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Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
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Questions crucialesEsthétique de la liberté
Philippe Nemo vient de publier chez PUF Esthétique de la liberté.
"S'appuyant sur les analyses de nombreux auteurs, de Platon à Plotin, de Grégoire de Nysse à Pic de la Mirandole, de Kant à Proust, il montre que tout ce qui enferme la vie humaine dans un cadre tracé d'avance la mutile et l'enlaidit, cependant qu'une vie libre, marquée par la contingence, le risque, le surgissement du Nouveau, peut seule rencontrer et créer de la beauté."
Enseignement et Liberté le remercie d'avoir bien voulu nous autoriser les pages de son livre consacrées à l'Education nationale française, représentative des "méfaits du socialisme".
Considérons un milieu représentatif des méfaits du socialisme dit modéré, l’Éducation nationale française. Ce système est géré par une autorité opaque, politico-syndicalo-sectaire. Au fil des ans, il est devenu à la fois infiniment tyrannique et infiniment laxiste, et tel qu’on pourrait largement lui appliquer certaines analyses, sinon du 1984 d’Orwell, du moins du Procès de Kafka. Ses agents savent qu’ils ne sont que les pièces anonymes d’un système immense qui se comporte de façon inadéquate et absurde et que plus personne ne dirige vraiment. Donc ils ne peuvent y survivre qu’en abjurant eux-mêmes toute responsabilité, c’est-à-dire en renonçant à éprouver honte ou gêne du fait qu’une situation scandaleuse se prolonge indéfiniment.
J’en donnerai l’exemple suivant, choisi parmi d’autres tout aussi significatifs. La rumeur publique, l’expérience et, désormais, quelques échos de presse ont montré comment de très nombreux parents parviennent à contourner la « carte scolaire », cette disposition administrative obligeant les familles à inscrire leur enfant dans l’école ou le collège le plus proche de leur domicile[1] . La volonté des parents d’échapper à la règle n’est que trop explicable. Quand ils apprennent que l’établissement où leurs enfants doivent être affectés n’a pas le niveau correspondant à leurs attentes, ou, pire, qu’il est franchement mauvais, que les violences et les rackets y sont monnaie courante, et qu’on sait que l’enfant, mélangé à des condisciples appartenant à de nombreuses nationalités différentes, ne pourra pas y recevoir une éducation traditionnelle, ils tentent par diverses stratégies d’échapper à cette situation qu’ils perçoivent comme profondément injuste et leur causant grief.
On a répertorié avec précision ces stratégies[2] . Certains achètent ou louent un appartement dans le secteur d’un établissement bien coté et y déménagent avec toute leur famille. D’autres achètent ou louent un appartement dans le secteur en question sans y habiter ; ils sont alors en mesure de produire de faux documents qui donneront le change à l’administration. D’autres encore choisissent de faire étudier à leurs enfants des langues rares et autres disciplines plus ou moins inutiles pour leur formation, mais dont ils savent qu’elles ne sont pas enseignées dans le secteur, ce qui justifiera qu’on les inscrive ailleurs. D’autres enfin demandent au Rectorat des dérogations : elles seront accordées si le demandeur est suffisamment bien placé dans le journalisme, la politique ou les affaires. Le résultat de ces divers procédés est qu’à Paris on estime à 25% la proportion des élèves en situation irrégulière.
L’administration scolaire s’accommode de la situation. En effet, appliquer strictement les règles présenterait pour elle plus d’inconvénients que d’avantages. Les directeurs d’établissements ne veulent pas s’attirer ennuis et pressions. Au plan national, on ne veut pas provoquer une polémique qui, rendant le problème public, forcerait l’Éducation nationale à expliciter les principes qui gouvernent l’instauration de la carte scolaire, qui ne sont pas des principes d’efficacité et de justice, mais de transformation révolutionnaire de la société. Cette politique risquerait alors d’être combattue par une partie au moins de l’opinion, ce qui pourrait aboutir à une remise en cause du principe de l’école unique et du monopole de l’Éducation nationale, perspective insupportable pour les idéologues qui dirigent le système. Sans compter que, depuis Sénèque conseillant au jeune Néron d’être « clément » quand il a connaissance des turpitudes de ses sujets, les politiciens un peu chevronnés connaissent la logique : lorsque les contrevenants à une règle dépassent un certain nombre, le fait de les punir tous est contre-productif parce que l’ampleur même de la répression enseigne aux coupables qu’ils sont plus nombreux qu’ils ne le croyaient, ce qui leur enlève leurs scrupules et les rend plus hardis dans leur révolte.
