.componentheading, .contentheading, div.module h3, div.module_menu h3, div.module_text h3, h2, a.contentpagetitle { font-family:Nobile;} #top_outer { border:none;}
Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
Lire la suite... |
Questions crucialesLettre N° 46 - 4ème trimestre 1994
RÉUNION DU 14 NOVEMBRE 1994 Comme en 1990 et en 1992, la remise des prix et l’assemblée générale se sont tenues au Palais du Luxembourg le 14 novembre. Nous donnons dans ce numéro, l’allocution de M. Jean Chamant, ancien ministre, vice-président du Sénat, le rapport moral du président, le rapport financier, leur discussion et les résolutions votées en assemblée générale ainsi que les interventions de M. Jean Cazeneuve, président du jury et les réponses des lauréats. Dans le prochain numéro, nous publierons le texte de l’exposé de M. Antoine Humblet, ancien ministre de l’éducation de Belgique et président de l’OIDEL sur le libre choix de l’école en Europe et du professeur Angelo Petroni sur le bon scolaire. M. le Président, Mesdames et Messieurs, c’est la seconde fois que j’ai le plaisir et l’honneur de venir assister à l’Assemblée générale d’Enseignement et Liberté. J’avais été il y a deux ans, comme je le suis d’ailleurs cette année, très impressionné par le nombre de personnes qui se trouvent réunies dans cette salle Clemenceau, et par leur qualité, je dirai même leur densité. Je suis heureux de saluer parmi vous le Président Jean Cazeneuve, membre de l’Institut, qui préside le Jury et qui aura mission tout à l’heure de remettre les prix qui seront décernés, ainsi que le Professeur Petroni, que nous allons entendre dans un instant, et vous tous, Mesdames et Messieurs. Un hasard, malheureux pour moi, fait que, contrairement à ce qui était prévu quand nous avons arrêté la date du lundi 14 novembre, le Sénat siège aujourd’hui. Et il siège pour discuter d’un projet de loi relevant de la Commission des lois dont je suis moi-même membre. Cette difficulté non prévisible à l’époque ne m’empêche pas de me trouver au milieu de vous en cette fin de journée. Au vu des événements qui se déroulent ici et là, il n’est pas interdit de penser que le combat que nous avons à mener en faveur de la liberté de l’enseignement est un combat permanent. Elle a été conquise, sans aucun doute, bien sûr, encore qu’il y aurait sur certains points beaucoup de choses à redire et sans doute la nécessité de légiférer à nouveau. Mais dans l’ensemble, et depuis plus de trente ans, le principe du libre choix des parents pour ce qui concerne l’enseignement de leurs enfants a été inscrit dans notre législation. On sait à travers des expériences que nous avons vécues, notamment pendant la décennie 80, combien à tout instant cette liberté si chèrement conquise peut être remise en cause. Et, par conséquent, nous avons un devoir de vigilance à exercer à cet égard, car on n’est jamais à l’abri de mauvaises surprises. Une association telle que la vôtre, je devrais dire telle que la nôtre, puisque, comme le Président Boudot vous le disait à l’instant, je suis l’un de ses membres, je crois qu’une association telle que la nôtre a une mission à remplir, qui est d’abord une mission de sauvegarde de ce qui a été acquis. Mais aussi une mission de vigilance et de surveillance, eu égard à tous les événements contraires qui pourraient survenir. C’est pourquoi, il n’est pas indifférent qu’Enseignement et Liberté puisse mettre en valeur des hommes et des femmes qui se sont particulièrement distingués dans leurs disciplines respectives et se voient récompensés par notre association. Il y a là matière à susciter un intérêt certain autour de l’action menée par Enseignement et Liberté et par conséquent, on ne peut qu’approuver ce qui a été fait jusqu’à présent. Par ailleurs, il est toujours utile, intéressant, de se concerter les uns et les autres, et d’entendre des voix différentes de la nôtre, telles que celles qui vont s’exprimer dans un instant pour connaître ce qui, dans des pays voisins, se passe sur le plan même des idées que nous avons à défendre. Il y a des expériences naturellement différentes selon le pays auquel on appartient. Il est utile, en