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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 110 - 4ème trimestre 2010
L'enquête PISA : politiquement correcte
L'enquête PISA : politiquement correcte
L'OCDE vient de publier les résultats pour 2009 de l'enquête qu'elle effectue tous les trois ans, auprès des pays qui en sont membres et de pays "partenaires", sur le niveau en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences, des élèves, lycéens ou collégiens de quinze ans.
Les résultats de la France sont à la fois médiocres et en recul par rapport à la première enquête effectuée en 2000. Si deux pays (Autriche et Grande-Bretagne) mieux classés que nous en 2000 sont passés derrière, onze autres ont maintenu leur avantage et cinq nous ont dépassés.
Je ne m'étendrai pas ici sur les causes de cette situation et les moyens d'y remédier, puisque c'est ce que nous faisons en permanence, me contentant de signaler la solution imaginée par l'UMP qui a lancé, du temps de Xavier Bertrand, une pétition Pour que 100% des élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux dès la fin du CE1. Il paraît, malheureusement que cette pétition originale, dont le destinataire n'est pas dévoilé, a peu de succès.
Cependant, si la presse et les commentateurs n'ont en général parlé que des résultats de la France, d'autres points de l'enquête PISA méritent notre attention. Je ne ferai ici qu'en citer deux, tels qu'ils ressortent du rapport de synthèse :
Le plus frappant est le classement en tête, dans les trois matières et loin devant ses suiveurs, pour sa première participation à l'enquête, de Shanghai, district de la Chine populaire qui rassemble plus de dix millions d'habitants sur un territoire grand comme un de nos départements.
Pourquoi ce succès ne suscite-t-il pas plus de curiosité ? Est-il dû à l'organisation et aux méthodes d'enseignement, à la façon de conduire les enquêtes, au système politique ou à toute autre cause ?
Le second point tient à la présentation des résultats qui ne facilite pas leur interprétation et incite à douter des conclusions politiquement correctes qu'ils "suggèrent" aux auteurs de la synthèse, qu'il s'agisse de l'immigration ou des classes hétérogènes. Nous y reviendrons, après la parution, prévue en janvier, de la version française du rapport complet.
En conclusion de ce message de Noël, je remercie tous ceux qui viennent de rejoindre notre association en répondant à l'appel que nous leur avons adressé récemment. Leur concours nous sera précieux pour faire de 2011 une année de reconquête des libertés scolaires.
A tous je présente les vœux que je forme à l'occasion de cette nouvelle année, pour eux-mêmes et pour ceux qui leur sont chers.
Recteur Armel Pécheul
Lecture : Les fausses justifications
En ouvrant dans le numéro 105 de septembre 2009, la série d'articles confirmant la supériorité intrinsèque des méthodes alphabétiques sur toutes les autres méthodes, nous présentions comme l'un des cinq points de notre argumentation
les fausses justifications de l'opinion contraire.
C'est avec les fausses justifications des méthodes à départ global que nous terminerons aujourd'hui cette revue. Ne pouvant citer tout le monde, faute de place, nous nous sommes limités à quelques cas emblématiques qui décrivent comment on est passé de l'idée qu'il ne fallait pas ennuyer les enfants, en exigeant qu'ils "ânonnent" l'alphabet, à celle que l'on pouvait apprendre à lire comme l'on apprend à parler. Nous donnerons ensuite un exemple de l'absurdité des raisonnements employés pour soutenir cette thèse et de la complexité des solutions imaginées pour la rendre viable.
Le désir d'apprendre
Nous avons cité, dans l'article sur l'histoire de l'enseignement de la lecture, le passage de l'"Emile" de Jean-Jacques Rousseau dans lequel il dit que le désir d'apprendre est le moyen le plus sûr d'y parvenir, et qu'il suffit pour faire naître ce désir chez l'enfant de lui envoyer des billets d'invitation pour " un dîner, une promenade, une partie sur l'eau" qu'il aura envie de lire.
Il ajoute que de cette façon, il est "presque sûr qu'Emile saura parfaitement lire et écrire avant l'âge de dix ans, précisément parce qu'il m'importe fort peu qu'il le sache avant quinze".
Il cite à l'appui de sa thèse un passage extrait d'une phrase de l'Oratorae institutionis de Quintilien (Livre I 1) signifiant qu'il faut prendre garde de faire haïr l'étude (par un jeune enfant) dans un temps où il est encore incapable de l'aimer, de peur que sa répugnance ne se prolonge au-delà des premières années.
La position de Quintilien est exactement à l'opposé de celle que lui prête Rousseau. Dans le paragraphe qui précède la phrase citée, en la tronquant, par ce dernier, il discute en détail des avantages et des inconvénients d'un enseignement précoce pour conclure qu'il faut se hâter "de mettre à profit les premières années".
Pour lui faire dire le contraire, Rousseau a supprimé la première partie de la phrase: "Toutefois, je connais trop la portée de chaque âge, pour vouloir qu'on tourmente tout d'abord un enfant, et qu'on exige de lui une application qui n'a rien à désirer". Il a aussi supprimé ensuite la conjonction "car" (nam dans le texte latin) qui introduit la seconde proposition qui est en réalité "car il faut prendre garde…" !
Apprendre à lire comme on apprend à parler
Nicolas Adam écrivait, dans Vraie manière d'apprendre une langue (1787) :
« C’est ainsi que les enfants apprennent à parler auprès de leur nourrice. Pourquoi ne pas faire la même chose pour leur apprendre à lire ? »
Puisque les nourrices commencent par répéter aux enfants « areu, areu » et « pa.pa », pourquoi, en effet, ne pas commencer la lecture par « B.A.-BA » ?
Enseigner la lecture au cycle 2
Par Jean-Emile Gombert, Pascale Colé, Sylviane Valdois, Roland Goigoux, Philippe Mousty et Michel Fayol.
Cet ouvrage de vulgarisation destiné aux enseignants a été rédigé par d'éminents spécialistes des sciences de l'éducation. Après avoir rappelé que "au début des années 80 par exemple, certains enseignants interdisaient à leurs élèves de bouger les lèvres sous prétexte que la lecture était une activité visuelle !" et reconnu que : "Contrairement à une idée reçue […] ce serait une erreur pédagogique de condamner les apprentis lecteurs qui prononcent dans leur tête, souvent avec accompagnement des lèvres, les mots qu’ils lisent", les auteurs continuent à justifier l'approche globale ou logographique qui est celle pratiquée dans la très grande majorité des écoles maternelles, avec la reconnaissance du prénom et de "mots-outils".
