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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 33 - 3ème trimestre 1991
L’EMPIRE DU MENSONGE Le coup d’Etat qui vient de se dérouler sous nos yeux était si mal monté, condamné à un échec qui aurait pu être différé mais qui n’en était pas moins inexorable, qu’on en vient à se demander si on n’est pas victime d’une prodigieuse opération d’intoxication médiatique dont l’affaire de Timisoara offrit en quelque sorte une image en réduction. Nous sommes tellement échaudés que nous sommes devenus méfiants, trop sceptiques pour ne pas être décontenancés devant un événement dont il n’est pas absurde de se demander s’il ne relève pas de l’ordre du miraculeux. Mais, aussi grande que soit notre prudence, même si nous ignorons ce qui s’est exactement passé, les intentions qui étaient celles des principaux acteurs, l’état des forces en présence et à plus forte raison ce que nous réserve l’avenir, il serait absurde de dire qu’il n’y a rien de neuf à MOSCOU, ou du moins rien d’essentiel. L’union dissoute, le parti communiste suspendu officiellement (même s’il se reconstitue ou subsiste dans l’ombre), les langues des personnages officiels les plus élevés qui se délient pour nous redire l’absurdité du système sous lequel ils vivaient depuis 74 ans, les statues des Pères fondateurs (Lénine inclus) déboulonnées, les drapeaux traditionnels exhibés, les Pays Baltes enfin libérés, Cuba abandonnée, ce bilan est considérable. Et qu’on n’aille pas nous objecter que certains de ces changements sont de l’ordre du symbolique, car le régime dont nous parlons, plus encore que beaucoup d’autres, vivait de symboles. Non, il ne s’agit pas d’une simple comédie destinée à tromper les bailleurs de fonds occidentaux. Il faut le reconnaître : nous venons d’assister à la fin du communisme, c’est-à-dire du régime marxiste-léniniste, dans le pays qui l’avait instauré, diffusé, gouverné. Même si l’avenir nous offre quelques surprises déplaisantes avec d’étonnants retours de flammes, aussi grandes que soient les vertus de la dialectique, il y a quelque chose d’essentiel irrémédiablement brisé dans ce qu’on avait mis en place en 1917. L’image de Staline ne pouvait pas être restaurée après le fameux rapport Khrouchtchev, ni maintenu le régime de terreur, ce qui d’ailleurs devait entraîner la déliquescence du système en 35 ans. De même dans le cas présent : le rôle du parti, la dictature du prolétariat, la société sans classe, ces piliers idéologiques du régime sont réduits en poussière. Il n’y a donc pas de raison de minimiser l’événement et je m’estime pleinement en droit de m’en réjouir puisque j’ai toujours clairement manifesté l’horreur que m’inspirait le marxisme-léninisme. En revanche, il me semble opportun de prémunir contre un optimisme excessif lorsqu’on essaie d’apprécier les conséquences de cet événement dans notre pays et notamment en ce qui concerne la vie culturelle et le système éducatif. J’ai de bonnes raisons de craindre que l’euphorie créée par le spectacle estival offert par les télévisions n’ait des effets démobilisants et que, dans le domaine qui nous préoccupe, le bilan soit en définitif bien moins positif qu’on l’imagine trop souvent. RETOURNEMENTS DE VESTE ET REPLIS STRATEGIQUES. Bien entendu, il y a dans l’immédiate actualité quelques aspects réjouissants. Au premier rang, les retournements de veste. Certes les intellectuels notables avaient depuis un certain temps pris leurs distances. Mais des personnages de moindre importance se sont quelquefois trouvés dans l’obligation de brûler un jour ce qu’ils avaient adoré la veille. On a constaté une évolution quelque peu brutale de certains organes de presse. On encense aujourd’hui Eltsine ou Landsbergis qu’on méprisait hier ! Beaucoup de ces conversions relèvent d’un retournement de veste d’autant plus écœurant que ce n’est ni la contrainte, ni la menace, qui obligent à ces changements d’opinion qui atteignent même les grandes consciences "professionnelles". On aimerait que pour applaudir à la chute du communisme éprouvent quelque gêne ceux qui se félicitaient de la "libération" de Phnom Penh par les Khmers rouges. Je ne crois pas que ce soit le cas. Toutes les palinodies de nombreux plumitifs et de beaucoup d’hommes politiques