effet, d’enrichir nous-mêmes notre propre expérience et, à la lumière de ce qui se déroule à l’extérieur, savoir quelles conclusions nous sommes capables d’en tirer pour la conduite de nos propres actions. Voilà, M. le Président, les quelques mots que je souhaitais vous dire. Je suis heureux que les circonstances aient fait que le Sénat à nouveau cette année nous ouvre ses portes comme il l’avait fait il y a deux ans. Je voudrais dire au Président Maurice Boudot en terminant combien j’apprécie le courage qu’il manifeste dans cette affaire et combien son initiative, qui a consisté à créer de toutes pièces l’Association Enseignement et Liberté, est l’une de ces initiatives qui méritent d’être soutenues et fortifiées. C’est bien parce que lui-même, dans des circonstances très difficiles, a su prendre les initiatives qui s’imposaient, qu’aujourd’hui Enseignement et Liberté existe, et encore une fois, accomplit dans le domaine très particulier qui est le nôtre, une action utile qui mérite tous les encouragements. Je vous remercie, M. le Président, de m’avoir donné l’occasion de dire quelques mots. Comme si cela constituait déjà une tradition, pour la troisième fois, nous allons tenir une assemblée générale de notre association qui sera suivie de la remise aux lauréats des prix d’Enseignement et Liberté, décernés par un jury dont M. Cazeneuve veut bien assurer la présidence, ce dont je le remercie vivement. Pour la troisième fois, c’est à nouveau au Palais du Luxembourg que se déroule cette cérémonie. Je tiens à exprimer à la Présidence du Sénat toute notre reconnaissance pour la sollicitude qu’elle nous marque et le très grand honneur qu’elle nous fait. Au moment de composer ce rapport, après avoir relu les deux précédents, je fus atterré de constater que, pour l’essentiel, j’allais être contraint de répéter ce que j’avais déjà dit deux fois ici-même (et bien souvent rappelé dans la lettre d’Enseignement et Liberté). C’est que la situation générale a très peu évolué et qu’en conséquence ni nos objectifs, ni nos modes d’action ne peuvent donner lieu à d’authentiques innovations. Le monde change rapidement, souvent de façon imprévisible, et pourtant, depuis dix ans la situation n’évolue nullement en ce qui concerne la liberté de l’enseignement dans notre pays. Je ne dirai pas qu’il y a stabilité, mais stagnation, aussi bien dans les institutions que dans les problématiques. Les quelques différences qu’on peut noter depuis 1990 sont loin d’être toutes à l’avantage des défenseurs de la liberté de l’enseignement. Certes, le changement de majorité politique a vraisemblablement éloigné pour un temps les menaces les plus graves, les plus directes et les plus immédiates qui pesaient sur la liberté de l’enseignement. Mais sur le fond, la situation n’est aucunement améliorée. Ne nous en étonnons pas. D’abord tout était mis en place pour que par le simple effet de la pesanteur des nombres, la situation générale des établissements d’enseignement aille en empirant. Personne n’est explicitement revenu sur l’objectif de conduire 80 p. 100 d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. L’objectif est encore loin d’être atteint, mais déjà se font sentir les effets déplorables de cette décision démagogique et inconsidérée. Cette année, les universités ont été proprement submergées par un flot de nouveaux bacheliers qu’elles ne pouvaient que très imparfaitement accueillir. Les difficultés consécutives à cette situation ont été décrites par le menu dans la presse ; mais on s’est beaucoup moins attardé sur les deux questions fondamentales : d’où vient ce surplus d’étudiants, et où vont-ils donc tous ces aveugles ? Une espèce de consensus s’est établi pour ne pas aborder le problème qu’aucun gouvernement n’est en mesure de résoudre : comment lutter contre la prolongation abusive de la scolarisation et contre l’uniformité de formations qui, pour une partie importante de ceux auxquels elles s’adressent, ne déboucheront que sur le chômage. Les statistiques immédiates du chômage, qu’il ne faut pas trop aggraver, l’emportent toujours sur toute autre considération pour ne rien faire. Aussi, les efforts