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Rapport du groupe de travail d'Enseignement et Liberté sur l'apprentissage de la lecture (Avril 2001)
Présenté par le groupe de travail
« apprentissage de la lecture »
sous la direction du Dr. Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR
Avril 2001 Enseignement et Liberté , association indépendante de tout parti politique et de toute organisation confessionnelle, défend la liberté de l’enseignement maisaussi la liberté dans l’enseignement.
S’il est indispensable pour les parents de pouvoir choisir une école conforme aux valeurs morales ou religieuses qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants, il ne l’est pas moins de connaître la nature des pédagogies utilisées dans les établissements scolaires pour l’acquisition des savoirs. Cela soulève de nombreux problèmes. Parmi eux figure la possibilité pour les écoles d’appliquer des méthodes d’apprentissage librement choisies entrant dans un projet pédagogique cohérent dont les résultats, objectivement évalués, puissent être communiqués aux familles.
Il existe un domaine particulièrement important où la nature des méthodes pratiquées a une incidence directe sur la qualité des résultats obtenus à court, moyen et long terme : celui de l’apprentissage de la lecture. Or, il règne sur cette question cruciale pour l’avenir des enfants une complète opacité et une totale désinformation. Enseignement et Liberté a donc décidé de faire le point sur ce sujet pour rompre le silence d’une institution qui continue, malgré les échecs qu’elle génère, à imposer ses pratiques pédagogiques en toute impunité.
Cette synthèse a été élaborée à partir :
Notre groupe de travail était très largement ouvert à tous. Nous saluons le courage des enseignants, dont un professeur d’IUFM, qui ont participé à nos travaux ou nous ont fait parvenir par écrit le fruit de leur expérience.
L’ILLETTRISME EN FRANCE
Le terme d’illettrisme peut recouvrir des réalités diverses. Nous retiendrons ici la définition de l’OCDE qui a été chargée d’évaluer l’importance de ce fléau dans le monde : « Un illettré est un adulte incapable de lire et de comprendre un texte d’usage courant de vingt-cinq lignes et d’en faire un résumé de cinq lignes. »
La France a participé aux travaux de l’OCDE en 1995. Mais juste avant la publication du rapport « Littératie, Économie et Société » le ministre de l’Éducation nationale de l’époque ordonna à la France de quitter la commission de travail. Les résultats de notre pays n’apparaissent donc pas dans cette étude. D’après les informations qui ont filtré, le taux d’illettrés y atteignait, semble-t-il 40%. A titre indicatif, signalons que les USA se situaient alors à 20%, l’Allemagne à 14,4%, les Pays-Bas à 10,5% et la Suède à 7%.
Plus récemment encore, la Direction des Programmes et du Développement rendait compte de l’évaluation des élèves de CE2. Il faut rappeler quelles sont les compétences exigées par les textes officiels à ce niveau de la scolarité qui termine le cycle des apprentissages fondamentaux :
« savoir lire un texte narratif ou descriptif simple supposant des situations et des connaissances qui font partie des références familières ; donner des informations ponctuelles sur ce texte et le reformuler oralement ; lire à haute voix un texte préparé en articulant correctement et avec l’intonation ; écrire un texte de quelques lignes répondant à des consignes claires en tenant compte des contraintes de syntaxe et de ponctuation, de présentation et de lisibilité ; écrire sous la dictée en respectant la correspondance phonie/graphie….»
L’évaluation faite sur ces critères donne les résultats suivants :
23,4% des élèves « ne maîtrisent pas les compétences de base »,
« ne reconnaissent pas des mots courants, ne déchiffrent pas les mots inconnus, ne comprennent pas un texte simple ».
51,2% « maîtrisent uniquement les compétences de base ».
13,6% « maîtrisent les compétences approfondies
, retrouvent des informations simples contenues de manière non explicite dans un texte »
11,8% « comprennent un texte en mettant en relation les informations qu’il contient ».
Nous constatons ainsi que si un quart des élèves de CE2 lisent bien (13,6%+11,8%=25,4%) les trois quarts d’entre eux (23,4%+51,2%=74,6%) ne lisent pas ou ne maîtrisent que « les compétences de base », déchiffrent plus ou moins bien et ne peuvent accéder au sens que pour les textes très simples.
Nous sommes loin des 10 à 15% d’élèves en difficulté dont parlent les media.
En ce qui concerne l’orthographe, avec l’espoir de montrer les progrès de notre système éducatif, l’Education nationale qui avait retrouvé neuf mille copies d’élèves soumis au certificat d’études primaires en 1923, 1924 et 1925 a proposé le texte des dictées et questions jointes à 6000 élèves répartis dans toute la France. Tous ont reçu pendant trois mois une formation spéciale pour préparer ces épreuves. Les résultats sont éloquents :
24% des élèves des années 20 faisaient 0 faute à la dictée contre 5% aujourd’hui.
2% des élèves des années 20 faisaient plus de 10 fautes. Ils sont maintenant 25 % dans cette situation.
Dans les questions de grammaire accompagnant les dictées 60 % des « aînés » ne commettaient aucune faute. Nous n’en trouvons plus que 23% en l’an 2000
.
Ces chiffres sont instructifs. Cependant notre propos n’est pas de savoir si les élèves de ce début de siècle sont meilleurs ou moins bons que ceux des précédentes décennies. Le problème qui se pose est le suivant : en 1999, la France, pays évolué qui consacre 7,4 % de son PIB (soit un des plus forts pourcentages) à l’Education nationale, compte plus de 50% d’élèves en échec total face à l’écrit à la sortie de l’enseignement primaire. Il s’agit là d’une réalité inacceptable dont il est urgent de comprendre les causes pour lui porter efficacement remède.