constituent un spectacle divertissant, mais aussi instructif : elles montrent le peu de crédit que nous devons leur accorder. Espérons que cette leçon de prudence sera effectivement comprise. Mais surtout, à l’occasion de sa chute, un bilan du régime, peut-être encore sommaire, mais incomparablement plus complet que ce à quoi nous étions habitués, a été dressé. Et ce bilan, loin d’être globalement positif, est de part en part accablant. Accablant en ce qui concerne l’horreur du système, le nombre de ses victimes, mais aussi la complicité ou l’aveuglement de nombreux intellectuels et de vastes secteurs du personnel politique. On savait qu’Aulard ou Mathiez, honorables universitaires spécialistes de la révolution de 89, justifiaient la Terreur rouge à partir de leurs réflexions sur celle qui avait ravagé notre pays, qu’Aragon a écrit des vers ridicules, que Pablo Neruda se déshonore par la bassesse de ses textes sur Staline ou l’abjection de son éloge de la "bonne" bombe atomique (celle de l’Est, bien entendu), que Sartre mêle l’ignominie de son éloge des crimes politiques à la désinvolture de certains propos (annoncer en 1954 que six à dix ans plus tard le niveau de vie en URSS sera de 30 à 40 % supérieur au nôtre, avec cette précision stupéfiante pour un homme qui n’a aucune compétence économique, est un comble !), que les dirigeants socialistes ont su très tôt que la Tcheka imposait un régime de terreur et n’ont pas donné à leurs informations toute la publicité qu’elles méritaient, etc. Pour l’essentiel, ces faits étaient connus d’un bon nombre d’entre nous. Il était bon qu’ils soient remis en mémoire, présentés bout à bout dans des dossiers, dont certains excellents, qu’ont publiés des périodiques. Le bilan apparaît alors en pleine clarté et la peste rouge dans toute son horreur. Qu’on ne cherche plus à atténuer le jugement est un fait nouveau. C’est un tabou qui vient de tomber. Aucune autre horreur n’excuse celle-ci et les bons esprits qui se sont faits complices par leur complaisance ou leur silence sont inexcusables. Il est loin derrière nous le temps où on imputait la responsabilité, sinon dans sa totalité, du moins en majeure partie, à Staline et au culte de la personnalité. C’est bien le système lui-même, tel que l’édifie Lénine, qui est condamné et non pas une de ces déviations temporaires, et comme accidentelles. Est-ce à dire que le socialisme, du moins sous sa forme marxiste, va dépérir en France ? Rien n’est plus incertain. Dans le monde politique, M. Marchais continuera à défendre le socialisme "réel" tout en nous assurant qu’il a depuis longtemps rompu avec le modèle soviétique (ce qui est la stricte vérité). M. Mauroy pourra bredouiller que ces événements permettent enfin à son parti d’être vraiment social-démocrate - on est d’ailleurs ravi d’apprendre qu’il ne l’était donc pas jusqu’à ce jour ! -, quant au Président de la République lui-même, il définit le socialisme, tenu pour un idéal bien plus que pour un système politique - comme si Marx qui se veut un homme de science était un idéaliste -, en termes tellement indéterminés qu’on ne voit pas bien à quoi il s’engage à se dire socialiste ; même pas probablement à la défense d’une politique d’égalisation des conditions par redistribution autoritaire des revenus. Bref, soyons assurés que les politiques sauront se tirer d’affaire pour ne pas être trop éclaboussés, et, comme le communisme effraiera beaucoup moins, rien ne garantit que ceux qui se sont compromis avec lui y perdront beaucoup de plumes. En ce qui concerne les intellectuels, la situation sera probablement plus délicate. Mais subsiste un noyau de militants durs, très bien formés, assurés dans leurs croyances, qui ne seront aucunement ébranlés par ce qu’ils doivent tenir pour des péripéties. Il suffisait d’entendre avant l’été M. Boudarel ou, juste après sa très récente libération, M. Serfaty, pour qu’on soit assuré qu’ils n’ont rien abandonné de leurs convictions exprimées dans une langue parfaitement rigoureuse - j’écris ce terme sans ironie - et qu’aucun événement ne peut ébranler leur système de pensée. On me dira qu’ils constituent une catégorie assez minoritaire d’âge avancé. J’en conviens ; mais constatons le fait : la vieille garde demeure. Reste l’énorme masse de ces