.componentheading, .contentheading, div.module h3, div.module_menu h3, div.module_text h3, h2, a.contentpagetitle { font-family:Nobile;} #top_outer { border:none;}
Assemblée Générale extraordinairedu 16 juin 2023
L’assemblée s’est réunie, sous la présidence du recteur Armel Pécheul, le 16 juin 2023, à 17 heures, conformément à la convocation adressée aux adhérents à jour de leur cotisation.
Après avoir constaté que le quorum de 10% des membres à jour de leur cotisation présents ou représentés exigé par les statuts pour que l’assemblée puisse se prononcer sur la dissolution de l’association proposée par le conseil d’administration était atteint, le Président rappelle qu’elle avait été créée en 1983, pour faire échec au projet de Service public unifié et laïque, porté par M. Savary, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
Lire la suite... |
Questions crucialesLettre N° 36 - 2ème trimestre 1992
EST-CE UN ACCORD HISTORIQUE ? Faisons la part de l’enflure propre au discours médiatique qui repère au bas mot un événement par semaine dont l’Histoire devrait retenir le souvenir. Il demeure le fait que pendant tout un week-end des commentateurs zélés nous ont invités à chaque bulletin télévisé à nous extasier sur l’accord signé par M. Lang et le Père Cloupet. C’est le Ministre lui-même qui juste avant la séance de signature, (le samedi 13 juin) avait parlé d’accord historique. Son partenaire dit aujourd’hui (le Quotidien de Paris du 16 juin) que le qualificatif n’est pas faux, mais que c’est le Ministre et non lui "qui fait l’Histoire". Appréciation prudente, bien modeste, mais très généreuse ! Car, enfin, appliquée à l’accord en question, l’épithète "historique" ne relève-t-elle pas simplement de l’esbroufe et de l’art de la mise en scène où excelle le Ministre d’Etat ? La question n’a rien d’académique. Car si dans un compromis modeste et bancal, on nous invite à reconnaître "un geste de réconciliation nationale", si on parle "d’une page tournée dans l’histoire nationale" - et j’emprunte ces expressions au Cardinal Lustiger (Le Figaro du 16 juin), visiblement grisé par l’atmosphère ambiante -, c’est peut-être que le metteur en scène - illusionniste avait l’intention de nous tromper sur la portée du compromis, pour des raisons inavouables, mais faciles à déceler. UN MÉDIOCRE COMPROMIS. Est-ce l’armistice, ou même le traité de paix, au terme d’une guerre séculaire ? Pas du tout, ce sont les lois Debré-Guermeur (1959, 1977) qui sont dignes de cette comparaison. L’accord signé le 13 juin est microscopique comparé à ces œuvres législatives. Il ne concerne que la mise en application de diverses dispositions législatives (surtout les précédentes) avec apurement des comptes, règlement de quelques litiges relatifs à l’application de ces dispositions, il ne contient aucun principe fondamental nouveau. Contrairement à ce qu’on raconte, il n’établit aucunement la parité public-privé même s’il constitue un tout premier pas en ce sens. Le Vice-Président du S.N.E.C. C.F.T.C. remarque notamment que l’Etat ne prend en charge qu’une partie des retraites des maîtres (la part employeur), qu’il exclut la rémunération de certaines catégories de personnel, les indemnités pour les directeurs d’établissement, pour la formation des maîtres du second degré, etc... Et surtout les 38000 maîtres auxiliaires du privé (presque la moitié des enseignants du second degré !) nonobstant leur qualification, n’obtiennent aucune amélioration de leur situation : leur reclassement n’est pas prévu. On finit par se demander ce qu’a obtenu le Père Cloupet. Un ensemble de mesures techniques, non négligeables certes, chiffré par l’intéressé à 771 millions par an, concernant par exemple de simples décharges de service pour les chefs d’établissement ou les salaires des documentalistes. Ce n’est pas tout à fait négligeable, mais il n’y a pas de quoi pavoiser. Les deux problèmes de fond - la participation des collectivités territoriales aux investissements immobiliers et la prise en compte des demandes effectives des familles pour