de M. Bayrou pour diversifier les parcours de formation, éviter de précipiter tous les adolescents dans le piège d’un collège unique de M. Haby, maintenir envers et contre tous les filières de qualité, sont à la fois extrêmement méritoires et d’efficacité douteuse. Il faut toujours une dépense d’énergie disproportionnée au résultat pour venir à bout de l’inertie du système. L’institution des C.I.P. qui d’ailleurs ne relevaient pas de l’Education nationale devait nécessairement échouer au printemps. Tout se conjugue en quelque sorte pour que la jeunesse se sente agressée par toute mesure qui pourrait rendre moins assuré ce refuge que constitue pour elle le système scolaire. Le tableau que je viens de tracer concerne l’enseignement en général, et d’abord le secteur public, mais il retentit sur l’enseignement privé, qui d’une part est entraîné dans ce mouvement et, d’autre part, vu l’ampleur des problèmes qui se posent, est très naturellement tenu pour le parent pauvre, encore que privilégié. On ne s’étonnera pas de voir les mêmes problèmes exaspérants qui entravaient les règles de fonctionnement de l’enseignement public se répandre de telle sorte qu’ils se posent aujourd’hui dans les établissements privés et qu’ils finissent par envenimer les rapports de l’autorité ministérielle et de l’enseignement privé catholique. Je veux parler naturellement de la fameuse histoire des foulards islamiques qui régulièrement, depuis cinq ans, malgré d’assez longues éclipses, empoisonne les débats au sujet de l’éducation et perturbe la vie scolaire dans un certain nombre d’établissements. Tout commence à l’automne 89, lorsqu’un principal de Creil décide, en invoquant la neutralité du service public, de faire exclure quelques élèves qui s’obstinent à porter des foulards islamiques. Au lieu de soutenir cette décision courageuse, qui suscite naturellement une de ces polémiques dont la presse est friande, M. Jospin ne veut ni décider, ni légiférer. Il se décharge de ses responsabilités en quémandant un avis du Conseil d’Etat qui ne peut que lui renvoyer la balle en lui rappelant les textes en vigueur, avec toutes leurs ambiguïtés. Et c’est ainsi que depuis cinq ans, au gré des arrêts naturellement divergents des juridictions administratives, les foulards resurgissent ou disparaissent. Parce que le foulard se répandait à nouveau, parce que la signification de son port était mieux connue, M. Bayrou a jugé bon, en septembre, de publier une circulaire qui demande qu’après avoir tenté de convaincre les intéressées, si elles ne veulent pas s’incliner devant les règles communes, on les exclue de l’enseignement public. En même temps, et à très juste titre, la circulaire interdit aux chefs d’établissement toute médiatisation des situations conflictuelles. On ne saurait trop approuver le bon sens et la résolution du Ministre. Mais j’avais exprimé mon scepticisme sur l’efficacité d’une simple circulaire, qui de plus vise presque électivement le "foulard islamique". Comme l’affirmait l’ancien proviseur de Creil : "On ne pose pas le problème de la laïcité en désignant une communauté du doigt [...]. Ce qu’il faut, c’est une loi organique fixant le concept de neutralité de la laïcité." Je pense qu’effectivement on n’évitera pas le vote d’une loi, et plus tôt elle sera votée, mieux cela vaudra. L’affaire est en train de s’envenimer et de prendre une direction qui risque de mettre en cause les libertés qui résultent du caractère propre des établissements sous contrat. Au problème de savoir si la circulaire Bayrou s’applique aux établissements privés sous contrat qui dépendent de l’enseignement catholique, dans un premier temps son auteur avait répondu affirmativement : le concept de laïcité serait fondateur de l’éducation nationale, que ce soit dans sa partie publique ou dans sa partie sous contrat d’association. Il n’en a pas fallu plus pour que le Secrétaire général Max Cloupet voie dans ces propos une mise en cause du caractère propre des enseignements privés et que son successeur, Pierre Daniel, qui n’a pas laissé que de bons souvenirs de la période où, président de l’UNAPEL, il essayait à tout prix de trouver une conciliation avec M. Savary et d’éviter l’épreuve de force qui devait tourner à son avantage le 24 juin 1984, lui emboîte immédiatement le pas : "la présence de jeunes élèves musulmanes éventuellement voilées n’est pas nouvelle dans nos maisons [...]