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Lettre N°5 - JANUS OU GRIBOUILLE ?...
Le retrait de la loi SAVARY, l’engagement d’une procédure (désormais avortée) de réforme de la Constitution, la démission d’Alain SAVARY, le changement de gouvernement, le départ des ministres communistes, nous n’imaginions pas que notre manifestation du 24 juin déclencherait une telle suite de conséquences. La preuve est donc apportée que la protestation populaire, lorsqu’elle atteint un certain niveau d’intensité dans son expression, peut faire reculer un gouvernement pourtant acharné à réaliser ses desseins. Car c’est bien d’un recul qu’il s’agit, et même d’une déroute dont on cherche en vain à masquer la véritable nature.
La manifestation nationale, trop longtemps différée, imposée par la base à une direction craintive, a emporté une victoire dans une bataille décisive. Il faut le dire et il faudra le répéter, toutes les fois où il sera utile de le faire. Mais il serait dramatique de céder à l’illusion que le danger a disparu, d’oublier les responsabilités dans cette affaire ou de se tromper sur les intentions de ceux qui nous gouvernent. Pour apprécier la situation actuelle, il nous faut revenir sur l’enchaînement des événements qui se sont déroulés depuis des mois. Ils ont déjà donné lieu à tant de commentaires qu’on peut craindre de lasser en proposant une analyse supplémentaire. Elle est toutefois nécessaire, dans la perspective qui est la nôtre, car avec le recul du temps on peut éclairer quelques points laissés dans l’ombre. ·Qu’est-ce qui a conduit le Président de la République à changer radicalement d’attitude, à décider le retrait du projet de Loi SAVARY ? La chronologie fournit quelques indices pour déterminer la réponse la plus plausible à cette question. Du 24 juin au 12 juillet, date de la fameuse allocution présidentielle, il y a trois semaines. Pendant cette période, nulle manifestation nouvelle, nul événement majeur si ce n’est la déclaration du Pape le 28 juin qui rappelle les positions fondamentales de l’Église sur le problème de l’enseignement confessionnel - positions qui étaient parfaitement connues - et le conflit avec le Sénat qui va en s’aggravant. Que fait le Pouvoir? Est-il décidé à tenir compte de la protestation populaire dont il a cherché très maladroitement à minimiser l’ampleur par les décomptes fantastiques de Gaston DEFERRE ? Aucunement ; il le dit très clairement et le manifeste par ses actes. M. MAUROY n’exprime pas sa seule opinion lorsque, le 3 juillet, il affirme qu’il n’y a pas lieu d’amender le projet SAVARY tenu pour "une loi de concorde et de paix". Deux jours plus tard, le Chef de l’État affirmera qu’il a toujours encouragé les choix de M. MAUROY et qu’il ne faut pas dissocier leurs responsabilités. Sur le problème de l’école, il n’y aurait, à l’en croire, qu’un simple malentendu. M. MITTERRAND dénonce "la médiocre politique" qui s’est emparée du problème et condamne ceux qui, sous le nom de liberté, défendent leurs "privilèges". Il en vient jusqu’à soutenir que ce sont les lois DEBRE qui avaient "blessé dans leurs convictions des millions de Français". Il ne renoncera donc sur aucun point ; "Il ne se laissera pas intimider par les invectives et les obstructions". Incontestablement, le langage est celui de la radicalisation plus qu’il ne le fut à aucun moment. Non seulement le langage, mais les actes, comme le prouve l’attitude à l’égard du Sénat. Que demande le Président de la Haute Assemblée ? Rien d’autre, en premier lieu, qu’un délai suffisant pour l’examen sérieux des textes qui lui sont soumis, au premier rang desquels figure la loi SAVARY. On sait quel accueil il reçoit. On décide le 30 juin que le Parlement est convoqué en session extraordinaire pendant tout l’été et le gouvernement affirme sa volonté de voir réglées dans les 3 mois toutes les questions en cours d’examen. Jusqu’à la journée