l’ouverture de classes - ne sont ni réglés, ni même abordés. Le négociateur dit du premier problème qu’il fut abordé lors de la première rencontre, mais qu’il ne pouvait en faire "une condition de règlement", que le problème "mûrit à gauche" mais qu’il ne faut rien casser : "il faut tirer sur la ficelle méthodiquement sans qu’elle casse". Soyons assuré qu’il trouvera en face de lui quelqu’un qui saura embrouiller la pelote de ficelle ! Quant à l’autre problème il est passé sous silence. Parler d’historique dans ces conditions prouve que M. Lang cultive le genre burlesque. LE CONCORDAT DE FAILLITE. Tous ces menus avantages vont se payer et au prix fort. La dette de l’Etat à l’égard de l’enseignement catholique pour ces dernières années (ce qu’on appelle le rattrapage du forfait d’externat) est estimée à 6,7 milliards, voire à beaucoup plus. Admettons que compte tenu d’accords anciens (de 1986) on la réduise à 4,3. Il s’agit alors d’un minimum incompressible. C’est de l’argent dû en vertu des dispositions législatives et réglementaires, et toutes les juridictions administratives qui ont eu à se prononcer confirment les droits du créancier. Aujourd’hui, dans une espèce de moratoire, de concordat (au sens du droit commercial et non du droit international !) la dette est réduite de 2,5 milliards. Non seulement par ce contrat léonin on remet à l’Etat plus de la moitié de sa dette, mais le payement est échelonné sur six ans. Une hypothèse assez vraisemblable veut que M. Lang laisse à ses successeurs le soin d’honorer ses engagements. Sans mettre en doute "la parole d’un Ministre d’Etat", le secrétaire général de l’enseignement catholique compte sur les trois années à venir pour vérifier que les engagements sont appliqués ! C’est dire que sa confiance n’est pas totalement aveugle et qu’il semble craindre, mais un peu tard, d’avoir conclu un marché de dupes. L’ETRANGE PACTE Comme le montre dans un remarquable article mon éminent collègue Jean Michel de Forges (Le Figaro, 17 juin 1992) ce type d’accord confine à l’extravagance lorsqu’on le considère sous son aspect juridique. D’abord ce ne peut être un contrat, puisque les promesses faites par le ministre ne relèvent pas du domaine contractuel : c’est au plus une simple déclaration d’intention. Quant aux engagements du Père Cloupet, ils concernent des créances dont les détenteurs sont non l’enseignement catholique, mais chacun des organismes de gestion des établissements concernés. L’accord n’engage donc aucun de ses signataires. On attend d’une loi qu’elle règle ces difficultés juridiques. Mais M. de Forges tient pour douteux sa constitutionnalité puisque elle violerait la liberté de l’enseignement et la règle selon laquelle toute victime doit pouvoir obtenir réparation des préjudices subis. Aussi juge-t-il souhaitable que chaque association gestionnaire introduise ou maintienne un recours administratif, car même si le parlement votait ce que M. Lequiller, député des Yvelines, appelle une loi d’auto-amnistie scolaire, il n’est pas certain qu’elle passe l’épreuve du Conseil Constitutionnel. Toutes ces difficultés ne pouvaient être ignorées. Alors pourquoi s’être engagé dans cette étrange démarche ? La réponse est manifeste. L’enseignement catholique vit dans la crainte d’être accusé de nuire à la gauche et dans l’illusion qu’elle seule peut assurer sa pérennité. Comme si l’accord de samedi empêchait ce qui reste de la F.E.N. et de ses satellites de s’indigner et de se préparer à la revanche. Quant au gouvernement, c’est une opération préélectorale de recentrage, un peu voyante à vrai dire. Vraiment, l’estrade de la rue de Grenelle fait un peu trop penser à d’autres tréteaux qui défrayent la chronique. Maurice BOUDOT L’ÉDUCATION DANS UNE SOCIÉTÉ VOUÉE À LA CROISSANCE M. Paul Deheuvels, Proviseur honoraire du lycée Louis-le-Grand, a bien voulu nous autoriser à reproduire l’article qu’il publie dans Fusion. Nos lecteurs ont ainsi le privilège de bénéficier des réflexions du responsable d’un établissement prestigieux qui a conduit au succès une élite, mais