution des connaissances concernant le fonctionnement du cerveau dans la lecture et les conséquences qui en découlent sur le plan pédagogique.
Je ne reviendrai pas sur la réforme voulue par M. de ROBIEN qui souhaitait l’arrêt définitif des méthodes dites globales et apparentées. Comme vous l’ont démontré très clairement les orateurs qui m’ont précédée, l’arrêté du 23 mars 2006 pris par le ministre de l’éducation nationale, est en contradiction totale avec les déclarations de sa circulaire de janvier 2006 et aboutit à officialiser l’usage des pédagogies qu’il voulait interdire et à interdire celles qu’il voulait imposer ! Il faut espérer que le recours déposé par Enseignement et Liberté permettra de mettre fin à cette situation ubuesque mais, dans l’immédiat, la triste réalité est là : rien n’a changé dans les classes à la rentrée de septembre dernier et rien ne changera dans un proche avenir. Les mêmes méthodes et manuels sont utilisés dans les classes de CP et les maîtres qui souhaitent enseigner avec des pédagogies alphabétiques sont tout aussi « hors la loi » aujourd’hui qu’ils l’étaient hier car les programmes de 2002, que cet arrêté ne modifie pas, restent seuls légaux.
L’action du ministre comporte cependant un aspect positif dont il faut lui savoir gré. Pour la première fois dans l’éducation nationale il a été déclaré au plus haut niveau de la hiérarchie qu’il était nécessaire de prendre en compte les connaissances actuelles issues des neurosciences et d’intégrer les exigences du fonctionnement cérébral dans le choix des pédagogies. Cet évènement - qui aurait dû se produire il y a plus de dix ans ! - fut accompagné du nom de quelques chercheurs français cités comme références et a eu le mérite de placer le débat sur le seul terrain où il devrait se situer : celui de la connaissance scientifique. Même s’il a été dit par certains que la science ne devait pas servir de caution à un choix considéré comme « politique », et si les chercheurs cités ont pris leurs distances vis-à-vis du ministre, un certain nombre de personnalités scientifiques, essentiellement des spécialistes de neuropsychologie cognitive, se sont regroupés autour de Franck RAMUS (Chargé de Recherche au CNRS)etont cosigné avec lui un texte paru sur son site et dans le Monde de l’éducation de mars 2006 sous le titre « Le point de vue de chercheurs sur l’enseignement de la lecture ». Ils affirment la nécessité de prendre en compte l’apprentissage du lien qui unit les sons de la langue orale (les phonèmes) aux signes qui les représentent (les graphèmes) et ont précisé que cet apprentissage devait être « précoce » et « explicite ». Voici au moins un point qui fait l’objet d’un consensus qui n’apparaissait pas clairement jusqu’à ce jour.
Cependant, il ne faudrait pas croire que ces déclarations sont de nature à trancher dans le débat concernant la supériorité de certaines pédagogies par rapport à d’autres. En effet, ces chercheurs précisent : « du moment que le déchiffrage est enseigné systématiquement, il importe peu que l’approche soit plutôt analytique (du mot ou de la syllabe vers le phonème) ou synthétique (du phonème vers la syllabe et le mot) ». Cette prise de position figure à nouveau dans un second texte collectif présenté par Franck RAMUS et Rémi BRISSAUD(Maître de conférence à l’IUFM de Versailles)signés par 23 chercheurs et personnalités de premier plan du monde pédagogique, titré« Il n’y a pas lieu d’imposer une unique méthode d’enseignement de la lecture ». On y trouve la déclaration suivante :
« Les résultats scientifiques actuels suggèrent donc d’écarter les méthodes qui n’enseignent pas les relations graphèmes-phonèmes de manière explicite et systématique ou qui ne les enseignent pas suffisamment tôt (souvent appelées méthodes globales ou selon les acceptions, correspondant à une partie des méthodes globales)…. Toutes les autres méthodes semblent acceptables. »
Les méthodes semi-globales sont donc, une fois de plus, placées sur un pied d’égalité avec les méthodes alphabétiques.
Il existe, en effet, deux manières de parvenir à l’apprentissage explicite du code alphabétique.
La première consiste à apprendre les correspondances entre les sons de la langue orale, les phonèmes, et les signes qui les représentent par écrit, les graphèmes, en partant des graphèmes simples et en les liant progressivement à d’autres graphèmes pour constituer des mots et des phrases. Cette démarche, qui part des éléments constitutifs de la langue pour aboutir à leur combinaison pour former des mots puis des phrases, correspond aux méthodes alphabétiques (ou synthétiques, dans leur dénomination anglo-saxonne). Une autre pratique propose d’isoler les graphèmes dans les phrases et les mots en comparant le contenu de ceux-ci. On part alors des ensembles pour découvrir les parties qui les composent. Ces pédagogies correspondent aux méthodes semi-globales (ou analytiques) actuellement utilisées. Les signataires de ces deux textes considèrent que ces deux approches pédagogiques sont d’efficacité identique.
Cette attitude est d’autant plus surprenante que nous disposons de deux types d’arguments pour trancher en faveur de la supériorité des méthodes alphabétiques (synthétiques) sur les méthodes semi-globales (analytiques) :
1°) la constatation des résultats obtenus par des études comparatives en ce domaine ;
2°) les apports de la neurologie et les connaissances issues des études portant sur les récepteurs sensoriels dans la lecture.
Les études comparatives
Les auteurs précités affirment que les études statistiques montrant la supériorité des méthodes synthétiques sur les méthodes analytiques ne sont pas exploitables. Mes compétences en ce domaine ne me permettent pas de formuler un jugement sur cette question mais je pense que les arguments développés par M.Ph.GORRE vous ont permis de comprendre que les études mises en cause méritent d’être prises en considération. En ce qui me concerne, je considère que ces travaux apportent des informations très importantes qui confirment la supériorité des méthodes alphabétiques. Ils sont, de plus, totalement en accord avec les résultats que j’observe, à mon modeste niveau, en utilisant la méthode strictement alphabétique que j’ai créée. D’autre part, contrairement à ce qu’affirment également ces chercheurs, les éléments scientifiques dont nous disposons aujourd’hui permettent de comprendre pourquoi l’usage de ces méthodes conduit au succès la très grande majorité des enfants, y compris beaucoup d’élèves présentant certains types des handicaps intellectuels (trisomie 21, retards de développement psycho-moteur, etc.)
Les apports de la neurologie
Sans reprendre ici des travaux que j’ai détaillés en d’autres circonstances, je me contenterai de verser à ce dossier deux éléments qui me semblent d’intérêt primordial.
Un premier argument vient des techniques de travail utilisées par les structures cérébrales qui traitent les informations issues du langage oral ou écrit. Le décodage des signes graphiques, leur lien avec les phonèmes qu’ils représentent, la comparaison de ces éléments avec les données stockées dans les différents types de mémoire du cerveau pour aboutir à la compréhension des mots, sont exécutés par des structures cérébrales localisés dans l’hémisphère gauche. Or, celui-ci travaille en pratiquant la synthèse de toutes données analysées en partant toujours du plus simple pour aboutir au plus complexe. Il parait donc logique, pour simplifier l’apprentissage, de mettre en œuvre des techniques qui apportent à l’hémisphère gauche les éléments de base dont il a besoin pour effectuer ses synthèses. Les phonèmes et graphèmes étant les unités les plus simples de la langue écrite et orale, il est facile de comprendre qu’il est plus efficace d’apprendre leurs équivalences à partir des unités sonores et graphiques qui composent la langue que de les découvrir, par comparaison successives, dans des ensembles plus complexes. Cette déduction ne s’appuie pas que sur le bon sens. Elle peut désormais être démontrée grâce aux connaissances dont nous disposons en pratiquant la synthèse des travaux issus des neurosciences considérées dans leur ensemble et tout particulièrement de ceux qui concernent les spécificités de la vision rétinienne. Les caractéristiques de la vision rétinienne
Lalecture et l’écriture font appel à la vision rapprochée. Sans entrer dans des détails trop techniques, il est cependant indispensable de rappeler quelques points fondamentaux concernant la vision rétinienne pour comprendre pourquoi les caractéristiques de la vision rapprochée doivent nous conduire à promouvoir l’usage exclusif de l’apprentissage alphabétique pour optimiser celui de la lecture.
Les signes graphiques qui composent les mots ne diffèrent souvent que par de faibles différences morphologiques ou d’orientation spatiale. Pour identifier ces différences, l’œil ne peut avoir recours qu’à la vision rapprochée car elle seule permet de discriminer deux points l’un de l’autre avec la précision nécessaire pour faciliter la lecture.
L’identification d’un objet visuel commence par l’analyse par la rétine de toutes les caractéristiques qui le composent : forme, orientation dans l’espace, longueur d’onde, contrastes des unités de base. Deux points ne peuvent être perçus séparément que s’ils se projettent sur deux cellules différentes sur la macula, petite surface d’environ 2 mm² située au centre de la rétine. Plus la projection de l’objet à identifier se localise près du centre de la macula, la fovéa, plus la perception est fine. Plus on s’éloigne du centre de la macula moins la vision est précise. La nécessité d’une discrimination fine des signes graphiques conduit le système oculo-moteur à faire en sorte que l’axe du regard s’oriente de telle manière que cet objet se projette systématiquement au centre de la macula. Cette exigence, associée au caractère linéaire de l’écrit, nécessite un balayage du texte qui est exploré par l’œil lors des pauses qui séparent les saccades et micro-saccades oculaires.
