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LETTRE de l'A.R.L.E. N°48
Association Rhodanienne pour la Liberté dans l'Enseignement
LETTRE de l'A.R.L.E.
N°48 octobre 2004
Lettre ouverte à l’occasion du débat national sur l’école Monsieur le Président de la République,
Vous nous trouverez peut-être prétentieux d’oser, Monsieur le Président, Messieurs les Ministres, de vous associer à nos lecteurs habituels (près de 10000) à l’occasion de cette lettre exceptionnelle de l’A.R.L.E., mais vous avez vous-mêmes présenté le DÉBAT POUR L’ÉCOLE comme une cause nationale et en y associant si possible, toutes les forces concernées de notre Pays. L’A.R.L.E. se trouve l’être à plus d’un titre.
Vous avez considéré, Monsieur le Président, comme la grande la majorité des Français, que l’École était malade puisqu’elle a perdu la confiance et le respect dus à cette Institution chargée de la plus noble des missions : celle d’instruire les enfants de France et de participer avec les parents et les familles, à l’éducation de la jeunesse.
L’École ne peut rester en l’état, la situation est grave, et le défi à relever est une œuvre de longue haleine ; vous l’avez manifesté en proposant l’objectif d’une nouvelle loi programme ; c’est sans doute une dernière chance à saisir.
L ‘A.R.L.E. se refuse à accabler l’institution éducative nationale, et seulement cette institution, car la Société française dans son ensemble est grandement responsable de la désagrégation d’un consensus fort autour de l’École, consensus indispensable pour que vive une Société capable d’éduquer. Les autorités civiles, politiques, syndicales et autres devraient se mobiliser à cette fin. Plus précisément, nous dénonçons le comportement irresponsable et destructeur de certains médias et certaines composantes politiques de même que la démagogie ambiante notamment l’absence du respect dû à la vérité «des dires et des faits», dont la jeunesse a une perception aiguë. Peut-elle encore avoir le sentiment d’appartenir à une Nation garante des valeurs morales et sociales qui fondent le «vivre ensemble» ?
Dans les établissements scolaires, cette situation externe, fortement marquée par les querelles médiatisées, rend la tâche de partage des responsabilités entre le chef d’établissement, les enseignants, et les parents beaucoup plus difficile.
L’idée fondatrice de l’A.R.L.E. est de croire, preuve à l’appui, à la nécessaire liberté dans l’enseignement pour les acteurs de la mission d’instruction et d’éducation. Monsieur Jacques Attali, à l’occasion de la présentation de son ouvrage sur «l’homme nomade», affirmait que la liberté est pour l’humanité une condition indispensable pour lui permettre d’assurer sa survie dans les conditions qui lui seront imposées par l’évolution planétaire… .
Nous croyons en la valeur intrinsèque de la personne humaine capable de générosité et de courage pour aller de l’avant. De tous nos vœux nous appelons la liberté dans l’enseignement pour les établissements de l’institution publique comme pour les établissements de statut privé. Bien évidemment la liberté reconnue à l’établissement sous l’autorité de son chef, lui-même placé sous l’autorité de la structure civilement responsable, suppose l’acceptation de l’autonomie et de la responsabilité de chacun et de tous au sein de l’équipe enseignante. Le projet d’établissement qui caractérise cette liberté est mis en valeur par l’équipe enseignante elle-même ; son acceptation par les parents les associe à la responsabilité éducative et conditionne l’admission de l’élève. La mise en place de ces principes élimine de fait la «carte scolaire» pour que le choix des parents puisse s’exercer. L’autonomie de l’établissement de taille moyenne est éminemment favorable au dynamisme de l’équipe enseignante et aux coopérations concrètes. Des tentatives originales réussies dans le cadre de l’action des Conseils Régionaux ou autres initiatives hors des directives officielles, ont prouvé le «bon sens» de ceux qui, sur le terrain, sont conscients des besoins et osent innover et entreprendre. Il doit-être possible aussi d’adapter le rythme de l’enseignement et les modalités pédagogiques aux difficultés des populations d’enfants et de jeunes concernés (populations récemment immigrés par exemple). Dans notre réflexion, le rôle de l’État, à travers le Ministère de l’Éducation, doit rester bien entendu important, il définit le contour des savoirs et des savoirs-faire exigibles ; il contrôle par des épreuves régionales ou nationales queles niveaux de connaissances exigés sont respectés et les couronne par des certificats, des diplômes ou des grades. L’État devrait par ailleurs encourager, dans l’enseignement technologique et professionnel, le développement de diplômes d’établissement à divers niveaux (2). Nous souhaitons ardemment que le projet de loi programme, que vous avez appelé de vos vœux, ouvre l’évolution du rôle de l’Etat et donne à la société civile la possibilité de s’impliquer dans la mission essentielle d’éducation et de formation professionnelle pour relever les défis auxquels est soumise la Nation.