aussi, ce que l’on sait moins, sauvé des élèves dont le cas était tenu pour désespéré. Nous souhaitons tous que la "croissance", terme magique, signifie pour notre société la solution de tous ses problèmes : Celui de l’emploi, celui du niveau de vie, celui des loisirs, dans un respect absolu de la dignité des êtres et de l’environnement naturel ; qu’elle signifie progrès réel et non chômage aggravé par la robotisation ; démocratie et non démagogie ; liberté et non laxisme ; égale dignité pour tous et non égalitarisme coupeur de têtes ; fraternité et non triomphe de l’égoïsme dans une lutte effrénée pour la fortune et le pouvoir ; ouverture au monde et non nationalisme exacerbé. Il est évident que pour préparer une telle société, la réforme de l’éducation devrait obéir à des principes impératifs. QU’EN EST-IL AUJOURD’HUI ? Jusqu’à ce jour, on a plutôt cherché à occulter les problèmes qu’à les résoudre. Les données étaient les suivantes : 1° Pour des raisons politiques évidentes, il fallait dissimuler à l’opinion la gravité du chômage des jeunes, notamment de ceux qui n’avaient reçu aucune formation professionnelle ; la solution choisie était de maintenir tout le monde, non pas coûte que coûte, mais aux moindres frais, dans le système scolaire jusqu’à l’âge du service militaire. 2° Dans le même esprit, il était indispensable d’intégrer dans l’enseignement secondaire tous les enfants sortis de l’école élémentaire, même ceux qui ne savaient ni lire ni écrire ni compter. 3° Cette démocratisation à outrance imposait de multiplier les économies :
4° Il fallait aussi et surtout faire face au très grave problème du recrutement des professeurs, qui est devenu depuis quelques années le problème essentiel : la surcharge des classes rend nécessaire la création de nouveaux postes ; en outre, beaucoup d’enseignants recrutés au lendemain de la dernière guerre vont être admis à la retraite en même temps ; mais surtout, on voit arriver le moment où il y aura moins de candidats aux concours de recrutement que de places offertes ; en effet, les futurs bacheliers préfèrent devenir ingénieurs ou gestionnaires plutôt qu’enseignants. QU’A-T-ON FAIT ? La stratégie utilisée pour escamoter les problèmes a toujours été grotesquement fardée sous une couche épaisse d’arguments démagogiques, et pseudo-pédagogiques : 1° Au nom d’un égalitarisme forcené baptisé égalité, on a entassé dans les mêmes classes les élèves rapides et curieux et les élèves qui ne savent ni lire ni compter. 2° Toujours au nom de la sacro-sainte pseudo-égalité, on a depuis peu déversé de force dans les seconds cycles des lycées d’enseignement général les élèves faibles et âgés dont on n’avait pas voulu encombrer les établissements de formation professionnelle : cela aurait coûté trop cher de leur donner un métier, et ils auraient risqué de ternir le blason tout neuf des lycées professionnels. 3° Pour occulter le nouveau problème créé par l’accroissement des effectifs et par l’afflux d’élèves très faibles qui rendaient les classes hétérogènes, on a fort démagogiquement institué le Conseil National des Programmes, dont la mission essentielle était de réduire les horaires, les programmes et le nombre des options : abaisser la corde au ras du sol pour permettre à presque tout le monde de sauter par-dessus, et du même coup (de maître) diminuer considérablement le nombre de postes à pourvoir. 4° Après cette démolition systématique des collèges et des lycées, le tour semble venu des premiers cycles d’université, des classes préparatoires, et peut-être des Grandes Ecoles, que l’on voudrait soumettre au rouleau compresseur de l’égalitarisme. 5° Pour récupérer davantage de professeurs sans bourse délier, il fallait trouver un moyen d’attirer, puis de retenir sans possibilité d’évasion un grand nombre d’étudiants indécis, peu fortunés, rendus inquiets par leurs aptitudes limitées. DES POSTULATS TROMPEURS : On le voit, tous les remèdes imaginés reposent sur des principes démagogiques et faux, inspirés par un égalitarisme absurde et un rousseauisme mal assimilé :