Après avoir expliqué que "Lors de ses toutes premières rencontres avec l’écrit, l’enfant traite celui-ci comme il traite les autres représentations visuelles [...] Les mots sont donc traités plus ou moins comme des images", les auteurs donnent la démonstration suivante dont nous avons souligné les enchaînements :
"Ainsi sont mis en relation les mots écrits et les mots oraux. Dès lors, les mots écrits reconnus par l’enfant ne sont plus traités comme les autres stimuli visuels qui eux peuvent être dénommés librement. L’apprentissage de la lecture est en marche. Il devient alors possible à l’enfant de comparer les formes écrites et orales des mots et de se sensibiliser aux régularités du système d’écriture. Il est ainsi conduit à s’intéresser aux unités constitutives des mots et, de ce fait, il est disponible pour apprendre le code de l’écrit. Il est donc nécessaire, avant les apprentissages systématiques, que l’enfant se familiarise avec l’écrit."
Cela ne ressemble-t-il pas à la démonstration que voilà :
"Pour revenir donc à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l’action de sa langue est causé par de certaines humeurs qu’entre nous autres savants nous appelons humeurs peccantes ; peccantes, c’est-à-dire humeurs peccantes ; d’autant que les vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s’élèvent dans la région des maladies, venant… pour ainsi dire… à... Entendez-vous le latin ?
[...] Or, ces vapeurs dont je vous parle venant à passer, du côté gauche où est le foie, au côté droit où est le cœur, il se trouve que le poumon, que nous appelons en latin armyan, ayant communiqué avec le cerveau, que nous nommons en grec nasmus, par le moyen de la veine cave, que nous appelons en hébreu cubile, rencontre en son chemin lesdites vapeurs qui remplissent les ventricules de l’omoplate ; et parce que lesdites vapeurs ont une certaine malignité… écoutez bien ceci, je vous conjure [..] Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette.
Molière. Le médecin malgré lui. Acte II, scène IV
Les remèdes que proposent les auteurs sont issus nous disent-ils de la recherche en psychologie qui a identifié trois facteurs fondamentaux pour accroître le vocabulaire oral et la compréhension : l’exposition indirecte à l’écrit pendant la période préscolaire par la lecture d’histoires à haute voix, le développement des capacités de mémoire phonologique et la focalisation sur la dimension morphologique de la langue.
S'il faut se réjouir du retour en grâce de la lecture à haute voix, comment ne pas s'inquiéter en revanche de la proposition de développer la mémoire phonologique, celle qui permet de retenir pendant un laps de temps très court la nature des sons composant les mots ainsi que leur agencement par la répétition de "pseudo-mots prononcés par l’enseignant qui s’arrange pour que l’enfant ne puisse pas lire sur ses lèvres".
On peut se demander sur quels résultats se fonde la recherche en psychologie pour décider que la mémorisation des mots proposés, tiv, wabe, nipeau, verdal, morlupé ou virmatratoniste est plus efficace que celle de alléché, ramage, phénix, hôte, confus, mots qui figurent dans Le Corbeau et le Renard, avec, de surcroît, une morale bien utile pour apprendre à de jeunes élèves à « vivre ensemble » et à de futurs électeurs à exercer un « discernement citoyen ».
Il est d’ailleurs curieux que sur les cinquante pseudo-mots proposés, près d’une dizaine, tels tiv et rac, soient des mots irréguliers puisque la consonne finale ne se prononce pas en français, selon une règle générale qui souffre, il est vrai, maintes exceptions.
Pour conclure, l'imagination des tenants des méthodes à départ global pour remédier aux échecs avérés de leurs prédécesseurs me paraissent dignes de gribouille et sans plus de chances de réussir que les tentatives d'évasion des frères Dalton.
Le désir d'apprendre allège et rend plus supportable la peine d'apprendre, mais il ne la supprime pas.
Philippe Gorre
La série des articles sur l'apprentissage de la lecture peut être consultée sur notre site Internet, dans les numéros 105 à 110 des Lettres trimestrielles. Nous adresserons gracieusement les numéros qui leur manquent, dans la limite des stocks disponibles, aux nouveaux abonnés qui nous en feront la demande.
Le site Internet a reçu 104 000 visiteurs en 2010, contre 60 000 en 2009, soit une progression de 73%.
Lettre N° 109 - 3ème trimestre 2010
Lecture, suite 4 : le jugement sur échantillon
Armel Pécheul
: qu’entendez-vous par jugement sur échantillon ?
Philippe Gorre
: c’est la technique statistique permettant de généraliser à un ensemble les résultats observés sur une partie. C’est ainsi que la mesure des capacités en lecture des élèves de quelques classes, les unes employant une méthode alphabétique (synthétique), les autres une méthode semi-globale (analytique), donnera, si les « échantillons » ont été correctement constitués, une estimation de l’efficacité relative des deux types de méthodes.
A P
: quels sont les résultats observés en France dans ce domaine ?
Ph G
: il n’y en a pas, les pédagogues arguant du caractère unique de la transmission des connaissances entre le maître et l’élève et des difficultés de l’évaluation, ce qui n’est pas faux, pour en déduire que de telles mesures sont impossibles, ce qui est absurde.
Quant aux ministres, peut-être se satisfont-ils de la réponse faite publiquement, dans les locaux de l’Institut de France, lors d’une réunion organisée par Gilbert Sibieude, il y a quelques années, par la responsable du service statistique du ministère de l’Education nationale, à qui l’on demandait pourquoi il n’y avait pas d’études françaises sur la question : « Nous n’avons pas les outils pour les faire » !
A P
: et à l’étranger ?
Ph G
: les anglo-saxons n’ont pas notre vilaine manie de casser le thermomètre, pour ne pas savoir si le malade a de la fièvre. Des recherches menées dans ces pays, les plus importantes sont à mon avis :
La méta-analyse du National Reading Panel, aux Etats-Unis, publiée en 2000. L’étude Clackmannan, en Écosse, publiée en 2005. L’étude Dunbarton, en Écosse, publiée en 2006.
Le National Reading Panel, est un groupe de travail sur l’enseignement de la lecture, constitué aux États-Unis par le National Institute of Child Health and Human Development, agence gouvernementale, à la demande du Congrès des États-Unis. Le NRP après avoir recensé100 000 études sur la lecture publiées en anglais, a fait la méta-analyse, autrement dit l’analyse savante, de quelques dizaines d’entre elles.