CAUSES DES DIFFICULTES D’APPRENTISSAGE DE L’ECRIT
IMPORTANCE DES CHOIX PEDAGOGIQUES SUR LA QUALITE DES
APPRENTISSAGES
A la lecture des différentes publications de l’Education nationale on prend conscience du fait que les difficultés d’apprentissage de l’écrit sont pratiquement toujours rattachées à des causes pathologiques. La dysphasie, affection pourtant rare, figure à côté de la dyslexie avec laquelle elle est le plus souvent assimilée. Mais si ces deux anomalies sont signalées comme causes possibles de l’échec scolaire, c’est essentiellement pour indiquer leur faible poids par rapport aux perturbations de nature psychoaffective et psychosociale qui restent, selon les maîtres à penser du système scolaire, les grandes responsables des difficultés rencontrées par les élèves. Cette médicalisation de l’échec qui le transforme en pathologie a pour conséquence de retirer à l’école la responsabilité des insuffisances d’acquisition des savoirs fondamentaux. Aucun texte n’évoque la possibilité d’un quelconque lien entre la pédagogie et la qualité des apprentissages. Le très récent rapport Ringard illustre parfaitement cette nouvelle tendance particulièrement dangereuse puisqu’elle exclut toute possibilité de réflexion sur ce qui constitue pourtant le fond du problème. S’il est exact de dire que les difficultés d’ordre psychologique ou social majorent nombre d’échecs, il n’en reste pas moins vrai qu’un très grand nombre d’enfants sans handicaps de ce type ne réussissent pas à apprendre à lire. Il est également facile de montrer que des élèves vivant dans des conditions d’environnement très défavorables peuvent apprendre à lire rapidement lorsqu’on modifie la nature des pédagogies qui leur sont proposées.
Pourquoi existe-t-il un lien entre les méthodes d’apprentissage et la qualité des résultats obtenus ? Nous trouvons la réponse à cette question dans le résultat des travaux des neurosciences de ces vingt dernières années et les découvertes récentes liées aux moyens d’investigation du cerveau dont nous disposons aujourd’hui (l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ou IRM.f en particulier) qui permettent de comprendre comment un cerveau lit et apprend à lire. Cependant lorsque les parents interrogent les enseignants sur le choix des méthodes proposées à leurs enfants, ils reçoivent pratiquement toujours la même réponse : « Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes, seule compte la manière dont elles sont employées. » Or il n’en est rien. Il est désormais possible de démontrer que certaines pédagogies répondent aux exigences du fonctionnement cérébral alors que d’autres les contrarient. De plus, les choix pédagogiques conditionnent la qualité des apprentissages du langage écrit (lecture, écriture, orthographe) et entraînent des modifications visibles sur l’anatomie du cerveau et la construction des circuits cérébraux et retentissent ainsi sur la structuration de la pensée conceptuelle.
Sans vouloir entrer ici dans le détail des données complexes qui conduisent à cette affirmation nous en signalerons uniquement les points essentiels en laissant au lecteur intéressé par ce sujet le soin de consulter la bibliographie ci-jointe.
COMMENT LE CERVEAU LIT-IL ET APPREND T IL A LIRE ?
En 1981, R.W.Sperry obtint un prix Nobel passé pratiquement inaperçu en France qui ouvrit pourtant la voie aux neurosciences modernes. Il apporta, dans le domaine qui nous concerne, la preuve qu’il existe deux types de graphisme : celui qui représente l’environnement (image, dessin, etc.) et celui qui traduit, sous forme écrite, des sons (parole ou écriture musicale). Sperry démontra également que les images sont traitées de manière analogique par l’hémisphère droit tandis que l’écriture des sons, prise en charge majoritairement par le cerveau gauche, est soumise, comme toutes les opérations effectuées par cet hémisphère, à une succession de mécanismes d’analyse et de synthèse qui partent toujours du plus simple pour aboutir au plus complexe. Il est possible de démontrer que cette réalité neurologique s’applique également aux idéogrammes qui sont, eux aussi, contrairement à ce qui est trop souvent dit, traités de manière analytique par l’hémisphère gauche.
Le premier élément à retenir de ces découvertes, combien lourdes de conséquences, est que le cerveau ne peut en aucun cas assimiler le mot à une image et qu’il est neurologiquement incapable de le retenir dans son ensemble.
Dans toutes les langues, lire c’est réussir à faire correspondre des signes graphiques avec les sons du langage oral qu’ils représentent, donner un sens à ces assemblages à partir des données mises en mémoire et les intégrer dans des ensembles sémantiques de plus en plus complexes
(mots, groupes de mots, phrases et textes).
La lecture nécessite de très nombreuses opérations intellectuelles étroitement imbriquées les unes dans les autres que nous résumerons pour plus de clarté en trois étapes principales :
- la segmentation de la chaîne orale en unités sonores élémentaires aboutissant à l’identification des phonèmes ;
- la segmentation de la chaîne écrite en unités graphiques et leur mise en correspondance avec les phonèmes ;
- la découverte du sens de ces assemblages et la compréhension des ensembles de mots, de phrases, et de textes.
Quelques points méritent d’être signalés plus particulièrement ici car ils ont une incidence directe sur la pédagogie.
1- La segmentation de la chaîne orale en unités sonores élémentaires, les phonèmes.
Il ne fait plus de doute aujourd’hui pour les neurophysiologistes que la lecture implique d’abord la capacité de différencier les uns des autres les phonèmes de la langue. La preuve a été apportée que le cerveau humain est dès la naissance capable d’identifier les unités sonores correspondant aux voyelles du langage qu’il entend. Il acquiert ensuite peu à peu la connaissance des autres sons. Le découpage du discours oral en unités sonores élémentaires s’opère dans l’hémisphère gauche et nécessite la mise en œuvre de mécanismes complexes d’analyse et de synthèse.
Les observations faites en ce domaine montrent que la rapidité de découpage des sons en phonèmes est très variable d’un enfant à l’autre. Alors que chez les bons lecteurs, le cerveau peut différencier des sons espacés de 20 à 30 millisecondes, le dyslexique a besoin d’environ 300 millisecondes pour atteindre ce résultat. Il faut aussi savoir que lorsqu’un enfant ne peut pas bien différencier les sons phonologiquement proches (ex : f/v, ch/s/ss/z) à l’âge quatre ou cinq ans, il n’y parviendra pas ensuite sans aide. On considère aujourd’hui que la capacité de segmentation correcte des sons de la langue à cet âge représente pour chaque enfant une valeur prédictive quant à ses capacités ultérieures de lecture. Or, on estime que la moitié environ des enfants qui entrent en CP se trouvent en difficulté en ce domaine. On comprend ainsi que plus une pédagogie simplifie l’identification des sons et leur discrimination, plus elle a de chances de limiter les risques d’erreurs en lecture.
Mais comment l’identification des graphismes et le lien entre les graphismes et les sons s’opèrent-ils ?
2- La segmentation de la chaîne écrite en unités graphiques.