MAIS EXISTE-T-IL DE VRAIS PRINCIPES ? Assurément, les réflexions menées au cours du demi-siècle écoulé ont permis de dégager tout au moins quelques grandes idées, qui devraient orienter chacune des actions entreprises pour adapter l’Education Nationale aux exigences d’une société en constante mutation : 1° Premier principe, la liberté :
2° La vraie égalité, celle qui respecte l’extrême diversité des êtres, des formes d’intelligence, des domaines d’excellence ; celle qui donne à chacun les meilleures chances de se dépasser dans une voie ou il trouvera son plein épanouissement. 3° L’importance extrême de la culture générale, qui décuple la créativité et facilite l’adaptation à toutes les situations : 4° Supériorité des spécialisations dites généralistes par rapport aux spécialisations dites pointues : elles rendent moins pénible les reconversions, fréquemment indispensables dans une société moderne. 5° Pour la même raison, nécessité de retarder aussi longtemps que possible le moment où le choix d’une spécialisation rend l’orientation irréversible. 6° Principe des groupes homogènes : on n’enseigne bien qu’à des élèves capables d’avancer sensiblement au même rythme ; à plus forte raison, on ne peut remettre à niveau en un an que des groupes d’élèves confrontés aux mêmes difficultés, ayant les mêmes insuffisances et la même motivation. 7° Principe essentiel de la vraie pédagogie : la toute première qualité d’un maître est la compétence ; on ne peut enseigner avec efficacité que des connaissances parfaitement maîtrisées, et mises en valeur par une riche culture générale. Une haute compétence et quelques notions élémentaires de pédagogie sont mille fois préférables à tous les I.U.F.M. issus des idéologies galopantes. QUELLES SOLUTIONS ADOPTER EN FONCTION DE CES PRINCIPES ? En premier lieu, on s’interdira de jamais diminuer ni programmes ni horaires ni possibilités d’options : dans une société qui a choisi la croissance, il convient toujours d’enrichir ou de mieux aménager, en aucun cas d’appauvrir. On assignera aux maîtres de l’enseignement élémentaire l’objectif absolument prioritaire de ne laisser entrer dans l’enseignement secondaire aucun élève qui ne maîtrise correctement lecture, écriture et calcul, et qui n’ait développé de façon satisfaisante ses capacités d’observation, de mémorisation et de raisonnement. On constituera des groupes homogènes d’élèves en difficulté, on les confiera à des maîtres enthousiastes - libres d’organiser leur travail en fonction de leur auditoire -, et on leur proposera pour objectif de réintégrer un cycle normal en un an. Toutes les expériences de ce type réalisées dans des collèges, des lycées et des premières années de D.E.U.G. scientifique ont montré deux choses : le pourcentage de réussite a toujours et très vite dépassé 90 %, et aucun professeur n’a jamais demandé à être déchargé de ces classes. On maintiendra un très haut niveau de culture générale dans toutes les sections, scientifiques, littéraires ou économiques : il ne sera jamais question d’amputer les programmes de français ou de philosophie des scientifiques, ni de les priver de la possibilité d’être d’excellents latinistes et hellénistes ; de même, on maintiendra pour les littéraires la possibilité de recevoir un complément de formation scientifique. On se gardera bien d’avancer, ne serait-ce que d’un an le seuil à partir duquel l’orientation deviendra irréversible ; et l’on refusera énergiquement de rêver à de chimériques "passerelles", qui ont si souvent servi d’alibi à de mauvaises réformes, et qui n’ont jamais pu être mises en place. On accordera une importance capitale à l’apprentissage et à la pratique des langues vivantes, sans limitation du nombre d’options choisies : ainsi, on trouvera merveilleux, et pas du tout anormal, qu’un "scientifique" soit excellent non seulement en philosophie et en français, mais aussi en latin, en grec, et dans deux ou trois langues vivantes. On réorganisera complètement le système d’enseignement technique et professionnel : On continuera de réserver les coûteux