du 12 juillet, la querelle sur le calendrier des travaux s’aigrit : après avoir puni le Sénat comme une classe chahuteuse par une privation de récréation, on en vient au point où se profile la menace du recours aux ordonnances !... Quant à la proposition sénatoriale de soumettre à référendum le projet SAVARY, non seulement on lui oppose l’argument très douteux de son anticonstitutionnalité, mais on la présente comme un "coup politique", "une manœuvre de retardement qui renforcera l’antiparlementarisme et l’extrémisme de droite" et ses auteurs sont qualifiés de "démagogues qui mettent en péril un édifice toujours fragile : la démocratie parlementaire". Je ne fais que citer des propos tenus à l’Assemblée Nationale le 6 juillet et dont on se demande comment ils n’auraient pas à s’appliquer à M. MITTERRAND lorsqu’une semaine plus tard il proposera à son tour un référendum !... D’ailleurs, M. MITTERRAND lui-même tourne en dérision l’initiative sénatoriale et n’hésite pas à dire : "si un référendum était à faire, ce serait auprès des enseignants du privé." Admirons la formule révélatrice des intentions de son auteur : l’argument de la prétendue inconstitutionnalité est subalterne ; tout simplement, un référendum sur la question scolaire est totalement inopportun. Comment en une semaine pourra-t-il changer totalement d’avis ? Faut-il supposer que M. MITTERRAND, retenu par un scrupule excessif, que lui imposait une lecture très restrictive de l’article 11, n’avait pas songé plus tôt qu’on pouvait accéder à la demande sénatoriale en modifiant la Constitution ? Ce serait lui faire injure de lui attribuer une méconnaissance d’une Constitution qu’il a charge de garder. Faut-il supposer qu’au cours d’une brève entrevue, M. GISCARD d’ESTAING a pu le convaincre de prendre cette initiative pour restaurer l’unité nationale ? Mais on est étonné de voir l’actuel Chef de l’État accorder tant de crédit aux conseils de son prédécesseur. Faut-il supposer que, la retraite au bord du Jourdain aidant, M. MITTERRAND a compris la portée d’une protestation populaire dont il se décide enfin à tenir compte ? Mais pourquoi avoir attendu si longtemps et donner d’abord l’impression qu’on agissait en sens contraire ? Aucune de ces explications n’est satisfaisante. Il nous faut donc chercher ailleurs. Probablement les choses se sont-elles passées ainsi : M. MITTERRAND sait que la radicalisation est coûteuse et risquée pour un Pouvoir très affaibli depuis les 17 et 24 juin ; mais il sait qu’est également coûteuse et risquée, compte tenu de l’état des forces politiques, une démarche d’apaisement qui ne prend un sens que dans un processus de recentrage. Il a d’abord choisi la radicalisation, mais un obstacle en apparence mineur l’arrête. C’est l’attitude du Sénat qu’on essaye vainement de faire taire à coup de menaces. Les problèmes de calendrier deviennent alors tout à fait essentiels. Le Pouvoir comptait en finir avant la rentrée ; il espérait qu’après la période estivale la question scolaire appartiendrait au passé pour sa phase législative. Les risques de voir à l’automne l’agitation repartir de plus belle seraient ainsi minimisés. Calcul dérisoire, illusion qu’on ne peut prêter à de fins politiques, dira-t-on. Mais ne vivent-ils pas d’illusions ceux qui ont cru qu’ils obtiendraient du Sénat le vote désiré sur la révision de l’article 11 ? La radicalisation était donc plus coûteuse que prévu, son succès de plus en plus incertain. Mieux valait prendre l’autre parti qui présentait quelques avantages, d’abord celui de se débarrasser de l’encombrant M. MAUROY, dont étrangement le nom ne sera pas prononcé dans l’allocution du 12 juillet, alors que l’article 89 de la Constitution précise que l’initiative de sa révision revient au Président de la République "sur proposition du Premier Ministre". (Savoir si le départ des communistes était prévu ou voulu est une question sur