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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 100 - 2ème trimestre 2008
L'éducation est de moins en moins nationale L’éducation est de moins en moins nationale
Les syndicats patentés de l’Education nationale sont d’ordinaire bien prompts à réagir contre les projets du ministre de l’Education nationale. Pour peu que ce ministre soit « de droite » il est aussitôt vilipendé : on lui reproche, évidement, de « brader l’éducation de nos enfants » ou de « marchandiser le système éducatif ». Pourtant ces dignes représentants de la profession sont restés étrangement silencieux devant un texte qui, pour une fois, pouvait nourrir leurs traditionnelles inquiétudes. Il s’agit de l’Ordonnance n° 2008-507 du 30 mai 2008 portant transposition de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles à travers l’Union européenne.
Cette directive est le résultat de la réforme du régime de reconnaissance des qualifications professionnelles engagée par la Commission européenne. Elle a entrepris de contribuer à la flexibilité des marchés du travail, de parvenir à une libéralisation accrue de la prestation des services, et d’encourager une plus grande automaticité dans la reconnaissance des qualifications. Et la Commission européenne veille avec un soin jaloux à la transposition rapide de cette directive .
Cette directive consolide dans un seul acte législatif quinze directives, parmi lesquelles douze directives sectorielles - couvrant les professions de médecin, infirmier responsable des soins généraux, dentiste, vétérinaire, sage-femme, pharmacien et architecte - et trois directives qui ont mis en place un système général de reconnaissance des qualifications professionnelles couvrant la plupart des autres professions réglementées. Elle vise ainsi à faciliter la mobilité dans le marché intérieur des personnes qualifiées qui se déplacent dans un autre Etat membre soit pour y offrir une prestation de service soit pour s'y établir de manière permanente.
Jusqu’alors, la France imposait la possession de qualifications professionnelles pour l’accès aux professions réglementées et pour leur exercice. En transposant la directive de 2005, elle accepte –toujours pour l’accès et l’exercice des professions réglementées – les qualifications professionnelles acquises dans un des vingt-sept Etats de l’Union européenne. L’Ordonnance vise de très nombreux secteurs d’activités : les professions juridiques (expert-comptable, avocat...), les professions du tourisme (agent de voyages, guide interprète, conférencier...), les enseignants de la conduite et de la sécurité routières et les contrôleurs techniques de véhicules, les professions artisanales, les professions médicales et paramédicales, les architectes, les vétérinaires, etc.
De leur côté les professions non réglementées sont déjà concernées par la directive dite « directive service » (dont la transposition devra être opérée par la France au plus tard le 28 décembre 2009). Cette directive service (héritière de la célèbre directive Bolkestein) permet la libre installation de tous les prestataires de service à l’exception des professions qui participent à l’exercice de l’autorité publique.
Le Traité de Lisbonne – s’il est ratifié par les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne - permettra aux instances communautaires d’aller encore plus loin dans l’uniformisation des systèmes éducatifs.
La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la libre circulation des travailleurs n’avait d’ailleurs pas attendu ces directives. Il y a belle lurette qu’une directrice d’hôpital, de nationalité portugaise, a obtenu le droit d’exercer cette responsabilité en France sans passer les concours d’accès français. Les exemples de suppressions des diplômes nationaux ou des concours nationaux d’entrée dans la fonction publique – qui n’a plus de nationale que le nom – sont de plus en plus nombreux.
On pourrait multiplier les exemples avec les textes sur l’équivalence des diplômes, le multilinguisme, la liberté d’établissement des établissements d’enseignement…. Bientôt, le monopole des grades des diplômes sur lequel les acteurs de l’Education nationale française s’arc-boutent ne sera plus qu’un mythe. Et il n’est pas sûr que l’alignement des formations se fasse réellement par le haut ! Pour le droit communautaire, la préoccupation première est la réalisation d’un grand marché unique sur lequel les travailleurs, les produits, les services et les marchandises pourront circuler librement sans aucune spécificité nationale. De sorte que la libre concurrence fera nécessairement disparaître le grand monopole français en matière d’éducation.
D’un certain côté, ceux qui pensent à juste titre que le système éducatif français est trop rigide, pour ne pas dire soviétiforme, pourront s’en réjouir. La liberté conquise sur l’archaïsme, la rigidité et l’idéologie sera profitable à tous ceux qui étouffent et qui parfois meurent dans le système français. L’enseignement supérieur privé sera notamment de ceux-là, lui que l’on veut noyer dans le grand service public. Certaines universités seront aussi plus compétitives et pourront tendre vers l’excellence au contact des meilleures universités européennes.
Mais, encore une fois, la grande majorité des élèves et de leurs parents sera la victime de ces abdications non avouées, non assumées, à vrai dire subies par notre pays. Et, évidemment ces victimes-là seront les plus modestes, celles qui avaient le plus besoin de l’ascenseur social que l’Ecole républicaine pouvait leur fournir.
C’est donc bien un système plus compétitif et plus apte à affronter la concurrence européenne qu’il convient de développer en France. Les bases doivent en être solides et l’actuel ministre de l’Education a pris d’heureuses initiatives sur cette question, notamment dans le primaire. Mais, il ne suffit plus de réformer le système pour gommer définitivement trente années de dérives perverses pour la jeunesse de ce pays. Il faut aussi avouer clairement que la plupart des décisions vont désormais échapper à la France dans ce domaine comme dans de nombreux autres. De sorte que pour celles des décisions pour lesquelles notre pays est encore compétent, il ne faut plus perdre de temps en combats d’arrière-garde ni en jeux de rôle imposés.
Ou bien il faut reprendre clairement la compétence éducative, ou bien il faut assumer efficacement son transfert à l’Europe en préparant au mieux les élèves à la concurrence de leurs contemporains européens. Rien ne serait pire que la politique de l’autruche : elle ruinerait tous les efforts de redressement actuellement entrepris.
Recteur Armel Pécheul
Ce numéro de La Lettre d’Enseignement et Liberté porte le numéro cent.
Depuis le numéro 1, paru en septembre 1983, la Lettre a été diffusée chaque trimestre à ses abonnés et à ceux qui, au gouvernement, au parlement, dans diverses organisations et dans les médias, détiennent un pouvoir sur le fonctionnement du système éducatif ou une influence sur la façon dont l’opinion publique perçoit son évolution.
Pendant ce quart de siècle, tous ceux qui ont apporté leur collaboration à la Lettre, l’ont fait, à l’exemple de Maurice Boudot et de Roland Drago, en faisant appel à la raison plutôt qu’à l’émotion.
Dénoncer les effets d’une politique en criant plus fort que les autres ne peut, en échange d’un soulagement temporaire, que développer les animosités et durcir les positions antagonistes.
Si l’on veut être utile, il faut savoir remonter aux causes. Cela nécessite un effort de la part du rédacteur et aussi de la part du lecteur. Ce centième numéro est pour moi l’occasion de rendre hommage à nos lecteurs qui acceptent de faire cet effort, et dont certains nous sont fidèles depuis le premier numéro. C’est aussi l’occasion de souligner la pertinence des analyses du fondateur de notre association.
Le texte qui suit a été publié dans le N° 25 du troisième trimestre 1989. Sous le titre Des doutes aux aveux, il examine les effets que l’on pouvait attendre de la loi d’orientation sur l’éducation de M. Jospin qui avait été votée avant les vacances. L’extrait que nous publions est tiré de la première partie : Le nivellement, la secondes’appelant L’utopie.
Les décisions prises depuis son arrivée au ministère par M. Darcos, contrairement à celles de M. Jospin, ne sont pas utopiques mais sensées. La raison en est que, contrairement à son déjà lointain prédécesseur, il est compétent et non idéologue. Souhaitons-lui le courage d’écarter les mesures qui, au nom de l’égalitarisme, conduiraient à accentuer encore un nivellement qui ne peut se faire que par le bas et au détriment de la reconnaissance des mérites.