intellectuels qui, tout en justifiant par diverses contorsions les distances qu’ils prennent par rapport au P.C.F., se sentent plus ou moins marxistes ou éprouvent le besoin de se situer par rapport au communisme. Comment vont-ils évoluer ? Bien sûr, le marxisme-léninisme ne verra vraisemblablement pas s’accroître sa force attractive. Mais cela fait longtemps qu’il est en décrue, surtout dans les jeunes générations. En 1983 Max Gallo déplorait, non sans raison, le silence des intellectuels de gauche. Effectivement, depuis une dizaine d’années, il est très démodé de se dire marxiste. Mais de là à se définir comme antimarxiste, il y a un pas qu’on ne franchit pas, même si on se défend de se désintéresser de la politique ! C’est dire que la mode laisse place à toutes les attitudes ambiguës. Ceux qui entendent sauver la pensée de gauche ont donc devant eux un champ relativement ouvert. Indépendamment des idéologies de substitution, comme un vague humanisme cosmopolite qui pourrait remplacer le socialisme, beaucoup de possibilités demeurent. On pourra dire que même si le marxisme est mort comme idéologie, "beaucoup de ses concepts et de ses analyses ont été intégrés dans les sciences humaines", de telle sorte qu’il semble constituer un acquis irremplaçable. C’est ce qu’affirme dans une très récente interview M. Jospin - qui parle ici en penseur de la politique et non comme politicien. Cette position serait à la rigueur défendable, si on nous disait mieux ce que sont ces acquis : quand je vois évoquées dans la suite la théorie des idéologies ou celle de l’exploitation, je crains que notre auteur n’en reste à un marxisme très classique bien difficile à défendre après les derniers événements. On pourra, de façon plus générale, sacrifier Lénine et se replier sur Marx. Sans le léninisme, c’est-à-dire l’analyse du rôle du parti nécessairement unique, la théorie de la prise du pouvoir, reste-t-il grand-chose de Marx réduit à une métaphysique indigente, à une théorie économique absurde et à une philosophie de l’histoire à la fois insignifiante et fragile ? Même si on s’efforcera de ne parler apparemment que de Marx, je pense qu’on continuera à penser au marxisme-léninisme. Prenons un exemple : vient de se dérouler un débat télévisé entre un historien connu et un professeur de philosophie. L’historien, qui ne se donne pas pour marxiste, éprouvait le besoin de reconnaître sa dette à l’égard de Marx. Quant au philosophe, sans éprouver visiblement le moindre besoin de se justifier, il nous présentait comme une évidence que les événements de Moscou allaient enfin "nous rendre possible la lecture de Marx" - mais qu’est-ce qui l’empêchait donc ? -, celle entreprise par exemple par Althusser ! Bien sûr, il négligeait d’avertir les spectateurs qu’Althusser était un léniniste de stricte obédience qui s’était séparé du P.C.F., lorsque celui-ci, par démagogie, manquant à la rigueur, avait renoncé au terme "dictature du prolétariat". J’ai donc bien peur qu’au nom d’un retour à Marx on en revienne à cette orthodoxie léniniste à laquelle le régime de Moscou était parfaitement fidèle ! Attendons-nous au pire. Bien sûr les intellectuels seront déstabilisés pendant un certain temps, mais, au prix de multiples pirouettes et d’innombrables non-dits, ceux qui inclinaient au marxisme-léninisme pourront ne rien changer à leurs opinions sans trop perdre la face ! LA MARXISATION DE L’ENSEIGNEMENT Ce long détour par une analyse de la situation dans le monde culturel était indispensable pour apporter un fondement plus solide à l’argumentation qui va suivre : je pense que notre système d’enseignement, dans son ensemble et à tous les niveaux, est profondément marxisé, qu’il prédispose nettement ceux qu’il forme à bien accueillir les thèses marxistes, mais que les vicissitudes du régime soviétique et son échec patent auront, du moins à court terme, une influence presque négligeable sur cette situation. Démarxiser l’enseignement, au sein du personnel politique, le précepte est adopté par un certain nombre d’excellents esprits. De M. Bruno Mégret qui avait déjà publié de très précieuses enquêtes sur le contenu des manuels scolaires lorsqu’il présidait les C.A.R. (Comités d’Action Républicaine) et qui aujourd’hui, parlant au nom du Front National, note que