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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesLettre N° 34 - 4ème trimestre 1991
ÊTRE ENSEIGNANT AUJOURD’HUI Aborder dans un article de proportions modestes, les problèmes des enseignants à la fin d’une année qui nous a offert de nombreux livres sur le sujet est sans doute téméraire, mais je voudrais me faire l’écho de trois de ces livres avant de proposer ma réflexion déjà ancienne sur la vocation de professeur. Pourquoi attacher tant d’importance à ce sujet ? Cette question n’est pas nouvelle, en 1977 on avait organisé dans une école normale de la région parisienne un débat sur le sujet suivant "Comment peut-on encore être Prof. en 1977". Au cours de ce débat on avait remis à Claude DUNETON un prix récompensant un livre sur son expérience d’enseignant et dont le titre était "Je suis comme une truie qui doute". L’Education Nationale est en crise depuis fort longtemps - les réformes se succèdent à un rythme accéléré - les résultats sont de plus en plus inquiétants, on change les matières, les options, les horaires, les programmes, on ajoute là, on enlève ailleurs, on joue sur les mots, on modifie les structures, on invente de nouvelles méthodes - dernière nouveauté les I U F M (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres). Malgré tout la situation est toujours aussi inquiétante. Tous ces projets multiples dont certains n’aboutissent jamais ont pour effet de créer un désarroi dans le corps professoral, chez les parents et même chez les élèves. Dans l’ancienne pédagogie, on apprenait aux futurs professeurs que les enfants avaient besoin de sécurité et qu’il fallait toujours suivre le même ordre dans l’organisation de son cours. Hélas ! nous sommes loin de cet idéal. Les raisons en sont multiples et je vous renvoie aux trois livres dont je parlais plus haut, et qui se complètent assez bien. "Ecrits sur l’Enseignement" de Jacqueline de ROMILLY (de Fallois). Il s’agit de la réédition de deux ouvrages, l’un écrit en 1968 "Nous autres Professeurs" l’autre en 1984 "L’enseignement en détresse". Une préface fait le point sur la situation en 1991. Madame de ROMILLY est une universitaire, une académicienne mais surtout "Une femme qui a consacré toute sa vie à son métier de professeur" et qui souffre d’autant plus de voir la dégradation actuelle qu’elle avait mis plus haut son idéal d’helléniste. Le second livre est écrit aussi par un universitaire ; "Pourquoi ont-ils tué Jules Ferry" ?", Philippe NEMO (Grasset) appartient à une autre génération qui n’a sans doute pas la même vénération pour le passé mais sa critique est véhémente. Après avoir mis en évidence l’échec scolaire et le retour des inégalités Philippe NEMO ne craint pas de parler d’un système soviétiforme. Le troisième livre qui me semble pouvoir rejoindre les deux précédents est bien différent. - "Cœur de Prof." (l’année sabbatique d’un cadre supérieur dans l’enseignement secondaire) - (Calmann Levy). En effet, Bernard HOUOT, ancien élève de l’école polytechnique a voulu être professeur de mathématiques dans un établissement de Lyon et il nous livre ses réflexions sur son expérience. Les critiques sont celles d’un homme venu de l’industrie et qui regarde l’école d’un œil neuf et sans préjugés, il rejoint cependant en partie les jugements précédents mais son point de vue devrait être plus convaincant, aux yeux du grand public qui a tant de peine à comprendre ce qu’est le métier de professeur. Je retiens le chapitre 5 particulièrement intéressant pour le sujet qui nous intéresse. Bernard HOUOT compare les méthodes de recrutement, celles de l’industrie et celles de l’Education Nationale. Il évoque les entretiens, les visites, les interviews qui précèdent la signature d’un contrat avec une entreprise. Pour l’enseignement qui est la communication par excellence, un diplôme donnant le doit d’enseigner suffit ! Mais il vaut mieux citer Bernard HOUOT "Dans le processus de recrutement et l’affectation des professeurs, j’ai le sentiment que l’Education Nationale a perdu le goût de la rencontre des autres. L’autre, cet être humain, ce professeur qu’il faut gérer et reconnaître, c’est bien sûr une somme de complexité". Quelle solution proposent ces trois livres ? De nombreuses dont je retiendrai la principale, une place essentielle donnée à la liberté. Madame de ROMILLY insiste sur le "savoir" facteur de formation et de liberté et pour atteindre ce savoir, sur l’esprit de compétition. Philippe NEMO et Bernard HOUOT réclament aussi