On peut retrouver le texte complet de cet article, ainsi que tous les numéros de la Lettre sur notre site Internet. On peut également commander sur notre site la chronique intégrale des articles de Maurice Boudot, publiée chez L’Harmattan, sur le site ou en nous adressant un chèque de 30 €, à l’ordre d’Enseignement et Liberté.
A.P.
L’un des objectifs essentiels, formulé dans la loi et sans cesse rappelé dans les déclarations officielles, est la "lutte contre l’échec scolaire", entendons par là contre la multiplication des redoublements et des échecs aux examens. Bien entendu ces phénomènes traduisent incontestablement une inadaptation du système scolaire et il est indispensable d’y porter remède. Mais si à côté de quelques mesures peut-être acceptables, dont on ne peut préjuger l’efficacité - comme l’étalement pour certains élèves sur trois ans des cycles de deux ans -, le remède consiste pour l’essentiel à interdire tout simplement les redoublements et à tout faire pour accroître artificieusement la proportion des diplômés, sans se soucier du niveau du diplôme, on n’aura pas réduit l’échec scolaire : on l’aura simplement dissimulé et il continuera ses ravages comme une maladie insidieuse. Ceci a été dit, à de multiples reprises ; mais il est bon de répéter cette vérité élémentaire une fois de plus.
Toute la politique de M. Jospin, tout l’appareil législatif, sont orientés vers un objectif largement privilégié : permettre à 80 % d’une classe d’âge d’atteindre le niveau du baccalauréat.
Et, pour la première fois, on a vu en France la puissance législative invitée à déterminer ce que sera l’avenir. En son article 3, le projet de loi écrivait : "La nation se fixe comme objectif de conduire d’ici à dix ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du C A P ou du B E P et 80 % au niveau du baccalauréat." Autant écrire dans une loi qu’on fixe comme objectif telle espérance de vie ! Ou encore que le taux de divorce sera inférieur à 2 %, d’ici dix ans !
Cette façon d’inviter le Parlement à déterminer l’avenir serait simplement grotesque et relèverait de la mégalomanie, si elle ne pouvait servir à imposer une série de mesures tenues, non sans raisons, pour les conditions indispensables de l’atteinte de cet objectif revêtu de l’onction législative. C’est ainsi qu’on interdira les redoublements, les orientations vers des filières qui ne préparent pas au baccalauréat, qu’on facilitera les examens, qu’on multipliera les pressions afin que la proportion de reçus montre que l’objectif n’est pas hors d’atteinte. Que le nombre de bacheliers s’accroisse chaque année, il n’y a donc pas tellement lieu de s’en étonner : nous avions déjà dit l’an dernier par quels procédés détournés ce résultat est obtenu. Tout ce qui compte, c’est bien entendu de pouvoir afficher des chiffres flatteurs - et, en cela, ce gouvernement n’est pas pire que les précédents, ni meilleur qu’eux - sans trop se soucier de la réalité qu’ils recouvrent.
Maurice Boudot
Le site Internet aura reçu environ 28 000 visiteurs dans les six premiers mois de 2008, comme en 2007. La refonte de la présentation du site, déjà annoncée dans le numéro 99, devrait être prochainement mise en place.
Vous pouvez nous aider à financer le site en achetant des livres et toutes autres sortes de choses par Internet sur les sites Amazon ou Alapage en vous rendant sur notre site, à la page Commandez vos livres :
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Lettre N° 99 - 1er trimestre 2008
Une décision du Conseil d'ETAT
Le Conseil d’Etat vient de déclarer irrecevable notre demande d’abrogation de l’arrêté du 24 mars 2006 qui définit la façon d’enseigner la lecture.
Le Conseil d’Etat a jugé que nous n’étions pas fondés à agir au motif que l’objet de notre association « n’inclut ni les programmes pédagogiques ni les méthodes d’enseignement ».
Nos statuts ne mentionnent pas non plus l’autonomie des établissements, le collège unique, l’éducation civique, la formation des maîtres, l’autonomie des universités et de nombreux autres sujets qui ont fait et font l’objet de la réflexion et de l’action de notre association depuis sa création sous la forme d’articles publiés dans notre Lettre, de prix attribués ou de colloques organisés.
Le professeur Maurice Boudot et le conseiller d’Etat André Jacomet, auteurs de nos statuts, savaient que l’énumération de ces sujets serait toujours incomplète. C’est pourquoi ils avaient marqué l’attachement de notre association à toutes les libertés, en distinguant seulement la liberté d’existence de l’enseignement privé et les libertés du choix de l’enseignement, et non pas seulement de l’établissement scolaire, à l’intérieur du secteur public.
Au cas où le Conseil d’Etat n’aurait pas retenu ce moyen formel de rejeter notre requête, le Commissaire du Gouvernement l’avait invité à la rejeter sur le fond parce que, selon lui, en disposant que pour enseigner la lecture : « on utilise deux types d’approches complémentaires : analyse des mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants de syllabes ou de mots réels ou inventés », le ministre n’avait pas voulu donner de « portée contraignante à cette disposition » et qu’en conséquence « il ne revient pas au juge de donner à cette disposition une portée impérative que ne lui a pas donné (sic) l’administration ».
Les professeurs des écoles qui rencontreront des difficultés avec leur inspecteur, parce qu’ils emploient des méthodes purement alphabétiques, pourront donc lui répondre qu’il ne lui revient pas de donner à cette disposition une portée impérative que ne lui a pas donnée l’administration.
La reconnaissance par le Commissaire du Gouvernement du caractère facultatif de l’utilisation d’approches complémentaires, et l’illustration dans un jugement de dix lignes du Conseil d’Etat des effets fâcheux de la méthode globale sur l’orthographe, s’ils ne compensent pas le rejet de notre demande d’abrogation de l’arrêté du 24 mars 2006, nous encouragent à continuer notre action.
J’ajoute qu’alors que nous ne demandions évidemment pas au Conseil d’Etat, dont ce n’est pas le rôle, de se prononcer sur l’efficacité respective des méthodes alphabétiques et des méthodes globales, le Commissaire du Gouvernement a avancé qu’aucune pièce versée au dossier ne permet d’affirmer qu’une méthode serait plus à retenir que l’autre, en précisant, en guise d’argument, qu’aucune étude française n’avait été réalisée sur le sujet.
Autant vaudrait excuser un médecin d’avoir laissé mourir un malade de la fièvre, au motif qu’il n’avait pas fait prendre sa température.
Recteur Armel Pécheul
Conclusions du Commissaire du Gouvernement :
Observations en réponse
On trouvera ci-après les observations que nous avons rédigées en réponse aux conclusions du Commissaire du Gouvernement, lors de la séance du 3 mars 2008.
Sur la recevabilité
Les statuts de l’association adoptés en 1983, à l’époque où l’enseignement privé était menacé par le projet présenté par M. Savary d’un « grand service public d’enseignement unifié et laïc », ne pouvaient pas ne pas faire référence expressément à cette menace, ce qu’ils expriment par
Elle (l’association) veille en premier lieu à ce que soient préservées des conditions d'existence de l'enseignement privé conformes à son indépendance et à sa dignité.
Cependant ces statuts ajoutent immédiatement après :
Elle vise à défendre et à promouvoir la liberté du choix de l'enseignement par les intéressés à l'intérieur du secteur public.
En mettant sur le même plan que le premier ce deuxième objectif, alors que l’actualité concentrait l’attention du public sur le premier, les statuts n’entendaient nullement limiter la liberté du choix de l’enseignement dans le public à celle du choix d’un établissement scolaire et restreindre le nombre des intéressés aux seuls parents.
Dans le cas contraire, il eût été alors beaucoup plus facile et plus populaire de revendiquer, en une seule phrase, le libre choix de l’école par les parents, dans le public, comme dans le privé.
Les intéressés étaient nécessairement, et toute l’action de l’association depuis lors le confirme, l’ensemble des parties prenantes, dirigeants et créateurs d’écoles, parents et enseignants, dans l’enseignement.
