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ASSUMER SES CONVICTIONS, S’ENGAGER POUR L’ÉDUCATION
Intervention d'Anne Coffinier, Directeur général de la Fondation pour l’école, lors de la séance de clôture de l'université d'été de
Permettez-moi de remercier la Manif pour tous de me donner la possibilité de vous parler de l’éducation, et plus précisément de l’école. C’est à mon sens le domaine par excellence où doivent aujourd’hui s’engager les personnes de conviction désireuses de servir la cité. L’école concerne chacun d’entre nous, et non pas seulement les professeurs et les parents. Oui, chacun d’entre nous, car l’état de l’école conditionne l’avenir de notre société et même – n’ayons pas peur de le reconnaître – l’avenir de notre civilisation française en tant qu’elle est fille de Jérusalem, Rome et Athènes. L’affaiblissement de l’école conduit tout droit à la décadence de notre civilisation car si l’institution scolaire ne fonctionne plus, c’est le trésor scientifique et culturel accumulé par nos pères qui n’est plus transmis. Nos enfants risquent alors de devenir étrangers à la culture de leur propre pays, à la culture de leurs propres parents. Ne laissons donc personne décider à notre place de ce qui est enseigné à nos enfants. C’est à nous, en tant que parents ou futurs parents et citoyens, à qui en incombe, devant Dieu et les hommes, la responsabilité inaliénable. Ne nous laissons pas impressionner par l’État dont le rôle est fondamental mais qui sera toujours illégitime quand il va, en matière éducative, contre les droits et libertés des familles et de la société civile. Nous y reviendrons. Il nous faut donc nous intéresser de très près à la dimension éducative de l’école, car ce sont les parents qui sont les premiers responsables et premiers éducateurs de leurs enfants. Ce n’est pas l’État, qui a certes une grande importance mais qui n’est pas le premier éducateur et premier décideur en matière d’éducation. La fonction de ce dernier est de garantir et de faciliter l’exercice des responsabilités éducatives par la société civile. Il n’a légitimité à instruire lui-même la jeunesse que s’il le fait de manière non exclusive ou, très minoritairement, pour réparer une défaillance des responsables naturels de l’éducation des enfants. Notre vigilance en matière éducative ne doit pas s’arrêter à la question du gender. Elle portera légitimement sur tout ce qui touche à la conscience de l’enfant, au sens de la vie. Jules Ferry lui-même, pourtant si idéologue, le reconnaissait avec force dans sa Lettre aux instituteurs de 1883 (je le cite) : « Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire (…). Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l’enfant. » Ne doutons pas de notre légitimité à veiller sur la conscience des enfants. Il n’est pas acceptable que l’État (je cite l’actuel ministre de l’Éducation) se donne pour but de « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités » de L’école ne doit enseigner que ce qui est tout à fait sûr et ce qui est essentiel à la vie de l’esprit (les connaissances fondamentales). Elle n’invite pas les passions en son sein. Prudente, elle n’enseigne que ce que les siècles ont consacré comme chefs-d’œuvre et comme connaissances fondamentales de l’humanité. Elle ne se met pas à la botte de l’ultra actualité ou des modes passagères. Il ne lui revient pas d’initier des ruptures ou de jouer les apprentis sorciers d’une humanité nouvelle. Nos enfants ne sont pas des cobayes. Ils n’hériteront pas par simple imprégnation notre culture multiséculaire. Ils ont besoin que l’école leur transmette de manière progressive et structurée les fondamentaux de cette culture et le goût de développer ensuite leurs connaissances par eux-mêmes leur vie durant. Vous le voyez, notre responsabilité comme parent ou citoyen ne s’arrête pas à la dimension éducative de l’école. Elle concerne aussi l’instruction, qui n’est pas non plus exclusivement une affaire de spécialiste. Le gender nous a arrachés à notre torpeur. Nous accordions une confiance a priori à l’État, à l’institution scolaire sous contrôle étatique. L’affaire du gender nous a montré qu’il nous fallait rester constamment vigilants, dans l’intérêt des enfants. Mais notre vigilance ne doit pas se focaliser sur le gender, elle ne doit pas même s’arrêter à l’éducation, elle doit vraiment aller jusqu’à la racine qui est l’instruction, c’est-à-dire la formation de la raison – cette raison qui fait le propre de l’homme. Et justement, l’école – de plus en plus obnubilée par son objectif de rééducation des consciences – s’est dangereusement désintéressée de sa mission première qui est d’instruire. Ne croyez pas qu’il y ait là une exagération de ma part. Regardons en face les faits : notre système scolaire conduit aujourd’hui 40 % des enfants à l’échec scolaire ; 200 000 jeunes abandonnent chaque année l’école sans aucune qualification… Aurons-nous le cœur à supporter plus longtemps un tel gâchis humain ? Allons-nous collaborer plus longtemps à une telle injustice ? Les professeurs eux-mêmes vivent un calvaire car le système scolaire ne leur apporte ni la liberté ni le soutien nécessaires à leur mission d’instruction. Les abandonnerons-nous à leur détresse ? Notre premier rôle est d’exiger, aussi bien de nos élus politiques que