Le rapport du NRP conclut à la supériorité des méthodes à apprentissage systématique de la correspondance entre les lettres et les sons et précise que le groupe des analytiques obtient la « note » 0,34 et celui des synthétiques celle, meilleure, de 0,45. Le rapport ajoute cependant que ces résultats not differ statistically (p>0.05), ce qui en français veut dire que l’on a cinq chances sur cent de se tromper en admettant que les méthodes synthétiques sont les meilleures. Bienheureux ceux qui ne se trompent que cinq fois sur cent dans les choix qu’ils doivent faire dans leur vie !
Clackmannan
et Dunbarton sont deux comtés écossais qui, grâce à l’autonomie dont disposent en matière d’enseignement les autorités locales, ont fait des comparaisons à une grande échelle entre les résultats obtenus par les deux types de méthodes d’apprentissage de la lecture.
L’expérience Clackmannan a duré de 1992 à 1998. Elle a porté sur douze classes de première année de l’école primaire. Elle a montré que les élèves apprenant à lire avec une méthode synthétique avaient sept mois d’avance sur ceux apprenant avec une méthode analytique.
L’expérience Dunbarton a duré de 1997 à 2003. La totalité des élèves de la région retenue y ont participé, soit 6 000 élèves répartis dans cinquante-huit écoles.
Le taux d’illettrisme y est tombé à 6%, contre 21% dans l’ensemble de l’Ecosse, alors que le Dunbarton occupe l’avant-dernière place dans le classement des comtés en fonction du revenu par habitant.
A P
: quel degré de confiance accordez-vous à ces études ?
Ph G
: il n’y a aucune raison de mettre en doute le caractère sérieux du travail du NRP. Il a cependant l’inconvénient pour notre propos d’avoir comme objet principal la comparaison des méthodes de type global, c’est-à-dire sans apprentissage systématique des relations entre les lettres et les sons, avec celles comportant cet apprentissage, qui peuvent être analytiques ou synthétiques.
Il a aussi le défaut, fréquent en sciences humaines, de mesurer le risque imaginaire qu’impliquerait le choix de méthodes alphabétiques, au lieu de comparer tout bonnement les résultats des deux types de méthodes, alphabétiques et semi-globales.
A P
: et pourquoi des institutions respectables et tant de chercheurs procèdent-ils différemment ?
Ph G
: leur mode de calcul du « risque de première espèce » correspond à ce que l’on appelle l’hypothèse conservatrice, celle qui évite aux spécialistes la peine de reconnaître qu’ils ont tort.
Un chercheur a intérêt, pour ne pas dire l’obligation, s’il veut être publié dans des revues scientifiques, à décorer son texte de formules, calculs et autres graphiques. Or le calcul du risque de première espèce est relativement simple, celui qui correspond au choix de la meilleure de deux méthodes est plus compliqué.
A P
: avez-vous un avis aussi tranché sur les expériences écossaises ?
Ph G
: dans l’une des deux, Dunbarton me semble-t-il, l’auteur du rapport écrit que dans les dernières années de l’expérience il devenait difficile de trouver encore un maitre pour employer une méthode analytique. N’est-ce pas tranché et tranchant ?
A P
: Quel a été l’accueil fait en France à ces résultats ?
Ph G
: discret, très discret, jusqu’en mars 2006, quand est paru dans Le Monde de l’Education, dans le but déclaré de faire pièce à la position prise deux mois auparavant en faveur des méthodes alphabétiques par Gilles de Robien, un article signé par dix-huit chercheurs, intitulé Un point de vue scientifique sur l’enseignement de la lecture. Ils y écrivent notamment :
« Du moment que le déchiffrage est enseigné systématiquement, il importe peu que l’approche soit plutôt analytique (du mot ou de la syllabe vers le phonème) ou synthétique (du phonème vers la syllabe ou le mot).
A la suite du rapport commandé à la Junior-entreprise de l’Ecole nationale de la statistique (ENSAE) par Enseignement et Liberté, le rédacteur de l’article du Monde, qui avait déconseillé la publication de ce rapport, a publié, le 16 novembre 2006, une Mise au point dans laquelle il précise que l’affirmation de l’absence de différence d’efficacité entre les approches synthétiques et analytiques repose sur la méta-analyse du National Reading Panel qui a trouvé entre les deux approches une différence « statistiquement non-significative ».
Il ajoutait, assez énigmatiquement : « Bien entendu, l’absence de différence statistiquement significative dans cette méta-analyse ne prouve pas l’absence réelle de différence. Il était donc inévitable que cette absence de différence soit contestée » !
A P
: quelles ont été les réactions à la publication des études écossaises ?
Ph G
: Le voile du silence partiellement et temporairement levé en France sur l’étude du NRP, a bien joué son rôle protecteur dans le cas des études écossaises. On peut le constater, par défaut, en faisant une recherche sur Internet.
Le gouvernement britannique a pour sa part commandé une étude qui s’efforce de démontrer « qu’il n’y a pas de différences » au prix d’entorses graves aux principes de la statistique de la statistique.
A P
: et dans d’autres pays ?
Ph G
: nous venons d’explorer deux façons de dissimuler la supériorité des méthodes synthétiques, telle qu’elle ressort des comparaisons faites entre les performances des élèves : en appliquant la loi du silence ou en les déformant par de faux raisonnements statistiques.
Il existe au moins une troisième façon. Elle consiste à admettre que les résultats sont en faveur des méthodes synthétiques, puis à déclarer qu’il ne faut pas en tenir compte.
En voilà un exemple, extrait du dossier établi en 2006 à la demande de Gilles de Robien. Il porte sur Savoir lire : une question de méthodes, étude réalisée en Belgique francophone auprès de 450 élèves et publiée en 1996, dans le Bulletin de psychologie scolaire et d’orientation, 1, 1996 : 7-45.
« La conclusion de cette étude est que « le niveau d’acquisition en lecture dépend principalement de la méthode utilisée pour apprendre à lire aux enfants », cela à l’avantage des méthodes synthétiques Après avoir fait ce constat, les auteurs ajoutent que la méthode fonctionnelle (analytique) « n’est pas nécessairement inférieure aux autres, mais que « les données rassemblées dans cette étude sont suffisamment parlantes pour questionner une pensée actuellement dominante qui défend avec force la supériorité indiscutable de la pédagogie fonctionnelle sans présenter les arguments scientifiques et les données objectives à l’appui de cette thèse. »
Cela me paraît parlant.