La surface du texte explorée par la macula lors de chaque pause oculaire couvre en moyenne à 2 % du champ visuel, soit une distance angulaire d’environ trois degrés. Quant à la fovéa, la distance moyenne à laquelle s’effectue la lecture ne lui permet d’explorer environ qu’un degré du champ visuel. Les scientifiques considèrent que le nombre de lettres qui peuvent être vues ensemble lors de chaque pause oculaire par la macula permet la vision, dans une écriture de taille courante et dans des conditions normales d’éclairement, d’un espace occupé par 6 à 8 lettres. Mais la fovéa seule ne couvre qu’un nombre beaucoup plus réduit de caractères (2 à 3). Ce sont eux qui sont vus avec le maximum de précision lors de chaque centrage de l’axe du regard. Les caractères situés de part et d’autres de la fovéa, vus avec une perception moins fine que le caractère central, peuvent cependant être plus ou moins facilement décryptés s’ils comportent des particularités morphologiques assez nettes pour constituer des indices permettant leur identification. Mais cette pratique fait inévitablement appel à des hypothèses lesquelles comportent une marge d’erreur d’autant plus grande que les signes à identifier sont éloignés du centre de la fovéa. De nombreux travaux ont montré que, les meilleurs lecteurs sont ceux qui n’essaient pas de « reconnaître » les mots mais traitent le texte lettre après lettre en faisant porter tout l’effort sur l’identification de la forme de chaque signe graphique. En favorisant la projection de chaque lettre sur la fovéa, ils deviennent capables d’identifier de très petites variations de formes dans un mot. Ils réduisent ainsi au maximum le recours aux hypothèses concernant la forme des lettres et minimisent donc le risque d’erreurs de décryptage.
L’utilisation optimisée de la vision fovéale et péri-fovéale constitue donc une étape fondamentale dans les processus qui mènent à la découverte du lien entre graphèmes et phonèmes dans la lecture et, par voie de conséquence, dans la compréhension du sens de l’écrit.
On comprend mieux ainsi pourquoi l’apprentissage du lien graphème/phonème qui focalise la vision sur un seul signe graphique est plus efficace qu’un apprentissage qui fait isoler celui-ci dans un mot. En effet, dans un mot ou une syllabe, le graphème central est parfaitement vu mais les graphèmes latéraux sont perçus de manière moins précise. Si les graphèmes vus en vision péri-fovéale ont été appris, il existe de fortes chances pour que les hypothèses de perception conduisent à leur identification exacte.Par contre, s’ils sont inconnus, le risque d’erreurs d’identification de ces signes est beaucoup plus important. La différence d’efficacité entre les deux approches d’apprentissage explicite du code alphabétique de la langue trouve donc ici une explication simple. Commencer par l’apprentissage de chaque graphème et introduire celui-ci dans des mots dont tous les signes graphiques sont connus réduit considérablement le pourcentage d’erreurs lié aux hypothèses concernant l’identification des signes perçus en vision péri- fovéale. Ce point essentiel justifie à lui seul le choix des méthodes alphabétiques pour optimiser le travail de l’hémisphère gauche dans la lecture et tout porte à croire que des études statistiques conduites sur de grands nombres d’élèves utilisant les uns des méthodes partant de l’apprentissage des graphèmes pris isolément et d’autres celui des graphèmes appris à partir des mots confirmeraient sans ambiguïté, comme le montre l’étude écossaise, la supériorité des pédagogies alphabétiques. J’appelle de mes vœux la mise en place de telles évaluations. Mais qui aura la volonté de les réaliser et d’en tirer les conséquences qui s’imposent ? Lettre N° 94 – 4ème trimestre 2006
Réunion du 24 Janvier 2007
Réunion du mercredi 24 janvier 2007
L’assemblée générale
d’Enseignement et Liberté se tiendra le mercredi 24 janvier, à 17 heures, à l’ASIEM, 6, rue Albert de Lapparent, Paris VIIe avec l'ordre du jour suivant :
L’assemblée sera suivie :
- à 18 heures, nous présenterons les résultats de nos travaux sur les
Comparaisons entre méthodes globales et méthodes alphabétiques
et sur les propositions des tenants des sciences de l’éducation. Nous ferons aussi le point sur notre
Recours devant le Conseil d’Etat
pour obtenir la pleine reconnaissance du droit des maîtres d’enseigner la lecture par la méthode alphabétique exclusivement, sans qu’on puisse les obliger à la panacher avec les méthodes semi-globales.
- à 19 heures, nous entendrons une conférence, suivie d’un débat du
Docteur Ghislaine Wettstein-Badour
Auteur de Bien parler, bien lire, bien écrire, sur
La réforme Robien et les plus récents apports des neurosciences
La réunion sera suivie d'un apéritif à 20 heures.
L’initiative courageuse de M. de Robien, réhabilitant les méthodes alphabétiques d’enseignement de la lecture et dénonçant les méfaits des méthodes d’inspiration globale, très bien accueillie par la grande majorité des parents et de l’opinion, suscite une opposition virulente de la part des pédagogistes.
Pour connaître et combattre efficacement leur opposition, il est indispensable de nous informer et de réfléchir sur cette question
.
Les indications pratiques pour participer à cette réunion et y faire participer des amis sont données en quatrième page de cette Lettre.
LA LAÏCITĖ N’EST-ELLE PLUS QU’UNE OPTION SPIRITUELLE ?
Revenons sur le Rapport OBIN. Voilà un rapport rédigé par un groupe d’inspecteurs généraux de l’Education nationale au mois de juin 2004 pour le Ministre de l’époque qui était François Fillon. Ce rapport est consacré aux « signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ». Hormis quelques indiscrétions, ici ou là, ce rapport est très longtemps resté confidentiel, aucun responsable politique n’ayant eu le courage de le rendre public avant les élections présidentielles. Il est vrai que l’atmosphère politiquement correcte ambiante et la chape de plomb qui commence à entourer la liberté d’expression dans ce pays pourraient faire courir quelques risques à ceux qui voudraient assurer un minimum de publicité à ce rapport. Tant pis, prenons ces risques et assumons-les !
Ce rapport part d’un constat très net : il est celui de « la montée en puissance du phénomène religieux dans les quartiers, notamment chez les jeunes ». Les appartenances religieuses qui se manifestent au sein des établissements scolaires concernent exceptionnellement le christianisme, parfois le judaïsme et le plus souvent la religion musulmane. Avant de poursuivre, les auteurs du rapport notent pudiquement que « les observations transcrites dans ce rapport sont sans doute en deçà de la réalité des établissements observés, tant la tendance de nombre de professeurs, de conseillers d’éducation ou de personnels de direction est, en ce domaine, de celer une part de leur réalité professionnelle ».
Le rapport développe ensuite trois analyses successives, en premier sur les quartiers environnant les écoles, collèges et lycées étudiés, en second lieu sur l’établissement et la vie scolaire, en troisième lieu sur la classe.
S’agissant des quartiers, le rapport ne peut que constater ce que chaque citoyen de ce pays ne peut plus ignorer : le « basculement » rapide et récent des quartiers vers « l’islamisation ». On relèvera simplement deux passages courageux, au sein d’un paragraphe lui-même consacré aux « régressions de la condition féminine » : « Partout le contrôle moral et la surveillance des hommes sur les femmes tendent à se renforcer et à prendre des proportions obsessionnelles » ; « les violences à l’encontre des filles ne sont hélas pas nouvelles, ce qui l’est davantage est qu’elles puissent être commises de plus en plus ouvertement au nom de la religion ». Cela se traduit, dès l’école primaire, par des refus de la mixité de la part des garçons et par l’apparition de fillettes voilées dès le cours préparatoire. Ne parlons pas de leurs mères qui, totalement voilées, ne sont pas reconnaissables. Et, le rapport de citer le cas d’une école dans laquelle la directrice a mis en place un « sas » pour reconnaître les mères avant de leur rendre leurs enfants. On voit aussi apparaître comme nouvelle exigence celle d’instituer des vestiaires séparés, non pas entre garçons et filles, ce qui est parfaitement logique, mais entre un garçon musulman et un garçon qui ne l’est pas dès lors qu’un « circoncis ne peut se déshabiller à côté d’un impur ».
S’agissant de l’établissement et de la vie scolaire, il va sans dire que la première manifestation de la religion s’exprime le plus visiblement par les signes et les tenues vestimentaires. Il ne s’agit d’ailleurs pas simplement du voile ou plus exceptionnellement de la Burka. Se multiplient aussi le port du drapeau national (algérien, marocain, israélien), ou celui des emblèmes (armées nationales) ou bien encore celui de l’effigie d’une personnalité (Ben Laden, par exemple). Le but est de se démarquer de la France et de ceux (autres élèves ou professeurs) que l’on appelle les « Français ». On passera rapidement sur le refus d’un nombre croissant d’élèves de consommer toute viande non abattue selon le rituel religieux, ou sur les tensions suscitées par le calendrier scolaire au motif qu’il ne laisse aucune place aux fêtes et aux jours fériés de la religion musulmane. Tout au plus relèvera-t-on, puisque la question fait aussi débat en dehors de l’école, que la fête de Noël est la plus contestée avec des revendications pour supprimer les arbres de Noël, jugés comme agressifs et insultants. En revanche, on ne peut manquer d’insister sur ce que le rapport OBIN appelle « l’antisémitisme et le racisme », avec la banalisation des insultes à caractère antisémite, la multiplication des agressions à l’encontre des élèves juifs, l’apologie du nazisme dont le rapport relève avec euphémisme qu’elle « n’est pas exceptionnelle »… et le rapport d’insister sur ce point : « en France, les enfants juifs – et ils sont les seuls dans ce cas – ne peuvent plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement ».
La conclusion de ce paragraphe est très claire : « L’identité collective, qui se référait souvent hier chez les élèves à une communauté d’origine, réelle ou imaginaire […] semble se transformer de nos jours en un sentiment d’appartenance assez partagée à une « nation musulmane », universelle, distincte et opposée à la nation française ».