une autre liberté celle de créer des écoles. Philippe NEMO souhaite des "créateurs d’école" "Des hommes et des femmes qui osent concevoir des projets d’école innovateurs et spirituellement libres". Le dernier chapitre de "cœur de prof." est une lettre à Lionel JOSPIN où l’on peut lire entre autres "Ma demande, c’est celle de pouvoir créer une école près de chez moi". Comment financer ces initiatives? par des chèques éducatifs selon le premier, en déduisant de ses impôts le montant de la scolarité de ses enfants, selon l’autre. Ces remarques, bien évidemment, ne suffisent pas à résumer ces trois livres très riches en analyses et en suggestions. Cependant, ces ouvrages nous permettent de revenir au sujet important, l’école, et à une de ses composantes essentielles "le maître". La crise de l’école n’est-elle pas en partie celle des enseignants ? * Même si l’on se borne aux maîtres du secondaire, la variété des situations est extrême. Les "grands" lycées échappent peut-être encore au désastre. Comment comparer un établissement situé dans un quartier résidentiel avec tel L E P des grandes banlieues ? La situation est donc très variable. Cependant, le malaise est là qui aboutit au doute, au désespoir, à la dépression quand ce n’est pas au suicide ; quand cela est possible, beaucoup s’orientent vers d’autres métiers plus rémunérateurs et moins pénibles, où l’on n’est pas nommé aveuglément à des postes lointains, et ainsi l’éducation nationale perd des éléments de valeur au profit des entreprises privées. Autre problème, la baisse inquiétante du niveau des élèves rend la tâche des professeurs surhumaine d’autant plus que l’augmentation des effectifs ne permet pas de s’intéresser aux plus faibles pour les "repêcher". Des effectifs pléthoriques favorisent l’indiscipline, l’insolence, les chahuts et dans les établissements où l’encadrement est insuffisant, ces situations sont insolubles et pour certains professeurs, la seule issue est le congé maladie, la retraite anticipée ou la fuite. En effet, le professeur n’est plus respecté, il n’a plus d’autorité, il exerce selon un sociologue "Un métier de classe moyenne". Cette expression est inquiétante, le professeur est vu comme un employé interchangeable, cette situation est selon Philippe NEMO "radicalement incompatible avec la nature même de la tâche enseignante". Ce dernier poursuit plus loin son raisonnement en affirmant "qu’une société ne peut être éduquée" que par "une aristocratie de l’esprit comme elle l’a été de fait en Europe depuis qu’il existe des écoles". Je n’évoque, que pour mémoire les conditions financières, elles sont plus difficilement supportables quand le métier n’est plus gratifiant. Autrefois, les professeurs acceptaient des rémunérations modestes, car ils faisaient un métier exaltant, maintenant, beaucoup vivent leur situation comme un bagne. Il faudrait au moins avoir une compensation financière pour accepter cet avenir sans horizon. Comment un professeur ne serait-il pas révolté quand il entend une présentatrice d’un journal télévisé du week-end annoncer tout naturellement qu’elle gagne 60.000 francs par mois. Nous vivons une période où toutes les valeurs sont bafouées. Former les esprits, soigner les corps, exercer la justice, quelle importance ! mais taper dans un ballon, renvoyer des balles, montrer son joli minois sur le petit écran voilà ce qui se pale dans la société moderne. J’aurais envie de dire une société a l’école qu’elle mérite, malheureusement, cette société, qui vit encore sur la lancée du passé, paiera sans doute cher ce mépris pour le savoir, car, le vrai rôle de l’école c’est bien la transmission du savoir et à travers ce savoir la possibilité d’une formation, d’une éducation, d’une culture. Cette transmission du savoir, passe par les professeurs. L’école secondaire, ce sont des cours où le professeur et ses élèves sont d’abord face à face puis peu à peu forment une communauté et l’essentiel de la formation se passe là, si le professeur est compétent, a quelque talent de communication, et des effectifs acceptables, l’affaire est gagnée. Bernard HOUOT éprouve cette même impression "vous êtes plongé dans un bain de jouvence. Il vous arrive d’éprouver un sentiment de grande plénitude". Qu’importe le reste ? les horaires, les programmes, les réformes. C’est pourquoi, tout doit être fait pour redonner aux enseignants un savoir solide, une dignité, des conditions matérielles acceptables (effectifs, cadre, sonorisation, petites choses dont l’importance est grande) une discipline