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Lettre N° 62 - LA MORTE-SAISON
Comme tous les deux ans depuis 1990, la remise du Prix bisannuel et l’assemblée générale ordinaire d’Enseignement et Liberté, suivie cette année d’une assemblée extraordinaire, se sont tenues au palais du Luxembourg, le 24 octobre. Nous donnons dans ce numéro l’essentiel du rapport moral du président, du rapport financier, les résolutions votées lors de ces assemblées générales ainsi que la présentation de l’ouvrage de M. Sylvain Bonnet, par M. Jean Cazeneuve, président du jury, et la réponse du lauréat. Nous publierons prochainement les conférences de Mme Geneviève Zehringer, présidente de la société des agrégés de l’Université, sur le rapport Meirieu et la réforme des lycées, et de M. Jacques Lévy, directeur de l’école des mines de Paris, sur le rapport Attali, l’avenir des grandes écoles et des classes préparatoires, données le même jour. Lorsque ces textes vous parviendront, très vraisemblablement la situation aura peu évolué, car malgré l’aspect bouillonnant de son discours, M. Allègre ne semble pas manifester une grande célérité dans la solution des problèmes. De sorte que je prends le pari que les textes que nous présentons ne seront aucunement caducs lorsque nous les publierons dans cette Lettre. Aucune des questions qu’ils posent n’aura trouvé de réponse d’ici là. C’est le projet de réforme des lycées présentée à l’issue du colloque Meirieu, projet que Mme Zehringer soumet à une analyse critique très documentée, qui a suscité l’émoi des lycéens, plus ou moins encadrés et soutenus par une bonne partie de leurs professeurs. De là a résulté une agitation assez gênante, qui a traîné en longueur et désorganisé la vie scolaire au premier trimestre. Malgré les efforts des organisations à sa dévotion, le ministre n’a jamais pu maîtriser la situation de façon satisfaisante. Mais le caractère indéterminé des revendications des lycéens, qui se contentaient de demander en vrac plus de professeurs, de meilleures conditions d’études et des allégements de programmes, rendait impossible une issue du conflit qui équivaudrait à un " protocole d’accord ". M. Allègre n’est pas sorti grandi de cette épreuve. La vacuité d’un bon nombre de ses propositions, l’inefficacité de la plupart des remèdes qu’il propose sont apparus en pleine clarté, et surtout aux yeux des lycéens. Mais, avec quelques créations d’emplois, quelques aménagements de programmes qui se payeront par un peu plus de dépenses (et donc d’impôts) et encore un abaissement du niveau, il a pu se tirer provisoirement d’affaire. De même que c’est aujourd’hui seulement qu’on constate que la présence d’emplois-jeunes dans l’éducation nationale ne constitue pas une panacée, car on ne sait comment utiliser ces jeunes sans formation, de même c’est seulement dans quelque temps que le bilan des décisions qui ont été prises sera établi. Quant aux attaques contre les grandes écoles et contre ces classes préparatoires dont l’élitisme constitue l’une des cibles favorites de Claude Allègre, elles ont donné lieu à une riposte ardente de leurs défenseurs : pour être brève (car on a un souci particulier des élèves dans ce milieu), la grève des professeur a été très massivement suivie. Ainsi la démonstration était faite - et le soutien de personnalités particulièrement éminentes le confirmait - que si M. Allègre persistait dans ses intentions l’affaire ne serait pas de tout repos pour lui. On ne s’étonnera donc pas si tout est calme sur ce front, mais naturellement on ne saurait rien préjuger à partir de cette accalmie. Les deux problèmes majeurs qui marquèrent la situation jusqu’à la Toussaint n’ont donc nullement évolué. Depuis, aucune donnée marquante si ce n’est une initiative qui n’a pas vraiment retenu l’attention. Sous prétexte de lutter contre les sectes, on renforce les exigences relatives à l’instruction des enfants élevés dans des établissements privés hors contrat (qui ne sont pas une rare exception, contrairement à ce qu’on croit) ou dans leur famille. Ce ne sont plus seulement les connaissances acquises en français et calcul, mais plus généralement l’éducation, le développement de la personnalité et la préparation à " l’exercice de la citoyenneté " qui seront contrôlés. Les parlementaires portés naturellement à retrouver l’unanimité lorsqu’il s’agit de faire une imbécillité n’ont pas hésité à approuver ces dispositions. Il suffit de parler de lutter contre les sectes pour leur imposer le silence. Il semble que personne n’ait encore songé à remarquer qu’un gouvernement malveillant pourrait utiliser contre la liberté de l’enseignement un texte si chaleureusement accueilli par Mme Royal. Bien sûr, ce n’est pas le secrétariat national de l’enseignement catholique qui en fera la remarque. Hors des contrats, point de salut.
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