Ils l’étaient nécessairement sur le plan des principes, parce qu’on ne peut revendiquer la liberté pour les uns sans la revendiquer pour les autres. C’est naturellement sur ce plan que se situait M. Maurice Boudot, premier président de l’association, ancien élève de l’école publique, professeur de philosophie à Paris IV Sorbonne, et sans enfants.
Le libre choix de l’école par les parents perdrait d’ailleurs le plus fort de son sens si toutes les écoles enseignaient de la même façon. A contrario, les méthodes pédagogiques différentes employées par les écoles hors contrat expliquent pour une large part leur audience.
Toute l’action de l’association, action régulièrement approuvée par ses membres lors des assemblées générales, le confirme. Dans sa préface à La Liberté d’enseignement, recueil publié après sa mort, en 2004, de la totalité des articles donnés par Maurice Boudot à la lettre trimestrielle de l’association, de 1983 à 2000, le professeur Roland Drago, alors vice-président de l’association, rappelle ses prises de position sur les Instituts universitaires de formation des maîtres, le port du tchador à l’école, les rapports entre les grandes écoles et l’université, toutes questions étrangères au libre choix de l’école par les parents.
L’index annexé à l’ouvrage reflète la diversité des sujets traités, l’item Pédagogie comportant six références, Lecture six aussi et Illettrisme huit.
Depuis 2000, d’autres articles ont été publiés dans la Lettre et en dernier lieu une opinion sur La liberté pédagogique des professeurs de Mme Zehringer, ancienne présidente de la Société des Agrégés.
Cet intérêt pour toutes les libertés de l’école est manifeste dans toutes les actions de l’association. C’est ainsi que l’on peut citer :
Parmi les ouvrages ayant obtenu un prix secondaire ou une mention, l’un d’entre eux, Dans la jungle des manuels scolaires, par Hélène Huot, traite de questions pédagogiques et un autre, Lecture : la recherche médicale au secours de la pédagogie, traite exclusivement de l’enseignement de la lecture.
Indépendante de tous partis politiques et sans attaches confessionnelles, Enseignement et Liberté a pour objectif de lutter pour que soit expressément assurée et garantie la liberté de l'enseignement, c'est-à-dire le droit imprescriptible des parents de choisir l'école de leurs enfants et des étudiants de choisir leur université. Elle refuse le monopole de l'Etat sur l'éducation et défend le pluralisme scolaire qui comporte la coexistence d'un enseignement public et d'un enseignement privé, financés sur une base égalitaire par les fonds de l'Etat et ceux des collectivités locales.
Elle se préoccupe tout autant de la liberté dans l'enseignement public, dont elle dénonce la centralisation excessive, la politisation accrue et les pouvoirs exorbitants que les syndicats d'enseignants et les « pédagogues » y exercent. Son action dans ce domaine tend à accroître l'autonomie des établissements, à restaurer une véritable neutralité du service public d'éducation et à libérer le pouvoir de décision des multiples contraintes qui pèsent sur lui.
Elle agit aussi pour restaurer les méthodes d’enseignement mises à mal par des pédagogues imprégnés de l’idéologie marxiste. A ce titre elle dénonce les méfaits des méthodes globales et semi-globales d’enseignement de la lecture, toujours prédominantes, en dépit de leur condamnation par le ministre.
En ce qui concerne la question particulière, mais cruciale, de l’enseignement de la lecture, depuis la dénonciation des progrès de l’illettrisme par Maurice Boudot dans la Lettre du troisième trimestre 1987, l’association a participé au débat sur les méthodes en récompensant les ouvrages cités plus haut et
Enfin, si quelques adhérents seulement se sont joints à titre personnel au recours formé par Enseignement et Liberté, c’est parce que l’association n’a pas voulu alourdir le dossier en donnant suite à la proposition d’en faire autant de 417 de ses adhérents.
Sur le caractère impératif
A supposer que l’expression « Pour ce faire, on utilise deux types d’approches… » n’ait pas un caractère impératif, il n’en demeurerait pas moins qu’elle est perçue comme telle, tant par ceux qui se réjouissent de son emploi dans l’arrêté du 24 mars que par ceux qui le déplorent.
Pour les seconds, les qualités de ceux qui se sont joints au recours d’Enseignement et Liberté en témoignent.
Parmi les premiers, les opposants déclarés à la circulaire du 3 janvier, dont la FCPE, la ligue de l’enseignement, le SNUIPP-FSU, le SE-UNSA, le SGEN-CFDT et Philippe Meirieu, lors d’une conférence de presse tenue en mars 2006 se sont réjouis de ce que le projet d’arrêté, censé enterrer la méthode globale, ait évolué, car « la phrase précisant l’existence de deux types d’approches complémentaires dans l’apprentissage de la lecture : analyse des mots entiers en plus petites unités référées à des connaissances déjà acquises et synthèse à partir des constituants, est rétablie ».
Et M. Roland Goigoux, professeur à l’IUFM d’Auvergne, sanctionné par le ministre pour son opposition à la circulaire du 3 janvier, a déclaré : « C’est un texte de statu quo.»
Les conditions sont donc toujours réunies pour que les professeurs des écoles qui voudront utiliser les méthodes alphabétiques soient mal notés.
Site Internet
Le site Internet va être entièrement refondé dans le courant du mois d’avril, avec une présentation plus pratique. Lettre N° 98 – 4ème trimestre 2007
Une opinion sur la question de la « liberté pédagogique » des professeurs
Lettre d'Enseignement et Liberté a bien voulu me proposer de mettre au net quelques remarques relatives au débat actuel sur la question de la « liberté pédagogique ». Je la remercie pour la suggestion de cette tribune libre. L'opinion, personnelle, qui s'y exprime n'engage bien entendu pas l'association Enseignement et Liberté. Elle n'engage pas non plus la Société desAgrégés de l'Université, bien qu'elle se soit incontestablement formée à l'occasion des divers échanges de vues dont j'ai bénéficié lorsque j'ai présidé cette association, de 1990 à 2006. G.Z. Un principe ancré dans la Constitution L'article 48 de la Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école (loi n° 2005-380 du 23 avril 2005, publiée au Journal Officiel du 24 et reproduite au Bulletin Officiel n° 18 du 5 mai 2005) a eu notamment pour effet d'ajouter au Code de l'Éducation un article L. 912-1-1 nouveau, qui énonce le principe de la liberté pédagogique de l'enseignant. Comme l'a souligné, le 9 février 2005, monsieur Frédéric Reiss, en sa qualité de rapporteur devant l'Assemblée nationale de ce qui n'était encore qu'un projet de loi: « C'est la première fois que ce principe est inscrit dans la loi ». À cette première observation, incontestable, le rapporteur ajoute toutefois un commentaire moins convaincant, lorsqu'il écrit, tout de suite après, que: « Ce principe [...] ne reposait jusqu'alors sur aucun fondement juridique [...] ». On peut certes constater que l'expression même de « liberté pédagogique », si l'on parle de l'assemblage précis de ce nom et de cet adjectif (car Ferdinand Buisson évoquait la liberté du maître d'enseigner « suivant son génie ») semble d'un usage assez récent, à en juger par le fait qu'on la cherche en vain tant dans les dictionnaires généraux que dans les dictionnaires des termes juridiques, ou dans les lexiques de la langue pédagogique. Sur la définition de « la » liberté, ces ouvrages ont naturellement tous une opinion; ils savent en outre nous inviter à ne pas confondre, avec « la » liberté, ce qui ne constituerait qu'« une » liberté, c'est-à-dire l'exercice sans entrave, garanti par le Droit, d'une faculté ou d'une activité, telle que la liberté d'ouvrir un établissement d'enseignement. Le Dictionnaire de la langue pédagogique de Paul Foulquié (Presses Universitaires de France, 1971) attire même notre attention sur la notion, rencontrée « chez certains » auteurs, d'une « liberté des enseignés » qui se caractériserait comme le « pouvoir reconnu aux élèves et aux étudiants de n'apprendre que ce qu'ils veulent, comme ils le veulent ». Mais de « liberté des enseignants », point.