lycées professionnels à des formations de prestige, débouchant sur des baccalauréats et des formations supérieures ; Mais on cessera de béer d’admiration devant le système allemand de formation professionnelle dans les entreprises, et l’on se souviendra que ce système a été supprimé en France pour y être remplacé par des établissements trop coûteux, équipés d’un parc de machines dont on pourrait penser qu’il fait double emploi avec celui des entreprises si lesdites machines ne devenaient très vite obsolètes, tout en demeurant difficilement remplaçables. On rétablira donc un système de formation rapide fondé sur l’apprentissage pour tous les élèves qui ont un urgent besoin de s’insérer dans le monde du travail, l’Education Nationale prenant en charge l’enseignement général. Quant à la vieille et stupide rivalité qui oppose les sections scientifique et technique, on pourrait la faire disparaître en fusionnant les sections S et T, T.C. et T.E., et en créant pour tous ces élèves une option "Technologie et Dessin graphique". D’une façon générale, on se fixera pour objectif de ne laisser aucun élève quitter le collège ou le lycée sans une admission dans un cycle supérieur ou une solide qualification professionnelle : la "remotivation" des élèves en perdition doit être considérée comme une priorité absolue ; en effet, les expériences – certes louables – d’animation culturelle ou sportive dans les banlieues du désespoir ne résolvent pas le problème de fond, qui est celui de la dignité des êtres et de leur intégration harmonieuse dans les milieux professionnels et dans la société. ET LE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS ? Il n’est peut-être pas inutile de répéter que la priorité doit être donnée à la compétence et à la culture : chacun doit être incité a élever constamment son niveau de connaissance grâce au maintien d’un système de grades qui a fait ses preuves depuis plus de deux siècles (instituteur, professeur certifié, professeur agrégé, professeur d’université). S’entêter à supprimer toute hiérarchie équivaudrait à amener au niveau le plus bas la "qualité" de l’enseignement. Bien sûr, rétablir les équivalences qui avaient été prévues lors de la première élaboration des grilles de salaires constituerait un atout considérable dans les actions menées en vue d’attirer vers les carrières de l’enseignement d’excellents élèves, beaucoup plus intéressés, aujourd’hui par celles d’ingénieur ou de gestionnaire. Cependant, je le répète, les questions d’argent n’ont jamais été l’essentiel pour ceux qui choisissaient de se dévouer à l’éducation des enfants et des adolescents : ce qui importe le plus à leurs yeux serait de retrouver l’estime et le respect qui s’attachaient jadis et naguère à leur vocation, et d’avoir de nouveau la certitude de faire œuvre utile. Pour cela, quelques mesures pourraient être très efficaces :
QUE PENSER DES PROJETS DE PRIVATISATION, DE RÉGIONALISATION ? On a proposé de dénationaliser l’enseignement, en allouant à chaque famille une prime de scolarité, ce qui aurait l’avantage de laisser le libre choix de l’établissement, laïque ou confessionnel. Mais le danger réel de toute privatisation est de ruiner le bel idéal d’égalité qui fait partie intégrante de l’esprit français : on ne pourrait plus faire les mêmes études, avec des professeurs de même qualification, dans les grandes et les plus petites villes. Il y aurait des établissements riches et réputés, très sélectifs, et des établissements nécessiteux, médiocres par leur équipement, leur encadrement et leur population scolaire, il deviendrait quasi impossible de maintenir le caractère national des programmes, des horaires et des diplômes. Les conséquences risqueraient d’être identiques si l’on transférait, comme certains le demandent, tous les pouvoirs de l’Etat aux régions : les disparités seraient certainement tout aussi criantes. Il est donc préférable que l’Etat prenne en charge toutes les obligations qui lui incombent par la stricte application des programmes et horaires qu’il a lui-même édictés, en renonçant