S’agissant en troisième lieu de l’enseignement et de la pédagogie, le rapport insiste sur la vigueur et la généralité des contestations de nature religieuse dont les enseignements sont désormais l’objet. La contestation des cours d’éducation physique (mixité, ou pratique de la natation par exemple) est sans doute la manifestation la plus connue de ce phénomène. L’enseignement des lettres et de la philosophie fait aussi désormais l’objet de vives contestations, avec bien évidemment le rejet des textes qui soumettent la religion à l’examen de la raison (Voltaire ou Molière), ou ceux qui sont jugés « licencieux » (Madame Bovary, Cyrano de Bergerac). Quant à l’histoire elle est naturellement jugée mensongère puisqu’elle exprime une vision « judéo-chrétienne » et déformée du monde. Ceci conduit le plus souvent à l’autocensure des professeurs. Même les mathématiques sont touchées puisque le rapport relève le refus d’utiliser tout symbole ou de tracer toute figure ressemblant de près ou de loin à une croix.
On arrêtera là cette recension. Et, une fois n’est pas coutume, on se gardera bien de tout commentaire tant les faits sont édifiants.
En revanche, et puisque les élections présidentielles et législatives sont proches il ne serait pas inopportun de poser quelques questions aux candidat(e)s.
La laïcité devient-elle en France une option spirituelle parmi d’autres ? En France, un ministre de l’Education Nationale peut-il encore rendre public et communiquer sur un tel rapport ? Un débat politique sérieux, complet et donc sans interdit politiquement correct peut-il s’engager sur les conclusions de ce rapport ? La France est-elle encore une communauté nationale ou bien les candidats aux futures élections souhaitent-ils uniquement gérer la cohabitation entre plusieurs communautés ? Si la réponse à la précédente question est le second terme de la proposition, les candidats s’engagent-t-ils à en tirer toutes les conséquences en supprimant les élections « nationales » pour les remplacer par des représentations distinctes des différentes communautés ?
Il est d’ailleurs possible qu’en refusant de répondre à ces questions, ou en continuant à les éluder, nous soyons, dans quelque temps, dans l’impossibilité de les poser à nouveau.
Recteur Armel Pécheul
Réunion du 24 janvier – INSCRIPTIONS
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Lettre N° 93 – 3ème trimestre 2006
La réforme de l'enseignement de la lecture : le Ministre ne doit rien céder
La réforme de l’enseignement de la lecture :
Dans le numéro de décembre 2005 de notre Lettre, le docteur Wettstein-Badour nous avertissait que l’intention de M. de Robien de faire cesser l’emploi des méthodes d’inspiration globale pour l’enseignement de la lecture (méthodes baptisées semi-globales, mixtes ou intégratives) se heurterait à des obstacles « infranchissables ».
Elle craignait que le ministre ne tombât dans le « piège redoutable » de ceux qui font désormais croire aux maîtres et aux parents que toutes les méthodes se valent ou, pire encore, qu’elles peuvent utilement se compléter.
En clair, pour l’apprentissage du code alphabétique, c’est-à-dire pour l’apprentissage de la relation entre les sons et les lettres, (ou, pour le dire plus savamment encore entre les phonèmes et les graphèmes), on veut nous faire croire que la manière implicite, qui part des mots, est tout aussi opérationnelle que la manière explicite, qui part des lettres.
On aura reconnu dans la seconde manière la méthode alphabétique (appelée aussi maladroitement syllabique) et dans la première manière les méthodes semi-globales.
Cette croyance n’a d’autre justification scientifique qu’un rapport fait à la demande du Congrès des Etats-Unis par un National Reading Panel – NRP. Ce rapport effectue une synthèse d’études comparant les performances en lecture d’enfants en fonction de la méthode avec laquelle ils avaient appris à lire. Il conclut qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les résultats obtenus par la voie phonoanalytique (méthode implicite et méthodes semi-globales) et la voie phonosynthétique (méthode explicite et méthode alphabétique).
Cette conclusion est tout simplement fausse.
Intrinsèquement fausse, parce que le NRP n’a pas su – ou pas voulu - interpréter correctement les résultats de ses propres calculs.
Extrinsèquement fausse, parce qu’une autre étude, réalisée en Grande-Bretagne, et dont nous avons vérifié la pertinence, montre que les enfants ayant bénéficié de la voie phonosynthétique sont en avance de sept mois et demi en moyenne sur ceux qui ont suivi la voie phonoanalytique.
Ces résultats justifient l’appui très ferme que nous apportons à la démarche de l’actuel ministre de l’Education. Le mal est désormais connu et nous dénonçons depuis longtemps à Enseignement et Liberté les terribles dégâts que la méthode globale a engendrés dans la formation de très nombreux enfants. Ils ne sont pas étrangers à l’absence de repère chez nombre de jeunes gens. C’est parce qu’il ne faut désormais plus reculer que nous avons même formé un recours gracieux contre l’arrêté du ministre en date du 24 mars 2006 qui nous semble en retrait, sinon en contradiction avec son excellente circulaire du 3 janvier dernier.
Il faut que le ministre persiste, y compris en remettant aux ordres les membres de sa propre hiérarchie administrative qui refusent d’exécuter les prescriptions ministérielles. Il a déjà eu le courage de le faire. Il ne doit en aucun cas céder. Nous l’y aiderons, y compris par des voies contentieuses s’il le faut.
Recteur Armel Pécheul
Par une circulaire du 3 janvier 2006 qu’il a présentée et commentée lors d’une conférence de presse le 5 janvier, M. de Robien a proscrit les méthodes d’inspiration globale d’enseignement de la lecture de l’école, en justifiant sa décision par des arguments tirés des neurosciences et par des mesures analogues prises dans d’autres pays, en particulier en Grande-Bretagne.
Ses arguments ont été fortement et parfois violemment contestés par les tenants des sciences de l’éducation, ainsi que par la plupart des syndicats d’enseignants et par la FCPE.
Un arrêté adaptant les programmes a été publié le 24 mars. Cet arrêté, qui modifie les programmes de 2002, a été, dans l’ensemble, accueilli avec satisfaction par ceux qui étaient hostiles à la circulaire, qui y ont vu un retour au statu quo, et avec déception par ceux qui en attendaient la concrétisation des promesses de la circulaire.
Le nouveau programme, en déclarant complémentaires les deux types de méthodes admises par les programmes précédents ne peut que plaire aux partisans des méthodes semi-globales qui pratiquent déjà ce mélange. Les partisans des méthodes alphabétiques ne peuvent qu’être insatisfaits puisqu’en principe les nouveaux programmes interdisent de les employer seules, le texte lui-même et les pratiques constatées conduisant à commencer par un départ global.
Quels sont les arguments des partisans du statu quo ?
A l’exception d’une minorité d’extrémistes, les spécialistes des sciences de l’éducation admettent maintenant que pour savoir lire il faut apprendre ce qu’ils appellent le code alphabétique ou les relations phonèmes/graphèmes, mais ils rejettent la proposition de retourner au b.a.-ba en avançant les arguments suivants :
Ces arguments sont-ils fondés ?
1. Les différences de résultats sont-elles sans signification ?
Cet argument est tiré du rapport publié en 2000 par le National Reading Panel chargé par le Congrès des Etats-Unis d’étudier la question de l’enseignement de la lecture. Le NRP conclut en effet que l’analyse effectuée par ses soins des résultats obtenus par l’une et l’autre méthode ne présentent pas de différence significative.
Cette conclusion est erronée et démentie par une autre étude :
Elle est erronée parce que le NRP a confondu l’analyse statistique destinée à accepter ou à rejeter un risque donné et celle destinée à faire son choix entre les deux termes d’une alternative.
A la question quelle est la meilleure des deux méthodes, le NRP, qui a constaté que la phonosynthétique donnait de meilleurs résultats, dit que l’on a plus de cinq chances sur cent de se tromper en disant qu’elle est meilleure que la phonoanalytique.
Ce n’est pas ce qu’on leur a demandé et la vraie réponse est qu’il y a trois chances sur quatre que la phonosynthétique soit la meilleure.
La conclusion du NRP est démentie par une étude comparant les deux méthodes menée en Grande Bretagne. Cette étude montre que les élèves ayant appris par la méthode phonosynthétique sont en avance de sept mois et demi en moyenne sur ceux ayant appris par la méthode phono analytique.
2. Que vaut la critique de l’ennui de la méthode alphabétique ?
Cette critique est assez fréquente. On la trouve aussi bien dans des textes didactiques, comme Le point de vue de chercheurs sur l’enseignement de la lecture publié dans Le Monde de l’éducation de mars 2006 que dans des textes polémiques, comme celui de la brochure syndicale Apprendre à lire « pas si simple ! ».
La réponse à cette critique doit être cherchée dans l’examen des méthodes que proposent les nouveaux pédagogues. En résumé (nous y reviendrons) mieux vaut ânonner quelque temps que balbutier toute sa vie.
Apprendre à lire « pas si simple ! »
Ce document de quatre pages, diffusé à 500 000 exemplaires par une douzaine d’organisations et syndicats d’enseignants de gauche et la FCPE, association de parents d’élèves, affirme en préambule que : « les jeunes n’éprouvent pas plus de difficultés que leurs aînés, bien au contraire. », car, « L’INSEE dénombrerait, en effet, 4% d’illettrés chez les 18-24 ans pour 14% chez les 40-54 ans et 19% chez les 55-65. »
Il y aurait donc presque cinq fois plus d’illettrés (19/4) chez les plus âgés que chez les plus jeunes, ce qui justifierait la façon dont est enseignée la lecture aujourd’hui.
Est-ce exact ?
L’enquête de 2004
Une recherche sur l’illettrisme sur le site de l’INSEE conduit à l’enquête Information et vie quotidienne qui a fait l’objet de deux publications, dans le numéro 1044 d’INSEE PREMIERE d’octobre 2005 et, en 2006, dans Données sociales (pp. 195-202).
Les pourcentages de personnes « en graves difficultés dans le domaine de l’écrit », parmi celles résidant en France métropolitaine, sont de 4 pour les 18-29 ans et de 13 pour les 60-65 ans, soit un rapport de 1 à 3.