Toutes ces vilenies sont vilaines, mais j’en viens à ce qui est abominable. L’abominable est qu’élevés dans cet univers, les enfants n’ont plus de repères moraux. Ayant usé de mensonge, leurs parents sont obligés de leur demander de mentir à leur tour pour que la supercherie ne soit pas démasquée. Quand le personnel de l’école interrogera l’élève sur son lieu d’habitation, il devra donner la fausse adresse et non la vraie. Quand le professeur d’une langue rare lui demandera pour quelle raison il veut apprendre cette langue, il devra répondre qu’il a tel ou tel projet professionnel impliquant cet apprentissage, alors qu’il n’en est rien. En d’autres termes, les parents demandent à leur progéniture d’être complices de leur propre faute et de préférer délibérément un intérêt (que, bien entendu, à son âge, l’enfant ne peut correctement évaluer) à un idéal. Or c’est là un viol caractérisé de la conscience des élèves. Voyant que les adultes s’accommodent d’une situation pervertie, ils ne peuvent que se pénétrer de l’idée que ces adultes n’aiment pas la vérité ou même qu’il n’y a pas de vérité, que le monde social n’est pas régi selon des principes de bon aloi, que le mensonge et la dissimulation sont le mode normal de vie en société. On tue ainsi en eux la fibre idéale au moment même où elle est censée se tisser. On crée les conditions de leur enlaidissement moral, c’est-à-dire de leur transformation en hommes sans principes qui seront prêts à s’agglutiner au troupeau anomique qu’affectionnent tous les pouvoirs totalitaires – puisque, comme nous avons vu, c’est seulement sur des êtres humains sans principes que ces pouvoirs peuvent régner sans avoir à redouter de résistances.
Voilà comment le socialisme fabrique en plein Paris, chaque année, de nouvelles cohortes d’homines sovietici.
Philippe Nemo
[1] Rappelons que cette mesure a été instaurée dans le cadre de la politique de l’« école unique », mise en œuvre par la Ve République, mais venue tout droit des plans maçonniques, radicaux-socialistes et socialistes d’avant-guerre, puis du Plan Langevin-Wallon communiste de 1947. Tous les enfants de France étant censés aller désormais dans une même école, l’administration estime qu’elle peut les affecter autoritairement dans l’établissement le plus proche de leur domicile en enlevant tout choix aux parents. Son souci est d’empêcher que se recrée subrepticement une différenciation entre les écoles. En réalité, cette différenciation n’a jamais pu être entièrement empêchée en raison d’un effet pervers non prévu ou sous-estimé par les concepteurs du système. Étant donné qu’on ne pouvait établir d’emblée l’égalité dans toute la société française et qu’il continuait à y exister tout un étagement de quartiers et de bourgades des plus riches aux plus pauvres, la carte scolaire a abouti à enfermer de facto chaque catégorie sociale dans son lieu géographique. Elle a, en particulier, empêché les enfants des milieux pauvres dotés d’un fort potentiel scolaire d’accéder à de meilleurs établissements situés dans d’autres quartiers, comme c’était couramment le cas avant la réforme. Sans parler d’autres effets pervers tels que la concentration des bons élèves dans les sections scientifiques des lycées, donc le rétablissement d’une hiérarchie non officielle (mais connue de tous) entre les différentes filières d’un même établissement. En dépit de ces effets pervers, la carte scolaire n’a jamais été abrogée.
[2] Cf. par exemple le reportage télévisé intitulé Les bobos roses et la carte scolaire, de Bruno Moreira, disponible sur Internet.
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