La langue orale étant découpée en phonèmes, la langue écrite doit impérativement représenter l’expression graphique de ces phonèmes. Nous nous trouvons alors devant deux possibilités : les langues idéogrammiques et les langues alphabétiques. Dans les premières, les éléments graphiques constitutifs de l’idéogramme ne correspondent pas en eux-mêmes aux phonèmes de la langue. C’est l’ensemble de l’idéogramme qui porte la signification sonore du mot. Dans les langues alphabétiques, par contre, les mots sont constitués d’unités graphiques qui correspondent chacune à des unités sonores. Ces assemblages sont, de plus, soumis aux règles de la syntaxe et de la grammaire. Nous limiterons notre propos à l’apprentissage des langues alphabétiques qui nous concernent tout spécialement.
Pour relier un graphisme au son qu’il représente encore faut-il pouvoir identifier avec précision les formes dont ce graphisme est constitué et la manière dont celles-ci sont orientées dans l’espace. La discrimination de la forme des signes graphiques s’exécute elle aussi prioritairement dans l’hémisphère gauche par une succession d’analyses et de synthèses. Pour perfectionner sa compréhension de l’orientation dans l’espace l’hémisphère gauche reçoit des informations issues de l’hémisphère droit mais l’IRM fonctionnelle montre clairement la prédominance massive de l’hémisphère gauche dans cette tâche d’identification graphique des signes de la langue écrite. Notre alphabet étant composé d’un grand nombre de lettres symétriques les unes des autres (ex : b/d/p/q, n/u) il faut savoir repérer parfaitement l’orientation de ces signes dans l’espace pour pouvoir les différencier les uns des autres et les rattacher sans erreurs aux sons auxquels ils correspondent. Or, dans ce domaine également, beaucoup d’enfants entrent au CP en présentant des difficultés de reconnaissance des formes et des perturbations de la latéralisation. Comme pour la discrimination des sons, plus une pédagogie facilite la mémorisation des formes et de l’orientation des signes graphiques dans l’espace, plus elle limite les risques d’erreurs et de confusions entre les lettres.
Enfin, pour parvenir à assembler sons et graphismes le cerveau doit pouvoir garder en mémoire les éléments qu’il analyse un temps suffisant. Si la mise en correspondance de ces éléments demande un temps supérieur aux possibilités de maintien en mémoire du souvenir immédiat dans les neurones, l’association ne pourra pas se réaliser correctement et ne sera pas utilisable pour les opérations de découverte du sens. Le but du travail d’assemblage des éléments sonores et graphiques étant de permettre leur comparaison avec les souvenirs stockés en mémoire on mesure combien la réussite de cette première étape du traitement de l’information est fondamentale pour la compréhension de la lecture car les autres structures cérébrales vont se baser uniquement sur ces données pour aboutir à la découverte du sens.
Il est important de souligner ici que les circuits qui permettent l’association du son et du graphisme aboutissent dans des aires qui conduisent de manière naturelle à oraliser la lecture. La lecture silencieuse nécessite l’intervention de mécanismes inhibiteurs difficiles à mettre en œuvre pour les apprentis lecteurs. Elle leur est pourtant très souvent imposée.
3- La compréhension du sens
Pour découvrir le sens des mots, phrases et textes, le cerveau opère par une multitude d’essais successifs qui tentent d’établir la correspondance entre des assemblages de plus en plus grands et des éléments dont la signification lui est connue. Ce travail, d’une extrême complexité, nécessite l’intervention d’aires spécialisées qui prennent en charge les diverses caractéristiques des mots, par exemple leur appartenance au vocabulaire concret ou abstrait, leur classement par champs lexicaux, etc. Il existe également des régions cérébrales spécialisées dans le traitement de la forme grammaticale des mots qui permettent de définir comment chacun d’eux doit être lu suivant sa fonction dans la phrase. C’est ainsi qu’il est possible, par exemple, de différencier un mot se terminant par « ent » composé du son « en » suivi d’un « t » muet et le « ent » qui signifie la marque du pluriel des verbes conjugués.
Si la description, ici très succincte et forcément très incomplète, de ces mécanismes de la lecture nécessite obligatoirement de présenter chaque point l’un après l’autre, il faut avoir présent à l’esprit que toutes ces opérations se réalisent de manière synchrone car l’information circule en même temps dans la multitude de circuits interconnectés qui constituent les réseaux cérébraux. Au moment où se réalisent les opérations de décodage qui conduisent à lier les graphismes et les sons, la recherche de la compréhension au plus haut niveau s’opère également. Chaque neurone apporte ainsi aux autres le fruit de son travail et participe au traitement de l’information qui mène de la perception d’éléments isolés à la compréhension de l’ensemble du texte lu. On comprend ainsi aisément que toute erreur intervenant à un quelconque niveau du travail de traitement de l’information compromet gravement les chances de réussite en lecture, et bien évidemment, en écriture et orthographe. Comment peut-on espérer qu’un enfant qui ne parvient pas à découvrir et automatiser le lien de base qui unit sons et graphismes puisse ultérieurement intégrer dans sa production spontanée de l’écrit les règles complexes d’une grammaire qui nécessite, pour être appliquée correctement, une réflexion avec analyse constante de la structure du mot et de la reconnaissance de sa fonction dans la phrase ?
Ces données permettent de comprendre pourquoi la qualité de la pédagogie conditionne celle des apprentissages. Mais il faut également savoir que le moment et la manière dont l’apprentissage est conduit ont une incidence directe sur le développement des aires cérébrales concernées et le volume des connexions qui les unissent. Nous en voulons pour preuve les observations faites en IRM.f sur le cerveau des violonistes virtuoses et des dyslexiques. On y constate que la surface des aires correspondant à la motricité de la main gauche chez les violonistes droitiers est proportionnelle à l’entraînement suivi. Mais quel que soit le travail fourni, la surface atteinte n’est jamais aussi grande chez les sujets qui ont abordé cet apprentissage après douze ans qu’elle ne l’est chez ceux qui l’ont débuté beaucoup plus jeunes. De même, chez les dyslexiques, on constate des modifications morphologiques cérébrales importantes après rééducation. La dyslexie laisse des signatures anatomiques sur le cerveau ; la pédagogie, par son action sur les circuits cérébraux, les modifie. De plus, lorsque l’on connaît le rôle joué par le langage oral et écrit dans le développement de la pensée conceptuelle, on comprend mieux encore l’importance des choix pédagogiques en matière d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de l’orthographe dans l’évolution de l’intelligence.
