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Lettre N° 62 - REMISE DU CINQUIEME PRIX D’ENSEIGNEMENT ET LIBERTE
REMISE DU CINQUIEME PRIX D’ENSEIGNEMENT ET LIBERTE Jean Cazeneuve Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l’association Enseignement et Liberté, présidée par Maurice Boudot avec la précieuse collaboration de Philippe Gorre a créé un prix bisannuel destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage qui contribue à la défense de la liberté d’enseignement et à son exercice dans la société actuelle. Le jury que j’ai l’honneur de présider a eu la grande douleur de perdre cette année un de ses membres, le très regretté Lucien Gorre, qui était d’ailleurs un des fondateurs d’Enseignement et Liberté. Le jury maintenant comprend, avec moi, mon confrère Roland Drago, membre de l’Institut et les professeurs Yves Durand, Pierre Magnin et Armel Pécheul, tous trois recteurs chanceliers honoraires. Le jury a décidé unanimement de décerner le prix 1998 à M. Sylvain Bonnet, auteur d’un livre intitulé PROF et publié aux éditions Robert Laffont. L’auteur est lui-même " prof " et , plus précisément, agrégé de lettres classiques, il enseigne en Normandie dans un collège des environs de Bayeux. Il aime son métier, mais doit affronter dans cet établissement et plus particulièrement dans la classe de quatrième technique, des élèves plutôt turbulents. Il ne s’agit pas d’un établissement à problèmes, ni même d’une banlieue spécialement difficile ; il nous parle, et c’est un des intérêts du livre, d’une population scolaire qui n’est pas celle dont on rend compte dans les médias, quand il y a eu des actes de violence. Dans cette classe on ne relève ni l’usage ni le commerce de la drogue, ni d’actes de délinquance à proprement parler. Il s’agit là d’élèves qui sont issus de famille normales, dont les pères, la plupart du temps, ont des emplois, mais où les parents ne s’occupent guère de leurs enfants, les laissant sans éducation. L’auteur nous décrit leur grossièreté d’une façon tout à fait détachée, et avec beaucoup de talent. Le récit est tout à fait vivant, ce qui fait d’ailleurs que son livre est agréable à lire et se lit même avec passion. Que font ces élèves ? Ils crachent par terre, c’est la grande mode. Et pendant la classe, ils interpellent le professeur, ils se lancent des injures, avec des mots très crus, sans aller jusqu’à la violence. Que peut-on faire dans un tel cas ? L’auteur du livre a essayé plusieurs choses qui n’ont pas toujours été sans résultat, mais cela est toujours difficile. Il s’agit là d’un cas, sans doute plus répandu qu’on ne le croit, parce que l’on n’en parle pas, en l’absence de violence caractérisée. Un des grands intérêts de ce livre est de nous révéler l’existence de cette population scolaire. Ces jeunes, mal élevés et grossiers, ne s’intéressent pas du tout aux études, n’aiment pas la lecture, maîtrisent mal le langage. Il s’agit, dans le cas de cette quatrième, de ce que l’on appelle généralement une classe dépotoir, certains, mais nous ne les suivrons pas, disent même une classe poubelle. Ces jeunes n’ont probablement aucun avenir scolaire. M. Bonnet ne se contente pas de décrire fort bien ce qui se passe dans ce collège, il cherche aussi à détecter les causes du mal et proposer éventuellement des moyens pour corriger cette situation. Il s’intéresse en particulier au problème de l’orientation et surtout s’alarme du fait que l’on a cessé de valoriser la réussite scolaire, comme si cela était exigé par une sorte de démagogie égalitariste ; il critique aussi le principe du collège unique. En définitive à la fois par ce qu’il nous apprend, par ses diagnostics, par les propositions qu’il fait pour améliorer la situation, ce livre méritait bien le Prix que je vais avoir le plaisir de lui remettre au nom d’Enseignement et Liberté. Sylvain Bonnet Je vous exprime toute ma reconnaissance. Lorsque j’ai commencé à écrire, je ne m’attendais pas du tout à me retrouver ici, face à vous. Je réagissais à une nécessité personnelle, ayant découvert brutalement, parce que je venais d’un établissement beaucoup plus protégé que celui que je fréquente actuellement, une certaine forme de souffrance scolaire. J’ai éprouvé le besoin d’exprimer des situations que je jugeais insupportables, non pas seulement pour moi, mais pour les élèves qui s’y trouvaient plongés. Après la phase d’écriture et son aboutissement à quelque chose qui me semblait avoir un sens et être présentable, ce livre m’a permis de faire l’expérience des relations avec un éditeur, en la personne de Bernard Fixot, et avec une maison d’édition, et celle de la fréquentation des médias. L’attribution de ce Prix est une grande satisfaction. Dans la situation que je continue à vivre actuellement, étant toujours dans le même établissement et les choses ne s’étant pas arrangées - je pourrais même dire qu’elles vont de mal en pis, parce qu’aucune solution véritable ne peut être apportée dans l’état actuel de notre organisation - ce Prix est pour moi une raison d’espérer. Je vous en remercie infiniment.
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