Jean GUY Président de l’A.R.L.E. (1)On peut imaginer le parrainage des petits établissements par de plus grands afin de réduire les coûts administratifs (2) Le diplôme d’établissement existe déjà dans l’enseignement supérieur public et privé à la satisfaction de toutes les composantes de la nation (cf. écoles d’ingénieurs – voir Commission des titres d’ingénieur, loi de 1934 – et les écoles de commerce, de management … etc.). Les Français et leur école - Autour d’un débat national Printemps 2003
… le monde de l’école est ébranlé, la réforme des retraites, l’augmentation du nombre d’années de travail, la décentralisation… . Il y a du mécontentement dans l’air. Finalement examens et concours se déroulent sans trop de dommages. L’une des réponses du gouvernement est de lancer en septembre un grand débat national sur l’avenir de l’École avec mise en place d’une commission de plus de 40 membres, dont trois pour l’enseignement privé sous contrat ; commission présidée par M. Claude Thélot, Il est demandé aux français, à partir de 22 questions élaborées par cette commission, « d’effectuer un diagnostic sur l’état actuel de l’École, de cerner les grands thèmes qui structurent le débat, et d’éclairer les lignes d’évolution souhaitables de notre système éducatif pour les 10 ou 15 prochaines années ». Lancé dans tous les établissements scolaires, publics et privés, dans les I.U.F.M., vers des centaines d’associations ou de syndicats proche du domaine de la formation, vers les Conseils Départementaux et Régionaux, cet appel à débat national a eu un retour massif : plus de 1.000.000 de personnes ont participé à 26.000 réunions, 300 associations ou groupements ont envoyé une contribution, des milliers de lettres, de messages sur le site Internet ont tenu à donner leur avis. La France profonde voulait parler de son École ! Le questionnaire… La commission de travail, et le ministère de l’Éducation Nationale avaient préparé deux documents, très luxueux, afin d’informer les participants de cette consultation nationale et surtout les organisateurs des réunions et des débats. Le premier présentait les grandes données chiffrées de l’Éducation Nationale, les évolutions de ces chiffres sur 10 à 20 ans, et des statistiques montrant l’excellente place de la France dans le monde en matière d’Éducation, comme la très visible décroissance du nombre d’illettrés, comme la baisse régulière du nombre d’élèves par enseignant… en général tout à fait à l’honneur de notre système d’éducation… ! Puis venait un questionnaire sous le titre «Quelle école pour demain ?» : avec 22 sujets de réflexions proposés à l’analyse, répartis en trois grands chapitres et chacun d’eux comportant de 5 à 10 questions, souvent introduites par le mot « comment » : Pour le 1er Chapitre : Définir les missions de l’école et par exemple : w comment l’École doit-elle s’adapter à la diversité des élèves ? Pour le 2ème Chapitre : En vue de faire réussir les élèves : w comment organiser et améliorer l’orientation des élèves ? Pour le 3ème Chapitre : Améliorer le fonctionnement de l’École :
w comment répartir les responsabilités de l’État et des Collectivités territoriales ? Pour encore mieux cibler les réponses, chaque question était accompagnée d’un développement permettant une approche encore plus pertinente . La réponse…
Comme noté plus haut, le retour de cette consultation nationale a été très important. Une équipe d’analyseurs, pilotée par la commission, en a fait une étude extrêmement fouillée, publiée fin mai chez DUNOD, sous le titre «le miroir du débat », un lourd volume de près de 600 pages. La commission doit poursuivre son travail et présenter ses propres analyses et propositions dans un second rapport, en principe au cours des derniers mois de cette année 2004. w Comment faire pour motiver et faire travailler efficacement les élèves ?