LES PÉDAGOGIES
Comme l’entraînement sportif inscrit sa marque physiquement dans l’organisme, la pédagogie sculpte le cerveau et conditionne le développement de la pensée conceptuelle. Voici qui donne toute sa noblesse au métier d’enseignant mais lui confère aussi une responsabilité dont il doit être pleinement conscient. Pour pouvoir l’assumer pleinement il lui faut prendre en compte les exigences du fonctionnement cérébral pour y répondre le plus efficacement possible afin de permettre à chaque enfant de disposer d’un maximum de chances d’accéder au savoir et de développer ses aptitudes. A la lumière des éléments scientifiques dont nous disposons, nous pouvons comparer les différents types de méthodes d’apprentissage en fonction de ce qu’elles exigent du cerveau.
Les méthodes alphabétiques
Ces pédagogies issues de l’observation du caractère linéaire dans le temps et l’espace de la parole et de l’écrit sont nées avec l’écriture alphabétique. Basées sur la mise en correspondance des unités sonores de la langue avec les signes graphiques qui les représentent, elles correspondent très exactement aux attentes du cerveau en matière d’apprentissage de l’écrit. Certes, elles ne font pas disparaître en totalité les difficultés mais l’expérience prouve qu’elles les réduisent considérablement surtout si elles utilisent des procédés pédagogiques qui favorisent la constitution des circuits cérébraux. Elles constituent alors à la fois un mode d’apprentissage efficace et une véritable rééducation pour les enfants qui présentent des difficultés de discrimination des sons ou(et) des formes. On a souvent fait à ces méthodes le reproche d’être source d’ennui pour l’enfant et de ne pas faciliter l’acquisition d’une lecture fluide. Il s’agit là d’un procès d’intention sans fondement. L’enfant n’acquiert le goût de lire que s’il est capable de comprendre ce qu’il lit. Plus une pédagogie facilite l’accès au sens, plus elle a de chance d’être attirante pour le lecteur. D’autre part, lier son et graphisme ne condamne pas à ânonner des syllabes dénuées de sens. Il est possible de proposer des méthodes alphabétiques qui, par le choix de l’ordre des apprentissages, donnent à lire à l’enfant, dès les premières leçons, de petites phrases et très rapidement des textes tout en respectant une logique qui consiste à ne jamais introduire dans la lecture d’éléments inconnus en dehors de celui qui constitue la leçon du jour. Lorsque les procédés pédagogiques utilisés sont de bonne qualité la fluidité de la lecture apparaît avec l’automatisation des connaissances. L’usage de ces méthodes montre que les enfants, loin de se désintéresser des pédagogies basées sur ces principes, sont stimulés par leur réussite et acquièrent très vite le goût de lire que procure la compréhension du texte découvert. L’expérience prouve que les méthodes basées sur l’apprentissage du code de correspondance entre phonèmes et graphèmes permettent à un très grand nombre d’enfants d’apprendre à lire et à presque tous ceux qui sont en échec d’accéder à la maîtrise de la lecture. Plus une pédagogie alphabétique facilitera la création de circuits cérébraux de qualité, plus elle aura de chances de permettre d’apprendre à lire et écrire à un plus grand nombre d’enfants.
Les méthodes globales et semi-globales
En utilisant des méthodes d’apprentissage de type global les maîtres présentent d’emblée à l’enfant des phrases et des textes. Ils croient que celui-ci va mémoriser les mots dans leur ensemble en les « photographiant » et pourra ensuite les reconnaître lorsqu’il les rencontrera à nouveau. Ils pensent pouvoir ainsi « faire l’économie du déchiffrage » et lui permettre d’acquérir très vite « un capital de mots réutilisables » qui favorisera son intérêt rapide pour la lecture. Or, nous savons que les choses ne se passent pas ainsi. Le cerveau étant incapable de traiter le mot comme une image, ne peut le retenir dans son ensemble mais va immédiatement mettre en route des mécanismes d’analyse et de synthèse ayant pour but de découvrir le lien qui unit les symboles graphiques et les sons en cherchant les analogies qui existent entre ce qu’il entend et ce qu’il voit. Il s’agit là d’un exercice de découverte d’une grande complexité. Les enfants qui ne présentent aucune difficulté d’identification des sons, des formes et de leur orientation dans l’espace, réussiront à isoler peu à peu chaque graphème et à découvrir à quel son il est rattaché. Par contre, les 50% d’enfants qui sont en difficulté dans l’un quelconque de ces domaines – ou dans plusieurs à la fois, ce qui est fréquent à tous les niveaux d’intelligence - commettront de multiples erreurs, par exemple des confusions portant sur les lettres phonologiquement proches ou sur celles qui sont symétriques les unes des autres. Ils tenteront alors de deviner ce qu’ils ne pourront pas lire. Plus ils avanceront dans l’apprentissage plus leur désarroi s’accentuera faisant très souvent le lit d’une véritable angoisse et d’une souffrance qui se manifestera par de nombreux signes de rejet scolaire qui ne seront pas la cause de leur difficulté mais la conséquence directe de leur échec. Dès leur première année de primaire ces enfants se trouvent ainsi marginalisés. Quand, au prix de multiples efforts, ils parviendront cependant à lire, ils seront incapables de restituer l’écrit en y intégrant les règles de l’orthographe et de la grammaire. Enfin - et c’est peut-être là la conséquence la plus redoutable de cette situation - l’absence de mise en place de connexions cérébrales efficaces laissera dans leurs circuits cérébraux un manque de structuration qui constituera un handicap pour le développement de leur pensée conceptuelle. Nombreux sont les enseignants de collège, lycées ou même de l’enseignement supérieur qui constatent l’indigence de la pensée de leurs élèves et attribuent, à juste titre, une grande responsabilité en ce domaine aux pédagogies utilisées dans l’enfance pour l’apprentissage de l’écrit.
Mais, nous dira-t-on, ce péril n’existe plus car les pédagogies globales ne sont plus utilisées ou sont remplacées par des semi-globales. Cette affirmation est une erreur grossière qui conduit à une totale désinformation. Il est essentiel de rétablir la vérité en ce domaine.