à la triste mascarade de la dotation horaire globale, des fameux "horaires-planchers", et des suppressions d’options. Pour l’Education Nationale, la croissance doit signifier avant tout confiance, sérénité, efficacité ; choix d’un plus complet épanouissement pour tous, élévation simultanée du niveau de spécialisation et du niveau de culture générale. Au moment où les Universités américaines demandent pourquoi nos scientifiques, - très souvent brillants hellénistes et philosophes -, restent capables de faire des découvertes à tout âge de leur vie, alors que leurs propres chercheurs, spécialisés très jeunes, perdent vite leurs capacités d’invention, il serait absurde d’appauvrir une formation, que la volonté de croissance nous impose au contraire d’enrichir par tous les moyens, et coûte que coûte. Paul Deheuvels Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc pour prévoir que M. Lang ne voudrait pas écorner sa popularité par des réformes aussi malencontreuses et mal accueillies que celles décidées par son prédécesseur. A peine nommé à la tête de l’Education Nationale, il annonce qu’il diffère la réforme des premiers cycles universitaires dont la seule annonce avait jeté les étudiants dans les rues et qu’il gomme les aspects les plus choquants de la "rénovation" des lycées. Est-ce à dire que le nouveau ministre va s’engager dans une voie différente de celle choisie par son prédécesseur, qu’il fondera son action sur d’autres principes, comme l’avait fait, en apparence au moins, M. Chevènement qui s’était attiré à bon compte une popularité auprès des maîtres après l’intermède Savary-Legrand en rappelant que l’école a pour fonction de transmettre savoir et apprentissage ? Probablement non. M. Lang n’en a pas le temps, ni les moyens, et rien ne prouve qu’il en ait la volonté. Le système mis en place au fil des années a son inertie. Comme une machine emballée, il ne peut s’arrêter. Il faudrait un extraordinaire courage politique et probablement une conjoncture autre que celle que nous connaissons pour changer notablement sa trajectoire. N’attendons rien de semblable dans l’immédiat, tout au plus peut-on espérer qu’on différera ou atténuera les modifications institutionnelles les plus choquantes, œuvres de M. Jospin. Encore faut-il regarder les choses d’assez près et ne pas se laisser étourdir par des gestes qui relèvent de la politique-spectacle. La mesure la plus voyante est l’abandon de l’une des dispositions choquantes de la "rénovation" des lycées, qu’on mettait en place à la hâte. Il s’agit de la limitation du nombre des matières à option en seconde qui portait spécialement atteinte à l’enseignement des langues anciennes et qui soulevait un tollé. Mais cette générosité est en grande partie feinte. On ne revient aucunement sur une disposition administrative peu connue du public, mais particulièrement pernicieuse. Il s’agit de la dotation horaire globale qui revient à affecter à chaque établissement scolaire un nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement, lui laissant le soin de les répartir, en se contentant de respecter des "horaires-planchers". Autrement dit, sous couvert d’autonomie, on laisse à l’établissement le soin de "gérer la pénurie", pour utiliser le jargon syndical ! Comme les dotations globales sont calculées au plus juste, - on manque d’enseignants et de crédits -, les options les moins demandées ne seront assurées que dans de très rares établissements. Ainsi scolarisera-t-on à moindre frais un nombre toujours croissant de lycéens. Quant aux principes fondamentaux de la rénovation des lycées qui sont ceux de cet égalitarisme uniformisateur qui a déjà causé tant de dégâts 1, ils ne sont mis en cause d’aucune manière. On ne revient pas plus sur des mesures démagogiques - comme la possibilité offerte aux familles de refuser un redoublement demandé par les professeurs - dont l’annulation ne coûterait pourtant rien ! Le caractère sacré du dogme selon lequel l’énorme majorité des élèves ont vocation à obtenir le baccalauréat l’interdit. Les rapports de l’inspection