sur le terrain, dans chaque établissement, que l’école revienne à sa vocation première qui est d’instruire. Non, l’école n’est pas là pour « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » (contrairement à ce que prétend Vincent Peillon). L’école n’est pas là non plus pour réduire les inégalités sociales, n’en déplaise aux hommes politiques et aux sociologues. Nous, parents et citoyens, nous devons exiger du pouvoir politique qu’il cesse de l’instrumentaliser à des fins (même si elles semblent généreuses) qui ne sont pas les siennes. Nous devons obtenir que l’école soit rendue à sa vocation propre qui est de nourrir, de structurer, de délier l’intelligence. L’école n’a pas à s’ingérer dans la conscience de nos enfants. L’école n’a pas à déstabiliser et délégitimer, et finalement déresponsabiliser les familles au nom de la « déconstruction des stéréotypes culturels ». C’est en s’acquittant de son humble et noble mission d’instruire qu’elle servira le mieux la justice sociale, la liberté, l’égalité, la fraternité. À force de vouloir faire de l’école un vecteur d’émancipation, les penseurs de l’école l’ont transformée en un puissant vecteur de déculturation et d’obscurantisme. Parce qu’elle ne transmet plus la culture de notre pays avec ses grands noms et ses sources de fierté légitime, elle devient le champ clos de tous les communautarismes. Trop d’enfants ignorent qui sont Clovis ou Napoléon. Trop d’enfants ont une maîtrise trop rudimentaire de la langue française pour avoir une chance réelle de devenir des citoyens libres. L’école fait de nos enfants des victimes sans défense qui pourront être manipulées et bernées à loisir. De plus en plus de professeurs s’en rendent compte et en souffrent aussi terriblement. Ne collaborons pas à cette abdication de l’intelligence et de l’humanité ! Alors que faire concrètement ? Il existe des solutions à notre portée, nous qui avons à cœur de nous engager au service du bien commun. Parents, ne nous laissons plus confisquer nos responsabilités. N’ayons pas peur de faire entendre notre voix dans les organisations familiales, dans les organisations de parents d’élèves ou directement, comme simples parents. Nous n’avons besoin du mandat de personne pour nous acquitter de ce devoir qui découle directement de notre simple parentalité. Exigeons que l’école se concentre sur l’instruction et n’agresse plus les consciences et les familles. Jeunes ou moins jeunes réunis aujourd’hui, vous pouvez faire encore plus : je vous appelle solennellement à vous engager dans le métier de professeur. C’est le plus beau métier du monde ; le plus fondamental, le plus délicat – car il touche à l’humanisation de l’homme – et le plus noble ; le plus directement connecté au bien commun. Vous qui rêvez peut-être d’engagement politique, dites-vous que tous les révolutionnaires ont concentré leurs efforts sur les enfants. Ne leur abandonnez pas la jeunesse : devenez maître d’école pour que l’école reste le lieu de formation rigoureuse de l’esprit, dans le respect scrupuleux des consciences. Il ne s’agira bien sûr pas de remplacer une idéologie par une autre, que ce soit le gender ou autre chose. Il s’agit de donner à chaque enfant le goût de la recherche insatiable de la vérité. La mission de celui qui s’engage dans l’enseignement, c’est d’être humblement et obstinément le coopérateur de la vérité : c’est vrai à l’école publique aussi puisqu’il s’agit de donner à l’enfant soif de la vérité, de lui apprendre à raisonner avec justesse et exactitude, de lui transmettre ce qui est sûr et de lui donner les outils critiques pour déconstruire les idéologies dominantes, qui appliquent leur filtre déformant sur Plus largement, nous ne pouvons pas laisser notre époque évacuer la question de la vérité, la rejeter de l’école comme une dangereuse illusion. Si la laïcité à la française conduit automatiquement à faire du relativisme le nouveau dogme incontesté, c’est que cette laïcité est intrinsèquement mal conçue : qui ne voit pas qu’elle représente alors une source majeure de déstabilisation de notre société et en particulier de l’école ? Il n’est pas étonnant que les études scientifiques n’attirent plus la jeunesse en France : qu’est-ce que la science si la vérité n’existe pas, si elle n’est pas accessible, si tout n’est qu’opinion équivalente ? Quand une société ne croit plus à l’existence de la vérité ni à la possibilité pour l’honnête homme de l’atteindre par l’usage de la raison, alors elle sape la possibilité même de l’autorité et donc l’institution scolaire elle-même ainsi que toutes ses institutions. Si l’on vide de sens le concept de vérité, on tue l’école car l’on supprime la source même de l’autorité nécessaire à l’apprentissage. Si tout est affaire d’opinions subjectives par nature, pourquoi l’élève se laisserait-il enseigner par le maître ? Vous, professeurs, dans ce monde qui ne reconnaît rien de plus vrai que le relativisme (quel paradoxe !), vous serez les coopérateurs résolus de Oui, assumons nos convictions ! Le métier de professeur est méprisé de nos jours ? Peu importe. Il n’est pas très bien payé ? Peu importe. On ne peut pas prétendre servir le bien commun, on ne peut pas prétendre se préoccuper de l’avenir de la jeunesse, on ne peut pas prétendre être responsable, si l’on ne s’engage pas