S’agissant des personnes ayant été scolarisées en France, les seules à prendre en compte pour apprécier la variation dans le temps de la qualité de l’enseignement de la lecture dans notre pays, les pourcentages de personnes « en difficulté devant l’écrit » sont de 11 pour les 20-29 ans et de 28 pour les 60-65 ans, soit un rapport de 1 à 2,5, deux fois plus faible que celui donné dans Apprendre à lire « pas si simple ! »
L’enquête de 2002
Un complément de recherche sur le site de l’INSEE permet de retrouver les taux de 4% et de 19% cités dans Apprendre à lire « pas si simple ! » de personnes éprouvant des « difficultés sensibles devant l’écrit », dans le numéro 959 d’avril 2004 d’INSEE PREMIERE. Ce numéro rend compte d’une Enquête méthodologique sur l’Information et la Vie Quotidienne réalisée en 2002 auprès de personnes résidant en France métropolitaine.
Le rédacteur précise que : « 40% des plus de 55 ans n’ont pas dépassé l’enseignement primaire contre moins de 5% parmi les moins de 40 ans, ce qui explique une grande part de l’écart dans le domaine de la lecture. De plus pour certaines personnes, une faible pratique de l’écrit depuis la sortie du système éducatif a pu provoquer l’effritement des compétences initialement acquises. »
Pourquoi avoir choisi les chiffres de l’enquête de 2002 ?
Sont-ce les plus faciles à trouver ? Non, bien au contraire. Sont-ils plus fiables que ceux qui leur sont postérieurs ? Non, bien au contraire, le texte de présentation précise qu’il s’agit d’une enquête méthodologique, le nombre de personnes interrogées est plus faible que celui de la seconde enquête et elle ne distingue pas les personnes ayant accompli leur scolarité hors de France.
Leur seul avantage, si c’en est un, est de paraître aller dans le sens souhaité par les auteurs de la brochure.
Peut-on conclure ?
Les résultats de l’enquête de 2002 permettent-ils d’affirmer que : « les jeunes n’éprouvent pas plus de difficultés que leurs aînés, bien au contraire. » ? Non, le rédacteur met expressément en garde le lecteur contre une telle interprétation (cf. citation plus haut). Et ceux de l’enquête de 2004 ? Pour les rédacteurs de Données sociales, elle ne permet pas de trancher à niveau de formation égal et on ne pourra le faire que dans quelques années, si une nouvelle enquête permet de voir comment ont évolué les compétences de chaque tranche d’âge.
C’est un point de vue raisonnable. Indiquons d’ailleurs que, si l’on veut classer les tranches d’âge par ordre de compétence en lecture à niveau de diplôme égal, les 60-65 ans arrivent bon derniers, mais les 20-29 ans sont avant-derniers, avec en tête les 40-49 ans suivis des 30-39 ans puis des 50-59 ans.
www.enseignementliberte.org
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Lettre N° 92 – 2ème trimestre 2006
Le mouvement anti-CPE : expérience d'un jeune universitaire
Le mouvement anti-CPE : expérience d’un jeune universitaire
Le mouvement anti-CPE, tel qu’il s’est manifesté dans un certain nombre d’universités, peut-être caractérisé de trois façons : l’adoption d’une ligne dure, avec le blocage, dès le départ, laissant présager un développement de plus en plus violent ; la complaisance, pour ne pas dire la complicité, des présidences et d’une partie du personnel ; les incohérences des revendications et des actions des « grévistes ».
Le mouvement anti-CPE a surpris par la brutalité de son installation. Sous prétexte de répondre à l’adoption du CPE au moyen du 49.3, qui revenait à « confisquer la démocratie», une infime minorité d’étudiants, les syndiqués de l’UNEF et consort, opta pour le blocage. Cela fut décidé sans que les élus étudiants, UNEF pour la majorité, témoignent de la moindre volonté de négocier avec les présidences les modalités du mouvement, alors qu’ils siègent à égalité avec les représentants des enseignants-chercheurs et du personnel administratif dans les instances dirigeantes de l’université. Bien entendu, il est hors de propos de s’interroger sur la légitimité et l’utilité de ces représentants étudiants, élus avec moins de 10 % de votants, et ne respectant les règles de la collégialité que lorsque cela les arrange.
Le mouvement a rencontré chez le personnel, enseignant et administratif, une certaine compréhension qui va au-delà de la critique d’une mesure contestable et de la suffisance du gouvernement. Du fait d’un recrutement massif dans les années 70, de nombreux soixante-huitards se retrouvent en poste, phénomène particulièrement marqué dans l’administration et, notamment, dans les présidences. Nostalgiques de leurs luttes passées, s’abstenant de se prononcer sur le blocus, ils ont soutenu dès le départ le mouvement et accordé une pleine légalité à ses actions. Car ce mouvement a tenu à se parer d’une onction démocratique obtenue grâce au vote des assemblées générales.
Le fonctionnement de ces dernières témoigne du caractère élastique de la démocratie. Tout d’abord aucun contrôle des votants parmi lesquels on trouve des lycéens et des collégiens (mais pas d’enfants de maternelle), des syndiqués Sud de diverses administrations et les inévitables altermondialistes. Ensuite, bien entendu, il n’est question que de votes à main levée, décomptés par les partisans du blocage qui, juges et parties, président les assemblées. Il n’a jamais été question de remettre en cause ces modalités, puisque, selon certains enseignants, « l’histoire a prouvé que le vote à main levée était aussi démocratique que le vote à bulletin secret ». Les présidences ont donc reconnu la « souveraineté » de ces assemblées et ont finalement soumis le calendrier de la reprise des cours à leur bon vouloir. Cette complaisance s’est concrètement traduite par la volonté de maintenir ouverts les locaux, la fermeture administrative des bâtiments privant les grévistes d’un lieu de réunion. Il est inutile de préciser que les anti-grévistes n’ont jamais bénéficié des mêmes faveurs et n’ont pu exprimer leurs opinions. Leur manque de visibilité, due à leur inexpérience en matière de « gréviculture », a même permis d’affirmer que le blocage a toujours bénéficié d’une pleine adhésion dans la population étudiante.
La réquisition de lieux publics comme tribune par les dirigeants du mouvement a permis d’assister à des débats surréalistes. Ces derniers ont beaucoup plu aux journalistes qui en ont souligné la maturité politique reflétée, sans doute, par le vote de la libération du Tibet, les hiérarques de Pékin ont dû trembler, ou l’abolition du capitalisme. Ces débats à sens unique, où les anti-bloqueurs, par ailleurs la plus part du temps aussi anti-CPE, se font traiter de partisans du FN, de fascistes et de nazis (les trois désignations étant évidemment synonymes), peuvent être résumés par certains slogans incongrus que l’on a pu voir fleurir sur les murs ou les banderoles : « ni CPE ni CDI (confusion avec CDD ?) », « CPE= STO », bref la version troisième millénaire du « CRS= SS ».
Cette cohabitation a cependant connu quelques accrocs. Certains présidents ont été contraints par des étudiants voulant avoir cours et multipliant les plaintes, de procéder à des élections un peu sérieuses, c’est-à-dire avec le contrôle de la carte d’étudiant. Expériences qui se sont soldées par des échecs : soit les grévistes ont empêché le déroulement d’un vote qu’ils ne contrôleraient pas, soit ils ont refusé les résultats. Ces « désaccords » se sont accompagnés d’un durcissement des occupations : la dégradation du matériel s’est accrue et le mouvement s’est « gauchisé », reléguant les délégués de l’UNEF aux rangs de « sociaux-traites ».
A la fin du mouvement, s’est posée l’épineuse question des « rattrapages » comme si les cours n’avaient pas été assurés du fait des enseignants. Là, les présidents et les recteurs ont enfin fait preuve de leur autorité, de façon toute oratoire. Après avoir, pendant plusieurs semaines, affirmé que les « expériences citoyennes » sont aussi importantes que les savoirs académiques, il n’est plus question maintenant que de sauver la face et d’octroyer les diplômes. On ne peut que s’interroger sur la valeur et la crédibilité de ces derniers. Les établissements étrangers associés à des universités françaises semblent avoir déjà trouvé la réponse, comme le montre la multiplication des demandes de remboursement des frais d’inscription et de séjour de leurs malheureux étudiants qui ont eu l’idée saugrenue de venir « étudier » en France.
Ce mouvement est à replacer dans le contexte de l’agitation croissante des universités, à la suite du 21 avril 2002 et de la contestation de la réforme des cursus universitaire à l’automne 2003. La radicalisation allant crescendo, les prochaines grèves risquent d’être distrayantes !
P.J.C.
Les écoles indépendantes : le point de vue d’Anne Coffinier
En 1984, le gouvernement voulut supprimer la liberté d’enseignement. Mais voilà : les Français descendirent massivement dans la rue pour défendre leurs libertés et il dut reculer. Le caractère proprement totalitaire d’un tel projet avait scandalisé non seulement les anciens élèves du privé mais un grand nombre de ceux du public. Imposer le monopole public dans le domaine éducatif, c’est-à-dire supprimer toute possibilité pour des parents de choisir l’école de leurs enfants, apparaissait comme une agression inadmissible contre les fondements mêmes de la société française. Comment parler encore d’Etat de droit si l’on supprime la liberté d’enseignement qui est le prolongement naturel de la liberté de conscience et de la liberté de religion ? Pourquoi n’abolirait-on pas non plus la liberté de la presse ou le libre exercice de la médecine ? Ne sont-elles pas le lieu de tous les embrigadements ?
Il y a vingt-deux ans donc, on cria victoire. On crut l’Enseignement libre durablement hors d’atteinte et l’on baissa la garde. Les ennemis des libertés, eux, ne désarmèrent pas : ils conquirent peu à peu ce que le peuple leur avait refusé en 1984.
Aujourd’hui, la France fait tache dans l’OCDE par son piètre respect des libertés scolaires.