Supposer nouvelle la notion de la « liberté pédagogique » de l'enseignant aurait dû cependant conduire le législateur à la définir.
Or la loi du 23 avril 2005 omet cette définition, et l'on ne voit pas comment le législateur pourrait justifier une pareille omission autrement que par la reconnaissance, ipso facto, de l'antériorité de l'idée, avec ou sans les termes précis, qu'il existe pour l'enseignant une « liberté pédagogique », nécessairement non dépourvue de tout fondement juridique, puisque sa mission est régie par lois et décrets.
S'il n'a pas été nécessaire au législateur de 2005 de définir la « liberté pédagogique » de l'enseignant, c'est sans doute que le principe ainsi énoncé renferme une garantie fondamentale pour l'exercice de la mission des instituteurs et des professeurs (nous préférerons ces deux termes à celui d' « enseignant », mais sans oublier que les instituteurs sont devenus depuis 1989 des « professeurs des écoles ». C'est que ce principe de la « liberté pédagogique » se fonde sur la Constitution elle-même.
Lorsque les rédacteurs de la Constitution ont décidé d'y écrire qu'en France « l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État », ils ont par là-même reconnu que l'école n'est pas un produit spontané de la vie de la société, et que la transmission des connaissances, pour être assurée, doit être organisée, éventuellement soustraite à l'action d'entreprises contraires ou tout simplement de résistances plus ou moins conscientes. L'État ne peut considérer qu'il organise l'enseignement, s'il ne prend pas les dispositions nécessaires pour garantir l'exercice, sans entrave, de la mission enseignante qu'il aura confiée à des professeurs compétents. La France aura accompli, à cette fin, un travail considérable: les programmes nationaux, rédigés pour garantir les élèves contre des décisions locales arbitraires, doivent être publiés au Journal Officiel après avoir été établis par une instance scientifique par principe indépendante; les lauréats des concours nationaux sont titularisés après avoir satisfait à des épreuves appréciées par des jurys indépendants; ils ont droit à l'attribution d'un poste dès leur titularisation, de sorte qu'un établissement n'aura pas la faculté d'écarter de l'enseignement les professeurs qui auront été au préalable sélectionnés, au terme d'une procédure impartiale, en fonction de leur compétence scientifique et donc pédagogique dans la ou les disciplines qu'ils doivent enseigner. Par conséquent, la « liberté pédagogique » d'un enseignant consiste d'abord dans le fait que nul ne doit pouvoir l'empêcher de faire ce pour quoi il a été recruté, par exemple, pour un instituteur, d'apprendre à lire à ses élèves, et, pour un professeur certifié ou un professeur agrégé, de transmettre les connaissances correspondant aux programmes nationaux de leurs disciplines, et de permettre à chacun de leurs élèves d'acquérir tout le savoir dont il est capable. Il n'y a pas d'enseignement possible, s'il y a place pour une seule intervention contraire au respect du programme. Conçus pour soustraire les fonctionnaires chargés de l'enseignement à toute pression, ce sont donc d'abord les statuts particuliers accordés aux différents corps qui donnent un contenu à la « liberté pédagogique » des individus qu'ils régissent. Parce que la « liberté pédagogique » consiste d'abord dans la liberté d'enseigner en suivant un programme national, sans être obligé de céder à ceux qui voudraient y ajouter ou en retrancher, elle désigne en premier lieu l'ensemble des garanties statutaires accordées aux professeurs afin de garantir par là-même l'indépendance de la transmission du savoir.
La capacité accordée à chaque professeur, considéré individuellement, à la fois parce qu'il tient sa légitimité de sa compétence scientifique et pédagogique reconnue par un jury indépendant, et parce qu'il connaît les élèves de ses classes, de choisir l'ordre de présentation des questions du programme, les auteurs, les œuvres, les méthodes, cette autonomie du professeur dans sa classe, dans sa discipline, avec ses élèves, à laquelle on pense la plupart du temps lorsque l'on parle de sa « liberté pédagogique », ne constitue qu'une expression particulière du soutien que l'État, garant du respect de la Constitution, doit à la mission de l'enseignement.
Encore faut-il, si l'on veut que le soutien de l'institution au professeur puisse s'exprimer concrètement, ajouter la garantie d'une rédaction claire et sobre des programmes nationaux, et celle de corps d'inspection au moins aussi compétents dans la ou les disciplines où ils inspectent que les professeurs qu'ils inspectent, et capables de rapporter, à des programmes nationaux ainsi rédigés, les résultats obtenus par les élèves.
Errements officiels
Force est de constater toutefois qu'à partir du début des années 70, s'est élevée progressivement parmi les instituteurs et les professeurs une protestation de plus en plus vive contre des instructions officielles publiées en matière de méthodes et de programmes. Considérant que ces instructions étaient inspirées par des préférences arbitraires, voire par des choix idéologiques, et surtout constatant que leur mise en œuvre était bien loin d'aider leurs élèves à acquérir sans délai inutile un ensemble cohérent et explicite de connaissances de base, nombre d'instituteurs et de professeurs se sont résolus, pour parvenir à instruire quand même, à se désolidariser de l'institution, à laquelle aurait pourtant appartenu de garantir la transmission du savoir contre toutes les tentatives d'abus. Ils se sont sentis obligés de faire valoir leur « liberté pédagogique » individuelle non plus afin de soustraire la transmission des connaissances à des pressions extérieures à l'Éducation Nationale, mais afin de parvenir à enseigner en dépit des entraves placées par les méthodes et les programmes prescrits par les instructions officielles et jugés contraires à la transmission des connaissances.
Monsieur Laurent Lafforgue a ainsi pu évoquer récemment la foule de ces professeurs et instituteurs, « petits soldats de l'Éducation Nationale qui, depuis des années que leurs généraux leur prescrivent des consignes stupides, combattent inlassablement pour le savoir, essaient vaille que vaille d'enseigner » et qui, en sefaufilant dans le labyrinthe de méthodes et des programmes mal conçus, « parviennent, au milieu des pires difficultés, à instruire, à transmettre » (in La Lettre d'Enseignement et Liberté, n° 91, mars 2006): le « pire » de ces difficultés est bien entendu, à mon sens, qu'elles soient créées par l'institution même à laquelle il aurait incombé de les supprimer.
Dans l'enseignement primaire, c'est un fait, par exemple, que ni l'adoption de la méthode de lecture globale ni celle de la méthode de lecture semi-globale n'ont résulté d'un choix spontané qui aurait été exprimé par une majorité d'instituteurs, en toute « liberté pédagogique ». Bien que le « principe de globalité » ait eu ses promoteurs et ait pu conquérir certains milieux pédagogiques, l'usage de la méthode globale restait encore marginal lorsque l'ère du changement a été ouverte par les nouvelles instructions de 1972; il semble de plus que, par la suite, l'emploi des méthodes semi-globales ait résulté essentiellement du refus, de la part des mouvements pédagogiques influents au ministère de l'Éducation nationale, de renoncer tout à fait au « principe de globalité » devant l'échec pourtant incontestable de la méthode globale : je me permets sur ces questions de renvoyer à l'ouvrage très éclairant Apprendre à lire. La querelle des méthodes (Geneviève Krick, Janine Reichstadt, Jean-Pierre Terrail, Paris, Gallimard. Le Débat, 2007). Prompts à s'indigner, en janvier 2006, de la conviction exprimée par monsieur de Robien, qu'il faudrait remettre en cause le « principe de globalité », les partisans dudit principe n'ont pourtant pas vu d'inconvénient à ce que les instituteurs soient par voie d'instructions officielles obligés de se plier aux principes des méthodes globales puis semi-globales. Ils se sont au contraire empressés d'imputer les résistances des maîtres à des motifs peu honorables, et principalement à un goût irrationnel pour la tradition, voire à quelques préjugés politico-sociaux inavouables. Dans son ouvrage Pour une politique démocratique de l'éducation, Louis Legrand, promoteur d'une méthode dite « idéo-visuelle » dénonçait ainsi, en 1997 déjà, « la liberté du professeur [...] sans cesse rappelée comme un dogme fondamental par l'Inspection générale », et par là, selon lui, favorisant « le maintien d'une tradition »... ce qui est reconnaître implicitement la résistance des maîtres à la fameuse méthode « idéo-visuelle ». En 2006, un inspecteur de l'Éducation Nationale, Monsieur Pierre Frackowiak, prétendant simplement « encourager » l'innovation, mais, son texte en témoigne, ne voyant en réalité de salut que dans sa propre conviction, ne craint pas, lui non plus, dans un article diffusé par l'internet La liberté pédagogique des enseignants. Alibi des conservateurs. Obstacle à la construction de l'école du XXIe siècle, de dénoncer cette « vieille lune », cette « liberté pédagogique [qui] permet de résister aux corps d'inspection quand ceux-ci tentent d'encourager l'innovation ». Or il est grave qu'un inspecteur de l'éducation nationale n'aperçoive, chez les professeurs des écoles qu'il a, de par son propre statut, le droit de juger, aucun motif honorable pour ne pas partager ses propres vues.