générale sur les pratiques pédagogiques en 6ème, ou sur les collèges en général, confidentiels mais évoqués dans les médias, confirment à la fois l’ampleur des dégâts et la perversité des principes. On y reconnaît qu’une proportion importante d’élèves entrant en 6ème ont un ou deux ans de retard (90 % pour un collège de "Z.E.P.", dans l’échantillon observé !), mais on explique le phénomène "en partie" par l’origine socio-culturelle des élèves, immédiatement après on se félicite que le taux de redoublement de la 5ème diminue nettement, en passant sous silence que cette baisse est due entre autres facteurs au fait que le caractère facultatif du redoublement entre dans les. mœurs ! Certes dans le rapport consacré aux 6èmes, on note que les difficultés sont largement dues au fait que les professeurs sont insuffisamment qualifiés dans leur discipline : on parle d’une insuffisante "maîtrise de la discipline" enseignée, insuffisance scientifique due à une absence de formation initiale ou "une inadéquation de la formation continue" (en français, 4 professeurs sur 10 sont sans formation initiale.) Mais on continue en même temps à véhiculer les illusions des pédagogues : on regrette l’absence de projet pédagogique "au niveau de la classe" (qu’est-ce ?), on déplore que l’enseignement dispensé ne convienne pas à des classes hétérogènes, comme s’il était encore possible d’enseigner lorsqu’il n’y a pas de commune mesure entre les élèves quant à leurs capacités et à leurs goûts. On déplore que "l’analyse des cohortes d’élèves ne soit pas entrée suffisamment dans la pratique", que "la construction du projet personnel qui concerne le devenir de chaque élève relève encore du mythe dans un grand nombre d’établissements". Mais que désigne ce projet personnel ? J’avoue ignorer le sens de ce jargon... Tous ces textes laissent rêveurs sur l’état d’esprit des hauts fonctionnaires qui président aux destinées de l’enseignement. On reconnaît en termes voilés que rien ne fonctionne correctement, mais il ne vient à l’idée de personne de mettre en cause les objectifs assignés : scolariser dans des classes semblables tous les élèves, faire la chasse aux filières ségrégatives ! Croit-on que c’est M. Lang qui incitera ces serviteurs zélés des projets de ses prédécesseurs à manifester plus d’esprit critique ? En tout cas, rien n’est changé en ce qui concerne la mise en place de ces fameux I.U.F.M. dont j’ai déjà parlé et qui constituent l’une des initiatives les plus pernicieuses de M. Jospin. Rappelons qu’il s’agit de former dans les mêmes établissements, de façon à peu près identique, tous les enseignants de la maternelle à la terminale. Pratiquement leur formation échapperait aux Universités. On sacrifierait de façon très précoce (deux ans après le baccalauréat) l’apprentissage de la discipline à enseigner à l’apprentissage de divagations pédagogiques ! La réalisation de ce projet ruinerait la qualité du corps enseignant, comme on le reconnaît généralement. Les I.U.F.M. avaient été prétendument mis en place dans quelques villes à titre expérimental. Encore que les résultats soient consternants de l’avis général, le système est progressivement généralisé et par des méthodes sournoises on tend à imposer le passage par l’I.U.F.M. comme une obligation pour les futurs enseignants. M. Lang a-t-il freiné cette dérive ? Aucunement et aucun signe n’indique qu’il ait l’intention de le faire. Il ne faut donc pas rêver et attendre du ministre actuel qu’il rompe avec la politique de son prédécesseur. M. B. Le 6 mai, M. Georges Hage, député communiste, posait une question orale au Ministre de l’Education au sujet de l’organisation, le 21 mai, d’une journée nationale de l’Europe dans les classes de CM2 (onze ans en principe !), dans laquelle il voyait une inadmissible opération d’endoctrinement. C’est Mme Guigou qui devait répondre en l’absence de M. Lang. Je comprends que ce dernier n’ait pas manifesté un zèle excessif pour endosser la responsabilité d’une initiative largement planifiée par son prédécesseur ! Certes, il est toujours