Toute pédagogie semi-globale commence par quelques semaines de lecture globale pour faire acquérir aux enfants, selon la formule consacrée, « un premier capital de mots suffisant pour leur permettre d’aborder rapidement des textes ». Cette phase terminée, on isole dans chaque leçon, parmi des mots très variés, une lettre ou un son. On pense ainsi faciliter la découverte du code alphabétique et associer les avantages de toutes les méthodes. Là encore les enfants sans problèmes triompheront de la difficulté et réussiront à découvrir seuls le lien unissant les sons et les graphismes. Par contre, pour les autres, le fait de leur proposer des mots et des phrases contenant des éléments graphiques qu’ils ne parviennent pas à relier à leur équivalent sonore conduit, comme avec une méthode globale, à une succession de confusions et d’erreurs multiples. La rapidité de mise en route de la découverte du code est telle que quelques semaines de lecture globale sont suffisantes pour créer des confusions qu’il faudra ensuite des mois ou même des années pour faire disparaître. Cette situation est d’autant plus grave que dans les classes maternelles on pratique désormais « l’immersion des enfants dans un bain de lecture ». Ceci signifie que l’enfant doit être entouré de textes dont la signification ne lui est pas donnée. Fait pour comprendre, son cerveau va tenter dès cette période les premiers décodages avec tous les risques que cela comporte. Il est utile de rappeler à ce propos que l’enfant a bien évidemment été, avant son entrée à l’école, en contact avec l’écrit. Il peut donc être déjà victime de confusions. Le rôle de l’école doit être de corriger le plus rapidement possible ces anomalies et non de les accentuer comme le font les pédagogies actuellement utilisées.
Contrairement à ce que l’on affirme régulièrement les pédagogies de type global et semi-global sont employées dans la quasi-totalité des écoles françaises dépendant du ministère de l’Éducation nationale. Une étude demandée par M. Bayrou, ministre de l’Éducation nationale, portant sur les livres utilisés au CP a montré que tous les ouvrages utilisés dans les écoles publiques ou privées sous contrat d’association étaient d’inspiration globale ou semi-globale. Les méthodes dites « naturelles », souvent présentées sous forme de feuillets préparés par le maître, ne font pas exception à cette règle. L’enquête réalisée par Enseignement et Liberté sur ce sujet a clairement mis en évidence le fait que toutes les familles de l’enseignement public et privé sous contrat qui ont répondu à nos questions sont confrontées à ce problème, les écoles hors contrat étant pratiquement les seules à utiliser d’autres pédagogies.
Enfin, il faut savoir que la dernière « avancée pédagogique » propose – on devrait plutôt dire impose - aux maîtres de CP l’emploi de la méthode d’apprentissage de la lecture « par hypothèses ». Il s’agit là du stade ultime de la méthode globale : dès le début de l’apprentissage, l’enfant est mis en contact avec des textes sur lesquels il doit faire « des hypothèses de sens ». Le but n’est pas de conduire à la lecture mais de faire en sorte que l’enfant « devine » ce que l’auteur a voulu exprimer. Il n’est pas nécessaire que l’hypothèse soit exacte pour être retenue. Il suffit qu’elle ait un sens pour le « lecteur ». Cette pédagogie dont le simple bon sens suffit à montrer le caractère dévastateur est de plus en plus appliquée et commence désormais à être utilisée dès les classes maternelles. Cette initiative désastreuse va - on peut malheureusement l’affirmer sans risques de se tromper – encore augmenter le pourcentage d’enfants en échec dans les années à venir. Les lecteurs incrédules – on comprend qu’ils le soient ! - trouveront dans les annexes de ce rapport des textes qui résument la pensée de ceux qui oeuvrent depuis plus de trente ans pour imposer, à tous les niveaux de la hiérarchie de l’Ecole, et en particulier lors de la formation des maîtres, ces pédagogies aux conséquences dramatiques.
LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
Depuis plusieurs décennies, et avant même la disparition des Ecoles normales d’instituteurs et la création des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), le contenu des enseignements dispensés aux étudiants qui se destinent à l’enseignement primaire est basé en totalité sur des considérations d’ordre psychosocial. Les apprentissages fondamentaux ne leur sont plus présentés comme des savoirs mais comme des comportements liés aux conditions d’environnement. L’Institut national pour la recherche pédagogique (INRP), organisme tout-puissant qui est en fait le creuset d’où sortent toutes les initiatives pédagogiques, publie des réflexions basées sur des hypothèses qu’aucun argument scientifique ne vient étayer. La formation véhicule ainsi des idées fausses, entièrement démenties par les neurosciences contemporaines. « Le scientisme » que dénonce si bien Liliane Lurcat confond le dogme qui, est une adhésion à des principes fondés sur la conviction, et la recherche scientifique, qui ne devient connaissance que lorsqu’elle a fourni les preuves qui valident ses hypothèses. Pour l’Education nationale, le cerveau n’existe pas où reste une boîte noire que personne ne veut ouvrir. Ses modes de fonctionnement n’entrent jamais dans la formation des futurs maîtres de sorte que ceux-ci n’ont aucune possibilité de contester les théories qui leur sont enseignées. Aucune comparaison n’est possible entre les diverses pédagogies puisque seules celles qui sont choisies par leurs éducateurs leur sont proposées. Si les méthodes alphabétiques sont citées c’est pour mettre en avant leur caractère « démodé », contraire à la « démarche de lecture » et qui ne permet pas à « l’apprenant » d’avoir accès à un véritable « processus de lecturisation » seul capable de l’amener « à construire lui-même le sens du texte ». Si Le Bulletin officiel du 26 août 1999 préconise au CP un apprentissage rapide du code de correspondance entre sons et graphismes, il se garde bien de donner des indications sur la méthode qui doit être utilisée pour y parvenir. Souvent, plus tard, au contact des réalités concrètes de la vie scolaire et aussi en raison de leur bon sens, un certain nombre de maîtres se posent des questions sur le bien-fondé de leurs pratiques pédagogiques. Dans ce cas, pourquoi continuent-ils à suivre aveuglément des consignes dont ils perçoivent plus ou moins nettement la nocivité ?