Les professeurs des écoles ont le devoir d'apprendre à lire à leurs élèves. Ils sont soumis à des instructions officielles dont ils estiment qu'elles les en empêchent ou du moins diffèrent, compliquent voire compromettent cet apprentissage. Plutôt que de déverser, sur eux et sur ceux qui s'en inquiètent avec eux, un torrent d'insultes que l'ouvrage déjà cité Apprendre à lire a raison de condamner. La querelle des méthodes a raison de condamner, il vaudrait certainement mieux accepter enfin d'engager le débat de fond, et de le conduire sans aucune « frilosité », à partir d'une définition simple et incontestable de ce que c'est que « lire », à savoir, au moins: « connaître et savoir assembler les lettres » (Petit Larousse, 1926), ou, si l'on préfère: « reconnaître les signes graphiques d'une langue, former mentalement ou à haute voix les sons que ces signes ou leurs combinaisons représentent et leur associer un sens » (Petit Larousse Illustré, 2007).
Je reproche pour ma part aux partisans du « principe de globalité » de laisser beaucoup trop de questions sans réponse, et par exemple celles-ci:
- pourquoi faudrait-il préférer, à un élève qui ânonne (mais qui finira par comprendre) un élève qui s'écrie « esso » en présence de l'enseigne « elf », ou bien qui prononce « copain » quand il voit « ami », et qui croit qu'il sait lire, ce qui est bien le meilleur moyen pour qu'il n'apprenne pas?
- pour comprendre, pour comprendre vraiment, peut-on se dispenser de lire tous les mots, à la lettre près?
- comment peut-on a la fois prétendre évacuer de l'enseignement tous les effets de connivence, et méconnaître ce moyen efficace de les neutraliser que constitue l'enseignement précoce et systématique du code, lequel, par la reconnaissance d'un nombre fini de signifiants, donne accès à un nombre infini de mots et d'idées, et ainsi donne à chaque élève, quelle que soit la situation de sa famille, tout le trésor du savoir?
- pourquoi ne pas dire que la Finlande, parmi 57 pays représentant 90%¨de l’économie mondiale, se classe en 2007 deuxième derrière la Corée en compréhension de l'écrit, et qu'elle obtient en Europe les meilleurs résultats en matière de maîtrise de la langue écrite, alors qu'elle applique une méthode alphabétique?
Sans doute faudrait-il cesser de mettre sur le même plan des méthodes dont certaines, les méthodes alphabétiques, sont à proprement parler des méthodes d'apprentissage de la lecture, et dont les autres, dites globales ou semi-globales, sont en réalité des méthodes d'apprentissage de la lecture expressive, susceptibles de révéler leur utilité seulement une fois que la maîtrise du code est solidement acquise.
La « liberté pédagogique » des maîtres ne peut pas consister à choisir entre des méthodes qui, n'étant pas agencées au même but, ne se montreront jamais équivalentes.
En raison des réformes générales, appliquées de l'école élémentaire au lycée, le second degré n'a pas été épargné.
Le 17 octobre 1990, un haut fonctionnaire qui présidait l'une des commissions d'un colloque officiel organisé pour promouvoir les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) créés par la loi du 10 juillet 1989, a déclaré qu'il ne fallait « plus parler de transmettre des connaissances ».
La même loi a dessaisi l'Inspection générale de la responsabilité de la rédaction des programmes, et a créé un Conseil National des Programmes inapte à ce travail (le Haut Conseil de l'Éducation, instauré en 2005 n'ayant pas encore eu le temps de faire ses preuves). Par conséquent la tâche de la rédaction des programmes a été et reste confiée à des « Groupes d'Experts ». Aux programmes antérieurs beaucoup plus sobres consistant en des listes de notions, ou de concepts ou de sujets, ont succédé des programmes très détaillés et structurés. Des « documents d'accompagnement » tatillons ont reçu valeur officielle et se sont mis à régenter, dans toutes les disciplines, savoirs, contenus, méthodes d'apprentissage. Conçus pour évincer l'initiation explicite et systématique au profit de l' « approche » ou des « attitudes de recherche », ces nouveaux programmes et leurs compléments ont été, dans toutes les disciplines, désavoués et dénoncés par la foule des professeurs qui refusaient de s'accommoder d'un aussi « incroyable renoncement au savoir », comme le prouve notamment l'ouvrage Les programmes scolaires au piquet, dû à un groupe d' « enseignants en colère » (paru en 2006 chez Textuel). En lettres, l'obligation d'organiser en « séquences » la présentation du programme, ainsi que le décloisonnement, empêchent l'étude systématique de lagrammaire. Publié en 2007 aux Éditions de Fallois, le livre de Michel Leroux, De l’élève à l'apprenant et autres pamphlets, dénonce avec une remarquable clarté les principes et les procédés de « la destruction programmée de l'enseignement des lettres ».
L'article quarante-huit
Les quelques remarques qui précèdent ne prétendent évidemment pas à l'exhaustivité.
Elles tâchent simplement d'indiquer pourquoi l'article 48 de la loi de 2005 ne suffira pas, tant s'en faut, à rétablir un enseignement digne de ce nom;
Il faut, pour s'expliquer de cette conclusion, se reporter au texte même de l'article:
« Art.L.912-1-1-La liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et dans le cadre du projet d'école et d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection.
Le conseil pédagogique prévu à l'article L.421-5 ne peut porter atteinte à cette liberté
».
Il faut que les professeurs redeviennent libres de transmettre les connaissances correspondant à des programmes nationaux correctement rédigés.
Il faut donc continuer, avec le Haut Conseil de l'Éducation, à améliorer la procédure d'élaboration des programmes, restaurer la responsabilité de l'Inspection générale dans le travail de rédaction, examiner les problèmes que pose la constitution de « Groupes d'Experts ».
Mais il faut aussi restaurer l'autorité des corps d'inspection, et pour cela réviser les modalités de leur recrutement;
Il faut mettre fin au recrutement d'inspecteurs généraux « au tour extérieur », c'est à dire sans autre condition qu'un âge au moins égal à 45 ans, car cette procédure permet à des inspecteurs généraux ainsi recrutés de juger des compétences qu'ils n'ont pas (étant entendu que ceux qui auraient été recrutés au tour extérieur en possédant les titres et les débuts de carrière qui auraient justifié leur recrutement par la procédure normale devront être maintenus en fonctions).
Il faut réviser aussi les procédures normales de recrutement des inspecteurs généraux ainsi que celles des inspecteurs pédagogiques régionaux, telles qu'elles résultent de leurs statuts respectifs de 1989 et de 1990, et cela pour deux raisons: d'une part ces statuts prévoient des recrutements par promotion interne, là encore sans considération des compétences; on peut voir ainsi d'anciens instituteurs, sans doute compétents dans leur domaine mais ne connaissant ni le latin ni le grec, inspecter des professeurs agrégés des lettres classiques, normaliens et docteurs par surcroît; d'autre part ces statuts soumettent le recrutement à l'avis (en réalité déterminant) d'une commission où l'administration du ministère de l'Éducation nationale est représentée, disposition considérée comme favorisant, dans les corps de contrôle, le conformisme à l'égard de la pédagogie officielle actuellement largement récusée par le corps enseignant.