des manuels d’histoire, de français, de géographie, d’instruction civique "distillent les idées condamnées par les peuples de l’Est" et qu’une révision de tout ce matériel est le minimum indispensable, jusqu’à M. Philippe de Villiers qui s’engage avec le courage et la sincérité que nous lui connaissons, en passant par le Professeur Mattei (député P.R. de Marseille) qui très radicalement se demande si on continuera à présenter l’idéologie marxiste comme un système respectable, pour conclure qu’on ne peut plus maintenant justifier le mensonge. Tous ces textes sont bienvenus et leur convergence est très significative. D’ailleurs, pour notre part, cela fait longtemps que nous attirons l’attention sur les manuels et longtemps on avait l’impression de prêcher dans le désert. Peut-on espérer que cette époque est définitivement révolue ? Que le contenu de l’enseignement développe une prédisposition en faveur des thèses marxistes n’est guère contestable, même si on peut hésiter pour estimer l’ampleur du phénomène. Bien entendu, celui-ci se manifeste de façon variable selon les disciplines. Mathématiques et sciences expérimentales ne sont pratiquement pas affectées, alors que le sont essentiellement l’histoire, les sciences sociales (parmi lesquelles nous rangeons l’économie), la géographie humaine, la philosophie et même toutes les disciplines à composante littéraire. Fréquemment ce qui est enseigné est grossièrement idéologique. Je pense donc qu’il est indispensable d’entreprendre une longue campagne d’opinion au sujet des manuels scolaires. Il est anormal que trop souvent "le socialisme sous toutes ses formes soit enseigné comme le modèle et le terme de l’histoire du genre humain", selon l’excellente formule de Philippe de Villiers qui résume parfaitement la vulgate scolaire de la philosophie marxiste de l’histoire (un acquis pour M. Jospin ?). Mais il faut ne se faire aucune illusion : à côté des cas flagrants - les manuels qui donnent une vision idyllique des pays de l’Est, de même que certains encensèrent Staline - il y a des cas de propagande plus sournoise mais tout aussi nocive. De plus, ce serait une erreur que de se restreindre à quelques disciplines au premier rang desquelles on trouve l’histoire, il faudra débusquer l’idéologie partout où elle se trouve. Il y a quelque temps, les enseignements d’espagnol offraient facilement l’hospitalité à un éloge de Castro, qu’on trouvait dans certains manuels. De façon générale, les enseignements de langues sous prétexte d’initiation à la civilisation et à la vie contemporaines offrent des possibilités inépuisables. Bref, on aurait tort de se focaliser sur quelques exemples criants ; le travail sera long et difficile. Supposons ce travail accompli. Il faudra substituer aux manuels litigieux d’autres livres plus acceptables. Or, on en fait constamment la cruelle expérience, il arrive que rien de satisfaisant ne soit proposé sur le marché. Le caractère verrouillé du système des éditions scolaires explique largement cette situation. Supposons qu’on ait trouvé, ou fait rédiger et éditer un manuel acceptable, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Encore faudrait-il qu’il soit adopté dans les classes, ce qui dépend très largement des enseignants eux-mêmes. Craignons leurs réactions hostiles s’ils ont le sentiment qu’on entend leur forcer la main ou les soumettre à un contrôle. Bien entendu, si une action est entreprise, soyons assurés qu’elle se déroulera sous l’accusation qu’elle constitue une "chasse aux sorcières", reproche cocasse lorsqu’il vient des partisans de la pire terreur, mais qui a comme le pouvoir magique de faire s’évanouir en fumée les résolutions les plus fermes de la droite. Qu’on m’entende bien : je tiens le problème des manuels pour essentiel, je me réjouis de le voir enfin posé de façon rigoureuse. Mais je mets en garde contre l’illusion qu’il pourrait être facilement résolu, et que les socialistes sont prêts, de quelque façon, à contribuer à sa solution. Il faudra une action longue, cohérente, persévérante, à laquelle devront participer les politiques, les parents d’élèves et les segments du corps enseignant qui ne sont pas atteints par le virus marxiste, pour redresser véritablement une situation profondément dégradée. C’est tout ce que je