dans ce combat de l’éducation, si l’on ne s’engage pas massivement dans l’instruction de Mais si vous embrassez la carrière professorale, il faudra vous souvenir que c’est en homme libre, en artisan, en profession libérale qu’il vous faudra enseigner. Que vous enseigniez dans le cadre d’une école privée ou publique importe peu à cet égard. Le professeur n’est jamais un exécutant. Rien ne peut le forcer à enseigner selon des méthodes ou pour couvrir un programme que désapprouve sa conscience. Pas même le statut de la fonction publique ! Vous pouvez contribuer encore plus puissamment au renouveau éducatif de notre pays en prenant la direction d’une école entièrement libre ou en en fondant une nouvelle. Avec un esprit de liberté et de responsabilité, on peut déjà faire un bon travail au sein des systèmes pourtant très contraignants que sont l’Éducation nationale ou les écoles sous contrat, à condition d’être bien formé, travailleur, courageux et déterminé. Mais ce que vous ferez risque fort d’être défait dans la classe d’à côté ou l’année suivante. Et vous risquez de vous épuiser vite. Pourquoi alors ne pas choisir un cadre institutionnel assurant la cohérence nécessaire pour mener à bien un projet éducatif ? Une école ayant des principes éducatifs clairs et respectueux des familles. Une école dont le directeur recrute lui-même ses professeurs de manière à ce qu’ils soient volontaires pour enseigner dans son établissement, et tous profondément en accord avec sa vision de l’éducation. Une école libre d’adapter les programmes et de choisir les méthodes et les manuels en fonction des seuls besoins des enfants tels que constatés sur le terrain. Une école qui ne soit pas tenue de suivre les réformes incessantes des programmes et rythmes scolaires pour se concentrer sur les apprentissages fondamentaux dans un cadre stable et bien maîtrisé. Ces écoles existent ! Au nombre de 600 de la maternelle au bac général (sans compter les milliers d’établissements professionnels indépendants), elles scolarisent déjà plus de 50 000 élèves en France (cf. liste à jour sur www.ecoles-libres.fr). En croissance rapide, avec une quarantaine d’ouvertures par an, elles donnent aux familles et aux professeurs une véritable alternative, en complément des écoles d’État. Elles enrichissent donc le paysage scolaire en offrant un plus large choix aux familles à la recherche de solutions éducatives répondant aux aptitudes et aspirations de leurs enfants. La variété des types d’intelligences des enfants nécessite une variété de types d’écoles accessibles pour permettre au maximum d’enfants de réussir leur formation scolaire. Une partie croissante des professeurs des écoles indépendantes – pour le primaire – apprennent le métier à l’Institut libre de formation des maîtres, situé à Paris et qui forme en alternance des jeunes de la France entière. N’hésitez pas à vous renseigner (www.ilfm-formation.com). Mais la justice exige plus de nous : nous devons nous préoccuper de tous ceux qui n’ont ni les moyens ni le réseau social pour confier leurs enfants aux meilleures écoles. Nous devons leur garantir l’accès aux moyens financiers et aux informations nécessaires pour qu’ils puissent eux aussi choisir l’école qui offrira le plus de chances possibles à leurs enfants. Ensemble, militons pour que l’État finance l’établissement public ou privé que les familles auront librement choisi. C’est une question de justice. La justice sociale passe par la suppression de la carte scolaire, qui institue une scandaleuse double peine puisqu’elle condamne à un échec scolaire programmé les enfants des quartiers défavorisés en les obligeant à fréquenter des établissements concentrant toutes les difficultés à la fois. La justice sociale passe par la fin de la discrimination financière que subissent injustement les écoles privées. Si la liberté d’enseignement est de valeur constitutionnelle, pourquoi faudrait-il payer pour exercer ce droit ? De sorte que cette liberté constitutionnelle demeure, du fait de la loi, l’apanage d’une minorité favorisée ! La justice exige le financement public du libre choix de l’école. Car il n’y a pas d’égalité d’accès au service public d’éducation lorsque certains sont parqués dans des écoles de la honte alors que d’autres bénéficient d’écoles d’élite. Sortons de l’hypocrisie ! L’école publique est inégalitaire dans les faits et donc la carte scolaire est illégitime. Réclamons une loi de réforme du financement de l’école fondée sur le financement des établissements publics ou privés au prorata des élèves qui s’y sont librement inscrits. Quoi de plus légitime que de financer les écoles directement en fonction du nombre de citoyens qui les ont librement choisies pour leurs enfants ? Ils élisent les représentants de la Nation et ils ne seraient pas capables de choisir par eux-mêmes l’école de leurs enfants ? N’est-ce pas là un paradoxe absurde ? De ces engagements dépend l’avenir même de notre pays. Engageons-nous ! Veillons à ce qui est enseigné à nos enfants dans toutes les écoles et réagissons si nécessaire ! Aidons les meilleurs d’entre nous à s’engager dans la carrière professorale et dans la Réclamons publiquement la fin des discriminations scolaires en demandant le financement public du libre choix de l’école par tous les citoyens ! Tweet |