Il existe de plus, et surtout, une contradiction complète entre l'affirmation de la « liberté pédagogique » qui doit être reconnue au professeur pour qu'il puisse enseigner en suivant des programmes nationaux, et la reprise, dans la loi de 2005, du principe déjà posé à tort par la loi de 1989 (article 18) selon lequel l'enseignement ne porte plus sur les programmes nationaux, mais sur « les modalités particulières de mise en œuvre » des objectifs et programmes nationaux arrêtées au titre du projet d'établissement. L'exemple des ZEP (zones d'éducation prioritaires) ne permet plus d'ignorer que la logique du « tenir compte » et celle de l'adaptation, fût-elle bien intentionnée, aux caractéristiques sociales, familiales etc. de la « population » d'élèves admis dans l'établissement constituent l'alibi trop commode du renoncement à un enseignement exigeant et stimulant, sans même évoquer les problèmes insolubles que crée l'instauration d'un « projet d'établissement »: que se passera-t-il, lorsque le professeur refusera de s'accommoder de ce renoncement?
Dans les collèges et les lycées, la création, par l'article 38 de la loi de 2005, d'un « conseil pédagogique » parachève la confiscation, au profit d'un collectif local, de la « liberté pédagogique » légitime du professeur. En 1998 déjà, l'on avait largement protesté au sein du corps enseignant contre le « principe 19 » du « rapport » de monsieur Meirieu, qui voulait attribuer aux conseils d'administration et aux conseils de classe un pouvoir de contrôle sur le « vocabulaire utilisé » par les professeurs, ainsi que sur les « méthodes », sur la « nature des exercices et travaux demandés », et même sur les « contenus d'enseignement », et qui passait subrepticement de la notion de « coordination » des enseignements à celle d' « harmonisation » des contenus des disciplines, qui va encore plus loin.
Il est on ne peut plus regrettable que cette idéologie ait réussi à s'infiltrer dans la loi de 2005. Si le ministre a pu in extremis (à l'occasion de l'examen par le Sénat du projet de loi) soustraire « les méthodes pédagogiques » au contrôle du conseil pédagogique, il a eu le tort de maintenir ce nouveau conseil ainsi que ses prérogatives « coordonner les enseignements, la notation et l'évaluation des activités scolaires ». L'on ne voit pas comment, pratiquement, l'affirmation, par la loi, que le conseil pédagogique ne peut porter atteinte à la liberté pédagogique du professeur pourra empêcher les prérogatives de ce conseil de réduire à néant la « liberté pédagogique » dont le professeur compétent a besoin pour faire acquérir par son élève tout le savoir dont il est capable.
Geneviève Zehringer
www.enseignementliberte.org
Le site aura reçu 54 000 visiteurs en 2007 contre 44 000 en 2006.
Lettre N° 97 – 3ème trimestre 2007
La carte scolaire
L’OIDEL a présenté, lors du Symposium qu’elle vient d’organiser avec notre participation sur le « Choix de l’école versus justice sociale : dilemme ou mirage ? », son Rapport sur les libertés éducatives dans le monde.
Du Danemark, premier, à Cuba, dernier, cent pays y sont classés en fonction de critères qui sont :
La liberté de créer une école Le financement des écoles privées par la puissance publique L’importance de ce financement La liberté du choix de l’école par les parents Le droit des parents à instruire eux-mêmes leurs enfants L’autonomie pédagogique des écoles privées et leur liberté d’admission des élèves et d’engagement des professeurs.
Avec un score de 57 sur 100, la France se classe au 29e rang, entre la Roumanie et la Thaïlande, loin derrière le Danemark qui obtient 98, de la Finlande (97), de l’Irlande (95), de la Belgique (93).
Deux pays de l’Union européenne seulement sont classés après nous
– auxquels on peut ajouter la Turquie, 70e – en raison des résultats particulièrement faibles (4/20 dans les deux cas) obtenus pour la liberté des parents de choisir l’école de leurs enfants ou de choisir l’école à la maison.
La suppression de la carte scolaire promise par M. Sarkozy pendant la campagne électorale, vient de recevoir un commencement d’assouplissement avec, sans que l’on perçoive clairement s’il s’agit d’un engagement ferme ou d’un objectif révisable, la fixation par M. Darcos de l’horizon 2010 pour une libération complète.
L’accroissement de 10 000 environ du nombre de demandes de dérogations est très modeste. Il confirme que, comme nous l’avons toujours dit, la carte scolaire est non seulement injuste, mais aussi injustifiée. L’idée de lui donner une nouvelle vie sous la forme d’un instrument de mixité sociale serait à nos yeux tout aussi injuste et injustifiée.
Enfin, si la suppression de la carte scolaire est un moyen de donner la liberté de choix, cette liberté nécessite aussi la suppression de la règle non écrite qui fige le rapport du nombre de places entre le privé et le public. C’est en raison de ce carcan scolaire que le privé a dû refuser 20 000 élèves cette année, soit le double des bénéficiaires de l’assouplissement de la carte scolaire.
Nous publions dans les pages suivantes des extraits de la communication qui nous avait été demandée pour le Symposium de l’OIDEL sur la carte scolaire. Le texte complet de cette communication va être mis sur notre site Internet dans les prochains jours et nous adresserons à ceux qui n’ont pas accès à Internet et nous en feront la demande un exemplaire du texte complet. Recteur Armel Pécheul
Symposium de l’OIDEL
En France, l’institution de la carte scolaire remonte à l’année 1963. Elle consiste à répartir les élèves en secteurs géographiques d’affectation. Elle permet aussi de répartir géographiquement les postes d’enseignants.
A l’origine, le but poursuivi était essentiellement celui de la planification de la population scolaire. Il s’agissait de maîtriser l’évolution massive des effectifs scolaires due au redressement de la natalité après la guerre et à la prolongation de la scolarité obligatoire à partir de 1959.
Mais, très rapidement, la logique planificatrice a été transcendée par une seconde logique, celle de l’égalitarisme.
Ce mythe français de l’égalitarisme repose essentiellement sur le principe du « moule unique » pour tous les élèves. Il s’ensuit que toutes les écoles et tous les collèges sont supposés assurer la même « réussite » pour tous les élèves quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. D’où alors, évidemment l’interdiction faite aux parents de choisir l’établissement scolaire de leurs enfants : d’une part, la liberté de choix supposerait que l’on accepte l’idée que tous les établissements scolaires ne sont pas de même niveau (ce qui est impossible à admettre idéologiquement) ; d’autre part, la liberté de choix favoriserait la concurrence entre les établissements scolaires (ce qui est politiquement inacceptable).
Ce mythe français convenait à tous. Les politiques y trouvaient de quoi nourrir leur discours sur « l’égalité des chances ». Les syndicats d’enseignants en tiraient prétexte pour justifier leur revendications quantitatives : plus de professeurs, plus de locaux, plus de crédits.
Malheureusement, les faits sont têtus : l’égalitarisme a le plus souvent conduit à une simple égalité de façade. Par surcroît, la France a connu à son tour la tentation de la discrimination positive : l’égalité des chances a changé de nature.
L’égalitarisme a produit une égalité de façade .
Dans les faits, la carte scolaire n’a pas permis de réaliser l’objectif tendant à instaurer l’égalité des chances.
D’abord, la sectorisation reposait sur un présupposé théorique totalement irréaliste. Il faut, en effet, une bonne dose d’aveuglement idéologique (ou un grand degré d’hypocrisie) pour croire qu’un établissement scolaire situé dans les « beaux quartiers de Paris » est l’égal d’un établissement scolaire des quartiers périphériques défavorisés.