Puis 5 thèmes sont traités , presque à égalité de choix (sensiblement 20 % pour chacun) : w La lutte contre la violence et les incivilités ? Étant donnée la très forte présence des parents dans les réunions organisées dans les établissements scolaires, même si les enseignants y étaient très nombreux, on comprend bien le ciblage des réponses : « Nos enfants d’abord ! » Une analyse plus détaillée. Après ce survol très global des réponses, il paraît intéressant de détailler les opinions ou avis exprimés, qui sont extrêmement différenciés selon qu’on se trouve en primaire, en collège, en lycée. Ainsi : Sur le 1erthème : « Définir les missions de l’Ecole» w une exigence très forte sur les 3 fondamentaux : lire, écrire, compter w une demande de redéfinitions des valeurs de l’école (surtout les parents) w un souci de voir revaloriser la voie professionnelle w un avis très différent entre parents et enseignants sur la composition des classes : classes de niveau ou classes hétérogènes w une opinion diversifiée sur le collège unique, avec demande de fortes modifications. Sur le 2° thème :« Faire réussir les élèves», il est demandé : w l’allégement des programmes, la réduction du travail à la maison, le maintien des examens w par les enseignants un appel à la motivation des parents. w la transformation du système d’orientation, jugé très insuffisant w une action forte contre la violence, avec plus de personnel et plus de sanctions. Sur le 3eme thème : « Améliorer le fonctionnement de l’École » on trouve : w une certaine crainte des projets de décentralisation et un certain refus de l’autonomie et de l’évaluation (surtout chez les enseignants).w une certaine méfiance devant le développement d’un raisonnement économique . Une proposition de conclusion ! (selon les rédacteurs du livre !)Il paraît difficile d’apporter, à cette masse de réponses au débat proposé, des conclusions claires. Néanmoins, quelques tendances fortes : w Les français demandent à leur école de se préoccuper beaucoup plus de la maîtrise par les élèves de ce qu’ils devraient savoir. w Les français demandent aux enseignants d’instruire mieux, mais aussi d’éduquer, en assistance aux parents qui doivent rester les premiers éducateurs. w La réussite scolaire et éducative ne peut résulter de l’action de l’Ecole seule : les partenaires et notamment les parents doivent y contribuer davantage
Et nous,i’A.R.L.E., QUELLES AURAIENT ÉTÉ NOS RÉPONSES ? ( à ces questions assez orientées !) w Oui, pour un socle de compétences fort : lire, écrire, compter… mais en plus, obtenir une expression claire, dans un français correct . En résumé et pour l’ARLE : Non pas une École de la Nation, …mais une École pour la Nation. La grande misère de l'enseignement des Lettres en France
L'École vit en ce moment ce que F. Capel n'hésite pas à appeler "une véritable catastrophe naturelle". A tous les niveaux : le nombre d'enfants mauvais lecteurs ne cesse d'augmenter, dans le primaire comme dans le secondaire, et 40% des étudiants échouent à obtenir le DEUG, malgré une sensible baisse de niveau dans l'Université. Les raisons en sont : un mauvais apprentissage de la lecture qui suit l'élève jusqu'au bac et au-delà, et son corollaire un emploi mal maîtrisé de la langue française, d'où une incapacité à s'exprimer correctement et à comprendre un texte littéraire. Comment en est-on arrivé là ? Tout commence par la destruction de l'enseignement primaire et la disparition des écoles normales d'instituteurs, remplacées par les dangereux IUFM. L'interdiction de l'emploi de la méthode syllabique (pour la seule raison qu'elle était ancienne!) au profit des méthodes soi-disant plus ludiques et plus efficaces (méthode globale, semi-globale, naturelle) a préparé depuis plus de vingt ans la montée de l'illettrisme, notamment dans les classes les plus défavorisées. Et l'on s'étonne- avec quelle hypocrisie! - que les écoliers n'aiment pas lire. Dans les années 1950/60 un écolier qui arrivait au collège maîtrisait l'analyse grammaticale et logique, la conjugaison, et peu ou prou l'orthographe. Il est vrai qu"il n'avait pas eu sa scolarité brouillée par les