générale de l’établissement assurant un minimum de calme et enfin surtout la liberté. Les meilleurs, les plus courageux d’entre eux ont su prendre cette liberté sans attendre qu’on la leur donne et ce sont ceux-là qui restent aux yeux de leurs anciens élèves des "maîtres". Si j’en crois Bernard HOUOT c’est aussi l’attitude de l’éducation nationale qui est à revoir. Pour elle, l’enseignant est un numéro, ce sont des circulaires anonymes qui règlent la carrière. L’administration doit respecter les enseignants au lieu de les traiter comme des objets sans valeur et sans âme. Il y a une quinzaine d’années on m’avait demandé de réfléchir sur la vocation de professeur, j’ai pensé qu’il serait peut-être intéressant de reprendre certains passages de cet article dans le cadre de réflexions sur les problèmes des enseignants. Après avoir insisté sur la nécessité d’avoir une solide formation universitaire afin de dominer la matière à enseigner sans négliger les apports de la psycho-pédagogie, l’article continuait ainsi : cependant toutes les connaissances universitaires, toutes les notions psychopédagogiques ne suffisent pas à "faire" un professeur, il y faut aussi certaines aptitudes fondamentales : Un équilibre ou plutôt une "tendance à l’équilibre" car, lorsqu’on choisit ce métier, on est à peine sorti de l’adolescence et l’on a pas encore fait dans sa vie "cette unité" vers laquelle tous, doivent tendre et qui est une des conditions pour être un "éducateur". Le professeur à travers la discipline qu’il enseigne doit avant tout aider ses élèves dans leur propre formation. Comment le faire si l’on n’est pas soi-même capable de se former ? Un certain détachement :
Un détachement qui doit allier les contraires : l’amour et l’indifférence. Je m’explique : Il faut "aimer" ses élèves, tous ses élèves : les doués et les moins doués, les sympathiques et les autres, les chahuteurs et les calmes, les aimer avec leurs qualités et leurs défauts, leurs aptitudes et leurs manques ; il faut vouloir leur réussite, mais il ne faut pas en faire un instrument d’une réussite personnelle ; il faut avoir de ce fait, une certaine indifférence à leurs réactions, leurs moqueries, leur manque d’intérêt, leur échec même (que savons-nous de ce qui apparaît comme un échec ?). Une aptitude à la communication, à la relation, car le métier de professeur implique un dialogue permanent avec les élèves, une collaboration active avec tous les membres de la communauté éducative (collègues, encadrement, direction, parents). En contradiction apparente avec ce qui précède, une capacité à mener sa vie professionnelle, seul. Dans le système actuel, lorsqu’un professeur a fini ses seize heures, ses dix-huit heures ou ses vingt heures, il est seul. Le danger serait de croire que le travail est fini ; même danger durant les mois de vacances. Il faut un sens de l’organisation, une volonté de travail personnel pour faire correctement son métier. Ce ne sont pas les différentes formes de contrôle extérieur, y compris l’inspection, qui seront une aide si l’on n’a pas en soi une volonté suffisante pour se prendre en main et utiliser les moyens collectifs que tel ou tel groupe de travail propose. Tels sont, me semble-t-il, quelques uns des points sur lesquels il faut réfléchir avant d’envisager de devenir professeur, sans se laisser séduire par la perspective des vacances ou par l’ambition plus noble de participer à la formation de "petits génies". Ce que je vais dire maintenant sur les difficultés et les joies de ce métier reprendra certains aspects de la première partie de cet exposé. Ce métier, suivant la personnalité de chacun, peut conduire à des résultats opposés. Aboutir à une sorte de puérilité est un des premiers dangers que je vois. Nous vivons toujours au contact d’enfants et d’adolescents et nos rapports avec les adultes sont relativement rares. Il faut donc toujours rester en éveil pour ne pas tomber dans l’infantilisme et faire, au contraire, de cette relation fréquente avec les jeunes, un facteur de rajeunissement. En effet, si, subissant le sort commun, nous vieillissons, nous nous retrouvons tous les ans devant la même tranche d’âge, et au contact de nos élèves nous pouvons évoluer peu à peu avec les générations, si évidemment nous avons décidé de les comprendre et non de les juger sans appel. Infantilisme ou éternelle jeunesse, c’est de notre attention que dépend la réponse. Une autre difficulté de ce métier, difficulté mise en évidence ces dernières années : l’école est coupée de