Il faut noter en premier lieu que le libre choix de l’école n’est pas financé. Le droit des parents à choisir l’école de leurs enfants est bafoué puisque seule l’école publique est gratuite. De plus, scolariser son enfant dans le privé n’ouvre droit à aucune réduction d’impôt alors même que ce choix fait économiser à l’Etat tout ou partie des 6810 euros que coûte annuellement un élève du public. L’état actuel du droit est responsable du fait que seules les familles riches ou pistonnées, à commencer par les enseignants, jouissent en pratique de cette liberté. Il est en outre difficile de comprendre pourquoi le législateur trouve légitime d’accorder une réduction d’impôt de 50% aux familles lorsqu’elles font appel aux cours de soutien à domicile alors qu’il n’accorde pas la moindre déduction fiscale aux parents scolarisant leurs enfants dans le privé.
La France ne brille pas davantage par son respect de la liberté d’enseignement des professeurs, et ce dans le public comme dans le privé. L’inspection académique fait régner une discipline de fer en matière pédagogique, en particulier au niveau du primaire. La tyrannie imposée depuis 40 ans au sujet des méthodes de lecture en est une parfaite illustration. En réalité, c’est la possibilité même d’adapter leur pédagogie aux besoins de leurs élèves qui est refusée aux professeurs. Et peu importe que chaque année 160 000 élèves quittent le système scolaire sans aucune qualification, que 30% des élèves entrent en 6ème sans maîtriser les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul… Ce ne sont tout de même pas des raisons pour pousser les pédagogues de la rue de Grenelle à remettre en cause les pédagogies officielles ! Nous sommes donc dans une situation paradoxale : les professeurs ont une obligation de moyens alors qu’ils n’ont aucune obligation de résultat (les échecs sont de la faute de la société, des parents démissionnaires, du CPE…). Aux professeurs libres mais responsables, l’Etat a préféré des professeurs censurés mais irresponsables.
Enfin, le gouvernement a mis en place, dans le cadre des accords Lang-Cloupet de 1992, un mécanisme qui interdit radicalement aux écoles privées sous contrat de se développer. Quelles que soient les demandes des familles, l’école privée sous contrat se voit interdire de scolariser, en l’état actuel du droit, plus de 17% des élèves. C’est comme si l’Etat fixait un numerus clausus des enfants ayant droit d’accéder à une éducation scolaire satisfaisante. Bien sûr, les défenseurs de l’école de la République sont les premiers à mettre leurs rejetons à l’abri dans les établissements privés : Bernard Kouchner, Ségolène Royal, Martine Aubry, Robert Badinter, Jean-Pierre Chevènement, Pierre Joxe, Elisabeth Guigou, Christophe Girard, Tony Dreyfus, Lyne Cohen-Solal, Claude Bartolone..., sans parler de Daniel le Bret, fondateur de Paraschool, entreprise privée qui prospère sur les ruines de l’école publique qu’il a contribué à démolir comme secrétaire général du syndicat d’enseignant du public, le Snuipp. Et ce n’est pas en prenant arbitrairement une poignée d’élèves des banlieues et en les transplantant dans des établissements d’excellence, que l’on mettra fin à ce scandale de la pénurie organisée en matière d’éducation. Ainsi, tous vont à l’école, mais peu sont admis à une véritable éducation.
Mais revenons sur l’impossibilité qu’a le privé sous contrat de se développer. Le mécanisme en est simple : l’ouverture de classes subventionnées dans le privé est totalement déconnectée de la demande des familles. Lorsque l’Etat ferme 100 postes de professeur dans le public, il s’oblige à en fermer d’office 17 dans le privé, même si les demandes affluent. Que 51% des parents veuillent confier leur progéniture à l’Enseignement privé sous contrat (sondage PEEP-CSA, octobre 2005) n’y change rien. Ainsi, lors de la rentrée 2005, 23 000 enfants ont été refusés par l’Enseignement catholique, faute de places. Quant à ouvrir de nouveaux établissements sous contrat, par exemple dans les zones nouvellement urbanisés ou les quartiers dits sensibles, c’est radicalementimpossiblepuisque la loi interdit à l’Etat d’octroyer un contrat- et donc des financements - à un établissement ayant moins de cinq ans d’ancienneté. Or ce sont évidemment les années de lancement d’un établissement qui sont toujours les plus difficiles financièrement.
Accepter le développement de l’enseignement privé engendrerait de substantielles économies puisqu’un élève du privé sous contrat coûte à la Nation un tiers du coût d’un élève du public. Octroierait-il généreusement des bourses aux familles défavorisées souhaitant scolariser leurs enfants dans le privé que l’Etat y gagnerait encore largement sur un plan financier !
Le refus de l’Etat de financer l’expansion de l’école privée sous contrat est d’autant plus incompréhensible que cette dernière a perdu la plupart de des spécificités qu’elle avait par rapport à l’Education nationale :même formation des professeurs, même dépendance de l’Inspection académique pour monter en grade, mêmes manuels, mêmes programmes, mêmes diplômes en raison du monopole de la collation des grades que s’est octroyé l’Etat depuis 1880… Le caractère propre – à quelques heureuses exceptions près – s’est réduit à la pastorale, à savoir à une parenthèse catéchétique le plus souvent facultative. L’Enseignement catholique diocésain en est venu à jouer pour ainsi dire le rôle de délégataire du service public d’enseignement. Il est difficile de comprendre pourquoi les évêques de France ont accepté de cantonner l’école catholique dans le réduit éducatif des 17% qui lui était consenti, et de banaliser son art d’enseigner…
Alors que la faillite du système éducatif est reconnue de tous, et que le séisme social qui en découlera nécessairement est des plus préoccupants, les dirigeants français envisagent-ils de faire l’expérience de la liberté, de la responsabilité et de la diversité, après avoir imposé un monopole uniforme, bureaucratique et centralisé ? Non. C’est pourtant le sens général des réformes menées partout dans le monde : les établissements scolaires obtiennent d’être autonomes ou au moins d’être dirigés au plus près du terrain, de manière décentralisée.
*
C’est dans ce contexte qu’est en train de se produire dans notre pays une petite révolution. Elle ne fait pas de bruit. On n’en parle pas encore au Journal Télévisé de 20 heures. Et pourtant, elle progresse inexorablement. Elle a déjà rendu la joie d’apprendre à 30 000 élèves … et la sérénité à leurs parents !
De quoi s’agit-il ? De la fondation par la société civile de petites écoles indépendantes, animées par des équipes de professeurs fortement impliqués dans la réussite de chacun des enfants qui leur sont confiés.
Ces nouvelles écoles sont choisies par de plus en plus de familles excédées par le système éducatif actuel. Il existe déjà 450 écoles indépendantes en France et 27 supplémentaires devraient ouvrir leurs portes en septembre : à Niort, Tours, Toulon, Versailles, Angers, Clermont-Ferrand, et à la Réunion …
Cette formule de petites écoles à forte personnalité, portées par une équipe d’éducateurs passionnés et soudés par une même vision de l’éducation, n’est pas nouvelle. C’est une valeur sûre de l’histoire de l’éducation. Les « élites du pays » ont toujours prisé cette formule ou celle, proche, du préceptorat. Elles sont désormais imitées par un nombre croissant de familles des classes moyennes ou d’origine modeste qui ne tolèrent plus le mal que le système scolaire actuel fait à leurs enfants : échec scolaire, démotivation, ennui, avachissement intellectuel et moral... Comme ces familles ne trouvent plus de place dans les bons établissements privés sous contrat, elles scolarisent leurs enfants dans des écoles indépendantes.
Ce phénomène de création de nouvelles écoles à forte personnalité peut surprendre en France. Mais il est des plus habituels à l’étranger. Partout dans le monde existent des écoles entièrement libres.Il faut dire que cesécoles indépendantes présentent de nombreux avantages. Par leur diversité, elles offrent enfin un choix véritable aux parents. En effet, les besoins des enfants et les attentes des familles sont variables. Une offre scolaire uniforme n’a donc aucune chance de les satisfaire. C’est la liberté pédagogique dont jouissent les professeurs des écoles indépendantes qui permet l’éclosion d’écoles à la physionomie variée, allant de l’école pour enfants intellectuellement précoces ou dyslexiques, généralement mis en échec scolaire par le système scolaire habituel, au collège construit sur l’ambition d’offrir aux élèves l’épanouissement d’une pratique artistique de haut niveau, ou par les écoles bilingues scolarisant des enfants issus de diverses cultures. A la différence de leurs aînées plutôt élitistes et onéreuses comme le cours Hattemer, où ont étudié Anne Sinclair, Jacques Chirac ou l’Agha Khan, ou les Moineaux dans le XVIème arrondissement, se développent actuellement surtout des écoles à but non lucratifs et financièrement abordables, ayant pour ambition de former les enfants dans toutes les dimensions de leurs personnes, cœur, corps, âme et esprit.
Ce sont des écoles à taille humaine : moyennant des scolarités de moins de 160 euros par mois, soit le prix de certaines écoles parisiennes sous contrat ou de 8 heures mensuelles de soutien scolaire à domicile après réduction fiscale, les enfants peuvent trouver un maître qui vit sa vocation d’enseignant comme on entre en religion. Dans ces écoles, les professeurs sont libres d’employer les moyens éducatifs qui leur paraissent les plus adaptés, mais ils sont en contrepartie comptables des résultats scolaires et de l’épanouissement de leurs élèves. Ces écoles de la nouvelle génération sont en définitives plus humaines en ce sens qu’elles s’attachent à faire réussir chacun. Leurs bons résultats académiques sont obtenus non par le renvoi des élèves faibles, comme le font nombre d’établissements sous contrat réputés, mais par le suivi individualité des élèves et par la plus grande implication des professeurs.
Si ces jeunes établissements réussissent à retrouver l’essence de ce qui a fait le succès de l’éducation classique française tout en apportant les innovations exigées par le monde où il nous a été donné de vivre, ils pourront servir d’aiguillon pour la réforme du système éducatif français.