. Elles ont été admises après un long entretien du directeur avec les parents [...]". Je veux bien croire que la loi Debré fasse obligation depuis 1959 aux établissements catholiques sous contrat d’accueillir les élèves indépendamment de leur appartenance confessionnelle. Mais, au moins, les parents doivent-ils accepter le projet d’établissement. Je serais curieux de savoir sur quoi porte ce "long entretien" avec les parents, qui conduit le directeur d’un établissement catholique à inscrire au nombre de ses élèves une porteuse du voile. Je comprends parfaitement que l’enseignement catholique s’inquiète du fait que la circulaire Bayrou puisse remettre en cause les libertés qui lui sont accordées. Mais encore faudrait-il que ceux qui le représentent ne fassent pas preuve de démagogie et qu’on ne détourne pas le contrat d’établissement de son sens primitif. Je doute que la tolérance ou les obligations légales le contraignent à servir de refuge aux porteuses de voile. Heureusement toutes les autorités n’ont pas réagi comme celles que nous venons de citer ni suivi Mme Veil qui aurait proposé de faire appel à des médiatrices musulmanes, comme si le simple appel à une médiation ne signifiait pas qu’on doute de son bon droit. On a pu entendre des paroles de sagesse : "personne ne peut croire que les jeunes chrétiens qui portent une croix, les jeunes juifs qui portent une kipa iront le lendemain servir d’outil à une prise de pouvoir, ou porter atteinte aux droits de l’homme ; les petites jeunes filles qui portent le voile sont probablement innocentes ; mais que signifie cette stratégie de la provocation dans les établissements ? II faut placer le débat dans le domaine politique. Si on s’est laissé piéger en laissant une question politique se déplacer sur une question symbolique d’ordre religieux, c’est la société entière qui s’est fait piéger". On ne peut qu’adhérer à ces fortes paroles du Cardinal Lustiger (lundi 31 octobre, à Europe 1). Toute l’affaire démontre simplement qu’il serait illusoire de supposer l’enseignement privé à l’abri des difficultés qui assaillent le secteur public. Avant le changement de majorité, nous avions appelé de nos vœux deux réformes. La première concernait la formation des maîtres. Nous avions insisté pour que les I.U.F.M. (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres) soient supprimés. Après un assez long débat intérieur au gouvernement sans que soient portés à la connaissance du public les arguments échangés, il fut malencontreusement décidé qu’il n’en serait rien. Ainsi reste-t-on avec une encombrante relique de l’ère du socialisme triomphant. La seconde réforme, beaucoup plus importante, concernait la révision de la loi Falloux, de sorte que l’enseignement privé puisse disposer d’aides des collectivités locales afin qu’il soit mis à parité avec le secteur public. On se souvient que la discussion d’un projet de révision d’abord longtemps différé par un caprice de Président de la République, ensuite voté en catastrophe à la fin de l’année 1994 après une mémorable séance au Sénat, a été suivie d’une manifestation où la gauche ressuscitée retrouvait son unité autour d’idées désuètes et en définitive, a donné lieu à la censure du Conseil constitutionnel. Cet échec, dont nous ne devons pas nous masquer la gravité, doit nous servir de leçon. La situation actuelle est profondément bloquée, sauf à imaginer qu’on passe outre ou qu’on contourne l’obstacle que constitue l’arrêt constitutionnel. Il nous reste à chercher comment les pays voisins et comparables au nôtre essaient d’assurer le libre choix des établissements d’enseignement et de surmonter les obstacles analogues à celui que nous avons rencontré, en ce qu’ils résultent de dispositions constitutionnelles. Le cas de l’Italie, où les partisans de la liberté de l’enseignement pour échapper au carcan de la constitution pensent instaurer un système de chèque