veux affirmer au sujet des manuels. Je crois également que ce n’est pas le seul vecteur de la marxisation de l’enseignement. Peut-être même n’est-ce pas le plus important, même si c’est le plus voyant pour les observateurs extérieurs à l’école. J’en noterai trois autres auxquels il est plus ou moins facile d’ôter leur venin. Le premier est constitué par l’orientation idéologique et la formation culturelle de la majorité des enseignants. Tout le monde sait qu’ils sont en moyenne plus à gauche que l’ensemble des Français. Mais leurs préférences électorales ne mesurent qu’imparfaitement cet écart, qui est encore plus important qu’on pourrait le croire, car ce sont ceux qui accordent le moins d’importance à la vie politique qui sont le plus à droite ! Il n’y a pas lieu de s’étonner de cette situation, résultat du privilège accordé par la droite à l’économique sur le culturel (même du temps où régnait l’agrégé Pompidou). En moyenne, les enseignants ont été formés il y a vingt ans lorsque régnait de façon éclatante un marxisme d’autant plus envahissant qu’il était très relâché depuis 1968. Telle était la dominante de la culture qui les nourrissait. Considérez les titres les plus vendus dans la presse hebdomadaire ou quotidienne de niveau correct, la production du petit écran, etc., vous ne trouverez que peu d’éléments qui viennent contrebalancer cette influence. Entrez dans une librairie et confrontez au rayon des essais le nombre d’ouvrages qui relèvent plus ou moins de l’obédience marxiste à ceux qui lui sont opposés. Le résultat est sans équivoque. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner : ces fruits amers de la légèreté des politiques, nous les avons vus mûrir et nous sommes aujourd’hui confrontés à des difficultés inextricables. L’un des problèmes les plus graves auxquels sont confrontés les pays de l’Est récemment libérés est celui de la formation des enseignants de certaines disciplines. Nombre d’entre eux, notamment en philosophie, ne connaissent et ne savent enseigner que le marxisme-léninisme. Comme il n’est pas question de chasser ceux qui ne se sont pas personnellement compromis avec le totalitarisme, et que pour beaucoup il est trop tard pour les "recycler", il reste à attendre leur retraite... Certes, en France, la situation est notablement différente. Personne n’était soumis à la censure, astreint à l’orthodoxie par les méthodes qu’on connaissait ailleurs. Mais la paresse intellectuelle, la prodigieuse volonté de ne pas se singulariser propre aux enseignants, l’air du temps, le poids des acquis, ont produit des effets plus atténués, mais assez analogues. Prenons-en notre parti. Indépendamment du fait que les enseignants seraient pleinement en droit d’invoquer leur imprescriptible liberté d’opinion, ils ne vont pas refaire leur culture vers 40 ans, et d’autant moins que le métier est devenu si peu gratifiant qu’ils sont incités à l’inertie. Il faut simplement espérer que les nouvelles générations seront mieux formées - ce qui suppose qu’on s’oriente dans une direction radicalement opposée à celle qu’indique la mise en place des I.U.F.M - et que par ailleurs les conditions d’exercice du métier seront modifiées de telle sorte qu’elles ne disposent plus aussi aisément à la diffusion de l’idéologie. Cela concerne d’abord l’organisation générale de l’enseignement, ensuite les programmes traités. L’organisation marquée par l’égalitarisme systématique, le laxisme croissant (plus de classes à l’école primaire, mais des "parcours" indéfinis, plus de redoublement, et bientôt plus d’examens avec la disparition du baccalauréat dont la mort est programmée) font vivre les élèves dans un univers régi par des principes aux antipodes de ceux qui gouvernent le monde de l’entreprise. Etonnons-nous ensuite si l’univers capitaliste leur apparaît radicalement étranger, et en conséquence hostile ! Ajoutons à cela le rôle croissant donné aux associations d’élèves, dans de nombreux cas habilement manipulées, et on reconnaîtra que tout est mis en œuvre pour que soit créé un climat favorable à la diffusion de l’idéologie marxiste. Tous ces facteurs ont une action globale et indirecte qu’il est difficile de mieux préciser en quelques lignes. A eux seuls, ils mériteraient une étude, mais il fallait au moins les