Anne Coffinier, présidente-fondatrice de l’association Créer son école
Créer son école est une association loi 1901, qui a été fondée en 2004 par de jeunes parents convaincus que les écoles entièrement libres offraient le meilleur cadre possible pour donner aux enfants une formation solide. A travers son site Internet (www.creer-son-ecole.com) et ses publications, elle favorise la création et le développement d’établissements scolaires entièrement libres, c’est-à-dire d’écoles qui n’ont pas passé de contrat avec l’Etat. Un guide intégral des écoles indépendantes devrait être proposé au public en novembre prochain. Elle participe également au lancement d’une fondation dédiée à soutenir le développement d’écoles indépendantes de qualité.
Coordonnées
Créer son école
A propos des méthodes globales : le point de vue de Michel Combastet
La méthode globale consiste à considérer les mots entiers comme des images. Au lieu de déclencher une correspondance automatique entre des signes et des sons dépourvus de sens, mais objectivement reproductibles à l’identique, le signe global rattache l’image à un sens, et, volontairement ou non, à un amalgame du mécanisme physiologique objectif et des sentiments subjectifs associés au texte présent.
Ultérieurement, même si la suite de l’enseignement est faite avec la méthode syllabique, tout un vocabulaire demeurera entaché d’un accompagnement subjectif inconscient dont l’effet peut être très bon ou très mauvais. Ce n’en est pas moins une mise en conditionnement inutile et inquiétante.
Un autre aspect pour les élèves qui n’ont appris à lire qu’avec la méthode globale est le suivant : la lecture ainsi apprise ressemble à la lecture que font les Chinois, dont les caractères ne sont pas une représentation phonétique, mais le signe d’un sens. Il en résulte qu’il y a des milliers de caractères pour écrire la langue Chinoise, et que les caractères se combinent suivant les sens, et non suivant les sons.
Donc lors de l’écriture, la pensée peut prendre dans la conscience de l’écrivain ou du lecteur des mots différents – et donc dans l’expression orale, des sons « étrangers » - pour exprimer le sens transmis par un caractère Chinois. Cette particularité se traduit par une coupure entre le vocabulaire écrit et le vocabulaire oral. Elle facilite aussi la création de mots sauvages puisque leur sens – exprimé par l’image de leurs lettres jointes : meuf, etc.… - sera mieux interprété par la petite communauté dans laquelle ils circulent, jusqu’à être ignoré dans la population générale. Par contre le vrai sens originel sera mieux préservé par les lettrés, mais la différence de capacité d’apprentissage entre les « alphabétisés » et les « globalisés » sera devenue plus grande. La division de la culture nationale en deux cultures peut en résulter.
La difficulté d’apprendre à lire, outre les inconvénients et les difficultés personnels imposés à la masse des élèves, peut malheureusement aussi servir à asseoir les privilèges et même le pouvoir de certains.
Lettre N° 91 – 1er trimestre 2006
L'affaire Lafforgue
Le mathématicien Laurent Lafforgue, membre de l’Académie des sciences et lauréat de la médaille Fields, avait été nommé au Haut Conseil à l’Education, nouvelle instance chargée de définir le « socle commun de connaissances ».
Bruno Racine, président du HCE, ayant proposé de faire appel aux « experts » du ministère, M. Lafforgue lui répondit, dans un long courriel envoyé en copie aux membres du HCE, que c'était « comme si un Haut Conseil des Droits de l'Homme envisageait de faire appel aux Khmers rouges pour constituer un groupe d'experts pour la promotion des droits humains ».
Ce courrier ayant été divulgué par des voies que seuls les membres du HCE peuvent connaître, on a demandé à M. Lafforgue de démissionner du HCE.
Ajoutons que les arguments développés par M. Lafforgue dans son courriel ne relèvent pas d’un parti pris idéologique mais reposent sur une analyse approfondie, construite sur de nombreux témoignages de professeurs et d'instituteurs, et inspirée par un profond attachement à l'école et aux savoirs tant littéraires que scientifiques.
Toutes les circonstances de l’affaire Lafforgue peuvent être consultées sur son site :
On y trouve aussi des Textes sur l’éducation dont il est l’auteur et des Entretiens sur l’éducation avec des journalistes.
Nous avons souhaité publier l’un de ces textes , pour ceux de nos lecteurs qui n’ont pas accès à Internet. M. Lafforgue nous a proposé celui intitulé Défense de l’école et politique, qui montre que l'école ne doit pas être otage des affrontements idéologiques. C’est le texte que nous avions choisi de citer sur notre site Internet.
Notre choix était dû à la qualité des réflexions qu’il y développe sur la transmission de la culture. Les défenseurs de la liberté d’enseignement que nous sommes partagent le vœu, qu’il exprime en conclusion, que l’école publique parvienne à se réformer : ce n’est pas en tentant d’annexer l’école des « autres », comme ils ont voulu le faire avec le projet Savary, que les partisans purs et durs de la laïcité, dont ne fait pas partie M. Lafforgue, remédieront aux maux de « la leur ».
Recteur Armel Pécheul
Défense de l'école et politique
Dans les débats qui ont suivi ma démission du Haut Conseil de l'Éducation, un slogan constamment brandi par ceux qui s'efforçaient de déconsidérer ma position à propos de l'école a consisté à la qualifier de "réactionnaire", "ultraconservatrice" ou "ultralibérale".
Je voudrais répondre à cette accusation.
Premièrement, je ne dirai pas quelles sont mes opinions politiques, à supposer que j'en aie de bien arrêtées. Depuis dix-huit mois que j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à la situation de l'école dans notre pays et que j'ai été en contact quotidien avec beaucoup de personnes investies comme moi dans la défense de l'instruction, il n'a jamais paru nécessaire ni à ces personnes ni à moi d'évoquer une seule fois nos opinions politiques respectives. A fortiori, je n'ai pas à en rendre compte devant des gens pour qui cette accusation de "réactionnaire" est le seul argument dont ils disposent pour essayer d'impressionner les naïfs et de détourner le débat de son objet : l'état dans lequel ils ont mis notre système éducatif et la nécessité de rompre avec leurs théories fumeuses et leurs pratiques si nous voulons sauver et redresser notre école.
* *
Je crois d'ailleurs que si nous autres défenseurs de l'école mettons de côté nos opinions politiques, ce n'est pas seulement par souci de ne pas gaspiller nos énergies dans des luttes fratricides. C'est encore moins une erreur, celle qui consisterait à ne pas traiter politiquement une question éminemment politique. Au contraire, la réserve que nous observons naturellement est pour nous une façon de respecter la nature profonde de l'école comme école de la liberté.
En effet, c'est certainement sous le patronage de la liberté de penser, de créer et d'agir que nous plaçons l'école, une liberté qui n'est pas donnée mais dont il s'agit de conférer les moyens aux élèves. Nous voulons par exemple que l'école rende les élèves capables de réfléchir par eux-mêmes, d'exercer leur esprit critique et de développer leurs propres idées, et nous savons qu'il n'existe pour cela qu'un seul chemin : celui de la maîtrise du langage sans laquelle non seulement l'expression de la pensée mais même sa formation sont impossibles et celui des nourritures de l'esprit que fournit la grande culture léguée par les siècles, particulièrement la culture générale littéraire qui donne à la réflexion ses aliments, ses repères et ses matériaux à partir desquels elle peut se construire et s'élaborer. Cela signifie qu'il ne peut être question pour nous que l'école soit un lieu qui inculquerait aux élèves nos propres opinions, aussi bonnes et émancipatrices qu'elles pourraient nous paraître. Celles-ci, que nous avons légitimement comme citoyens, doivent s'effacer quand nous pensons aux élèves, et même nous attendons de l'école qu'elle donne aux élèves les moyens de penser éventuellement contre nous, de développer des formes de réflexions qui peut-être nous choqueront beaucoup ou que nous n'aurions pas pu imaginer. Un fondateur ou un professeur d'une école de la liberté sait qu'il a bien fait son travail le jour où il voit certains des anciens élèves de cette école devenus adultes s'opposer à lui avec tout l'arsenal de la raison, du langage et de la culture qu'il leur a patiemment inculqué au fil des longues années d'apprentissage. Bien sûr, la révolte n'est pas une nécessité sans quoi elle ne serait pas libre, on peut être un esprit libre et fidèle, mais il reste qu'une école de la liberté se reconnaît à ce qu'elle donne tous les moyens de se révolter plus tard contre elle.
Ayant ce critère en tête, on peut d'ailleurs reconnaître dans l'Histoire que certaines écoles où les élèves étaient soumis à de grandes et lourdes contraintes et n'avaient pas le droit d'exprimer des opinions divergentes sur certains sujets essentiels ont été néanmoins en un sens plus profond des écoles de la liberté, simplement parce que l'enseignement qu'elles dispensaient était sérieux, solide et approfondi et qu'il conférait aux élèves toutes les ressources du langage et de la réflexion. Ainsi en a-t-il été des meilleurs collèges jésuites qui, par exemple, ont permis Voltaire : le moins qu'on puisse dire est que les "bons Pères", comme il les appelait ironiquement, avaient appris au jeune François Marie Arouet à parler et à écrire ! Ainsi en a-t-il été également de la meilleure partie du système d'enseignement soviétique.
Et ainsi en a-t-il été de notre école républicaine telle qu'elle a perduré jusqu'aux années 60 : je dirais même qu'elle a été une école de la liberté plus qu'aucune autre puisque, malgré son patriotisme obligé et ses teintes de moralisme et de positivisme, elle n'exerçait pas sur les élèves un contrôle bien tyrannique : elle se faisait scrupule de respecter la liberté de conscience de chacun et n'exigeait finalement que la discipline nécessaire à l'étude, en même temps qu'elle dispensait à tous une instruction de grande qualité, donnait vite la maîtrise du langage et ouvrait à beaucoup les portes de la culture et de la science. Elle a permis dès ses débuts à des enfants du peuple comme Charles Péguy ou Albert Camus d'accéder à la plus haute culture, elle a su intégrer les enfants d'immigrés de ces époques – une capacité largement perdue de nos jours où pourtant elle serait bien nécessaire – et elle a connu un long processus de démocratisation authentique, c'est-à-dire sans baisse du niveau des diplômes, qui ne s'est interrompu qu'à partir du moment où la démocratisation est devenue un slogan.
