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Lettre N° 63 - L’INEXORABLE DÉCLIN D’UN DESPOTE
M. Allègre ne peut attribuer les difficultés qu’il rencontre à une hostilité qui aurait son origine dans les préjugés des milieux de droite. On avait rarement vu un ministre socialiste accueilli par un tel concert de louanges dans l’ensemble de la presse, et les sondages confirmaient cette faveur de l’opinion.
Ses attaques réitérées contre le corps enseignant - notamment sur son absentéisme - sont largement approuvées, même lorsqu’elles reposent sur des données fausses comme le ministre finira par le reconnaître ! On découvre soudain une profonde hostilité d’une large partie du public à l’égard du corps enseignant qu’expliquent et peut-être légitiment les comportements désinvoltes ou aberrants de quelques-uns de ses membres. Très scandaleusement, de la façon la plus démagogique, M. Allègre entretient et exploite ces sentiments pour imposer ses réformes et légitimer une politique qui est celle d’une gauche sectaire et dogmatique. Pour lui, il ne peut y avoir de salut hors d’un nivellement radical. Pendant un certain temps, presque personne n’ose contester la politique Allègre. En septembre 1997, nous étions presque les seuls (hormis les publications professionnelles), avec Rémy Fontaine dans Présent, à nous opposer : je renvoie au n° 57 de cette lettre. Progressivement, d’autres voix se sont fait entendre et de façon de plus en plus critique. L’étrange faveur dont avait bénéficié Claude Allègre au départ fut rompue : on avait enfin compris qu’il ne suffit pas de dénoncer la sclérose des enseignant et l’usurpation des syndicats pour être dans le vrai et mettre en oeuvre une politique efficace. La coalition contre nature de la gauche marxiste et du libéralisme radical fut enfin brisée. L’expérience enleva rapidement toutes les illusions : le fameux colloque, au printemps 98, sur la réforme du secondaire, dont l’organisation était confiée au gourou Philippe Meirieu, malgré la présence d’une claque très "professionnelle", ne pouvait laisser aucune illusion. Hormis la démolition programmée de tout enseignement culturel, rien de sérieux n’était proposé. On eut beau essayer de séduire les lycéens par des allégements de programmes et des promesses plus ou moins feutrées d’examens plus faciles, ils résistèrent aux tentations de la facilité, et, à la fin de l’année, par des manifestations et une agitation sporadique, montrèrent qu’ils n’étaient pas dupes. Ils savaient où les conduisait le chemin de velours préparé par leur ministre : à l’absence de formation et au chômage. Quant à la bonne vieille ficelle selon laquelle, M. Allègre s’opposant aux syndicats, tout ce qu’il propose est bon, elle a fini par s’user. Au minimum, on demande à voir de plus près leurs points de désaccord ...Il est d’ailleurs manifeste, aux yeux des moins avertis, qu’on a échoué à résoudre les problèmes les plus brûlants : imposer ce minimum de sélection qui fasse qu’au cours de leur scolarité certains élèves ne soient pas condamnés à recevoir des enseignements dont ils ne peuvent tirer aucun profit ; éradiquer la violence des établissements scolaires. Sur le second point, nul besoin de commentaire ; la lecture des journaux suffit : on en est - fait nouveau - à tirer sur les principaux de collège ! Quant au niveau, un texte très officiel, signé du directeur de l’enseignement scolaire (M. Toulemonde), et d’une autre personnalité (M. Garnier), conclut, après une classification assez grossière qu’en sixième 20,7 % des élèves "ne maîtrisent pas les connaissances de base" et plus de 38 % les mathématiques. Des tableaux synoptiques montrent qu’en 6 ans ces chiffres se sont accrus presque continûment (en lecture de 11,5 à 20,7, en calcul de 17,4 à 38). Cela prouve que, contrairement à certaines allégations, le niveau n’a nullement monté, mais qu’on a de plus en plus submergé le collège unique sous une marée de cancres. Il est vraiment très regrettable que ce texte d’abord adressé aux seuls recteurs et inspecteurs d’académie, puis sur minitel n’ait pas connu la large diffusion qu’il méritait. Que nous propose M. Allègre ? seulement persévérer dans cette voie, en accélérant le rythme des réformes qui offriront le lycée pour tous (après le collège pour tous). Ce programme bassement démagogique ne trompe plus personne apparemment. Il s’ensuit que les mesures outrageantes contre les classes préparatoires aux grandes écoles, classes par nature "élitistes", et leurs professeurs dont on a réduit les émoluments en faisant appel à leur sens de la solidarité, pour multiplier les emplois de jeunes non qualifiés, n’ont pratiquement trouvé aucun défenseur, si l’on excepte quelques gauchistes attardés, mais ont probablement mis le feu aux poudres. Bien sûr les manoeuvres de division des adversaires de M. Allègre n’ont pas manqué. Au tout début, avec force cajoleries, on essayait de séduire le seul S. N. E. S., totalement orienté à gauche, pour qu’il abandonne tout front commun avec les autres organisations qui pouvaient avoir une orientation très différente. Ce fut peine perdue. L’opinion avait viré de bord : les médias consacraient l’essentiel de leurs informations aux difficultés et aux échecs de la politique de M. Allègre. Le Figaro notamment, encore qu’y traînent quelques articles de mauvais aloi forgés par des journalistes attardés, a consacré une abondante information à la situation dans les établissements des zones sensibles (notamment l’impressionnant journal d’un professeur de collège de banlieue). Enfin, du 4 au 10 février, ce même journal a publié une enquête très documentée, qui montre parfaitement comment le système éducatif s’est effondré, en raison d’une série de réformes inspirées par l’idéologie gauchiste. L’instauration du collège unique en 1975 par M. Haby fut une étape particulièrement catastrophique. La réplique apportée par le "responsable" n’est guère convaincante. Elle montre seulement qu’il a cédé à des pressions convergentes ; certes, ses intentions étaient louables, mais il a manqué d’énergie. Il est manifeste que d’Haby à Allègre il y a une dérive continue, sans aucune rupture. Mais, avec Allègre, la coupe était pleine. Le Monde du 19 février consacre un gros titre à un manifeste anti Allègre que viennent de publier des professeurs, qui peuvent légitimement dire qu’ils représentent 80 % du corps enseignant, et le ton adopté n’est nullement défavorable. Ainsi l’organe de presse le plus influent, qui avait toujours défendu depuis 1968 les innovations pédagogiques, dénoncé les conservatismes, abandonne le navire ! En clair, les "intellectuels" ont décidé la mise à mort de M. Allègre. Le texte évoqué montre que ses réformes ne passeront pas. Il est sans ambiguïté : il dénonce à juste titre la fausse opposition de la réforme moderniste et du conservatisme, alors que le problème est l’adaptation des enseignements à des conditions nouvelles. Ce n’est pas M. Allègre qui peut conduire cette adaptation. D’emblée, le manifeste affirme que "le despotisme haineux et calomniateur de Claude Allègre est insupportable". On ne saurait mieux dire. Maurice Boudot Tweet |