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Lettre N°17 - AH ! LE BACCALAURÉAT "JAPONAIS"
Madame SEGUIN, Proviseur de lycée, est Vice-Présidente d’un syndicat de chefs d’établissements (F.N.P.A.E.S.) qui appartient à la Confédération Syndicale de l’Education Nationale. Ce texte a été publié dans la revue bimestrielle de cette confédération : Temps futur (mars-avril 1987, p. 15) Nous sommes très reconnaissants de l’autorisation qui nous est accordée de le reproduire dans nos colonnes. Dans un souci d’efficacité de notre enseignement doublé d’un élan de générosité un Ministre de l’Éducation Nationale a décidé que 80 % des jeunes Français devraient à long terme parvenir à une classe terminale de second cycle. Cette idée a été conservée par son successeur : comment pouvait-il faire autrement ? De cette simple idée d’une scolarité prolongée bien au-delà de seize ans suivant une tactique rampante destinée en partie à résorber le chômage des jeunes et leur désœuvrement, l’opinion publique a conclu que 80 % des Français seraient bacheliers. Comment peut-on admettre raisonnablement qu’il soit décidé arbitrairement d’un pourcentage de réussite à un examen ? Cela supposerait des textes officiels contraignant les enseignants à recevoir, sans tenir compte des résultats obtenus à l’examen, n’importe quel candidat. Qu’en serait-il alors du niveau intellectuel des bacheliers et de la valeur du diplôme qui reste, fort heureusement, le premier grade de l’enseignement supérieur ? Je sais bien que certaines doctrines totalitaires posent comme postulat que l’Homme peut être modelé par une pédagogie mise au service de l’endoctrinement idéologique ; que chaque individu est le produit de la société, un maillon de la chaîne, qui n’existe pas en soi ; aucune innéité chez l’homme, seulement de l’acquis social. Cette philosophie antihumaniste se heurte à l’évidence : en effet l’Essence de l’Homme - de sa création jusqu’à son hypothétique disparition - est immuable. Le concept Homme, sa définition fondamentale, voire métaphysique, en fait un Être composé de matière et d’esprit, où les deux éléments se trouvent inextricablement imbriqués. Le corps humain - bien que mortel - n’a pas varié depuis sa création. Comment pourrait-on penser que l’Esprit qui, lui, ne meurt pas, puisse varier, pétri comme une pâte, à coup de doctrines inculquées par des méthodes pédagogiques plus ou moins sophistiquées ? L’Homme, pédagogue ou doctrinaire politique, n’est pas Dieu : il ne peut créer de l’intelligence : en revanche il peut accroître et développer le noyau d’intelligence que chaque être humain porte en lui ; mais, en fonction du terrain la graine produira soit un gros fruit, soit un fruit chétif. Qui peut nier que la même pédagogie appliquée par le même maître produise des effets différents ? En réalité personne ne croit que 80 % des Français puissent être bacheliers. Serait-ce souhaitable ? N’est-il pas plus sage et réaliste d’ouvrir d’autres voies parallèles et différentes de celle du baccalauréat ? Qu’il soit d’enseignement général ou d’enseignement technologique. Une de ces voies existe depuis peu : celle des baccalauréats professionnels, qui doit permettre à tous ceux qui peuvent et qui veulent s’accomplir dans le domaine du concret, sans négliger pour autant l’acquisition de connaissances de base, d’atteindre un niveau supérieur à celui de l’actuel B.E.P. Il faut ouvrir largement et rapidement cette voie qui est celle du salut d’une partie de la jeunesse en même temps que celle de l’efficacité des entreprises. Tout cela est très beau, dira-t-on ; mais comment font les autres peuples ? Il paraît que si le Japon est le pays le plus économiquement compétitif du monde, c’est que tous les ouvriers japonais sont bacheliers. Lassés d’entendre, ici et là, de telles balivernes, nous sommes allés aux sources : non pas au Japon - il faudrait en détenir les moyens administratifs et financiers - mais au centre culturel japonais, en France, à Paris. De nos entretiens avec les responsables de ce Centre, et de l’étude des documents qui nous ont été remis, il ressort :
Mais ce qui nous semble le plus important c’est qu’au bout des trois ans passés au lycée un certificat de fin d’études secondaires est délivré par chaque établissement à chaque élève, quel que soit le niveau que celui-ci ait atteint.
Certains en France rêvent peut-être d’un tel système qui certainement convient aux jeunes Japonais. Mais à quoi donne droit cette attestation ? A passer l’examen d’entrée dans L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. "LES UNIVERSITÉS (cycle court ou long) sélectionnent leurs étudiants par un examen d’entrée et en tenant compte de leurs résultats scolaires au lycée. Dans les universités publiques nationales et locales, un concours national, examen unifié destiné à évaluer le niveau général de base atteint par les candidats à la sortie de l’enseignement secondaire du second cycle, a été institué au cours de l’année universitaire 1979. La seconde étape est l’examen organisé indépendamment par chacune des Universités pour la sélection finale de leurs étudiants." (extrait de La Vie au Japon, page 3). A l’issue de ces examens successifs, 37 % environ de Lycéens entrent à l’université dans la branche pour laquelle ils ont été sélectionnés : enseignement universitaire court, ou université menant à la licence, puis à la maîtrise et au doctorat. Des écoles professionnelles spécialisées et des écoles diverses accueillent les unes les lycéens, les autres les collégiens qui n’ont pas été admis au lycée. En dehors de la voie de l’enseignement supérieur le certificat de fin d’études secondaires permet d’entrer dans une entreprise où le jeune apprendra son métier. Il pourra ainsi devenir ingénieur (maison), agent de maîtrise ou ouvrier qualifié. C’est sans doute pour cela que la rumeur publique persiste à affirmer que le succès économique du Japon tient au fait que tous les ouvriers y sont bacheliers. Il n’y a qu’une petite erreur à cela, c’est qu’il n’y a pas de baccalauréat japonais et qu’à notre avis il convient de chercher d’autres motifs au succès économique du Japon. Geneviève SEGUIN Tweet |