Je crains que l'école que nous avons aujourd'hui, après tant de politiques prétendument émancipatrices, ne soit presque plus du tout une école de la liberté. Elle produit des générations d'étudiants bien gentils et très ignorants, aussi incapables d'écrire un livre que de fonder une entreprise ou de faire une révolution. La liberté est toujours un risque ; notre école ne le prend plus. Nous, les défenseurs de l'école, par-delà notre diversité, que nous soyons d'extrême gauche, conservateurs ou quelque part entre les deux, voudrions qu'à nouveau elle prenne ce risque.
Il n'y a donc pas lieu d'évoquer nos opinions politiques quand on parle de l'école. Ou plutôt, le véritable choix politique est celui de la qualité de l'enseignement et celui de l'étendue et de la profondeur des connaissances que nous voulons transmettre.
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Il m'est arrivé en revanche de faire état dans un article de la "Gazette des Mathématiciens" de ma foi chrétienne en relation avec mon engagement militant au service de la cause de l'instruction et de la culture. Je l'ai fait pour les raisons que j'ai indiquées dans cet article : On m'avait demandé le pourquoi de mon engagement et ma foi chrétienne en fait certainement partie. De plus, les diverses traditions religieuses sont à l'origine historique de toutes les cultures du monde, et la tradition catholique particulièrement a été l'une des principales matrices de la culture européenne, l'a constamment irriguée et a été un acteur majeur de l'éducation en Europe jusqu'à nos jours. Comme il m'arrive parfois de désespérer devant l'état de l'éducation dans notre pays et son évolution que rien ne semble pouvoir arrêter, j'ai imaginé que l'Église catholique pourrait jouer un rôle de refondation de l'éducation et de la culture, à condition de s'appuyer sur sa foi et sur sa tradition. Plus spécifiquement, je pense que la réconciliation de l'Église avec le peuple juif et le judaïsme – réconciliation qui passe par la reconnaissance des fautes historiques des chrétiens vis-à-vis des juifs – est un événement d'une portée immense, plus important que la chute du mur de Berlin et ses suites, et j'attends que cet événement produise pour le monde de grandes conséquences. L'une de ces conséquences pourrait être à mon idée que les chrétiens redécouvrent la pleine valeur spirituelle de l'étude et de la créativité qui occupe une place centrale dans la tradition juive. Si cela se produisait, l'éducation et la plus haute culture connaîtraient un nouveau printemps dans tous les pays que le christianisme continue à travailler. Telle est mon espérance.
Mais bien sûr tout ce que j'en dis là est à propos de l'enseignement confessionnel et pour rien au monde je ne voudrais remettre en cause l'enseignement républicain laïc dans ses principes hérités de la IIIe République. C'est lui seul que j'ai connu comme élève et c'est bien lui qu'avec tant d'autres je m'attache à sauver et redresser.
Quand j'ai appris quelques jours après ma démission du Haut Conseil de l'Éducation que la "Libre Pensée" avait publié un communiqué de presse et lancé une pétition pour me soutenir, j'ai été très touché. Touché non pas pour moi-même mais pour l'école républicaine, car le fait que la "Libre Pensée" et moi, plus tant d'autres personnes si différentes, puissions nous retrouver dans une défense commune de cette école qui s'était fixé pour but l'instruction et le développement intellectuel de tous illustre bien sa valeur. D'ailleurs j'ai lu avec grande attention le communiqué de presse de la "Libre Pensée" et je peux dire que j'adhère sans réserve à ce que ce communiqué dit de l'instruction publique et de son rôle dans le développement de l'autonomie de la pensée.
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Pour revenir à la politique, j'ai pu constater dans les jours qui ont suivi ma démission qu'il était davantage fait écho de cette démission – et en termes plus favorables pour moi – dans la presse de droite que dans la presse de gauche. Je me réjouis de tous les soutiens qui peuvent nous arriver, à moi et aux autres défenseurs de l'école, et je les accepte tous, sauf les soutiens hypocrites qui nous parviendraient de personnes ennemies de l'humanisme.
Je connais effectivement beaucoup de gens de droite qui veulent une instruction publique de grande qualité, et certains militent activement en ce sens, mais je sais aussi que de larges secteurs de la droite ont du mal à reconnaître ou simplement à comprendre la pleine légitimité du monde académique fondé sur la valeur du savoir et qu'ils sont méfiants vis-à-vis du milieu des professeurs qu'ils connaissent mal, qui leur est majoritairement hostile sur le plan politique et qui est tellement différent du milieu des entreprises qui leur est plus familier. Pour l'opinion de droite, il peut donc exister une tentation d'utiliser ma critique virulente de l'Éducation Nationale dans son état actuel pour exprimer une hostilité viscérale et de principe au monde des "professeurs".
Donc je pense que je dois dissiper toutes les ambiguïtés possibles :
Je suis un mathématicien et un intellectuel, et le parti auquel j'adhère de toute mon âme est le parti du savoir, c'est-à-dire le parti des intellectuels, des chercheurs, des universitaires, des professeurs et des instituteurs. Et à ceux qui ne comprennent pas leur monde je dis : la France a besoin d'une vie intellectuelle, et pour cela il faut que les professeurs ne soient pas surchargés d'enseignements et que l'autonomie du champ du savoir vis-à-vis des champs économique et politique soit pleinement reconnue; la France a besoin d'innovations scientifiques et techniques, et pour cela il faut que les universités aient de la liberté et de l'argent ; la France a besoin de recherche fondamentale, et pour cela il faut que des postes permanents soient offerts en nombre suffisant aux jeunes chercheurs ; notre République ne saurait durer et prospérer sans son école, et donc il faut que ses professeurs et ses instituteurs soient respectés par tous – par les élèves, par les parents d'élèves, par les pouvoirs publics et par l'ensemble de la société.
Parmi les professeurs et tout de suite après mes maîtres en mathématiques, ceux dont je me sens le plus proche sont évidemment ceux qui depuis des années se sont investis pour le sauvetage de l'enseignement et que je connais personnellement ou dont j'ai lu les livres.
Avec tous ceux-là qui pour moi ne sont plus des anonymes, il y a la foule des simples professeurs et instituteurs, des petits soldats de l'Éducation Nationale qui, depuis des années que leurs généraux leur prescrivent des consignes stupides, combattent inlassablement pour le savoir, essaient vaille que vaille d'enseigner en se faufilant dans le labyrinthe des méthodes délirantes et des programmes déstructurés, et parviennent au milieu des pires difficultés à instruire, à transmettre. S'il reste encore quelque chose debout dans l'éducation en France, c'est grâce à eux.
Il y a aussi l'autre foule des professeurs et instituteurs qui malheureusement ont été influencés par les doctrines officielles que répandent les IUFM et qu'impose leur hiérarchie et qui n'ont pas encore osé se rendre compte de cette réalité inimaginable : depuis des décennies la destruction de l'instruction publique en France est organisée par ceux-là mêmes dont la fonction serait de la consolider. Autant je suis extrêmement sévère envers l'ensemble des instances dirigeantes de l'Éducation Nationale – tous ceux qui n'enseignent pas mais qui inspirent, commandent ou répandent leurs doctrines absurdes chez des jeunes stagiaires soumis à leur pouvoir – autant j'ai du mal à jeter la pierre à aucun professeur ou instituteur. Je n'oublie pas qu'il a choisi le plus noble des métiers et que, quels que soient ses objectifs pour les élèves, ses méthodes et ses convictions en matière d'enseignement, il doit aujourd'hui exercer dans des conditions très difficiles. Non, je ne voudrais pour rien au monde accuser aucun professeur ou instituteur : je l'appelle seulement à réfléchir, à exercer son esprit critique et à oser mettre en doute l'endoctrinement qu'il a subi depuis des années et des années.
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Après les professeurs, et pour employer un qualificatif célèbre qui a fait beaucoup de mal, je voudrais aussi prendre la défense d'une catégorie de personnes qui me paraît absolument indispensable à la transmission de la culture, à sa perpétuation et à sa floraison : je veux parler des "héritiers". Bien que je n'aie aucun lien personnel avec ce milieu, je regrette de plus en plus les familles bourgeoises à l'ancienne qui n'ignoraient pas que leurs privilèges impliquaient des devoirs et que l'un de ces devoirs les plus importants était d'honorer la culture et de la servir, de s'y adonner soi-même et de la transmettre à la génération suivante. Ce milieu a donné à la France un très grand nombre de ses écrivains, de ses penseurs et de ses savants, parmi lesquels d'ailleurs on trouve beaucoup de rebelles. Cette bourgeoisie cultivée s'oppose à la part toujours croissante et désormais très majoritaire de nos nouvelles élites ou soi-disant telles qui considère qu'elle n'a aucun devoir envers rien ni personne, qui se fait gloire de son ignorance et affiche sa vulgarité, qui s'imagine qu'elle est rebelle parce qu'elle ne s'occupe plus de transmettre quoi que ce soit et qu'elle méprise l'héritage des siècles, qui se croit moralement supérieure à tout ce qui l'a précédée, dans le même temps où elle se pense et se déclare irresponsable de tout. Je préfère un million de fois les "héritiers", ceux qui ne s'estiment pas au-dessus de ce qui leur a été légué, pour qui leur héritage est une charge plus encore qu'un honneur, et qui ont à cœur de transmettre ce qu'ils ont reçu. Mais combien sont-ils encore?