Le lecteur trouvera sur le site d’Enseignement et Liberté, à la page Dossier : Apprentissage de la lecture , rubrique Comparaison des méthodes les justifications que nous ne pouvons donner ici, faute de place et pour ne pas le lasser.
Le prochain et dernier article de cette série consacrée aux comparaisons entre les méthodes synthétiques (alphabétiques) et analytiques (semi-globales) sera consacré aux arguments et justifications des tenants de la thèse opposée à la nôtre.
Ce débat est aussi ouvert à nos lecteurs. Nous nous efforcerons de répondre à leurs questions et à leurs objections, dans notre prochain numéro ou directement.
Le chanoine Guiberteau (1924-2010)
Mgr Paul Guiberteau est mort le 30 juillet. Vendéen d’origine, il avait été directeur diocésain de l’enseignement catholique en Loire-Atlantique. Secrétaire général de l’enseignement catholique de 1981 à 1986, il avait heureusement fait preuve de plus de fermeté que d’autres responsables de l’enseignement catholique dans son opposition au projet de Service public unifié et laïc de l’éducation du gouvernement Mauroy.
Le fondateur de l'association Lire-écrire est mort le 20 juillet. Membre d’Enseignement et Liberté depuis l’origine, il avait créé l’association Lire-écrire, pour lutter contre les actuelles méthodes semi-globales de la lecture et pour le rétablissement des méthodes alphabétiques.
Lire-écrire
poursuit son action : http://www.lire-ecrire.org/
Le site Internet a reçu 77 000 visiteurs au 30 septembre 2010, contre 36 000 pendant la période correspondante de 2009.
Lettre N° 108 - 2ème trimestre 2010
L’Institut Montaigne, centre de réflexion et de propositions issu du monde de l’entreprise, vient de publier un rapport intitulé Vaincre l’échec à l’école primaire.
Reprenant des chiffres publiés par le Haut Conseil de l’Education, il évalue, pour une tranche d’âge de 800 000 enfants sortant de CM2 pour entrer au collège, à 300 000 ceux qui ont de graves lacunes, dont 200 000 ayant des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul et plus de 100 000 qui n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines.
En dépit d’un vocabulaire passablement flou, l’échec du système est reconnu. Cet échec est tout aussi visible dans les comparaisons internationales dans lesquelles le rang de la France ne cesse de se dégrader.
L’Institut pointe successivement du doigt, le fait que l’école aggrave l’inégalité des chances et prend mieux en considération les intérêts, sociaux, économiques et politiques des adultes que les besoins des enfants.
Au chapitre des remèdes, les propositions phares du rapport sont les suivantes :
Je ne commenterai pas les propositions portant sur l’organisation administrative dont Napoléon penserait sans doute, il l’a en tout cas prouvé, que comme la guerre elle est un art simple et tout d’exécution !
En ce qui concerne la critique, hélas justifiée, des calendriers et horaires scolaires, je crois que le plus utile est de lire et de retenir ce qu’en disait le recteur Pierre Magnin, après avoir remis à René Monory, alors ministre de l’Education nationale, le rapport sur l’organisation des rythmes scolaires qu’il lui avait demandé, dans le N° 14 de décembre 1986, de notre Lettre trimestrielle.
L’idée d’affecter les maîtres les plus expérimentés aux classes dont le niveau est le plus faible serait séduisante s’il s’agissait de remédier à des retards scolaires, mais ces classes ne sont-elles pas plutôt caractérisées par un refus de la scolarité ?
C’est la prévention de ce refus que visent naturellement les deux premières propositions citées. Le rapport donne comme exemple de cette prévention le programme PARLER mis en œuvre dans des quartiers défavorisés de la région de Grenoble.
Les résultats obtenus, portant le niveau des élèves bénéficiant du programme à celui de la moyenne observée en France, voire un peu au dessus, ne me paraissent pas à la hauteur des moyens mis en œuvre qui consistent à faire bénéficier une frange non négligeable des élèves d’un « accompagnement personnalisé voire d’un parcours individuel ».
Ces résultats sont très inférieurs à ceux constatés en Ecosse avec les programmes Clackmannan et Dunbarton. L’explication de cette différence est sans doute que ces programmes reposaient sur la mise en œuvre de méthodes alphabétiques, alors que le programme PARLER ne remet pas en cause les méthodes pédagogiques actuelles. En effet, si, pour la lecture, il est prévu un « enseignement explicite et systématique de la conscience phonologique et du code alphabétique », l’emploi de « mots outils » et celui des manuels de lecture précédemment utilisés est maintenu.
Ce n’est pas, par ailleurs, la création, dans l’espace petite enfance, d’ateliers faisant usage de la langue parlée à la maison qui renforcera la cohésion sociale.
En toute hypothèse, comment financer à une grande échelle de tels programmes ? La lettre adressée au début de l’année par M. Eric Woerth, alors ministre du budget, à tous les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu annonce un déficit de 149 milliards d’euros pour 2010, avec 270 milliards de recettes et 419 milliards de dépenses dont 85 milliards pour l’enseignement et la recherche, à quoi il convient d’ajouter les dépenses supportées par les régions, les départements et les municipalités. Peut-on aller plus loin ?
Enfin, alors qu’un sondage qui vient d’être réalisé par l’IFOP pour le compte de la Fondation pour l’école montre que 74% des Français souhaitent la mise en place d’un chèque scolaire ou d’un crédit d’impôt, pour permettre à chaque famille de financer la scolarité de ses enfants, on peut regretter que le rapport de l’Institut Montaigne ne compte pas la liberté d’enseignement parmi les moyens de vaincre l’échec à l’école primaire, et n’emploie pas une seule fois le mot liberté dans ses 114 pages.
Recteur Armel Pécheul
Lecture, suite 3 : cerveau droit/cerveau gauche
La Lettre
: en quoi l’étude de la façon dont le cerveau fonctionne, par les neurosciences, permet-elle de dire que les méthodes alphabétiques d’enseignement de la lecture sont préférables à celles de type global ?
Philippe Gorre
: première source, le docteur Wettstein-Badour, auteur de Lecture : la médecine au secours de la pédagogie, publié en 1993, et pour lequel elle a été lauréate des Prix d’Enseignement et Liberté en 1994.
Avec une formation en psychiatrie, elle a recherché les causes des difficultés rencontrées à l’école, dès l’apprentissage de la lecture, des enfants que leurs parents avaient amenés à sa consultation pour ce motif.