signaler ici. Mais l’essentiel concerne les programmes : depuis plus de 20 ans, le principe directeur est de privilégier l’actualité et de faire en sorte que l’enseignement trouve son centre dans l’étude du monde contemporain, à laquelle on a progressivement accordé une quasi-exclusivité. Bien entendu, l’histoire est la première concernée, mais aussi toutes les disciplines littéraires : on a vu pratiquement disparaître l’étude des textes classiques en français et dépérir les langues anciennes. Les propositions de renouvellement de programme de la section des lettres de l’Ecole normale supérieure - il ne s’agit donc pas de n’importe quel concours, mais de celui qui donne l’accès à l’établissement vraisemblablement le plus illustre - sont significatives. Pour l’épreuve d’anglais, en plus de deux textes très classiques, on inscrit comme question "l’Amérique de Reagan" et on propose à titre indicatif une bibliographie aucunement engagée, mais qui contient des titres qui relèvent plus de la "politologie" ou du journalisme que des traditions universitaires. Cette hâte à suivre l’événement, combinée à de vieilles habitudes, peut donner des résultats assez cocasses. Ainsi, la même note (envoi daté du 5 juin) prescrit en géographie comme seconde question l’étude des mutations politiques et nouvelles solidarités régionales en "Europe de l’Est" ; mais dans une parenthèse l’énumération des pays concernés commence par "R.D.A.". On avait oublié que cet Etat n’existait plus. Lapsus significatif. A trop vouloir s’accrocher à l’éphémère, on risque d’être débordé par les événements. Encore ce programme concerne-t-il exclusivement des étudiants hautement sélectionnés, mais des phénomènes analogues se manifestent à tous les niveaux depuis l’école primaire. A vouloir ne pas séparer l’enseignement de la vie, on transforme tous les professeurs en simples journalistes. Ce qui peut être sérieusement traité dans certaines enceintes pour un public qualifié, risque de sombrer dans le bavardage lorsqu’on le met à la portée de n’importe qui. Il est ridicule de vouloir transformer en un mini sciences-po (qui n’est d’ailleurs peut-être pas en soi un modèle) la moindre classe de collège. C’est la meilleure façon de procéder pour que plus personne ne sache lire ou écrire. C’est aussi la porte ouverte aux discours idéologiques et à la politisation. Je ne dis pas qu’il soit impossible d’étudier les années Reagan de façon objective, mais c’est sans aucun doute plus difficile que lorsqu’on entreprend de parler des derniers Stuarts. Il y a des objets trop proches de nous pour ne pas soulever aisément les passions. Que l’orientation des programmes risque de mettre en péril l’objectivité, qu’elle favorise la politisation, personne en définitive ne le nie. Après les événements de Moscou des représentants de parents d’élèves ont fait part de leur inquiétude au ministre. M. Jospin a reconnu que peut-être il y aura lieu de réviser certains manuels, mais comme mesure d’urgence, faute de mieux, il conseillerait aux jurys d’examen de ne pas interroger sur ces événements très récents pour éviter de laisser une trop grande part à la subjectivité, aux préférences personnelles. Aveu significatif, mais si la mesure est sage, elle n’apporte qu’un palliatif dérisoire à un mal bien plus grave. Toute action contre la politisation de l’enseignement passe donc par une révision des programmes dans leur lettre et dans leur esprit. N’attendons des événements de Moscou aucun miracle chez nous. Le système de mensonges qui y a régné 74 ans est si profondément enraciné de multiples façons dans l’esprit de beaucoup de nos compatriotes qu’il continuera pendant très longtemps encore à exercer son influence nocive. Maurice BOUDOT. LIBERTE D’ENSEIGNEMENT EN EUROPE : DERNIERES TENDANCES Lorsqu’on regarde la liberté d’enseignement en Europe on ne peut pas renoncer à la qualifier de "parent pauvre" des droits de l’homme. En effet, dans beaucoup d’Etats, elle n’est pas considérée comme un droit du même rang que les autres. Pourtant cette liberté est protégée par 13 instruments internationaux, depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Déclaration des droits de l’enfant, la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion et la conviction et