Ensuite, la carte scolaire a été à l’origine de multiples stratégies de contournement et de dérogations qui montrent qu’elle n’a jamais reçu l’adhésion des parents. Ils savent, eux, qu’il existe des bons établissements scolaires… et des moins bons, voire des très mauvais.
Enfin, seul l’enseignement public est soumis à l’obligation de la carte scolaire. De sorte que de nombreux parents font le choix de l’école privée, non seulement en fonction de la qualité ou de la nature de l’enseignement qui peut y être dispensé, mais aussi, bien souvent, parce que ce choix leur permet d’éviter la carte scolaire.
La mutation du contenu du principe d’égalité des chances
En France, les deux principes fondateurs de l’égalité républicaine sont classiquement l’unité et l’uniformité. Les individus doivent être traités, en droit, de la même manière par l’Etat. De sorte que la différenciation et la discrimination sont interdites. Ces principes sont garantis par la Constitution.
Une première brèche a été créée dans le système avec l’institution des ZEP (zone d’éducation prioritaire) par le ministre Savary au mois de juillet 1981. C’est le premier exemple français à la fois de politique de discrimination positive et de territorialisation des politiques éducatives.
La seconde brèche dans le principe d’égalité est celle de la recherche de la discrimination positive puis de la recherche de la « mixité sociale ».
L’idée, longtemps jugée contraire aux principes français les mieux établis, consiste à conférer des avantages particuliers à certaines catégories de personnes en fonction d’une ou de plusieurs de leurs particularités. Appliquée à l’éducation la discrimination positive conduit à sélectionner les meilleurs élèves des établissements jugés défavorisés pour les « transplanter » dans des établissements jugés meilleurs.
Cela reste évidemment un épiphénomène qui ne concerne que quelques individus et qui a plus vocation à servir de symbole ou à alimenter les slogans en faveur de la « diversité » qu’à régler les problèmes de fond. Mais, ce faisant on glisse doucement de la discrimination positive vers la mixité sociale.
Le bilan de la carte scolaire
La carte scolaire a été « assouplie » une première fois en 1983 par André Savary, qui la supprima dans deux départements et trois grandes villes, puis par son successeur Jean-Pierre Chevènement pour six autres départements.
En 1988, après le changement de majorité parlementaire de 1986, quatre-vingt-neuf départements faisaient l’objet de mesures de désectorisation totale ou partielle. Le terme de sectorisation étant substitué à celui de carte scolaire.
En 1993, après cinq ans de gouvernements de gauche, supposés favorables à la carte scolaire, 47% des collèges et 27% des lycées en étaient dispensés.
François Bayrou, ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 dans des gouvernements de droite élus sur des programmes promettant la suppression de la carte scolaire, revient sur ces assouplissements sans que l’on sache exactement aujourd’hui quels sont les établissements qui respectent la sectorisation et ceux qui ne la respectent pas.
On ne sait pas non plus, faute d’avoir cherché à la mesurer, l’incidence de l’application ou non de la carte scolaire sur le niveau moyen des élèves.
Enfin, et c’est le plus étonnant, on ne sait pas évaluer l’importance des déplacements induits par une suppression de la carte scolaire.
Une étude sur les effets des mesures de désectorisation prises en 1983 estime que 8 à 20% des élèves y ont eu recours, mais combien auraient bénéficié du régime des dérogations individuelles ou des contournements de la règle ?
Le projet de Xavier Darcos
Conformément à une promesse de Nicolas Sarkozy lors des élections présidentielles, Xavier Darcos, nouveau ministre de l’Education nationale, s’est engagé à supprimer progressivement la carte scolaire d’ici à 2010 et à l’assouplir dès la présente rentrée scolaire, en la remplaçant par de « nouveaux instruments de mixité sociale ».
Alors que les demandes d’inscription devaient être déposées avant le
30 juin, il a été indiqué lors du Conseil des ministres du 25 juillet que « plus de 13 500 demandes d’inscription supplémentaires hors secteur ont été formulées par les familles ».
Aux priorités accordées lors de ces demandes d’inscription, aux raisons médicales et à la scolarisation d’un frère ou d’une sœur dans l’établissement souhaité ont été ajoutés les élèves boursiers, au mérite ou sur critères sociaux et les élèves dont le domicile est proche de l’établissement souhaité.
Ont été écartées les obligations professionnelles des parents et la continuation de la scolarité après déménagement, motifs retenus jusqu’à présent.
La disparition progressive de la carte scolaire accompagnée de l’amélioration d’une mixité sociale et du renforcement de l’égalité des chances à laquelle le nouveau ministre a décidé de s’atteler ressemble à la quadrature du cercle.
Faussée dès le départ parce que la véritable égalité des chances suppose une sélection qui est refusée et parce que la mixité sociale revendiquée est le faux nom d’une improbable mixité culturelle, la réforme annoncée ne pourrait aboutir qu’à l’instauration de quotas dans les établissements scolaires.
Ces quotas conduiraient inévitablement à la multiplication du nombre des mécontents et à l’accroissement des distorsions entre les besoins d’éducation et les moyens de les satisfaire, à l’exemple de ce que l’on peut constater avec les quotas laitiers.
La seule façon juste et efficace de réformer la carte scolaire serait de la supprimer, car, comme dans le cas du tabac en France après la guerre, c’est le rationnement qui est la cause de la pénurie. Cette suppression n’a guère de chance d’être mise en œuvre, car elle impliquerait la fermeture des établissements désertés. La réforme en cours rejoindra-t-elle le cimetière des réformes inaccomplies, avec pour épitaphe le titre d’une pièce de Shakespeare : Much ado about nothing. Lettre N° 96 – 2 ème trimestre 2007
La réforme de l'université : vingt ans après
La réforme de l’Université : vingt ans après
Si elle est vraiment menée à son terme, la réforme de l’Université apportera la preuve qu’une réelle volonté de rupture avec l’ordre ancien anime la majorité présidentielle. Voilà plus de vingt ans que pareille réforme tétanise la droite et galvanise la gauche. C’est le « syndrome Devaquet » (pour ne pas remonter au choc psychologique de 1968), c'est-à-dire la peur de voir les étudiants dans la rue pour les uns et la manipulation des légitimes angoisses de la jeunesse pour les autres.
De sorte que la moindre annonce d’un projet ou d’une proposition de réforme, quelque fois la seule publication d’un rapport « d’expert », suffit à agiter le microcosme et à énerver la bien-pensance politicomédiatique. Chacun retrouve sa place dans un jeu de rôle bien établi. La droite est accusée d’être coupée de la jeunesse et de vouloir la livrer pieds et mains liés au marché. La gauche utilise toutes les ressources de la démagogie égalitariste et hédoniste pour céder aux caprices de quelques syndicats étudiants qui ne représentent qu’eux-mêmes.
Jusqu’à présent, le résultat a invariablement été celui du retrait du projet, fréquemment accompagné du départ du ministre.
*
Pendant ce temps, l’Université s’enfonce inexorablement dans le paupérisme et les faux-semblants au détriment des étudiants, des professeurs et de la recherche française.
Aucune université française ne se trouve dans le classement des soixante premières universités mondiales. Aucune université française ne figure parmi les seize premières universités européennes. Près de 15% des jeunes sortis de l’enseignement supérieur depuis l’année 2001 sont au chômage trois ans après la fin de leurs études. L’hypocrisie sur la sélection est totale puisque refusée à l’entrée, la sélection se fait, en réalité, par l’échec. Dans les disciplines littéraires et juridiques seulement un quart des étudiants s’inscrivent en troisième année. Les trois autres quarts échouent ou abandonnent au cours des deux premières années. Et, pour ceux qui réussissent le deuxième cycle, seuls 30% ont un emploi de cadre.