Elle a constaté, à partir d’une étude portant sur plus de cinq cent cas, que ces enfants ne souffraient pas plus en moyenne de déficiences intellectuelles ou de faiblesses psychologiques que les autres enfants. Elle s’est alors demandé si la façon dont on leur avait appris à lire, avec une méthode semi-globale, pouvait être la source de ces échecs.
La Lettre
: comment a-t’elle procédé ?
Ph G
: en confrontant ce que l’on sait du fonctionnement du cerveau avec les mécanismes auxquels font appel les méthodes alphabétiques et les méthodes semi-globales.
Elle s’est appuyée principalement sur les travaux de l’Américain Sperry, prix Nobel de médecine en 1981. En résumant très grossièrement, alors que l’hémisphère droit du cerveau traite les images par analogie, en les comparant avec celles qu’il connaît, l’hémisphère gauche procède de façon analytique, en décomposant les lettres en leurs éléments les plus simples, boucles et traits.
La méthode alphabétique qui ne propose à la lecture que des mots dont les lettres et syllabes ont été précédemment appris par l’élève permet de reconnaître les mots sans risque d’erreur, alors que toute méthode à départ global est source de confusions entre des lettres telles que p et q ou p et b, rendant plus difficile l’identification du mot écrit au mot oral.
La Lettre
: seconde source ?
Ph G
: Les Neurones de la lecture, ouvrage publié en 2007 de Stanislas Dehaene, membre de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France de psychologie cognitive expérimentale. Il s’agit d’une somme de près de cinq cent pages, reprenant les travaux de l’auteur et de ceux de nombreux spécialistes des neurosciences. Ce que disait Sperry un quart de siècle plus tôt y est affiné, développé et confirmé.
La Lettre
: et qu’en déduit-il pour le choix d’une méthode de lecture ?
Ph G
: en premier lieu, un éreintement de la méthode globale proprement dite dont Jean-Pierre Changeux, préfacier de l’ouvrage, constate que Stanislas Dehaene l’a « définitivement mise en pièces ». Ensuite une confirmation que : « Reconnaître un mot, c’est d’abord analyser sa chaîne de lettres et y repérer des combinaisons de lettres (syllabes, préfixes, suffixes, racines des mots) pour les associer à des mots et à des sens.
La Lettre
: fort bien, mais les tenants des méthodes semi-globales ne prétendent-ils pas procéder ainsi, en partant des mots, au lieu de partir des lettres, comme dans les méthodes alphabétiques ? Stanislas Dehaene se prononce-t-il entre les deux approches ?
Ph G
: oui, à mon sens, quand il écrit (p. 304) : « A chaque étape de l’apprentissage de la lecture, les mots et les phrases proposés à l’enfant ne doivent faire appel qu’aux seuls graphèmes et phonèmes qui lui ont été explicitement enseignés ». Seule la méthode alphabétique peut satisfaire à cette condition.
La Lettre
: quel degré de confiance faut-il, à votre avis, accorder aux théories des spécialistes des neurosciences, quand ils nous disent que telle ou telle zone du cerveau est activée par des opérations telles que le langage, la lecture ou l’écriture ?
Ph G
: un grand degré, si j’en juge, n’ayant pas lu Sperry, par ce qu’écrit Dehaene qui se fonde, avec la prudence et même l’humilité qui caractérisent le vrai scientifique, sur les mesures que l’Imagerie par Résonnance Magnétique permet aujourd’hui de mesurer de cette activité.
La Lettre
: donc, sans l’IRM point de salut ?
Ph G
: c’est ce que dit à peu près un spécialiste de la lecture quand il affirme dans un de ses ouvrages que ceux qui ont prôné la méthode globale n’auraient pas commis cette erreur s’ils avaient disposé des enseignements de l’IRM. Il ne nous dit pas cependant pourquoi Quintilien au premier siècle, Saint Jean-Baptiste de La Salle au dix-septième ou Boscher, auteur de la méthode qui porte son nom, dans la première moitié du vingtième siècle n’ont pas commis la même erreur.
Cette découverte de la spécialisation d’une zone du cerveau gauche pour la lecture est d’ailleurs antérieure à l’invention de l’IRM, puisque Stanislas Dehaene cite le cas, au dix-neuvième siècle, d’un Parisien qui, à la suite d’un accident cérébral, ne savait plus lire, mais pouvait encore écrire. L’autopsie pratiquée après sa mort, quelques années plus tard, a permis de constater que la zone endommagée de son cerveau était celle qu’identifie aujourd’hui l’IRM comme étant celle de la lecture.
La Lettre
: mais les partisans des méthodes semi-globales ne comptent-ils pas dans leurs rangs des spécialistes des neurosciences ?
Ph G
: je ne sais s’il y avait de tels spécialistes parmi les dix-sept chercheurs qui ont cosigné un article intitulé Un point de vue scientifique sur l’enseignement de la lecture et publié dans Le Monde de l’éducation de mars 2006 pour faire obstacle à la volonté de restauration des méthodes alphabétiques exprimée par Gilles de Robien. Mais le rédacteur de cet article avait répondu aux remarques formulées par le docteur Wettstein-Badour :
« Tout ce que je peux dire, c’est que mes propres connaissances du fonctionnement du cerveau ne condamnent en rien les approches analytiques. En fait, je pense que nos connaissances les plus pointues en neurosciences sont encore tellement fragmentaires qu’elles ne peuvent prescrire ou condamner aucune méthode pédagogique. »
Souhaitons que les cerveaux aient évolué dans ce domaine en quatre ans.
La Lettre
: rendez-vous à nos lecteurs pour notre prochain entretien qui portera sur la comparaison des résultats obtenus.
Ph G
: j’espère que la statistique les intéresse !
Le site Internet a reçu 50 000 visiteurs au premier semestre 2010, contre 25 000 pendant celui de 2009.
Lettre N° 107 - 1er trimestre 2010
Concours général : une injustice à réparer
Concours général : une injustice à réparer
Chaque année, 15 000 élèves, parmi les meilleurs, des classes de Première et de Terminale des lycées d’enseignement général, technologique ou professionnel participent au Concours général. Environ 150 lauréats sont récompensés par un prix, un accessit ou une mention.
Créé selon les volontés et grâce à un legs de l’abbé Le Gendre, chanoine de Notre-Dame de Paris et historien, le Concours général a eu ses premiers lauréats en 1747, lors d’une séance présidée par Charles de Maupeou, alors premier président du Parlement de Paris.
L’an dernier, lors de la dernière édition du concours, Luc Châtel, qui présidait la séance, a déclaré que le Concours général avait contribué à « faire de la France un Etat hors norme » et qu’il était « un élément clé de cette méritocratie républicaine ».