la vie réelle ; nous avons ce paradoxe que des professeurs qui devraient préparer les enfants à la vie, risquent de mal la connaître. Les statistiques prouvent que les enseignants vivent entre eux et ont beaucoup de peine à sortir de leur milieu. La difficulté dans l’instauration d’un vrai dialogue avec les parents vient souvent de là. Selon le milieu social auquel appartiennent les élèves, le professeur est regardé d’un œil protecteur ou d’un œil respectueux. C’est tantôt le "pauvre type" qui est assez fou pour s’occuper de ces garçons et de ces filles dont deux ou trois suffisent à épuiser les parents, tantôt l’’’intellectuel", celui qui sait et a tout pouvoir, pouvoir mystérieux pour orienter l’enfant vers la "Faculté" ou les "classes techniques". Rarement s’établit un dialogue d’égal à égal et ce n’est pas toujours la faute des parents. Les enseignants doivent donc veiller à ne pas s’enfermer dans leur milieu, mais à essayer de vivre le plus possible au contact d’autres métiers, d’autres milieux d’avoir des ouvertures réelles et non théoriques et/ou livresques sur les problèmes de la vie moderne. C’est DESCARTES qui recommandait d’avoir un système de relations, "de fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions". Même s’ils paraissent quelquefois négliger leur métier, en réalité, par ce contact avec l’extérieur, les professeurs favorisent leur épanouissement, enrichissent leur enseignement, et cela est indispensable pour leurs élèves. Les gens de l’extérieur pensent que ce métier est monotone, qu’on recommence tous les ans la même chose. Qu’on me dise d’abord quels sont les métiers qui ne comportent pas une part de monotonie ! Ensuite, je répondrai que, comme je le disais plus haut, chaque année ce sont de nouveaux élèves à découvrir de nouveaux problèmes à trancher, une nouvelle classe à conquérir, même s’il faut, selon les matières et les niveaux, un peu rabâcher. On peut toujours se renouveler à condition de le vouloir. Engourdissement et pétrification, renouvellement et dynamisme, telle est l’alternative. Le métier de professeur est très éprouvant, et là ce ne sont pas des gens de l’extérieur qui le diront, car pour tout le monde, l’enseignant est celui qui a trois mois de vacances. Il faut bien savoir que tant qu’on n’a pas exercé ce métier, on ne peut avoir aucune idée de la tension qu’il exige et de l’épuisement dans lequel on se trouve au bout d’une journée de cours. De plus, si les heures de présence sont limitées, le travail ne s’arrête jamais, un cours n’est jamais assez prêt, la préparation lointaine ou immédiate est permanente. En revanche, ce travail peut être très enrichissant. La meilleure manière d’apprendre c’est d’enseigner aux autres. Tous les professeurs un peu sincères avec eux-mêmes seront de cet avis. Quand on se présente pour la première fois devant des élèves, on sait très peu de chose. C’est grâce à eux, à leurs questions, à leurs exigences, que peu à peu on approfondit tel aspect du programme, on clarifie certains points restés obscurs. On apprend ! Mais c’est là un point de vue intellectuel. Le plus grand enrichissement de notre métier, c’est que nous travaillons avec des êtres vivants, c’est à l’élaboration de la vie que nous participons... même si notre rôle est très diminué dans la société actuelle, il existe encore, et ce métier malgré ses difficultés est une source de joie. * Je relèverai une dernière contradiction. Parmi les exigences de ce métier, le respect de l’enfant et de l’adolescent est un impératif. Or ce respect implique non seulement qu’on donne à l’élève la possibilité d’être lui-même, mais aussi qu’on assure son droit à la vérité. Une des tentations de l’enseignant est la comédie, or les élèves exigent de nous que nous soyons vrais. Nous devons leur dire ce que nous sommes, ce que nous croyons, la neutralité me semble anti-éducative. La vie est un choix. Comment apprendre à choisir si soi-même on donne l’exemple de l’hésitation ou de l’indifférence, ne serait-ce que du point de vue esthétique ? On pourrait croire, au terme de cet article, que je pense surtout au professeur et très peu à l’élève. En réalité, si le professeur a "le goût de vivre" s’il est "bien dans sa peau", expressions que l’on relève couramment, les élèves par une sorte de contamination atteindront à un certain équilibre. Cette remarque servira de conclusion ainsi qu’une phrase de BERGSON qui me paraît résumer ce que je viens de dire tout en rejoignant la formulation plus moderne "On n’apprend pas ce que l’on sait, l’on