cocasse d’entendre un parlementaire communiste défendre la neutralité de l’enseignement et M. Hage a dû affronter les quolibets des socialistes ; mais les documents qu’il citait étaient probants sur le bien-fondé de sa question, et la réponse de Mme Guigou fut particulièrement consternante. Au lendemain de l’opération, sur laquelle s’extasiaient les chaînes de télévision, M. Philippe Seguin, qui est un défenseur beaucoup plus fiable de la neutralité de l’enseignement, s’emportait à son tour de ce qu’on se soit permis en plein débat parlementaire sur Maastricht de vanter les mérites d’un traité non ratifié et dénonçait "le bourrage de crânes le plus scandaleux de l’histoire de la République". A quelque temps d’un référendum, transformer les 900 000 enfants auxquels était destinée l’opération en autant d’auxiliaires de la propagande gouvernementale, dont ils seront les véhicules inconscients mais efficaces - car quoi de plus efficace qu’un enfant pour incliner la réponse de parents indécis - est proprement une infamie. Je n’ai eu entre les mains ni le livret destiné aux enseignants (65 pages), ni le cahier de 28 pages (avec préface de M. Jospin !) remis aux élèves, mais le document de présentation de la campagne "A nous l’Europe !" (sic) (12 pages diffusées par le Ministère). C’est effectivement un extravagant mélange d’une propagande grossière qui consiste à dépeindre sous des couleurs idylliques l’Europe d’après Maastricht (on voyagera sans perdre d’argent dans les opérations de change, la T.V.A. sur le matériel hifi va baisser, l’agriculture en profite (!), l’Europe protège les bébés phoques et la forêt amazonienne, etc...) et de niaiserie, car il faut, bien sûr, faire passer à des enfants sous une forme festive un message assez complexe. On fait alors quelques suggestions. Je n’en relèverai qu’une au chapitre des niaiseries : organiser "un goûter à base de spécialités européennes sucrées". Pourquoi "sucrées" ? A 11 ans on n’aime pas que les sucreries... Fallait-il exclure le saucisson pour ne pas déplaire aux musulmans, le fromage pour ne pas chatouiller la commission de Bruxelles qui n’avait pas tranché sur les pâtes au lait cru ? J’avoue que je ne suis pas sorti de ma perplexité. Mais j’ai reconnu l’inimitable mélange de propagande infantilisante et de niaiserie, je le connais depuis la guerre, quand j’étais précisément moi aussi au Cours Moyen II. Le contenu a changé, le style est resté. C’est M. Kaspereit (député R.P.R.) qui a eu le ton le plus juste à l’Assemblée lorsqu’il a interrompu Mme Guigou d’un "Maréchal nous voilà !". Maurice BOUDOT L’utilisation comme "singes savants" des enfants des écoles publiques pour "promouvoir" les accords Mitterand - Kohl sur les organismes de défense est contraire au respect de l’enfant et aux exigences de la neutralité. Parmi toutes les opérations montées dans le cadre de "La journée nationale de l’Europe", elle est particulièrement répréhensible, en raison des obligations morales qui s’imposent à ses principaux bénéficiaires. Qu’elle ne suscite pas un scandale majeur, mais de simples remous, prouve la profonde dégradation du climat moral et du sens civique dans notre pays. Le 25 mai 1992 L’accord entre le ministre de l’éducation et l’enseignement catholique, complaisamment qualifié d’historique par l’un de ses signataires, n’est qu’un compromis imparfait qui aurait pu être pire sans la pression croissante des parents d’élèves et des maîtres, écartés au profit d’un représentant de la bureaucratie de l’enseignement privé lors des solennités. Dans cet accord, sous prétexte de "regarder l’avenir" plutôt que de "réclamer en toute rigueur le règlement du passé", le créancier remet sa dette au débiteur. Comme le débiteur est l’Etat, il faudra une loi. Souhaitons que la représentation nationale soit plus libre que le créancier débonnaire pour refuser l’auto-amnistie en matière scolaire. Le 16 juin 1992 1 Un document, La Rénovation pédagogique des Lycées, publiée par le Club de l’Horloge, 4 rue de Stockolm, 75008 Paris, le montre très clairement. Tweet |