La solennité de ces déclarations conduit à penser que ce concours est ouvert à tous les lycéens, sans autres considérations que celles de leur niveau scolaire. Il n’en est malheureusement rien, puisque les élèves des lycées hors contrat en sont exclus. L’arrêté du 3 novembre 1986 qui régit le concours dispose en effet qu’il est ouvert aux élèves des lycées publics ou privés sous contrat.
L’association « Créer son école », qui aide, par ses conseils et financièrement, les écoles hors contrat et assure la formation de leurs maîtres, a engagé et perdu un recours devant le Conseil d’Etat demandant l’annulation de cette disposition qui va évidemment à l’encontre du libre choix de l’école de leurs enfants par les parents.
Supprimé en 1793 par la Convention et rétabli sous le Consulat, en 1803, le Concours fut supprimé de nouveau en 1904, au prétexte que l’importance excessive que lui accordaient certains établissements pouvait nuire aux études.
Comme l’écrivait en 1973, Maurice Druon, alors ministre des Affaires Culturelles et président de l’Association des Lauréats du Concours Général : « Supprimé au début du siècle pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la culture ni avec l’intérêt supérieur de l’Etat, il avait laissé de tels regrets, et devait si bien correspondre à une nécessité de la vie française, qu’il fut rétabli en 1922. »
Le Conseil d’Etat a rejeté le recours de « Créer son école» au motif que les établissements hors contrat pourraient, n’étant pas tenus de suivre les programmes officiels, « préparer exclusivement certains de leurs élèves aux épreuves du Concours général en négligeant les autres matières de l’enseignement officiel ». Ce motif a, comme celui invoqué en 1904, auquel il ressemble fort, des raisons qui n’ont rien à voir avec la culture ni avec l’intérêt supérieur de l’Etat.
C’est pourquoi, alors que « Créer son école » a introduit un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, Enseignement et Liberté demande au ministre de l’Education nationale d’abroger la disposition excluant du Concours général les élèves des lycées hors contrat, dont la France a besoin, tout comme de ceux des lycées publics ou privés sous contrat, pour demeurer un Etat hors norme.
Recteur Armel Pécheul
La Lettre
: l’histoire de l’enseignement de la lecture manifeste, dites-vous, la supériorité des méthodes synthétiques sur les méthodes analytiques. Quelles leçons avez-vous donc tirées de cette histoire ?
Philippe Gorre
: la première est que tous les progrès significatifs en matière d’alphabétisation sont dus à l’emploi de méthodes synthétiques, la seconde que les méthodes analytiques n’ont jamais été employées qu’à une échelle réduite, d’une façon temporaire et pour des résultats illusoires.
La Lettre
: à une échelle réduite ? Encore aujourd’hui ?
Ph G
: il s’agit pour l’instant de l’histoire. Nous verrons plus tard ce qu’il en est de l’actualité.
La Lettre
: il y a donc des historiens de l’enseignement de la lecture chez qui vous avez pu puiser ?
Ph G
: il y a d’abord des pédagogues qui ont écrit sur leur métier, depuis Quintilien qui dirigeait une école de rhétorique à Rome, au premier siècle, et a écrit l’Institution oratoire, jusqu’à Amélie Hamaïde, institutrice Belge et bras droit du docteur Decroly dans l’expérience la plus complète d’emploi de la méthode globale proprement dite, dans la première moitié du vingtième siècle.
Il y a aussi des historiens de l’instruction ou des méthodes pédagogiques. Le plus fréquemment cité – ou utilisé – dans notre pays est un ouvrage collectif, le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dirigé par Ferdinand Buisson et James Guillaume, qui contient plusieurs articles sur l’enseignement de la lecture.
La Lettre
: qu’apportent-ils à vos conclusions ?
Ph G
: la confirmation que les deux périodes de développement de l’alphabétisation qu’ont été le XVIIe et le XIXe siècle doivent leur réussite aux méthodes synthétiques. Cela ressort aussi bien des écrits de Saint Jean-Baptiste de La Salle ou de ceux de Port-Royal pour la première époque que des manuels de la seconde.
Les uns et les autres suivaient le conseil de Quintilien qui écrivait : « Quant aux syllabes, point d’abréviation. Il faut les apprendre toutes ».
Les changements apportés aux méthodes d’enseignement, essentiellement la substitution du français au latin et l’association de l’écriture à la lecture, reflètent l’évolution de la société, de ses moyens et de ses besoins, sans remettre en cause le principe alphabétique.
La Lettre
: mais alors, d’où est née l’idée de méthodes nouvelles, globales ou autres ?
Ph G
: du désir de contourner les difficultés rencontrées. A partir du moment où l’on passe d’une situation, qui était encore celle du seizième siècle, où n’apprennent vraiment à lire, en dehors de spécialistes, clercs ou laïcs, sélectionnés et formés à cette fin, que quelques amateurs éclairés, à une situation, celle du dix-neuvième, où savoir lire devient une nécessité si l’on veut échapper aux travaux les plus pénibles, la proportion d’élèves peu désireux d’apprendre augmente.
C’est du besoin de convaincre ces derniers de l’utilité d’apprendre à lire que sont nées de nouvelles méthodes d’enseignement de la lecture. Rousseau, dans son Emile, illustre très bien la chose.
La Lettre
: aurait-il inventé la méthode globale ?
Ph G
: non ! Il se situe bien au-dessus de telles contingences. Il a simplement fait le constat, après Quintilien, Fénelon et sans doute beaucoup d’autres, que le « désir d’apprendre » est le plus sûr moyen d’apprendre vite et bien.
C’est pourquoi, il recommande de laisser là les bureaux, les cartes, les imprimeries et les dés dont son époque était friande pour intéresser Emile à la lecture avec les « billets d’invitation pour un dîner, pour une promenade, pour une partie sur l’eau, pour voir quelque fête publique » qu’il « reçoit quelquefois de son père, de sa mère, de ses parents, de ses amis ».
La méthode globale est, pour ceux qui n’ont pas la possibilité de donner des fêtes sur l’eau, un autre moyen d’éveiller l’intérêt des enfants pour ce qu’ils lisent. C’est le bonheur de lire promis à ceux qui ne savent pas lire, promesse qui restera toujours à l’état de promesse.
La Lettre
: pouvez-vous illustrer votre propos ?