L’hypocrisie est telle que l’on feint de ne pas voir que la France pratique un système d’enseignement supérieur à deux vitesses. Comme sous l’Ancien Régime, il existe plusieurs ordres. Les étudiants bien nés ou ceux dont les parents sont bien informés choisissent les filières sélectives (classes préparatoires, grandes écoles, quelques filières professionnelles et écoles d’ingénieurs). Seules ces filières parviennent à conduire leurs élèves à insertion professionnelle réussie. Certains élèves y sont même payés et coûtent de 30 000 ou 40 000 euros par an. Ces grandes écoles favorisent l’autoreproduction des élites politiques, économiques et administratives. De l’autre côté, les universités constituent le plus souvent des voies de garage pour les enfants des familles les plus modestes.
En revanche, la recherche est quasiment absente des grandes écoles, ce qui coupe le management des entreprises et de l’administration de l’innovation et de la recherche.
En fait, l’essentiel des crédits de recherche est distribué aux grands établissements (CNRS, notamment), eux-mêmes le plus souvent coupés des universités et des besoins du monde économique et industriel.
On comprend alors que les jeunes chercheurs les plus brillants partent massivement à l’étranger.
Pour limiter ce noir tableau à l’essentiel, mais il y aurait tant à dire, on ajoutera que les gouvernements successifs se sont évertués à centraliser et à compliquer un système de plus en plus lourd. La réforme LMD (licence, maîtrise, Doctorat) qui devrait constituer une heureuse grille de lecture des diplômes à l’échelon européen a conduit partout en Europe à la simplification, à la souplesse et à l’émulation. Les universités européennes y ont gagné en énergie, en lisibilité et en efficacité. En France, cette réforme a conduit au renforcement de la tutelle ministérielle la plus tatillonne qui soit pour la définition des diplômes, pour celle de leur contenu et surtout pour la désignation des universités qui seront – ou non – habilitées à les délivrer. Le ministère en a tiré prétexte pour redessiner une carte universitaire à plusieurs vitesses où seules certaines universités seront des universités d’excellence. Les autres seront des enseignements supérieurs de second ordre appelés à se paupériser plus encore. C’est un nouveau gosplan à la française !
Il est vrai que de leur côté les universités ne pouvaient guère elles-mêmes être efficaces pour mettre la réforme LMD en œuvre, empêtrées qu’elles sont par la composition pléthorique, démagogique et hypersyndicalisée de leurs multiples conseils ou comités.
*
C’est dire que la réforme de l’Université proposée par la nouvelle majorité est une réforme a minima. Qu’il faille réduire la composition des conseils d’administration et les ouvrir au monde de l’entreprise ou à tout autre partenariat extérieur, c’est évident. Que les universités puissent être autonomes financièrement et donc qu’on leur donne la liberté de chercher des financements extérieurs au budget de l’Etat, c’est le moindre bon sens. La France est le seul pays au monde où un collégien (7500 euros) et un lycéen (10 000 euros) coûtent plus cher qu’un étudiant (6700 euros). Que les étudiants soient orientés en fonction de leurs aptitudes et des débouchés professionnels est aussi un objectif élémentaire, si l’on veut rompre avec l’hypocrisie actuelle de la sélection par l’échec. Que les universités soient en mesure de recruter librement leurs professeurs et leurs chercheurs les alignera simplement sur le modèle de la plupart des universités européennes qui s’en trouvent fort bien… et leurs étudiants aussi ! Peu importe alors que les universitaires chercheurs soient des agents publics ou des personnels privés, l’important est qu’ils soient les meilleurs dans leurs disciplines respectives.
Bref, la réforme proposée ne peut être que la première étape d’une réforme beaucoup plus vaste et beaucoup plus profonde. L’autonomie ne sera qu’un leurre s’il s’agit simplement de déconcentrer quelques compétences ponctuelles alors que l’essentiel du pouvoir de décision restera au sein d’un ministère aussi technocratique que centralisé. Au mieux l’Etat allègera sa charge financière. Et alors ? L’Université française (et la Recherche qui ne doit surtout pas en être dissociée) mérite mieux que cela. Elle ne retrouvera la place qui devrait être la sienne dans le Monde et dans l’Europe que si elle devient non seulement « autonome » mais surtout véritablement libre. Libre dans son organisation, libre dans le recrutement de ses étudiants, libre dans le recrutement de ses chercheurs et de ses professeurs, libre dans ses financements, libre dans la délivrance des grades et des diplômes. Cela n’enlèvera rien au droit des étudiants de poursuivre des études supérieures. Ce droit n’est pas véritablement assuré par le système actuel porteur de tant d’échecs et de désillusions. Il suffit simplement à l’Etat de garantir l’effectivité de ce droit par l’accompagnement financier des étudiants. Là est sa mission républicaine, pas dans l’organisation d’un égalitarisme mensonger. Libres dans le choix de leurs études, les étudiants seront à leur tour libérés de cet Etat tutélaire qui les infantilise.
Recteur Armel PECHEUL
L’actualité m’a naturellement conduit à m’exprimer dans ce numéro sur la réforme de l’Université. Ses difficultés découlent, pour une large part, de celles de l’enseignement primaire et secondaire.
On trouvera à la page suivante la lettre que j’ai adressée à M. Xavier Darcos qui a en charge ces enseignements.
J’en ai communiqué le texte aux membres d’Enseignement et Liberté, en leur proposant de s’y associer.
Cette lettre a pour objet de rappeler au ministre notre engagement total en faveur de la liberté d’enseignement. Nous voulons que les parents puissent choisir librement entre l’école publique et l’école privée, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Nous voulons aussi que cette liberté prévale au sein de l’enseignement public comme au sein de l’enseignement privé.
La suppression de la carte scolaire et le rétablissement de la liberté pédagogique des maîtres sont les exigences les plus criantes.
La suppression de la carte scolaire peut être progressive, pour rassurer ceux qui craignent, bien à tort, à mon avis, que sa suppression immédiate et totale ne crée du désordre.
Le rétablissement de la liberté pédagogique passe, en premier lieu, par l’abolition de la dictature des Instituts Universitaires de formation des Maîtres qui conditionnent les esprits des futurs professeurs. Une fois cela acquis je suis convaincu, et des enquêtes étrangères le montrent, qu’ils sauront faire un bon usage de leur liberté, y compris dans le domaine qui nous est cher de l’enseignement de la lecture.
J’invite, s’ils ne l’ont déjà fait, nos lecteurs à signer et à faire signer la lettre adressée à M. Darcos et à nous la retourner pour transmission ou à nous adresser une copie, s’ils choisissent de l’envoyer directement à M. Darcos.
A. P.
Nom et adresse du signataire
Monsieur Xavier Darcos Ministre de l’Education nationale 110 rue de Grenelle 75357 Paris 07 SP
Monsieur le Ministre, Vous avez annoncé la suppression progressive de la carte scolaire et l’abrogation de l’arrêté du 24 mars 2006 qui fait obligation aux maîtres d’enseigner la lecture selon des méthodes mixtes, en interdisant l’emploi des méthodes alphabétiques (dites aussi syllabiques). Permettez-moi de vous assurer de mon entier soutien dans la mise en œuvre de ces mesures. Dès sa création, notre association s’est opposée à l’extension de la carte scolaire à l’enseignement privé, que prévoyait le projet Savary, et a demandé sa suppression dans l’enseignement public. La liberté de choix doit être rendue pleine et entière aux parents, les établissements devant, dans le cas où les demandes dépasseraient les places disponibles, attribuer ces dernières en fonction des seules capacités des élèves, sans qu’aucun système de quota, contraire à nos traditions et aux intérêts des élèves, ne soit imposé. En ce qui concerne les méthodes d’enseignement de la lecture, je souhaite qu’à l’arrêté contre lequel Enseignement et Liberté a déposé un recours devant le Conseil d’Etat, il soit substitué un texte garantissant la liberté des maîtres. Une information devrait être donnée aux maîtres ainsi qu’aux parents rectifiant celle diffusée jusqu’à présent qui déforme ou occulte les résultats des expériences mettant en évidence la supériorité des méthodes alphabétiques. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma haute considération.
Signature
www.enseignementliberte.org
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