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Lettre N° 89 – La liberté de choisir son école
La liberté de choisir son école :
Lors de la dernière rentrée scolaire, notre nouveau ministre de l’Education nationale a violé un tabou. Il a osé aborder explicitement la question de l’égalité entre l’enseignement public et l’enseignement privé. Naturellement, les gardiens du temple collectiviste lui sont aussitôt tombés dessus à bras raccourcis, l’accusant de vouloir « rallumer la guerre scolaire ». Et d’entamer l’antienne de « l’argent public pour le public », celle de la « ségrégation sociale » ou bien encore celle de l’assimilation de l’école privée à l’école des « riches ». Comme si, d’ailleurs, les parents des élèves fréquentant l’école privée ne devaient pas payer leurs impôts comme les autres et, en plus, financer une seconde fois l’école de leurs enfants ! Et, contrairement à ce que prétend la propagande politiquement correcte, ces parents ne sont pas les parents les plus aisés financièrement puisque près d’une famille française sur deux scolarise ou a scolarisé l’un de ses enfants dans l’enseignement privé : tous les enfants y ont accès sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyance.
Décidément rien ne change dans ce Pays : l’égalitarisme dévastateur et le terrorisme intellectuel ont définitivement pris le pas sur la liberté, y compris la liberté de parole : le ministre a presque dû s’excuser…. de penser.
L’enseignement privé, pourtant bien conciliant avec les pouvoirs publics depuis de nombreuses années (voir sur ce point nos récents éditoriaux consacrés à la transformation des maîtres du privé en agents publics et au « rapport Chartier » sur l’enseignement supérieur privé), est ainsi victime de son succès. Il accueille plus de deux millions d’élèves sur les quelque douze millions d’élèves scolarisés en France. Dans certains départements, notamment dans ceux de l’Ouest, l’enseignement privé concerne près d’un enfant sur deux.
A regarder de près la motivation des parents qui le choisissent pour leurs enfants, on y trouve, en contrepoint, les principales raisons de l’échec de l’enseignement public. Le choix des parents n’est pas essentiellement motivé par l’instruction religieuse ou la proximité du domicile. Selon une étude réalisée par le CREDOC, pour le compte de l’UNAPEL, (publiée par Valeurs Actuelles du 16 septembre 2005), les parents choisissent essentiellement l’enseignement privé parce que le niveau scolaire y est bon, parce que l’enseignement privé transmet des valeurs morales, parce que le principe de l’autorité du maître y est respecté et exercé dans l’intérêt de l’enfant, et parce qu’il dispose d’un bon encadrement… de sorte que l’épanouissement de l’élève y est meilleur.
L’enseignement privé sous contrat a acquis cette image sans gaspillage des moyens. Au contraire, l’Etat lui retire régulièrement ses postes d’enseignant (532 postes d’enseignant pour cette rentrée scolaire) au prétexte que les effectifs d’élèves diminuent … dans l’enseignement public. Quelle logique ! L’Etat maintient aussi de façon honteuse la vieille loi Falloux de 1850 qui interdit aux collectivités locales de subventionner l’investissement des établissements d’enseignement privé au-delà de 10%, y compris lorsqu’il s’agit de mettre les établissements secondaires aux normes de sécurité, notamment pour les enfants handicapés. L’Etat interdit encore, pour les mêmes raisons, le forfait communal pour les élèves qui ne résident pas dans la commune où les écoles privées sous contrat sont implantées. L’Etat est tout aussi sectaire pour l’enseignement supérieur privé à peine jugé digne de jouer les supplétifs d’universités défaillantes.
C’est ainsi que l’enseignement privé a dû refuser plus de 23 000 élèves lors de cette rentrée scolaire. La conséquence n’est d’ailleurs pas favorable aux gourous du grand service public laïc : faute de place dans l’enseignement privé sous contrat, un nombre de plus en plus important de parents choisit des écoles hors contrat ! La multiplication des formules de cours particuliers, cours de soutien ou de rattrapage scolaire, dispensés par des entreprises totalement privées, est tout aussi perverse : les parents y financent, et de façon très onéreuse, les carences de l’enseignement public. Les cours sont dispensés par des maîtres de l’enseignement public qui viennent y monnayer par des heures supplémentaires lucratives ce qu’ils ne font pas dans le cadre de leur service à l’école publique. Et, les parents ont tellement confiance dans l’enseignement public qu’ils financent les cours particuliers dès les premières semaines de rentrée !