matières d'éveil. Au collège, le professeur de Lettres est submergé par la tâche. Il doit combler les lacunes du primaire et préparer les élèves au lycée. Il accueille des enfants qui n'ont jamais fait d'analyse logique, peu d'analyse grammaticale, qui ignorent la différence entre nature et fonction d'un mot, qui n'ont vu du passé simple que la troisième personne du singulier (la plus employée, paraît-il, dans les récits) et qui n'ont aucune idée de la façon dont fonctionne leur propre langue. La plupart lit mal, certains ne comprennent pas une lecture faite par le professeur à haute voix. Leur vocabulaire est restreint, certains n'ont jamais fait une rédaction. La maîtrise de l'écrit est souvent catastrophique, car ils n'ont pas appris à soigner la forme (on retrouve cela dans un bon nombre de copies de bac). Il est vrai que selon la direction des programmes : L'étude de la langue n'est pas une fin en soi. (programme de Français au collège, 1996). En outre l'obligation de recourir à l'apprentissage du Français par séquence est une autre aberration pédagogique. Il s'agit de tout étudier (grammaire, orthographe, expression écrite, explication de texte) à partir du même texte ou de quelques textes portant sur le même thème. Cela ne peut qu'engendrer l'ennui et le dégoût chez l'élève. Pourquoi cette méthode ? Écoutons Ph. Delerm, écrivain et professeur de Lettres dans un collège:"Quand j'ai commencé à enseigner, j'étais chargé de deux classes de Français. L'Éducation nationale m'en donne à présent quatre, j'en aurai cinq l'année prochaine avec la réduction des horaires proposée." Impossible dans ces conditions d 'accumuler les rédactions, dictées, explication de textes et autres dans les classes. L'enseignement par séquence ne demande qu'une note globale toutes les six semaines à peu près. La réduction horaire, à l'origine de l'enseignement par séquence, est une bêtise, surtout lorsque l'on songe au niveau de l'élève moyen en Français. "Et puis, il n'y a rien de plus ennuyeux, pour un élève que de rester englué plusieurs semaines sur le même thème et d'y mélanger artificiellement l'écriture, la grammaire, la lecture et l'orthographe." Malheureusement les jeunes professeurs, formés dans les IUFM, ne savent travailler autrement comme me l'a confié récemment l'une de mes jeunes collègues. En outre, on leur demande d'employer un langage abscons et prétentieux. Une intrigue devient un schéma «actanciel», le déroulement d'un récit un schéma «narratif» etc. Il reste peu de latitude au professeur de Lettres pour enseigner la beauté de la littérature et de la langue française. Or la réussite de l'enseignement passe par la liberté accordée à l'enseignant pour faire le programme et non par la tyrannie d'une méthode au résultat plus qu'aléatoire. Au lycée, on a supprimé la dissertation qui permettait de réfléchir sur la pertinence des arguments et d'ordonner sa pensée. On l'a remplacée par l'argumentation qui souvent ne dépasse pas le cadre de l'opinion et le récit d'invention qui n'est autre que la bonne vieille rédaction remise au goût du jour. Quand j'ai passé mon bac la rédaction était un exercice d'école primaire et de collège. On l'abandonnait en seconde. Quant à l'Université, selon l'académie, la faculté de Lettres est plus ou moins exigeante. Je suis surprise des lacunes littéraires de mes jeunes collègues qui, en retour , trouvent leurs anciens vraiment cultivés. Comment apprendre ce que l'on ne sait pas ? Comment corriger l'orthographe quand on fait soi-même d'énormes fautes ? M. Fillon, Ministre de l’Éducation Nationale, vient de rappeler fort à propos qu'il fallait retrouver l'emploi de la dictée et de la rédaction. C'est tout à fait bien, mais sera-t-il entendu ? Comment changer le cours des choses si l'on reste prisonnier des mêmes syndicats et des mêmes pédagogues ? Les ministres passent, l'administration reste et continue imperturbable son oeuvre de destruction. Qui aura le courage de l'arrêter ? De nombreuses voix s'élèvent , comme celles des auteurs cités ci - après. Qui les entend ? Par un professeur de français ▪ Philippe DELERM : Le portique éd. du Rocher Tweet |