laquelle je n’ai aucune lumière). Restait alors à monter un dispositif ingénieux pour donner l’impression qu’on cédait beaucoup, alors qu’on reculait au minimum pour faire croire à un virage décisif du septennat ; alors qu’on se contentait d’embrouiller les problèmes, enfin pour déconcerter l’Opposition et contraindre provisoirement au silence les plus résolus défenseurs de la laïcité. Ce fut fait, non sans talent, reconnaissons-le. Mais si tel est le fond des choses, et je ne vois pas quelle autre hypothèse avancer, il y a quelques leçons à tirer. D’abord, la protestation populaire n’a pas été vaine. Le Pouvoir a dû reculer et s’il doit maintenant masquer ses intentions c’est un signe de sa faiblesse. Ensuite, le mouvement populaire a eu d’autant plus d’efficacité qu’il a trouvé un relais institutionnel. Sans le 24 juin, le Sénat n’aurait pas eu la détermination qui est la sienne. Mais sans le Sénat, les effets de la manifestation auraient été bien moindres. C’est dire que dans la défense des libertés, on ne doit pas se priver du concours des institutions qui contribuent à les sauvegarder, sous le futile prétexte d’éviter toute récupération politique. Enfin et surtout, il faut se souvenir que M. MITTERRAND jusqu’au 12 juillet s’est radicalisé. Il l’a fait aussi longtemps qu’il a cru pouvoir le faire sans trop grand risque pour l’avenir de son septennat. Il y avait non seulement intention manifeste, mais bien plus qu’un commencement d’exécution, une tentative que seules les circonstances ont fait avorter. On ne lui attribuera donc aucun mérite dans sa brutale conversion, inquiétante d’ailleurs en ce qu’elle manifeste l’imprévisibilité de son comportement. Le repentir peut être tardif, encore faut-il qu’il soit sincère. Très manifestement cette dernière condition n’est pas remplie. ·D’ailleurs, quelles décisions étaient portées à notre connaissance dans l’étrange allocution du 12 juillet ? Deux décisions totalement distinctes : le retrait de la loi SAVARY de l’ordre du jour du Parlement et l’engagement d’une procédure de révision par référendum de l’article 11 de la Constitution relatif à la procédure référendaire. Deux décisions entre lesquelles une confusion délibérément entretenue a laissé croire qu’existaient des rapports autres que ceux qui les liaient vraiment, qu’on a présentées comme complémentaires alors qu’elles se contredisaient. Donnons acte à M. MITTERRAND qu’il n’a jamais explicitement promis un référendum sur le problème de l’enseignement privé. D’emblée il a d’ailleurs à peu près annoncé le contraire. Au projet SAVARY qui n’existait plus - et qui ne pouvait donc donner lieu à référendum - succéderait un autre projet de loi qui porterait "sur des points qui relèvent à l’évidence des procédures habituelles". Formule dont je ne vois pas ce qu’elle signifie sinon l’exclusion du référendum. Dans l’entretien du 14 juillet, il se refuse à promettre un référendum sur la question scolaire. Si la révision constitutionnelle est adoptée c’est lui qui décidera des circonstances dans lesquelles l’application de la procédure référendaire est opportune. On n’apprendra rien de plus, si ce n’est que cette procédure ne s’appliquera pas au problème de la peine de mort qui "n’est pas compris dans la définition constitutionnelle des libertés publiques" alors qu’étrangement les socialistes ont coutume de présenter l’abolition de cette peine comme l’un de leurs acquis en matière d’extension des libertés (de celles des victimes, supposé-je) ! Certes, Laurent FABIUS affirmera un mois plus tard le contraire, mais sa déclaration tardive est si manifestement destinée à fléchir le Sénat, tellement conditionnelle (c’est au seul cas où la question de l’école "poserait pour les Français un grave problème de conscience" qu’elle serait soumise à référendum) qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte. Nous sommes donc éclairés : la révision