la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, la Convention et la Recommandation concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement de l’UNESCO, La Recommandation relative à la situation du personnel enseignant conjointe UNESCO/OIT, la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, la Convention américaine des droits de l’homme de l’Organisation des Etats Américains, la Résolution sur la liberté d’enseignement dans la Communauté Européenne du Parlement Européen, jusqu’au Document de clôture de la réunion de Vienne de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). D’après ces textes la liberté d’enseignement comprend quatre droits :
Il faut bien noter que selon les textes internationaux le droit de choix des parents ne doit pas être limité au domaine éthique ou religieux ou aux convictions. La liberté d’enseignement concerne également le type d’éducation, notion plus large qui peut faire référence aux contenus pédagogiques ou au caractère propre de l’école. Ces droits demeureraient purement théoriques si les Etats ne les rendaient possibles sur le plan financier. C’est pourquoi le droit au choix suppose qu’il peut s’exercer sans contrainte économique, ce qui implique que l’Etat doit subvenir aux besoins financiers de ces établissements autres que ceux des pouvoirs publics. La Résolution sur la liberté d’enseignement du Parlement européen permet de bien cerner cette question essentielle pour la liberté dont il est question ici. Le droit à la liberté de l’enseignement - dit la Résolution - implique l’obligation pour les Etats membres de rendre possible également sur le plan financier l’exercice pratique de ce droit et d’accorder aux écoles les subventions publiques nécessaires à l’exercice de leur mission et à l’accomplissement de leurs obligations dans des conditions égales à celles dont bénéficient les établissements publics (par. 9). Dans le contexte européen les situations sont très variées, mais le bilan n’est pas globalement favorable. S’il est vrai que les législations permettent l’exercice de cette liberté, dans la plupart des pays le respect est presque partout purement formel. La question essentielle demeure l’aide financière octroyée à l’école non étatique, car la plupart des pays font une interprétation purement négative de ce droit : interdit d’interdire. Il n’est pas dans notre intention de faire ici une analyse exhaustive des différentes situations, nous voulons aborder plutôt certaines tendances nouvelles que l’on peut observer aisément. Ces tendances pourraient être présentées de la façon suivante :
L’OIDEL prépare actuellement un rapport permettant d’évaluer la situation des pays européens au travers d’indicateurs précis déterminant les degrés de liberté. Ces degrés s’échelonnent de l’autorisation légale de fonder des établissements privés (le plus bas), à l’appui des pouvoirs publics à la création de nouveaux centres (aide financière apportée aussi bien pour les frais de fonctionnement que pour les dépenses d’investissements). Sous la dénomination pays avec législation restrictive nous comprenons ceux qui autorisent l’existence d’écoles non étatiques mais qui ne leur octroient aucun subside. Nous laissons ici de côté les formes que peut revêtir la subvention octroyée par l’Etat : dégrèvement fiscal, bon scolaire, financement direct à l’école, etc. En Italie le principe même de la subvention est plus ou moins interdit par la Constitution. En Grèce, l’Etat ne verse aucune subvention aux écoles non étatiques et la création de centres privés d’enseignement universitaire est également interdite par la loi. Dans ces pays on ne remarque actuellement aucune volonté de changement dans la majorité de la classe politique. Ce n’est pas le cas des mouvements sociaux très actifs par exemple en Italie. Une deuxième tendance marquée est la crise que traversent les systèmes libéraux, où il existe une réelle liberté de création et gestion de centres privés. Ces centres sont financés par l’Etat au même titre que les centres publics. C’est le cas des Pays-Bas et de la Belgique. Les écoles reçoivent une subvention de l’Etat en fonction du nombre d’élèves, indépendamment de l’orientation du centre. Dans ces pays, surtout en Belgique, il existe cependant un profond malaise parmi les enseignants. En