scolaire, est tellement significatif que j’ai demandé à mon collègue le Professeur Petroni de nous présenter l’état de la question dans son pays. Les travaux qui y sont conduits sont suffisamment avancés pour qu’il y ait beaucoup d’enseignement à en tirer. Comme programme d’action pour l’avenir, je demanderai qu’en plus du renouvellement dans un délai de deux ou trois ans, de l’attribution de prix et éventuellement d’une bourse pour un livre scolaire dans une matière à choisir, à l’instar de ce que nous avons fait pour la biologie, avec succès puisque le livre de M. Didier Pol vient de paraître chez Bordas, l’assemblée nous autorise à organiser une journée d’études sur le problème du financement de l’éducation, si les circonstances sont favorables à la réalisation de ce projet. Bien entendu, nous souhaitons rester membre de l’OIDEL, ce qui nous permet de bénéficier d’une précieuse information notamment sur les pays européens ; enfin nous continuons à collaborer avec les associations de province qui ont un but proche du nôtre. Est-il enfin bien nécessaire de rappeler que l’élection présidentielle sera l’occasion d’exiger des candidats qu’ils explicitent leur position au sujet de la liberté de l’enseignement. Deux exercices se sont écoulés depuis notre précédente Assemblée du 22 septembre 1992. En 1992, les recettes ont été de 824.000 francs, dont 129.000 francs de produits financiers, et les charges de 849.000 francs, dont 112.000 francs pour les prix, la bourse et la tenue de l’Assemblée générale. Le résultat de l’exercice est de moins 25.000 francs. En 1993, les recettes sont de 674.000 francs, dont 96.000 francs de produits financiers, et les charges de 687.000 francs. Le résultat de l’exercice est négatif de 13.000 francs. Sur l’ensemble des deux exercices 1992 et 1993, plus significatif à cause du rythme biennal de nos prix, nous enregistrons une perte de 40.000 francs. Ce montant est faible rapporté à nos réserves, qui s’élèvent à 1.190.000 francs au 31 décembre 1993. Ces réserves contribuent d’ailleurs d’une façon significative à l’équilibre de nos comptes par les produits financiers qu’elles génèrent. Elles donnent aussi la mesure de notre capacité à alerter l’opinion publique au cas où des menaces graves sur la liberté d’enseignement pèseraient de nouveau, comme nous l’avons fait il y a dix ans, nos réserves permettant de poster 770.000 lettres en même temps. Il n’en reste pas moins que toute notre attention doit être portée au résultat négatif enregistré sur ces deux exercices, d’autant plus que nous ne pouvons pas espérer de nos placements les rendements que nous avons obtenus ces dernières années. Du côté des charges courantes, nous nous sommes toujours efforcés de les limiter au minimum compatible avec l’existence d’un secrétariat effectif, et nous ne pouvons guère espérer de diminution sensible. Quant aux dépenses extraordinaires, comme celles d’aujourd’hui, y renoncer serait en même temps renoncer à une bonne part du rôle auquel nous prétendons. Les seules solutions viables reposent donc sur un accroissement du nombre de nos adhérents et sur une plus grande générosité de leur part. Quant au nombre, nous avons enregistré cette année 490 abonnements nouveaux souscrits par des adhérents pour le compte d’amis et des adhésions qui continuent à nous parvenir, de l’Association de Parents pour la Promotion de l’Enseignement Supérieur Libre (APPESL), en réponse à l’appel que leur a lancé M. Aubert, leur Président qui est aussi membre de notre Conseil d’administration. En ce qui concerne l’accroissement du montant moyen des cotisations, nous avons choisi de faire appel à l’occasion de cette réunion à la générosité de ceux qui peuvent faire un deuxième versement dans l’année, plutôt que de relever le montant de la cotisation de base, inchangé depuis plus de dix ans. Nous ne connaissons pas le résultat définitif de cet appel, puisque nous recevons encore des réponses, mais je peux vous indiquer qu’un tiers des adhérents à jour de leur cotisation ayant retourné un pouvoir, ont effectué un versement complémentaire. DISCUSSION En réponse aux questions qui ont été posées après la