C’est donc bien la liberté de choix des familles qui est en jeu.
Elle est d’ailleurs aussi bien mise en cause par la volonté politique d’asphyxier progressivement l’enseignement privé que dans l’absence de choix laissé aux parents à l’intérieur de l’enseignement public.
Nous connaissons tous autour de nous de nombreux parents qui après avoir acheté la bonne méthode de lecture (la méthode alphabétique Boscher se vend à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires tous les ans) corrigent, eux-mêmes, le soir, les effets pervers de la méthode globale (ou de la méthode semi-globale) enseignée le jour à leurs enfants. La résistance contre la dictature pédagogique se fait dans l’ombre ! Et, là, du coup l’égalité républicaine est bafouée puisque seuls les parents qui « savent » peuvent corriger les méfaits de l’école.
Chacun sait bien, pourtant, que la liberté de choisir l’école pour son enfant est une liberté protégée par notre Constitution. Elle est aussi un principe constitutionnel européen et elle est garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Surtout, seul l’exercice de cette liberté permet d’éradiquer l’égalitarisme dévastateur pour toutes les jeunes générations et de redonner aux parents leur juste place dans l’éducation de leurs enfants.
Plus fondamentalement encore, la liberté d’enseignement empêche l’État de pratiquer l’endoctrinement au travers de l’éducation, comme c’est malheureusement de plus en plus le cas en France. La liberté de l’enseignement est inséparable de la liberté de conscience et de la liberté d'opinion. Les régimes totalitaires l'ont parfaitement compris. Soucieux d'assurer leur pouvoir par la domination des esprits, ils ont supprimé le droit conféré à chacun de choisir en toute liberté l'enseignement qui lui convient. Ils ont nié qu'il revienne à la famille d'exercer ce droit au nom des enfants mineurs dont elle est seule responsable. La France veut-elle s’engager définitivement dans cette voie ?
On ajoutera aussi que l’exercice de la liberté de l’enseignement confère aux citoyens et aux organisations non gouvernementales la capacité de participer concrètement à la responsabilité de l’enseignement et de la formation.
Dans une société pluraliste, c'est-à-dire dans une société réellement démocratique, la liberté d’enseignement permet alors l’engagement et l’implication de tous les acteurs de l’éducation ainsi que l’émergence d’une véritable diversité de propositions pédagogiques. Elle favorise en conséquence la compétitivité et la qualité générale de l’enseignement.
Il faut donc permettre le pluralisme scolaire, tant à l’intérieur du système que par le développement d’un nouveau secteur privé. Au-delà des enfants qui sont concernés au premier chef, c’est la société tout entière qui, à terme, bénéficiera de ce surcroît de responsabilité.
Il est vrai que ces propos ne sont pas nouveaux et que les plus fidèles de nos lecteurs les rencontrent régulièrement dans notre Lettre depuis la fondation de l’association Enseignement et Liberté en 1983. Ils figurent même dans le manifeste fondateur d’Enseignement et Liberté.
Mais, il ne suffit pas d'affirmer un droit, encore faut-il garantir les conditions de son exercice effectif. Il est donc peut-être temps de passer de la parole à l’action puisque les responsables politiques ont progressivement abdiqué devant la dictature de la pensée.
La liberté de choisir son école jouissant heureusement d’une protection internationale et européenne, nous pourrions sérieusement envisager d’exercer une action contentieuse devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, voire devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour en exiger l’effectivité en France.
C’est notamment dans ce type d’action que notre association compte s’investir dans les prochains mois.
Il est certes bien dommage d’aller chercher hors de chez nous les solutions aux problèmes que nous n’avons pas su ou pas voulu régler nous-mêmes. Mais l’enjeu est trop important pour faire la fine bouche.
Recteur Armel Pécheul
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