constitutionnelle n’était pas destinée à résoudre le problème de l’école. Tout simplement, la querelle scolaire avait fait sentir à M. MITTERRAND l’opportunité d’un élargissement de la procédure référendaire. Il était naturel qu’il présentât en même temps que la mesure d’apaisement (le retrait de la loi) son projet de révision constitutionnelle. Bien sûr, on a pu aussi laisser entendre que le retrait de la loi SAVARY n’était définitif que sous réserve d’une acceptation de la loi de révision. Mais ce marchandage s’apparentait trop au chantage pour qu’on osât insister sur ce thème... Si nous retenons cette vision des choses - et il faut le faire en l’absence d’un engagement formel d’appliquer la procédure référendaire à la question scolaire -, dès le 12 juillet le problème constitutionnel est totalement dissocié de cette question. Demander alors à ceux qui avaient pensé qu’un référendum pouvait préserver la liberté de l’enseignement de voter la révision pour ne pas se contredire est un argument de mauvaise foi, puisque précisément ils n’auraient pas le référendum qu’ils voulaient. D’ailleurs, s’il s’agissait simplement d’apaiser la querelle scolaire, des deux mesures annoncées le 12 juillet, il y en avait une de trop. Le retrait de la loi SAVARY rendait inutile la révision constitutionnelle. En revanche, la révision n’aurait été efficace que si on avait appliqué la procédure référendaire à cette loi. J’aurais aimé qu’on nous annonçât qu’elle n’était retirée de l’ordre du jour du Parlement que pour être soumise au Peuple. Il est étrange que M. MITTERRAND n’ait pas été curieux du résultat. Une démission au lendemain d’un référendum négatif aurait été d’ailleurs un digne départ pour M. SAVARY. Il en est allé autrement, ce qui prouve que M. MITTERRAND redoutait un rejet solennel et définitif par le Peuple des projets socialistes en matière d’éducation. Bref, avec ces deux décisions distinctes, François MITTERRAND donnait l’impression de céder deux fois. En apparence, il nous submerge sous une avalanche de bienfaits. Que fait-il en réalité ? Il reprend d’une main ce qu’il nous donne de l’autre. Contraint de reculer sur la question scolaire, il fait de ce recul une occasion de voir réaffirmée sa légitimité et ses pouvoirs considérablement renforcés. De là l’invention de ce référendum "à blanc", de caractère nettement plébiscitaire, dont l’un des avantages était non pas de rendre possible l’autre référendum, voulu par les Français et demandé par le Sénat, mais de permettre de l’éviter. Ainsi s’explique le rejet des propositions, faites par l’opposition, de soumettre la révision constitutionnelle à l’approbation du Congrès. Si l’on examine son contenu, le projet de révision constitutionnelle apporte au problème de la sauvegarde des libertés publiques une solution extravagante. Soyons sérieux. Qui, dans un régime comme le nôtre, dans une conjoncture du type de celle que nous connaissons, peut menacer les libertés ? Nul autre qu’un gouvernement choisi par le Président de la République et soutenu par la majorité de l’Assemblée Nationale. A tort ou à raison c’est bien lui que les Français soupçonnent. Or, qui aurait le pouvoir de recourir au référendum pour préserver les libertés ? Nul autre que le Président de la République qui en a seul l’initiative. Jusqu’à nouvel ordre un passé de pyromane n’habilite pas à entrer dans le corps des sapeurs pompiers. Pour être honnête, la loi de révision devait pour le moins prévoir une initiative conjointe, par exemple un référendum décidé par le Président de la République à la demande du Sénat ou avec son accord. Rien de semblable n’a été proposé parce que le but réel de la révision était seulement d’accroître les pouvoirs du Président de la République. Vraisemblablement, M. MITTERRAND pensait à l’éventualité où il se trouverait en présence, en 1986 ou avant, d’une Assemblée hostile. Il se préparait pour cette