lecture du rapport moral et du rapport financier, il a été précisé qu’Enseignement et Liberté était financé exclusivement par ses adhérents, n’ayant jamais demandé la moindre subvention de façon à garder une indépendance totale. Un court débat a eu lieu à propos de la cotisation minimum de 30 F et de l’abonnement à la Lettre trimestrielle de 20 F dont les montants sont inchangés depuis 1983. Un consensus s’est manifesté pour les ajuster en fonction de la hausse des frais de gestion. Il a été rappelé que ces minima ont pour but de permettre la participation de ceux dont les ressources sont les plus modestes, les autres étant invités à verser selon leurs moyens. Enfin il a été confirmé qu’Enseignement et Liberté qui a des adhérents dans toute la France, s’efforce d’agir en liaison tant avec les organisations propres à l’école libre qu’avec celles qui poursuivent des buts semblables aux siens (on peut noter à cet égard que Mme Wettstein-Badour, lauréate 1994, est présidente de l’Union pour la liberté d’enseignement en Sarthe). VOTE DES RESOLUTIONS A la suite du débat, les résolutions proposées par le Conseil d’administration ont été votées à l’unanimité par l’assemblée. Elles portaient sur :
GRAND PRIX DE 50.000 F M. Jean Cazeneuve : Le Grand Prix de 50.000 francs est attribué à M. D’Souza pour son livre intitulé L’éducation contre les libertés, publié aux éditions Gallimard, et avec pour sous-titre Politique de la race et du sexe sur les campus américains. Le jury a donc jugé bon cette année de couronner un livre qui traite d’une situation dans un autre pays que le nôtre, parce que d’une part ce qui se passe aux Etats-Unis préfigure parfois - peut-être même assez souvent - ce qui risque d’arriver chez nous. D’autre part, ce livre montre aussi quelles sont les conséquences fâcheuses et possibles si l’on applique la notion de "politiquement correct", notion à la mode dans de nombreux milieux politiques français. M. D’Souza appuie son discours sur de nombreux exemples précis et concrets, démontrant qu’une intention charitable en faveur de minorités peut conduire à une véritable révolution culturelle, quand on essaie d’établir des quotas pour l’admission dans les universités, pour le succès aux examens, pour la nomination et même l’éviction des professeurs, pour la composition des programmes, en tenant compte de la race, du sexe et même de la préférence sexuelle. C’est ainsi que, dans de nombreuses universités américaines, les noirs, les femmes féministes et les homosexuels, masculins ou féminins, ont pour ainsi dire pris le pouvoir et exercent une sorte de tyrannie, à peine croyable. Il faut le lire pour le croire. Ils bénéficient d’une situation préférentielle, pour entrer dans les universités, pour réussir aux examens et pour imposer aussi quelquefois dans les programmes une diminution considérable des influences de la culture occidentale. C’est une sorte de racisme à l’envers, que l’on voit notamment à Berkeley où (je cite cet exemple entre bien d’autres), les membres de ces minorités raciales ou sexuelles ou homosexuelles ont vingt fois plus de chances d’être admis que les autres. Notre auteur pense qu’il faudrait revenir à un vrai libéralisme, qui soit fondé sur l’égalité des chances, en tenant compte uniquement des mérites personnels. Voilà donc un livre qui constitue pour nous un utile avertissement et qui sera pour beaucoup de lecteurs aussi une révélation. Remerciements de M. D’Souza : Mon travail c’est la défense de l’idée du libéralisme, qui est une idée occidentale. Dans le monde grec, le mot liberté concernait l’homme libre par opposition à l’esclave. L’idée de libéralisme est occidentale par ses origines, mais universelle par ses applications. Le problème c’est qu’aujourd’hui beaucoup d’ennemis du libéralisme dans le monde ont appris à utiliser le langage du libéralisme. Ils voient certaines procédures du libéralisme, telles que la liberté d’enseignement ou la liberté de parole comme un obstacle à la réalisation de leurs buts. Le mouvement du "politiquement correct" est un effort organisé pour imposer une nouvelle orthodoxie. Au nom de la diversité, ce mouvement ne fait que