La réponse à cette question est simple : ils sont pris dans l’étau d’une hiérarchie qui, bien qu’elle prétende leur laisser la liberté de choix pédagogique, les contraint, en fait, à suivre les lignes imposées par le dogme. L’Inspection générale donne les directives qui doivent orienter l’action des Inspecteurs qui, à leur tour, répercutent les orientations sur les conseillers pédagogiques et les maîtres. Dans les faits la liberté pédagogique de chacun est directement liée au choix de son Inspecteur. A quelques exceptions près, les maîtres se trouvent dans l’obligation, surtout en début de carrière, d’appliquer ce qu’attend celui dont leur notation dépend. Les maîtres dissidents subissent également la pression du groupe dans lequel ils travaillent. Nombreux sont les exemples prouvant qu’un maître dont les pratiques pédagogiques se démarquent de celles de ses collègues doit faire face à des situations d’isolement, voire d’exclusion, que bien peu d’entre eux peuvent supporter.
D’autre part, pour imposer d’autres choix pédagogiques, les maîtres manquent d’arguments à opposer aux discours particulièrement hermétiques que constituent les rapports d’inspection. Leur font justement défaut les connaissances qu’on leur refuse. Il est significatif de constater que tous les enseignants qui ont répondu au sondage organisé par ENSEIGNEMENT ET LIBERTE ont fait état du manque d’information dont ils souffrent. Ils ont clairement exprimé leur souhait d’une formation scientifique complémentaire indispensable, en particulier pour les maîtres du CP. Les témoignages que nous avons reçus sur cette question sont éloquents.
Devant une telle situation, peut-on rester inactif ?
Comment accepter qu’à notre époque plus de la moitié des enfants ne puissent accéder à ce savoir indispensable à l’acquisition de tous les autres, alors qu’il existe des moyens simples et peu coûteux pour éradiquer le fléau de l’illettrisme ? Consciente de ces réalités, ENSEIGNEMENT ET LIBERTE a la ferme volonté d’agir pour dénoncer l’inacceptable.
LES POSSIBILITES D’ACTION D’ENSEIGNEMENT ET LIBERTE
Refusant d’entrer dans des querelles idéologiques stériles nous avons choisi de nous battre sur le terrain de la diffusion de la connaissance. Pour atteindre notre objectif nous n’avons qu’une arme utilisable : l’information. Nous devons faire connaître aux familles, aux enseignants, aux associations, aux personnalités et organismes concernés, et bien évidemment aux media, les dangers des pratiques pédagogiques actuelles en nous appuyant sur des éléments scientifiques indiscutables. Nous souhaitons que peu à peu une résistance s’organise et qu’il soit possible de comparer les résultats en lecture, écriture et orthographe d’écoles qui utilisent des méthodes alphabétiques avec ceux d’établissements sociologiquement identiques pratiquant les méthodes actuellement en vigueur dans l’Education nationale. Nous devons également développer les contacts avec des personnalités qui, dans d’autres pays touchés par le même fléau, prennent conscience de la nocivité des méthodes actuelles d’apprentissage de la lecture et de leurs conséquences dévastatrices sur le développement de la structuration de la pensée.
Certes il ne suffit pas d’avoir raison pour convaincre mais quels que soient les obstacles, les faits parviennent à s’imposer. L’obscurantisme finit par céder lorsque des preuves tangibles s’imposent comme des réalités incontournables. Dans le silence qui enveloppe ce scandale permanent qui se développe depuis tant d’années en toute impunité, nous saurons être cette voix, certes faible mais qu’on ne peut cependant faire taire, qui, peu à peu, se fera entendre parce qu’elle s’appuie sur des faits prouvés qui s’unissent au bon sens pour faire triompher la raison.
ANNEXES
Nous présentons ici des extraits de deux conférences données en 1984 et publiées par le centre départemental de documentation pédagogique de l’Académie de Grenoble. Ces documents ont été choisis parce qu’ils résument parfaitement les dogmes fondateurs de toutes les méthodes utilisées depuis plus de trente ans pour apprendre à lire aux enfants. Les conceptions avancées ici restent les piliers de la réflexion pédagogique actuelle. Elles sont aux antipodes de ce que les neurosciences ont prouvé. Les méthodes d’apprentissage de la lecture fondées sur ces bases sont les seules à être enseignées actuellement dans les IUFM.
Jean FOUCAMBERT : l’acte de lire.
Alors chargé de recherches à l’Institut national de la Recherche pédagogique, J. FOUCAMBERT en est devenu le directeur. Ancien Inspecteur général de l’Education nationale, très présent dans les instances officielles, il est président de l’Association française pour la lecture, et ses analyses jouent toujours un rôle majeur dans la réflexion pédagogique. On mesurera, ici comme dans l’extrait suivant, l’univers qui sépare ces déclarations de la réalité scientifique.
« Il est faux de croire que l’école fonctionne mal ; au contraire c’est un outil excellent d’alphabétisation, et ce n’est pas moi qui en dirai du mal. Le problème qui se pose aujourd’hui autour de l’école et dans l’école, c’est de savoir si le projet social, et non le projet scolaire est toujours un projet d’alphabétisation. Si c’est toujours un projet d’alphabétisation, il faut continuer dans la voie de cette école et l’améliorer. Mais si ce n’est plus un projet d’alphabétisation mais un projet de lecturisation, s’il ne s’agit plus d’alphabétiser les gens mais d’en faire des lecteurs, alors cette école qui est un outil efficace, poli par des mains d’artisans experts et dévoués que sont les enseignants, cette école doit être transformée. En effet, toutes les qualités de cet outil deviennent des défauts si le projet est différent de la raison pour laquelle il a été fabriqué. »
Opposant le sujet alphabétisé et le véritable lecteur, l’auteur poursuit :
« Dans le cas des conduites alphabétiques, la largeur de ces fixations (ce que l’œil regarde de l’écrit) est de l’ordre de 4 signes utilisés à la fois(…) Le lecteur lui, à chaque arrêt de l’œil utilise 20 à 30 lettres dans le même temps qu’il faut au déchiffreur pour en voir 4 ou 5. Ces 20 ou 30 lettres correspondent à 5 à 6 mots, presque toujours une proposition entière, c’est-à-dire un ensemble qui a du sens. Il y en a un, le déchiffreur, qui avance en mémorisant des sons qui n’ont pas de signification tandis que le lecteur est quelqu’un qui traite directement avec ses yeux quelque chose qui a une signification…. Autrement dit, le lecteur chaque fois, embrasse du sens. Toutes les recherches faites à l’heure actuelle ont tendance à prouver que le sens est presque indépendant des mots qui le composent, c’est-à-dire que ce que l’on voit c’est vraiment du sens et pas des mots ».
