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Lettre N° 93 – Les enjeux de la réforme (2)
Par une circulaire du 3 janvier 2006 qu’il a présentée et commentée lors d’une conférence de presse le 5 janvier, M. de Robien a proscrit les méthodes d’inspiration globale d’enseignement de la lecture de l’école, en justifiant sa décision par des arguments tirés des neurosciences et par des mesures analogues prises dans d’autres pays, en particulier en Grande-Bretagne.
Ses arguments ont été fortement et parfois violemment contestés par les tenants des sciences de l’éducation, ainsi que par la plupart des syndicats d’enseignants et par la FCPE.
Un arrêté adaptant les programmes a été publié le 24 mars. Cet arrêté, qui modifie les programmes de 2002, a été, dans l’ensemble, accueilli avec satisfaction par ceux qui étaient hostiles à la circulaire, qui y ont vu un retour au statu quo, et avec déception par ceux qui en attendaient la concrétisation des promesses de la circulaire.
Le nouveau programme, en déclarant complémentaires les deux types de méthodes admises par les programmes précédents ne peut que plaire aux partisans des méthodes semi-globales qui pratiquent déjà ce mélange. Les partisans des méthodes alphabétiques ne peuvent qu’être insatisfaits puisqu’en principe les nouveaux programmes interdisent de les employer seules, le texte lui-même et les pratiques constatées conduisant à commencer par un départ global.
Quels sont les arguments des partisans du statu quo ?
A l’exception d’une minorité d’extrémistes, les spécialistes des sciences de l’éducation admettent maintenant que pour savoir lire il faut apprendre ce qu’ils appellent le code alphabétique ou les relations phonèmes/graphèmes, mais ils rejettent la proposition de retourner au b.a.-ba en avançant les arguments suivants :
Ces arguments sont-ils fondés ?
1. Les différences de résultats sont-elles sans signification ?
Cet argument est tiré du rapport publié en 2000 par le National Reading Panel chargé par le Congrès des Etats-Unis d’étudier la question de l’enseignement de la lecture. Le NRP conclut en effet que l’analyse effectuée par ses soins des résultats obtenus par l’une et l’autre méthode ne présentent pas de différence significative.
Cette conclusion est erronée et démentie par une autre étude :
Elle est erronée parce que le NRP a confondu l’analyse statistique destinée à accepter ou à rejeter un risque donné et celle destinée à faire son choix entre les deux termes d’une alternative.
A la question quelle est la meilleure des deux méthodes, le NRP, qui a constaté que la phonosynthétique donnait de meilleurs résultats, dit que l’on a plus de cinq chances sur cent de se tromper en disant qu’elle est meilleure que la phonoanalytique.
Ce n’est pas ce qu’on leur a demandé et la vraie réponse est qu’il y a trois chances sur quatre que la phonosynthétique soit la meilleure.
La conclusion du NRP est démentie par une étude comparant les deux méthodes menée en Grande Bretagne. Cette étude montre que les élèves ayant appris par la méthode phonosynthétique sont en avance de sept mois et demi en moyenne sur ceux ayant appris par la méthode phono analytique.
2. Que vaut la critique de l’ennui de la méthode alphabétique ?
Cette critique est assez fréquente. On la trouve aussi bien dans des textes didactiques, comme Le point de vue de chercheurs sur l’enseignement de la lecture publié dans Le Monde de l’éducation de mars 2006 que dans des textes polémiques, comme celui de la brochure syndicale Apprendre à lire « pas si simple ! ».
La réponse à cette critique doit être cherchée dans l’examen des méthodes que proposent les nouveaux pédagogues. En résumé (nous y reviendrons) mieux vaut ânonner quelque temps que balbutier toute sa vie.
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