A côté de ces héritiers-là, il y a aussi toutes les familles bien instruites et cultivées où l'un au moins des parents est chercheur, universitaire, professeur ou simplement exerce une profession intellectuelle qui suppose de longues études, et qui ont le souci que leurs enfants reçoivent une instruction de qualité et fassent des études aussi approfondies que les leurs, voire encore meilleures. Je tiens à dire que ce souci me paraît parfaitement légitime, que je n'y vois aucun mal et que je pense au contraire que la transmission de la culture et du savoir dans notre pays ne peut se passer de cette ambition des familles. Je ne puis comprendre que l'école d'aujourd'hui considère souvent avec suspicion les élèves qui ont eu la chance de naître dans une famille déjà très instruite, qu'elle voie en eux une figure de l'injustice et qu'elle s'emploie par divers moyens – dont la déstructuration et le bouleversement des programmes ne sont pas les moindres – à couper ces enfants de la culture qu'ils trouvent naturellement chez eux, afin de restaurer une égalité dont on s'imagine qu'elle existe à l'état de nature. Ainsi l'école d'aujourd'hui en vient-elle à poursuivre des objectifs exactement inverses à ceux qui seraient conformes à sa raison d'être : empêcher la transmission de la culture plutôt que de l'étendre, décourager les meilleurs élèves, semer la confusion dans les jeunes esprits, trancher le lien des jeunes générations avec toutes celles qui les ont précédées, les laisser finalement seules face à elles-mêmes et au vide. Il me semble au contraire que des élèves qui déjà savent quelque chose et apprennent avec plus de facilité grâce aux conditions favorables qu'ils trouvent dans leur famille n'enlèvent rien à aucun autre ; l'École devrait se réjouir de leur existence (de plus en plus menacée elle aussi), chercher à les amener encore plus loin et plus vite sur le chemin de la culture et de la science et s'appuyer sur eux pour entraîner à leur suite tous les élèves qui connaissent chez eux des conditions moins favorables mais qui montrent des dispositions pour étudier.
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Infiniment plus proche de moi que les héritiers des familles bourgeoises à l'ancienne et aussi proche que les familles intellectuelles qui ont le souci de la transmission est une autre catégorie qui dans mon esprit ne s'oppose nullement aux précédentes : au contraire elle ne peut exister qu'en découvrant grâce à l'école ce que les premiers ont gardé et fait fructifier au cours des âges et que les secondes ont reçu plus récemment. C'est la catégorie des personnes qui, pour la première fois dans l'histoire de leur famille, accèdent à l'instruction et deviennent cultivées ou savantes au fil des études prolongées que l'école permet à tous ceux qui en montrent la capacité et le goût – ou plutôt que l'école permettait, car notre système éducatif est tellement dégradé qu'il n'offre pratiquement plus la possibilité à qui ne trouve pas la culture dans sa famille de la découvrir dans toute sa beauté et sa richesse, de l'aimer et de la faire sienne.
Je n'ai pas oublié mes grands-parents maternels ouvriers ni mon grand-père paternel maître tailleur ni ma grand-mère paternelle simple femme au foyer, dont aucun n'avait connu d'autre enseignement que celui de l'école primaire (ce qui ne les empêchait pas de posséder une maîtrise du français bien mieux assurée et des connaissances de base plus solides que la grande majorité des bacheliers d'aujourd'hui) et dont trois sur quatre avaient dû arrêter leur scolarité à douze ans pour commencer à travailler, non pas du fait de l'école mais à cause des conditions sociales et historiques de leur temps. Je sais que tous avaient aimé l'école et ont regretté toute leur vie de ne pas avoir pu prolonger leurs études plus longtemps. Au moins ont-ils pu donner et répéter inlassablement à leurs enfants le meilleur des conseils : "Écoute les instituteurs, écoute les professeurs, fais tes devoirs, apprends." C'est ce qui a permis à mes parents de suivre des études longues et de découvrir les merveilles de la culture et du savoir. De cela, moi et mes frères, devenus tous les trois des professeurs et chercheurs, sommes les héritiers – des héritiers de la première génération.
C'est pourquoi, chaque fois que je rencontre une personne qui exerce une responsabilité dans l'Éducation Nationale et dont j'apprends qu'elle est d'origine populaire, je rêve que cette personne pourrait défendre une instruction de très grande qualité pour tous – pour les enfants des milieux défavorisés exactement comme pour tous les autres, avec un enseignement aussi riche et des exigences aussi hautes. Je rêve qu'elle plaiderait pour une école où on demanderait beaucoup à tous les enfants parce qu'on sait qu'ils peuvent beaucoup donner, où on chercherait à nourrir leur esprit avec de vraies nourritures intellectuelles, où on leur donnerait tous les moyens qui plus tard leur permettraient de devenir pleinement responsables d'eux-mêmes, où la possibilité serait offerte à chacun, moyennant du travail, d'acquérir culture, science ou capacité technique. Je rêve que, pensant particulièrement aux enfants des milieux défavorisés et aujourd'hui, par exemple, aux enfants d'immigrés pauvres, elle plaiderait pour la mise en place d'heures d'études assistées le soir après la classe pour soustraire ces enfants à la télévision et à la rue et leur procurer l'aide que d'autres trouvent dans leur famille...
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Ceci bien sûr est un discours que j'attendrais plus naturellement de la gauche. Mais je ne comprends plus le discours de celle-ci en matière d'éducation.
Si nous avions vécu à l'époque de Jules Ferry, de Jean Jaurès, de Ferdinand Buisson ou de Jules Isaac, tous des hommes de gauche, j'aurais été entièrement d'accord avec la gauche sur le sujet de l'éducation. En effet, Jules Ferry, Jean Jaurès, Ferdinand Buisson et Jules Isaac faisaient tous rimer instruction et libération, ils accordaient la plus grande valeur à la culture, celle que certains qualifient de bourgeoise ou d'aristocratique et qui l'est en effet par ses origines, et ils pensaient que la plus grande et plus noble œuvre de la République devait être non pas de détruire cette culture mais d'en rendre l'accès possible à tous les enfants, y compris les enfants des classes populaires, moyennant bien sûr beaucoup de travail car la culture et la science ne s'acquièrent pas sans de grands efforts personnels.
Je me souviens de mon grand-père paternel qui appartenait à la vieille tradition radicale-socialiste du sud-ouest et qui, républicain de gauche à l'ancienne mode, avait une foi absolue dans l'instruction et une totale confiance dans l'école républicaine pour dispenser cette instruction.
Malheureusement, pour des raisons qui me sont complètement incompréhensibles, les dirigeants et les militants des principaux partis et syndicats de gauche ont opéré depuis la fin des années 60 un virage à 180 degrés sur le sujet de l'instruction. Ils se sont mis à penser, comme un certain nombre de gens de droite finalement mais sans le dire explicitement, que les enfants des milieux défavorisés sont des petits malheureux intellectuellement déficients.
Donc plus de culture, plus d'apprentissages sérieux, plus de responsabilisation de quiconque, seulement une très longue garderie d'où les jeunes, et particulièrement ceux des classes défavorisées, sortent sans instruction de qualité, sans qu'on leur ait rien donné pour former leur caractère et leur personnalité, sans sentiment de responsabilité, sans ardeur au travail, sans esprit d'initiative, sans espoir, sans armes intellectuelles, sans même les mots pour penser à quel point ils ont été mal nourris et floués, avec seulement pour certains la fausse monnaie de diplômes au rabais et pour la plupart un sentiment de rage que le plus petit mouvement de foule peut orienter dans n'importe quelle direction et contre n'importe quels boucs émissaires.
On a vu un ministre de gauche démanteler les anciennes écoles normales et leur substituer les IUFM qui (selon l'expression d'un formateur qui m'a envoyé son témoignage en requérant l'anonymat, par peur des représailles) "ressemblent plus à un camp de rééducation par le travail absurde qu'à un centre de formation" des instituteurs et professeurs que la République va charger d'instruire ses enfants. On a vu un autre ministre de l'Éducation Nationale de gauche vouer aux gémonies le français et les mathématiques et, de manière générale, tout ce qui n'était pas directement lié à sa spécialité académique. On en a vu un troisième qui était plutôt un ministre du divertissement national, créant les "itinéraires de découverte" aux dépens des précieux apprentissages fondamentaux et expliquant sans rire que ce n'était pas la peine d'avoir trop d'heures de français puisque, pendant les cours d'histoire par exemple, on continuait à parler en français (argument qui m'a été resservi à déjeuner par le directeur de cabinet du ministre actuel, comme quoi le mépris de notre langue franchit manifestement les barrières politiques).
Je me dis que c'est bien finalement que mon grand-père n'ait pas vu ce que ces ministres de gauche ont fait de l'école républicaine. L'action de l'autre bord ne vaut pas mieux, mais elle lui aurait fait moins mal.
Il faut bien voir d'ailleurs que les idées sont plus importantes que les ministres. Et comme le monde de l'éducation et ses instances dirigeantes permanentes, celles qui ne changent pas avec les ministères, ont une sensibilité progressiste, les théories les plus susceptibles de les séduire sont celles qui proviennent ou semblent provenir de la gauche. Jamais les professeurs et les instituteurs n'auraient avalé tout ce qu'on leur a fait avaler depuis trente ans et plus si cela ne leur avait été servi dans une sauce d'apparent progressisme. C'est pourquoi le retournement du discours de gauche sur l'éducation depuis les années 60 a joué un rôle considérable. La construction de l'école républicaine avait été largement l'œuvre de la gauche en des temps aujourd'hui révolus. Sa destruction l'a été aussi en des temps plus récents.
Beaucoup d'entre nous espèrent qu'un jour la gauche reviendra à elle-même sur le sujet de l'instruction. Il est évident en effet que lui appartient la majorité des professeurs et instituteurs en révolte qui se manifestent de plus en plus dans les associations et, par exemple, publient des livres de témoignage et de réflexion sur la situation actuelle de l'école.
Laurent Lafforgue
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