occurrence une arme beaucoup plus redoutable que le pouvoir de dissoudre. Le problème de la révision constitutionnelle était donc posé en termes tels qu’il n’avait plus aucun rapport avec la question scolaire. Il était devenu un problème d’équilibre des pouvoirs et, à mon sens, la solution négative qui lui a été apportée était la seule acceptable. Il faut beaucoup d’aplomb pour continuer à dire, comme le fait M. JOSPIN, que l’opposition a refusé ce qu’elle avait demandé : un référendum n’égale pas n’importe quel autre référendum. Concluons vite, puisque la question "n’est plus d’actualité" comme le constatait l’orateur communiste à l’Assemblée pour justifier que son groupe vote une révision qu’il venait de condamner ! Le Pouvoir a utilisé la question scolaire comme un simple prétexte pour tenter, à son occasion, une opération politique qui devait assurer de meilleures conditions de survie au Président de la République au cas où les prochaines législatives lui seraient défavorables. Je suppose que, lorsqu’il dénonce la politisation du débat scolaire, M. DANIEL pense à cela. · Achevé l’épisode référendaire, où en sommes-nous ! Un seul point est acquis : le retrait de la Loi SAVARY, encore qu’on n’ait aucune assurance qu’elle ne renaîtra pas de ses cendres, un jour ou l’autre, avec un nouveau parrain. M. CHEVENEMENT a fait part de sa volonté d’aller vite pour régler les problèmes urgents. Mais en matière d’éducation, l’urgence est une notion toute relative. Les universités ne vivent-elles pas depuis 8 mois sous le régime d’une loi incomplète dont le Conseil Constitutionnel a condamné les dispositions indispensables à son application (à savoir, le mode de désignation des Conseils), sans qu’on semble avoir hâte de remplacer ces textes ? Décidément, les lacunes juridiques ne font pas peur à nos gouvernants et, en guise de constructions, M. SAVARY n’aura laissé derrière lui que des édifices inachevés. Néanmoins, on essaiera vraisemblablement d’adapter la Législation en vigueur aux transferts de compétences qu’entraîne la loi de décentralisation, en utilisant la procédure réglementaire qui permet d’agir en catimini. Hier, on nous disait que c’est l’incompatibilité des lois DEBRE-GUERMEUR avec la loi de décentralisation qui rendait indispensable qu’on leur substitue une loi nouvelle ; aujourd’hui M. LAIGNEL nous apprend qu’on peut actualiser la législation en vigueur par de simples décrets et M. CHEVENEMENT proteste quand on lui attribue l’intention de déposer une nouvelle loi ("je n’ai rien dit de tel", LE MONDE, 28 août). Nous aimerions savoir où est la vérité. Cette adaptation par décret comportera des pièges. On nous répète sans cesse que l’enseignement privé doit renoncer à ses privilèges, "comme la possibilité accordée au seul privé de créer des postes" (A. LAIGNEL, Le QUOTIDIEN de PARIS, 21 août 1984). Naturellement, il s’agit là d’une description extravagante de la situation actuelle, puisqu’il n’y a création de postes que s’il y a besoin scolaire reconnu. Faute de venir à bout de l’enseignement privé, au moins peut-on espérer entraver son développement, lui interdire de faire face à l’afflux de demandes nouvelles qu’il a connu cette année. La concurrence sera "planifiée", soyons-en assurés. Comptons sur l’inventivité de nos socialistes pour multiplier les pièges, imprévisibles par nature, puisque c’est la condition de leur efficacité. C’est dire que ceux qui ont en charge de suivre le problème devront redoubler de vigilance et que l’opinion publique ne doit pas se laisser endormir par les propos lénifiants. Mais ira-t-on au fond de la question, lui apportera-t-on une solution définitive ? Vraisemblablement non, et le candide espoir qu’entretiennent certains défenseurs du privé sera déçu. Je suis assez étonné de voir qu’on se réfère à la récente déclaration de M. LAIGNEL, dont je viens de citer une formule, comme si son auteur y