apprend ce que l’on est". BERGSON disait : "Toute mon application, je la réservais pour ma culture personnelle, pour ma vie intérieure, pour mes lectures profondes, pour la recherche de la vérité... mes élèves profitaient... de cette source inconnue". Tel était l’état de ma réflexion en 1977. Aurai-je quelque chose à changer. Je ne crois pas si je me place du point de vue de l’idéal, mais si par hasard quelque malheureux enseignant dans ces établissements qui sont pillés et qui font la Une des journaux (et encore on ne nous dit pas tout) me lit, il pensera que je retarde de quinze ans. Peut-être ! Est-ce une raison pour ne pas croire à l’avenir ? Madame de ROMILLY dans la préface de son livre, parlait de sa ferveur toujours intacte ainsi que de son attachement au service public. Bernart HOUOT a découvert dans ses collègues d’une année, des Professeurs heureux et il va jusqu’à conseiller à ses amis : "Si vous êtes tenté par l’enseignement écoutez votre cœur. Osez quitter votre entreprise le temps d’une année sabbatique". La conclusion de Ph. NEMO est sans doute moins enthousiaste mais résolument optimiste en ce qui concerne les possibilités d’une réforme libératrice de l’éducation en France. Trois livres imprimés en 1991 après avoir été sévères pour la situation actuelle, offrent un peu d’espoir. Leurs auteurs croient que des hommes de bonne volonté existent encore pour faire changer le système. Croyons, quant à nous, que des professeurs ayant "la vocation" prendront la relève et que la société leur assurera le respect, la dignité indispensable pour ceux qui doivent former les esprits et les caractères des futures générations. Yvonne POIRIEUX J’espérais me donner un peu de répit, éviter de lasser les lecteurs en ne participant pas à la rédaction de ce numéro de notre Lettre. C’était vivre dans l’illusion. La politique conduite par M. JOSPIN suscite actuellement de tels phénomènes de rejet que les adhérents d’Enseignement et Liberté ne me pardonneraient pas de rester silencieux. Quelques caractères distinguent la crise qui vient d’éclater, car on ne peut douter qu’il s’agisse d’une crise :
Toutes les situations, qui ont engendré cette agitation qui reste actuellement larvée, ont en commun d’être sans précédent, soit par la nature du phénomène, soit par son ampleur. L’enseignement privé a l’habitude d’être mal traité. Mais, depuis de nombreuses années, on n’avait jamais abouti à une telle accumulation en matière de retards de paiements (forfait d’externat, subvention pour la formation des maîtres, subventions d’investissements). Je renvoie à l’excellent document de la Commission permanente du Comité national de l’enseignement catholique publié dans le n° 167 d’ECD pour les détails techniques. On parle de 5 milliards qui auraient dû être versés si on avait respecté cette parité qu’exige l’équité ou plus simplement la loi. L’UNAPEL qui a pourtant fait montre d’une patience à mon sens excessive doit se révolter devant l’ampleur de l’injustice et il n’y a pas lieu de s’étonner si la base manifeste. Comme en 1984, c’est la Bretagne qui a commencé à faire parler d’elle (20.000 manifestants) et il n’y aura pas lieu de s’étonner si le mouvement s’étend. Les élèves de l’I.U.F.M. sont furieux des contraintes ineptes que leur impose une formation ridicule où ils n’apprennent pas la discipline qu’ils auront à enseigner. Ils s’indignent de ne rien savoir sur le sort qui leur sera réservé, sur l’avenir des concours de recrutement. A vrai dire, pour la première fois depuis l’histoire de la République, on recrute depuis quelques années des fonctionnaires avant d’avoir défini leurs fonctions, droits et obligations ! C’est aussi la première fois - du moins en temps de paix ! - que des fonctionnaires attendent plusieurs mois leur traitement : c’est pourtant le cas d’un certain nombre d’instituteurs en région parisienne. Enfin, y a-t-il des précédents à cette fermeture de toutes les écoles de Mantes-la-Jolie (ville de 50.000 habitants) parce que les maîtres estiment que leur sécurité n’est pas assurée ? Ils jouissent de l’appui de la population... tandis que les syndicats essaient d’endiguer le mouvement avec leur discours usé, et qu’en catastrophe les autorités finissent par accepter de négocier lorsque le mouvement menace de faire tâche d’huile. Vraiment, il y a crise de l’éducation, et bien au-delà, c’est l’autorité de l’Etat qui est en cause. Alors est-ce une simple bourrasque ou l’annonce d’un ouragan ? Il est un peu tôt pour le dire. Maurice BOUDOT Tweet |