Eveline CHARMEUX
D’abord professeur d’Ecole normale puis conseiller pédagogique, Eveline CHARMEUX a joué un rôle capital dans la recherche pédagogique et reste un des grands « maîtres à penser » dont les écrits sont proposés aux élèves des IUFM.
« Lire n’est pas, certainement, une activité aussi simple, aussi facilement décrite qu’on le croyait jadis(….)
Il faut bien se dire que sans l’activité de compréhension, il n’y a rien. Ce qui implique que l’élève qui déchiffre ou qui oralise sans comprendre n’est pas un élève qui a maîtrisé une partie de la lecture. C’est un élève qui ne sait pas lire du tout et même qui est plutôt en retrait par rapport à ceux qui ne savent pas oraliser car la maîtrise de l’oralisation est une gêne à la lecture beaucoup plus qu’une aide. »
« On ne dira jamais assez que pour( …)comprendre ce qu’on lit, il faut se servir de ses yeux, et uniquement d’eux. Ce qui veut dire que la construction du sens va se faire sur des indices linguistiques qui sont saisis d’une manière visuelle. Autrement dit, il faut avoir été entraîné à donner du sens à des éléments de cette organisation spatiale que présente le texte. » (…)
« Il faut admettre enfin qu’il faut proposer aux enfants du vrai, du vrai dans la complexité de l’authenticité, tout de suite, et qu’on leur laisse le temps de s’y habituer.
Au lieu de proposer des tâches faciles qui aggravent la différence entre ceux qui réussissent et ceux qui ne réussissent pas, et intériorisent l’échec, je suggère de donner toujours des tâches complexes les concernant, mais dont l’objectif est de tirer le maximum et non de les épuiser. En lecture, si vous donnez une petite phrase à lire, il n’y a pas de milieu ; il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Alors que si vous donnez le journal de la télé ou la Dépêche, tout le monde trouve quelque chose et les enfants ont le sentiment qu’ils sont capables de trouver
. »
« Si nous voulons que nos élèves acquièrent la maîtrise de la lecture, il faut qu’ils vivent des situations de lecture tout le temps différentes et qu’on bannisse de l’école le rituel qui aboutit à un ronronnement ; ça tue toute vigilance. Il faut apprendre à l’enfant à découvrir ce qui est semblable sous des apparences différentes et réciproquement. Donc, l’activité de construction du sens étant une activité de raisonnement, activité intelligente dans laquelle il n’y a pas de mécanismes, le déchiffrage n’existe pas. Il n’y a jamais eu de déchiffrage dans la lecture. Personne n’a jamais construit du sens en déchiffrant. La mise en place d’un mécanisme de déchiffrage et d’oralisation dresse des obstacles sur la route des enfants qui apprennent à lire. »
« Lire c’est construire du sens sur un message. »
« En ce qui concerne le rôle de l’école maternelle, c’est essentiellement de mettre en place le comportement de lecteur par la familiarisation avec le milieu et l’activité de construction du sens sur d’innombrables messages sur lesquels l’enfant formule des hypothèses et de mettre en place la manipulation de l’écrit »(….)
« On les aide à formuler des hypothèses de sens »
« Au CP il faut mettre l’enfant en situation de confronter la réalité sonore de ce qu’il dit et la réalité visible de ce qu’il lit de manière non pas à découvrir comment s’écrivent les sons, mais à découvrir, au contraire, qu’on ne peut pas se fier à ce qu’on entend pour savoir comment ça s’écrit, ni à ce qu’on voit pour savoir comment ça se prononce.
L’objectif de cette comparaison est un objectif de spécificité, c’est-à-dire que les enfants vont découvrir qu’il n’y a pas de correspondance terme à terme, mais qu’il y a un système. On va les aider à construire le système français arbitraire de correspondance phonies/graphies et on va les conduire au niveau du
CE1 à découvrir que les lettres en français n’ont pas comme seule fonction de permettre la prononciation. Elles ont un rôle pour la compréhension (orthographe). D’ou la nécessité de faire lire des textes où l’orthographe est présente et pertinente. Un des plus graves reproches que je fais aux manuels quels qu’ils soient, c’est que voulant mettre en place une combinatoire à l’état pur, ils ont choisi un vocabulaire qui est composé exclusivement de mots dans lesquels il n’y a pas d’orthographe »(.…)
« En gros, la démarche que nous préconisons, c’est de partir de la bouteille de Vittel que l’enfant reconnaît grâce à sa forme et à la couleur de l’étiquette (pas du tout à partir de ce qui est écrit dessus). Puis on l’amène à regarder ce qui est écrit sur l’étiquette et à devenir progressivement capable de reconnaître l’étiquette quand elle n’est plus sur la bouteille et enfin à lire le mot Vittel écrit au tableau. »
BIBLIOGRAPHIE
Cette bibliographie ne représente qu’une part infime des travaux portant sur le langage écrit. Les publications concernant la dyslexie, quoique très importantes pour éclairer le fonctionnement cérébral, ne sont pas citées ici sauf une qui apporte des informations fondamentales sur la lecture. Un nombre considérable d’articles concernant le langage oral, la neurologie de la lecture, les recherches les plus récentes dans ces différents domaines, l’évolution des neurosciences, sont disponibles sur le site Internet du NICHD. Le lecteur intéressé y trouvera une mine d’informations. Sont seulement indiqués ici quelques articles de synthèse qui s’accompagnent eux-mêmes d’une bibliographie considérable.
NEUROSCIENCES
John B.REPPAS, Anders M.DALE, Martin I.SERENO, Roger B.H.TOOTELL
La vision, une perception subjective. La Recherche n°289. 1996.
Albert.M.GALABURDA.
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Revue de neuropsychologie.1, 157,1991.
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Science., 271, 81, 1996
Michel HABIB
Brain and language
48, 238, 1995.
Fabrice ROBICHON et al.
Revue de Neuropsychologie, 4, 259, 1994.
Michael I.POSNER et Yalichin G.ABDULLAEV
Dévoiler la dynamique de la lecture.
La Recherche n° 289, 1996.
S.E.PETERSEN et al.
Science, 249, 1041, 1990.