répudiait les principes qui sont les siens. Certes, le ton patelin, dans le goût du jour, est nouveau ; mais sur le fond M. LAIGNEL ne renie rien. Il y aurait, selon lui, deux logiques pour résoudre le problème. Celle de "l’intégration", qui consiste à absorber l’enseignement privé dans un service public unifié, en lui laissant une marge d’autonomie plus ou moins restreinte (c’est moi qui commente) et celle de la séparation "schématisée par la formule "fonds privés pour l’école privée"". L’intégration déplaît aux laïcs ; elle a été refusée par le privé, alors que la loi SAVARY la lui proposait à des conditions avantageuses qu’acceptaient les laïcs "parce que c’était un gouvernement de gauche qui le leur demandait" (à croire que les laïcs au lieu de suivre leurs convictions obéissent à des considérations de basse politique !). On est heureux d’apprendre au passage que la loi SAVARY était une loi d’intégration, ce qui était nié, il y a trois mois. Toujours est-il qu’il reste la seule logique de la séparation qui, d’ailleurs, a toujours eu les faveurs de M. LAIGNEL, car elle est "très libérale" et "correspond aux souhaits de beaucoup de gens". (Faut-il supposer qu’on est libéral du simple fait qu’on n’interdit pas l’enseignement privé ?). Tout ceci est parfaitement cohérent. On attend la conclusion : supprimons sans délai toutes les aides publiques à l’enseignement privé. Naturellement, elle ne vient pas. M. LAIGNEL n’a quand même pas envie de saborder son parti. Il accepte donc d’attendre ; sur ce point sa position s’est effectivement modifiée. Toutefois, il est certain qu’on restera dans l’instabilité, puisque la rigueur des temps interdit de s’installer dans le système séparatiste : "la question de la définition des rapports entre le public et le privé resurgira un jour ou l’autre". Je ne serais pas étonné que M. LAIGNEL pense au lendemain d’une victoire aux prochaines législatives. ·Nous sommes prévenus. L’occasion manquée, dont M. LAIGNEL est si navré de voir que le privé n’a pas su la saisir, c’est la loi SAVARY. Il n’y en aura pas d’autre, si ce n’est les lois "séparatistes" dont on rêve. Tout ce qui sera proposé, quel qu’en soit l’habillage, relèvera de la disposition transitoire, même si on soutient mensongèrement le contraire. Il est temps que certains milieux cessent de rêver. Il n’y aura pas de solution définitive et satisfaisante de la question scolaire aussi longtemps que gouvernera le parti de M. LAIGNEL. Il y a eu recul du Pouvoir, non volonté réelle d’apaisement. Maurice BOUDOT, le 5 septembre 1984. P.S. - On aura compris que cet article était prêt pour l’impression, lorsque M. CHEVENEMENT a rendu publiques ses intentions. Sa déclaration ne comporte aucun élément imprévu et ne nous conduit sur aucun point à modifier notre analyse. Vraisemblablement, on restera dans le provisoire, avec quelques aménagements progressifs du statu quo dont il est à craindre qu’ils soient tous défavorables à l’enseignement privé. Mais tout jugement définitif doit être différé jusqu’au moment où les intentions du Ministre se traduiront en textes précis. Pour l’instant, nous éviterons soigneusement d’entrer dans le jeu de la propagande qui veut nous faire croire que la bonne volonté du gouvernement lui a permis de trouver très rapidement une solution équitable des problèmes en suspens. Ces problèmes sont en réalité, ou différés, ou éludés. On est beaucoup plus pressé de nous faire croire qu’on les a déjà résolus que de les résoudre réellement. Il faut beaucoup de candeur pour se réjouir bruyamment de voir disparaître les mesures les plus intégrationnistes de la loi SAVARY. N’était-ce pas prévisible depuis le 12 juillet ? M. CHEVENEMENT avait-il un autre choix ? Nous n’accorderons donc pas à cette déclaration plus d’importance qu’elle n’en mérite. Remarques à l’attention des adhérents et abonnés
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