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Lettre N° 36 - LA MACHINE EMBALLEE
Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc pour prévoir que M. Lang ne voudrait pas écorner sa popularité par des réformes aussi malencontreuses et mal accueillies que celles décidées par son prédécesseur. A peine nommé à la tête de l’Education Nationale, il annonce qu’il diffère la réforme des premiers cycles universitaires dont la seule annonce avait jeté les étudiants dans les rues et qu’il gomme les aspects les plus choquants de la "rénovation" des lycées. Est-ce à dire que le nouveau ministre va s’engager dans une voie différente de celle choisie par son prédécesseur, qu’il fondera son action sur d’autres principes, comme l’avait fait, en apparence au moins, M. Chevènement qui s’était attiré à bon compte une popularité auprès des maîtres après l’intermède Savary-Legrand en rappelant que l’école a pour fonction de transmettre savoir et apprentissage ? Probablement non. M. Lang n’en a pas le temps, ni les moyens, et rien ne prouve qu’il en ait la volonté. Le système mis en place au fil des années a son inertie. Comme une machine emballée, il ne peut s’arrêter. Il faudrait un extraordinaire courage politique et probablement une conjoncture autre que celle que nous connaissons pour changer notablement sa trajectoire. N’attendons rien de semblable dans l’immédiat, tout au plus peut-on espérer qu’on différera ou atténuera les modifications institutionnelles les plus choquantes, œuvres de M. Jospin. Encore faut-il regarder les choses d’assez près et ne pas se laisser étourdir par des gestes qui relèvent de la politique-spectacle. La mesure la plus voyante est l’abandon de l’une des dispositions choquantes de la "rénovation" des lycées, qu’on mettait en place à la hâte. Il s’agit de la limitation du nombre des matières à option en seconde qui portait spécialement atteinte à l’enseignement des langues anciennes et qui soulevait un tollé. Mais cette générosité est en grande partie feinte. On ne revient aucunement sur une disposition administrative peu connue du public, mais particulièrement pernicieuse. Il s’agit de la dotation horaire globale qui revient à affecter à chaque établissement scolaire un nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement, lui laissant le soin de les répartir, en se contentant de respecter des "horaires-planchers". Autrement dit, sous couvert d’autonomie, on laisse à l’établissement le soin de "gérer la pénurie", pour utiliser le jargon syndical ! Comme les dotations globales sont calculées au plus juste, - on manque d’enseignants et de crédits -, les options les moins demandées ne seront assurées que dans de très rares établissements. Ainsi scolarisera-t-on à moindre frais un nombre toujours croissant de lycéens. Quant aux principes fondamentaux de la rénovation des lycées qui sont ceux de cet égalitarisme uniformisateur qui a déjà causé tant de dégâts 1, ils ne sont mis en cause d’aucune manière. On ne revient pas plus sur des mesures démagogiques - comme la possibilité offerte aux familles de refuser un redoublement demandé par les professeurs - dont l’annulation ne coûterait pourtant rien ! Le caractère sacré du dogme selon lequel l’énorme majorité des élèves ont vocation à obtenir le baccalauréat l’interdit. Les rapports de l’inspection générale sur les pratiques pédagogiques en 6ème, ou sur les collèges en général, confidentiels mais évoqués dans les médias, confirment à la fois l’ampleur des dégâts et la perversité des principes. On y reconnaît qu’une proportion importante d’élèves entrant en 6ème ont un ou deux ans de retard (90 % pour un collège de "Z.E.P.", dans l’échantillon observé !), mais on explique le phénomène "en partie" par l’origine socio-culturelle des élèves, immédiatement après on se félicite que le taux de redoublement de la 5ème diminue nettement, en passant sous silence que cette baisse est due entre autres facteurs au fait que le caractère facultatif du redoublement entre dans les. mœurs ! Certes dans le rapport consacré aux 6èmes, on note que les difficultés sont largement dues au fait que les professeurs sont insuffisamment qualifiés dans leur discipline : on parle d’une insuffisante "maîtrise de la discipline" enseignée, insuffisance scientifique due à une absence de formation initiale ou "une inadéquation de la formation continue" (en français, 4 professeurs sur 10 sont sans formation initiale.) Mais on continue en même temps à véhiculer les illusions des pédagogues : on regrette l’absence de projet pédagogique "au niveau de la classe" (qu’est-ce ?), on déplore que l’enseignement dispensé ne convienne pas à des classes hétérogènes, comme s’il était encore possible d’enseigner lorsqu’il n’y a pas de commune mesure entre les élèves quant à leurs capacités et à leurs goûts. On déplore que "l’analyse des cohortes d’élèves ne soit pas entrée suffisamment dans la pratique", que "la construction du projet personnel qui concerne le devenir de chaque élève relève encore du mythe dans un grand nombre d’établissements". Mais que désigne ce projet personnel ? J’avoue ignorer le sens de ce jargon... Tous ces textes laissent rêveurs sur l’état d’esprit des hauts fonctionnaires qui président aux destinées de l’enseignement. On reconnaît en termes voilés que rien ne fonctionne correctement, mais il ne vient à l’idée de personne de mettre en cause les objectifs assignés : scolariser dans des classes semblables tous les élèves, faire la chasse aux filières ségrégatives ! Croit-on que c’est M. Lang qui incitera ces serviteurs zélés des projets de ses prédécesseurs à manifester plus d’esprit critique ? En tout cas, rien n’est changé en ce qui concerne la mise en place de ces fameux I.U.F.M. dont j’ai déjà parlé et qui constituent l’une des initiatives les plus pernicieuses de M. Jospin. Rappelons qu’il s’agit de former dans les mêmes établissements, de façon à peu près identique, tous les enseignants de la maternelle à la terminale. Pratiquement leur formation échapperait aux Universités. On sacrifierait de façon très précoce (deux ans après le baccalauréat) l’apprentissage de la discipline à enseigner à l’apprentissage de divagations pédagogiques ! La réalisation de ce projet ruinerait la qualité du corps enseignant, comme on le reconnaît généralement. Les I.U.F.M. avaient été prétendument mis en place dans quelques villes à titre expérimental. Encore que les résultats soient consternants de l’avis général, le système est progressivement généralisé et par des méthodes sournoises on tend à imposer le passage par l’I.U.F.M. comme une obligation pour les futurs enseignants. M. Lang a-t-il freiné cette dérive ? Aucunement et aucun signe n’indique qu’il ait l’intention de le faire. Il ne faut donc pas rêver et attendre du ministre actuel qu’il rompe avec la politique de son prédécesseur. M. B.
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