Ph G
: dans l’édition de 1887 du Dictionnaire de pédagogie, Guillaume décrit, dans l’article Ecriture-lecture, la méthode d’écriture-lecture analytique-synthétique, pratiquée à l’école-annexe de l’école normale d’instituteurs de la Seine et vulgarisée sous le nom de méthode Schuler par Charles Defodon. Cette méthode consiste à présenter à l’enfant « non plus des éléments, les lettres, mais un tout, un mot, sur lequel on l’invite à faire lui-même le travail d’analyse, en décomposant ce mot en lettres ». Il conclut sa présentation par « Tout fait prévoir que c’est à elle qu’appartient l’avenir ».
Dans l’édition de 1911, Guillaume refait la même présentation de la méthode, qu’il nomme cette fois Schiller, en promettant dans les mêmes termes les mêmes lendemains qui chantent, sans citer le moindre résultat qui aurait pu être constaté dans l’intervalle de 24 ans entre les deux éditions.
L’histoire fait bien la part entre les progrès réalisés avec les méthodes synthétiques et les illusions entretenues avec les méthodes analytiques.
Erratum
:
Un lecteur nous a fait remarquer que c’est à tort que nous avons écrit dans le précédent numéro que Champollion avait appris d’un maître à lire le démotique. C’est le copte, écriture hellénique de la langue égyptienne qui lui avait été enseigné, ce qui lui a permis, associé à sa connaissance du grec, de déchiffrer les hiéroglyphes et le démotique, écritures égyptiennes, de la pierre de Rosette.
Le docteur Wettstein-Badour a quitté ce monde pendant la semaine sainte. Elle a continué jusqu’au bout, pendant une longue maladie, le combat où elle avait été pionnière pour le rétablissement des méthodes alphabétiques de lecture.
Pendant toute sa carrière elle a mené de front une activité de praticienne, en prenant en charge des enfants en difficulté avec la lecture, et la publication d’ouvrages destinés à faire connaître les résultats des recherches effectuées en neurologie sur le processus de la lecture.
Son ouvrage Lecture : La recherche médicale au secours de la pédagogie avait reçu le Prix 1994 d’Enseignement et Liberté.
Elle avait ensuite siégé au conseil d’administration de notre association. Elle nous avait donné plusieurs articles pour cette Lettre ou pour notre site Internet et avait été notre conférencière à l’issue des assemblées générales de 2000 et de 2007.
Elle avait aussi publié une Lettre aux parents des futurs illettrés et Bien parler, bien lire, bien écrire, qui présente la méthode Fransya, alphabétique et plurisensorielle d’enseignement de la lecture qu’elle avait conçue.
Les ouvrages du Dr Wettstein-Badour peuvent être commandés sur son site :
http://fransya.blogspot.com/ et sur le nôtre.
L'apprentissage de la lecture à l'école élémentaire
L’Association Lire-Ecrire a lancé une enquête sur la façon dont les enfants apprennent à lire à l'école élémentaire.
http://www.lire-ecrire.org/accueil.html
Le site Internet a reçu 24 000 visiteurs au premier trimestre 2010, contre 13 500 pendant celui de 2009, soit une hausse de 80 %.
Lettre N° 106 - 4ème trimestre 2009
Comme je descendais des fleuves impassibles,
Tel le bateau ivre du poème d’Arthur Rimbaud, l’Éducation nationale flotte plus ou moins doucement à la dérive.
Ce n’est pas (comme tente de le faire Luc Châtel avec la réforme du lycée) en modifiant le rôle des professeurs désabusés qui en forment l’équipage ou en multipliant les passerelles pour les passagers-élèves démoralisés que l’on permettra au vieux navire de retrouver son bon cap.
Ce n’est pas non plus en estimant (comme Valérie Pécresse) que les épreuves orales des concours des Grandes Écoles devraient mieux mesurer "l'intensité, et la valeur du parcours" des étudiants, en particulier ceux venus des quartiers défavorisés, que l’on résoudra la question de la présence à l’Université d’étudiants qui ne peuvent malheureusement rien en espérer. C’est encore moins en ouvrant des querelles byzantines sur le montant des quotas de boursiers dans les grandes écoles que l’on inspirera confiance aux nostalgiques de l’ascenseur républicain.
Chacun sait bien que les difficultés de notre système éducatif ne sont pas là. Elles résultent pour l’essentiel d’une vision purement quantitative de la question de son adaptation à l’évolution de notre société. Elles découlent aussi de la pédagogie désastreuse qui, par sa nature même, est associée à cette politique quantitative..
Michel Segal, professeur de mathématiques, décrit très bien la façon dont ceux qui ne veulent pas travailler parviennent à en empêcher ceux qui le voudraient. Sa conclusion sur le collège unique est sans détours : « C’est une vérité bien connue de tous les enseignants, du moins de ceux qui enseignent : le niveau homogène d’une classe est une condition sine qua non de progrès et de bons résultats ».
Le collège unique, la sélection à l’entrée de l’université, les méthodes pédagogiques, la cogestion de l’Education nationale par les syndicats, la règle non écrite fixant à 20 % la part que l’enseignement privé ne peut pas dépasser, autant de questions essentielles qui ne sont jamais traitées dans les modestes lois d’adaptation du système auxquelles chaque ministre de l’Education nationale cherche à associer son nom.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une grande loi d’orientation, avec des ambitions aussi importantes que celles qui inspiraient la loi Jospin il y a vingt ans, mais, évidement avec des choix fondamentalement différents !
Tel est le vœu que je forme au début de cette nouvelle année, avec ceux que j’adresse à tous nos lecteurs.
Recteur Armel Pécheul
La Lettre
: à la fin de l’entretien que nous avons publié dans notre précédent numéro, vous avez indiqué que votre conviction de la supériorité, en toutes circonstances, des méthodes d’enseignement de la lecture appelées alphabétiques, syllabiques ou synthétiques, sur les semi-globales ou analytiques tenait en cinq points. Pouvez-vous développer le premier de ces points ?
Philippe Gorre
: il consiste en ce que les méthodes synthétiques sont faites pour enseigner, au contraire des méthodes analytiques qui sont faites pour découvrir.
La Lettre
: vous précisez, en effet, que, pour cette raison, elles ont été appelées « Méthodes de doctrine ou d’enseignement ». Cependant une recherche sur Internet qui donne plus de trois millions de références pour « méthodes d’enseignement » ne renvoie qu’à notre dernier entretien pour Méthodes de doctrine. D’où tirez-vous cette expression ?