effet l’école privée est monopolisée par des réseaux qui, en se substituant à l’Etat, ont hérité de ses défauts : bureaucratisation, uniformisation et démesure. On remarque également une perte d’identité des écoles : à l’origine surtout catholiques, protestantes ou laïques (libre pensée). Souvent cet abandon est lié à la crise idéologique des groupes promoteurs et, paradoxalement, au désintérêt des parents pour les projets éducatifs des centres. Troisième tendance particulièrement dangereuse : la régression dans des pays dont les lois éducatives établissent clairement la liberté de choix des parents. Par des mesures d’ordre administratif et budgétaire l’Etat vise à la réduction progressive de l’enseignement dit privé. Au début des années 80 en France et en Espagne les gouvernements ont lancé une virulente campagne contre la liberté d’enseignement qui s’est soldée plus ou moins par un échec. Les mêmes gouvernements ont adopté alors une tactique sournoise consistant à multiplier les obstacles pour rendre difficile, voire impossible, l’existence des écoles privées. En Espagne, l’Etat exige que l’enseignement primaire et secondaire soit entièrement gratuit alors que la subvention de l’Etat ne couvre même pas la totalité des frais de fonctionnement. En France le gouvernement interdit aux régions et aux municipalités de participer de façon substantielle aux frais d’investissement des écoles privées. Nous jugeons cette tendance spécialement dangereuse car, outre le précédent qu’elle peut établir, elle est encouragée par des groupes politiques démocratiques qui n’arrivent pas à comprendre le sens de la liberté d’enseignement. La quatrième tendance est positive : elle concerne des législations qui accordent une importance accrue à la liberté d’enseignement. La toute récente loi portugaise d’éducation, par exemple, en plus d’accorder une grande importance à l’autonomie des centres publics - chaque établissement peut créer sa propre identité -, appuie décidément l’enseignement coopératif et privé. Dans le Royaume-Uni une expérience intéressante est en cours depuis 1988. Par le système opting out les parents peuvent prendre en charge l’école publique de leurs enfants qui devient de facto propriété des parents. Ceux-ci l’administrent, recevant une subvention directe du ministère de l’Education. Les pays d’Europe centrale et orientale, après la douloureuse expérience de 40 années de monopole et d’endoctrinement, sont tous en train de mettre sur pied des réseaux pluralistes. En Pologne, par exemple, les écoles privées sont déjà entièrement subventionnées par l’Etat. La Fédération de Russie vient de mettre sur pied une sorte de bon scolaire dans certaines grandes villes. En général, les nouveaux gouvernements de ces pays sont très sensibles aux questions de liberté d’enseignement. Dans la cinquième tendance, nous pouvons regrouper les intellectuels américains. Aux USA le débat est, en effet, très vivant et actuel. Il suffit de citer C. L. Gleen, J. S. Coleman, J. Coons, M. Friedman, C. Jencks, C. J. Finn ou la revue Phi Delta Kappa. Traversant tous les courants de pensée politique, de l’anarchisme au libéralisme en passant par la social-démocratie, un vaste mouvement de juristes et sociologues est à la source, depuis quelques années, des plus intéressantes réflexions sur la liberté d’enseignement. (Un bon résumé de cette pensée américaine se trouve dans la publication d’OIDEL : C. L. Gleen, Free Schools for à Free Society, Lectures 1, Genève, à paraître). Le bilan global n’est guère réjouissant. Deux facteurs nous semblent déterminants : le manque de volonté politique de la plupart des partis et les carences des parents ; beaucoup d’entre eux n’accordent qu’une importance restreinte au choix de l’école. Ce dernier facteur nous semble le plus important, car la classe politique n’agira vraisemblablement que sous la pression des citoyens. Un demi-siècle de monopole crée des habitudes difficiles à déraciner. C’est ce qui explique l’apathie des parents et en partie les excuse. La liberté demande aussi un apprentissage, l’expérience dans d’autres domaines le prouve. Il est nécessaire de bâtir une culture de la liberté pédagogique : c’est une tâche prioritaire pour les mouvements sociaux et les intellectuels. Alfred FERNANDEZ, Tweet |