poursuivre le but de l’uniformité et de la conformité. Au nom de la tolérance, il veut restreindre le débat libre et honnête. Au nom de la représentativité il ne fait au contraire que donner à la race et au sexe la place qui était réservée au mérite. Je suis heureux de pouvoir m’adresser au public dans le pays qui a donné sa signification moderne au mot de liberté. Aux Etats-Unis, on entend beaucoup parler de multiculturalisme. Je crois qu’on peut avoir une société multiraciale qui soit fondée sur les principes libéraux à l’occidentale. J’ai beaucoup plus de doute qu’une société multiculturelle soit possible. On devrait se référer au précepte de saint Augustin : "dans les choses essentielles l’unité, dans les choses non essentielles la diversité et partout la charité." PRIX DE 20.000 F M. Jean Cazeneuve : Un prix de 20.000 francs est attribué au Docteur Ghislaine Wettstein-Badour, pour son livre intitulé "Lecture : La recherche médicale au secours de la pédagogie". L’auteur appuie ses dires sur l’analyse de plus de 500 cas, qui concernent des jeunes élèves ne présentant aucune anomalie et pourtant vivant un échec scolaire manifeste. Alors, on peut se demander pourquoi ces garçons et filles n’arrivent pas à véritablement lire ou écrire correctement. C’est - nous dit l’auteur et nous pouvions le deviner - parce que la méthode d’enseignement de la lecture n’est pas bonne, car c’est la méthode dite globale. Madame le Docteur Ghislaine Wettstein-Badour s’appuie aussi sur les analyses d’un Prix Nobel de Médecine, R. W. Sperry, qui démontre par une analyse scientifique des mécanismes du cerveau, que la véritable manière d’utiliser les fonctions naturelles intellectuelles, est celle qui est représentée par l’ancienne méthode, méthode traditionnelle dite méthode alphabétique - conforme à la fois au bon sens et à l’expérience. Le livre est un plaidoyer appuyé sur des analyses très scientifiques et médicales, pour montrer la supériorité de la méthode alphabétique sur les méthodes globales. Voilà un livre qui sera important et qui fera réfléchir aussi les partisans de certains changements qui n’ont pas souvent été très bien étudiées. Remerciements de Madame Wettstein-Badour : Beaucoup d’enfants en échec sont en réalité des enfants parfaitement normaux, qui devraient réussir parce qu’il n’y a pas d’explication, comme on dit très souvent, psychosociales à leur échec scolaire. La méthode globale ou semi-globale, c’est la même chose, qui est utilisée dans 99 % à peu près des cas dans les écoles françaises, est une méthode tout à fait contraire au mode de fonctionnement du cerveau, tout simplement parce que dans la méthode globale ou semi-globale, on dit que le mot est une image, alors qu’en réalité, le mot est toujours découpé par le cerveau en tronçons. Or ces tronçons, dans des langues comme la nôtre, qui sont des langues basées sur la transcription d’un son par un graphisme, sont justement les lettres et les syllabes. Je me suis aperçue que cette affirmation soulève des tollés de réprobation. Vous imaginez en effet la réaction des enseignants quand ils ont le sentiment d’avoir pendant trente ou quarante ans utilisé des pédagogies néfastes pour les enfants. Et pourtant il faut arrêter le massacre des générations d’enfants. Cela suffit d’avoir 50 % d’enfants qui entrent en sixième sans comprendre ce qu’ils lisent, alors que lorsqu’on utilise d’autres pédagogies, on arrive à les récupérer presque tous. PRIX JOURNALISTES Deux prix de 10.000 francs ont été attribués à des journalistes, qui se sont distingués dans la défense de la liberté d’enseignement. Mademoiselle Geneviève Esquier est récompensée pour ses articles publiés dans L’Homme nouveau, en 1992-1993, concernant notamment la révision de la loi Falloux et d’autres problèmes de l’école publique. L’autre prix a été décerné à Monsieur Fabrice Madouas pour les articles qu’il a publiés, également en 1992-1993, dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles, au sujet des réformes proposées par M. Bayrou, sur l’enseignement universitaire face à la crainte du chômage, le problème du collège unique et ceux de l’école libre en France. Tweet |