Ph G
: de la sixième édition, parue en 1862, du Dictionnaire universel des sciences, des lettres et des arts de Bouillet. Au mot synthèse, il précise que cette dernière « est appelée méthode de doctrine ou d’enseignement parce que c’est elle que l’on emploie pour exposer les vérités déjà découvertes et en montrer l’enchaînement ».
D’ailleurs, on trouve sur Internet une formulation actuelle à « Méthodes d’enseignement par interpolation et extrapolation ». La méthode syllabique y est donnée comme exemple de la méthode par extrapolation et la méthode globale comme exemple de celle par interpolation.
Dans la première « le savoir est découpé en éléments ; on enseigne les règles d’utilisation de ces éléments que l’élève met en œuvre lorsqu’il rencontre une situation nouvelle ».
Dans la seconde « l’apprenant voit des cas d’école, des formes qu’il doit dans un premier temps reproduire, puis qui constituent une boîte à outils [.] dans laquelle il pioche lorsqu’il rencontre une phrase qu’il n’a jamais lue ».
On conviendra que si ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, l’avantage est aux méthodes synthétiques.
La Lettre
: sans doute, mais les méthodes analytiques existent aussi et elles pourraient obtenir des succès. N’est-ce pas ce que veut dire le spécialiste connu de l’enseignement de la lecture qu’est Roland Goigoux quand il écrit que les apprenants doivent être autant de petits champollions ?
Ph G
: en écrivant cela M. Goigoux néglige le fait que c’est parce qu’un maître lui avait enseigné auparavant le grec et le démotique que Champollion a pu déchiffrer les hiéroglyphes du texte qui figurait dans les trois langues sur la pierre de Rosette.
La Lettre
: mais Pascal n’a-t-il pas retrouvé les trente deux premières propositions d’Euclide sans que personne ne lui ait enseigné les mathématiques ?
Ph G
: si Pascal a pu redécouvrir, après Euclide, que la somme des angles d’un triangle était égale à 180 degrés sans l’aide d’un professeur, c’est parce qu’il avait des dispositions peu communes pour les mathématiques ; mais c’est surtout parce que cette propriété du triangle est une vérité absolue, antérieure à l’apparition de la terre et qui lui survivra.
Au contraire, l’écriture est une convention, un code créé par les hommes, et qui à ce titre n’a pas à être redécouvert mais transmis. D’ailleurs quand Etienne Pascal refusait d’enseigner les mathématiques à son fils, il s’employait à lui apprendre le grec et le latin, en commençant, écrit Mme Périer, sa fille, dans son récit de la vie de son frère, par lui « faire voir les raisons des règles de la grammaire ; de sorte que, quand il vint à l’apprendre, il savait pourquoi il le faisait, et il s’appliquait précisément aux choses à quoi il fallait le plus d’application. »
Il n’y a pas de honte à s’appliquer comme le faisait Pascal.
La Lettre
: les mathématiques, le grec et le latin, ne nous sommes-nous pas éloignés de la lecture ?
Ph G
: vous avez bien fait de m’y pousser : c’est la même objection qui est faite aux méthodes synthétiques et les mêmes principes en faveur des méthodes analytiques qui sont prônés par les zélateurs de la pédagogie nouvelle pour l’enseignement de la lecture et pour toute autre transmission d’un savoir.
La Lettre
: quelle est l’objection ?
Ph G
: que la synthèse, par le fait même qu’elle va du simple au composé, des éléments au tout, est abstraite. Et, en effet, quoi de plus abstrait qu’une lettre, excepté le o qui ressemble à la forme que prennent les lèvres pour le prononcer ?
La Lettre
: ces zélateurs, comme vous dites, craindraient l’abstraction.
Ph G
: ils la craignent, parce qu’ils pensent que les milieux populaires privilégient la pensée concrète et que c’est donc du concret qu’il faut partir pour réaliser la démocratisation de l’enseignement.
La Lettre
: et vous n’êtes pas d’accord avec eux là-dessus ?
Ph G
: c’est évidemment à l’école de donner le goût de l’abstraction aux enfants élevés dans une famille - pas nécessairement d’un milieu populaire – où elle n’est pas à l’honneur.
Ne pas le faire revient au contraire à les en exclure, alors que les enfants dont les parents, professeurs ou autres, savent qu’elle est la clé des études se tireront d’affaire sans l’école.
La Lettre
: et quels sont leurs principes ?
Ph G
: que l’on peut apprendre sans effort, que la culture générale est l’instrument qui permet à la classe dirigeante de se perpétuer et que l’école doit faire passer l’éducation à la citoyenneté avant la transmission des savoirs.
Ces trois principes ont en commun d’être des déductions fausses d’observations exactes et de prospérer sur les ruines causées par leur application.
La Lettre
: Conclusion ?
Ph G
: rappel, plutôt, donné par l’abrégé du dictionnaire de Trévoux (1762), à l’article Méthode : « Il y a deux sortes de méthodes : l’une pour rechercher la vérité, qu’on appelle Analyse ; & l’autre, pour la faire entendre aux autres, quand on l’a trouvée, qu’on appelle Synthèse. »
Cycle de conférences sur la culture
La Fondation pour l’école et l’Institut Libre de Formation des Maîtres proposent un cycle de conférences sur ce thème.
Les prochaines conférences auront lieu le samedi, aux 115-117 rues Notre-Dame des Champs Paris 75006, métro Vavin, RER Port Royal, de 18h à 20h.
Ces conférences sont libres d’accès (gratuites). Il est demandé de s’inscrire préalablement au 01 42 62 76 94 ou
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Conférence 3: Samedi 13 mars 2010
- « La culture supporte-t-elle l'idée de vérité? » par Rémi Brague (philosophe, universitaire (Paris I), spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive, écrivain)
Conférence 4 : Samedi 29 mai 2010
- « Transmettre en démocratie» par Olivier Rey (philosophe, mathématicien (chercheur au CNRS, professeur à l’école polytechnique), écrivain)
La Fondation pour l’école vous invite aussi à signer son appel pour la culture générale :
http://www.fondationpourlecole.org/appel-pour-la-culture.html
L’OIDEL a établi, avec M. Zacharie Zachariev (ancien directeur à l'UNESCO), une bibliographie sur le droit à l'éducation. Elle rassemble plus de 500 ouvrages portant sur les textes les plus importants parmi des plus récents, essentiellement à partir de l’année 2000. Ces textes régissent le droit à l’éducation, expliquant et illustrant sa mise en pratique à travers des situations et des contextes variés. Les ouvrages retenus sont pour la plupart en français ou en anglais.
Cette bibliographie peut être demandée à :
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