O.HIKOSAKA
Role of the basal ganglia in motor learning : a hypothesis. in T.Ono et al. (eds) Brain mechanisms in perception and memory. From neuron to behaviour. Axford. University Press. Oxford 1994 p,497.
Thomas ELBET, Brigitte ROCKSTROH
Une empreinte dans le cortex des violonistes.
La recherche. n° 289, 1996.
Helen J.NEUVILLE et al.
Brain and language, 1996.
Helen J.NEUVILLE in K.R.GIBSON ET A.C.PETERSEN (eds)
Brain maturation and cognitive development : comparative and cross-cultural perpectives. Aldine de Gruyter press, Hawtorne, NY, 1991.
Helen J.NEUVILLE, Daphne BAVELIER
L’extension des aires visuelles chez les sourds.
La recherche, n°289, 1996.
Alain BERTHOZ
Leçon inaugurale, Collège de France, Paris,1993
Cognitive Brain research, 3, 101, 1996.
Alain BERTHOZ et Laurent PETIT
Les mouvements du regard : une affaire de saccades
La Recherche, n° 289, 1996.
Leslie G.UNGERLEIDER
Les dédales de la mémoire,
La recherche, n° 289, 1996.
Eric KANDEL, Prix Nobel 2000.
Les petits systèmes de neurones. Sciences n°25.1979
Cellular basis of Behaviour: an introduction to Behavioral Neurobiology.W.H.FFreeman and company.1979.
Cellular Insights into Behavior and learning in the Harvey Lectures. Series 73.pp29-92,1979
Francis CRICK
Réflexions sur le cerveau. Science n°25,1979
Norman GESCHWIND
Selected papers on Language and the Brain
Albert.GALABURDA, Marjorie LE MAY, Thomas L.KEMPER and Norman.GESCHWIND.
Right-left Asymetrie in the Brain.
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R.W.SPERRY
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Interhemispheric interaction during simultaneous bilateral presentation of letters or digits in commissurotomised patients.
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hemisphere lateralisation for cognitive processing of geometry.
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left and right intelligence:case studies of Raven’s progressive matrices following brain dissection and hemidecortication.
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Cortex; 1983 mar:107(ptl):95-106
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9000 ROCKVILLE PIKE
BETHESDA, MD 20892
»30 years of research: what we now know about children learn to read»
The alphabetic principle and learning to read
U.S. Department of health and human services.
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Getting Ready to Read
Benita A.BLACHMAN
U.S.Department of health and Human Serices.
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Why children succed or fail at reading.
Learning to Read.
AUTRES SOURCES (communiquées par le programme NICHD )
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DEHANE-LAMBERT, G&DEHANE, S.(1994). Speed and cerebral correlates of syllable discrimination in infants. Nature, 370, 292-295.
Informations sur les neurosciences, leur évolution, leurs apports
http://weber.u.washington.edu/chulder/hist/htlm
Family Education:back to basis. K. MOONEY
Teach me to read
http://family.go.com/Categories/Education
Manhattan Project of the mind
Jim BARRETT
http://www.uthscsa.edu/mission/spring95/brainmap.html
PUBLICATIONS DIVERSES
Pédagogie nouvelle
MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA CULTURE
Direction des Ecoles. 1992.
La maîtrise de la langue à l’école.
Centre National de documentation pédagogique.
C.GUILLAUME
J’aide mon enfant à lire.
Editions RETZ
V.BOUYSSE
De J.FERRY à l’an 2000
I.E.N. Centre Condorcet. PARIS
N.BABIN
Programmes et pratique pédagogique.
Une autre approche de la lecture.
HACHETTE
A.BENTOLILA
De l’illettrisme en général et de l’école en particulier
Plon 1996
Conférences d’Eveline CHARMEUX et Jean FOUCAMBERT (1984)
Une autre approche de la lecture.
Centre départemental de documentation pédagogique. Valence.
Réflexions et propositions pédagogiques
François et Liliane LURCAT
De la crise des sciences européennes au désastre de la lecture
Revue Anthropos (Apartado 387, .8190 Sant Cugat del Vallès, Barcelone
François et Liliane LURCAT
Le désastre de la lecture.
Esprit, n°147, février 1989
François LURCAT
L’autorité de la science
Ed.du Cerf, 1995
Liliane LURCAT
Vers une école totalitaire.
F.X.de Guibert.1998
M.JACQUIER ROUX, M.ZORMAN
L’entraînement phonologique
Collection Michèle PETRIS
Editions de la Cigale. Grenoble.
L.ISRAEL
Cerveau droit, cerveau gauche.
Plon. 1995
G.WETTSTEIN-BADOUR (Prix Enseignement et Liberté. 1994)
Lecture : la recherche médicale au secours de la pédagogie.
Auto-édition. 1993
Enseignement et Liberté 141, rue de Rennes. 75007 PARIS.
P.BERNARDIN
Machiavel pédagogue
Ed. Notre-Dame des Grâces.1995
Th.DESJARDINS Prix Enseignement et Liberté. 2000.
Le scandale de l’Education nationale
Editions Robert Laffont. 1999.
G.WETTSTEIN-BADOUR
Lettre aux parents des futurs illettrés
Editions de Paris. 2000
C.SYLVESTRE de SACY
Bien lire et aimer lire
Méthode BOREL-MAISONNY
ESF Editeur. 1997
Méthode JEAN QUI RIT
Editions Téqui.
Le roc Saint-Michel
53150 Saint-Cénéré
G.WETTSTEIN-BADOUR
Pour bien apprendre à lire aux enfants.
Méthode alphabétique plurisensorielle d’apprentissage de la lecture.1998
FRANSYA, 33, rue de la Mariette 72000 LE MANS.
Pour bien apprendre l’orthographe.
FRANSYA, 33, rue de la Mariette 72000 LE MANS.
DIVERS
Tom BURKARD
The end of illiteracy ?
The Holy Grail of Clackmannanshire
Centre for Policy Studies.1999
OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) Littératie, économie et société.
Enquête Internationale sur l’alphabétisation des adultes. 1995
OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) Littératie et société du savoir.
Nouveaux résultats de l’Enquête internationale sur les capacités de lecture et d’écriture des adultes. 1997
INSPECTION GENERALE de l’EDUCATION NATIONALE
Apprentissage de la lecture à l’école primaire.
Janvier 1995.
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