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LETTRE de l'A.R.L.E. N°47
Association Rhodanienne pour la Liberté dans l'Enseignement
LETTRE de l'A.R.L.E.
N°47 juin 2004
ÉDITORIAL Chers amis et nouveaux lecteurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Cette lettre N° 47 est publiée avec quelques semaines de retard ; nous vous prions de bien vouloir nous en excuser. Nous désirions commenter le «rapport-miroir» de M.Claude Thélot, Président et Rapporteur de la commission du débat national sur l’école qui a mobilisé enseignants, parents et proches du système scolaire, mais le rapport n’est pas encore disponible à la date où nous mettons sous presse. Par ailleurs, la rencontre récente à Lyon avec M. Claude Thélot nous fait craindre le pire lorsque l’on sait que ce rapport est un miroir d’une très grande diversité d’opinions, certaines exprimées par des personnes défendant des intérêts catégoriels et lorsque l’on apprend qu’une enquête pour le moins confidentielle, sollicitée par la Commission, prône le maintien de la carte scolaire ! Notre espoir en des avancées significatives pour libérer les établissements publics du carcan national et pour plus de liberté et d’autonomie pour tous les établissements, quel que soit leur statut, est pour l’instant déçu. Souhaitons que le Président de la République, le Premier Ministre et le nouveau Ministre de l’Éducation, à l’issue de ce débat national, sachent faire la part entre des propositions revendicatives pour protéger des situations acquises et les réformes essentielles indispensables. En particulier, donner une image positive de l’enseignement technologique et professionnel ; le mépris de ces enseignements est un «mal français»quiengendre la perte «du savoir et aimer faire»,perte dont les conséquences provoqueront l’appauvrissement généralisé de la France. On constate aussi une attitude qui touche nombre de jeunes désireux d’obtenir la sécurité et le confort à tous les niveaux d’emploi ; ils croient pouvoir trouver cela dans les administrations publiques nationales ou locales et encore dans les entreprises publiques. A l’inverse, la pénurie de candidats s’installe dans les métiers du «faire et du produire» où excellent encore «la PME et l’Artisan» qui pourraient disparaître si l’on n’y prend garde. Seule, une décentralisation «vraie», accompagnée de plus de pouvoir et de responsabilités pour nos élus des collectivités locales et régionales, notamment en matière d’orientationde la jeunesse mais aussi d’évaluation de la formation générale, technique et professionnelle, pourrait permettre de relever ce défi national. C’est pourquoi nous soumettons des propositions nouvelles aux élus du Conseil Régional et des Conseils Généraux de Rhône-Alpes, à travers la Lettre ouverte ci-après (en pages 3 et 4), élus à qui nous devons a priori accorder notre confiance. Espérons également en l’exemple de nombreux Pays de la Communauté européenne pour encourager nos élus à prendre des initiatives, même si la tutelle de l’Administration de l’Éducation nationale reste particulièrement pesante ! Une tribune libre est ouverte dans cette lettre N° 47 dont le thème pourrait surprendre. En réalité, les défis à relever, celui de l’école et celui du chômage des jeunes, ne sont pas sans lien avec la situation de l’immigration en France. L’article de M. le Président Michel Robatel, publié en éditorial du bulletin de l’Association qu’il a fondée pour éclairer en toute sérénité les situations démographiques en France, en Europe et dans le monde, nous semble particulièrement riche, solide et loin des polémiques ; ce qui est indispensable pour traiter avec rigueur un tel sujet. Vous trouverez encore en dernière page la «résolution finale» donnée en conclusion du Colloque international tenu à l’Hôtel de Ville de Lyon en juin 2003. L’A.R.L.E. partage la force de ce message et se réjouit de l’avancée des recommandations des textes internationaux qui confirment nos orientations et nos convictions pour la Liberté dans l’Enseignement. L’A.R.L.E. coopère avec le Conseil de Enseignement et Liberté, à travers quelques séances de travail partagées et grâce au dévouement d’un Professeur, Vice-présidente de l’ARLE,. Vous observerez, à la lecture de son propos évoquant une rencontre au Ministère de l’Éducation Nationale, fin 2003, pour discuter de sujets nombreux qui nous préoccupent, qu’il ne suffit pas de changer de Ministre pour obtenir une écoute attentive des justes revendications de l’Enseignement privé. En effet, nombre de demandes réitérées concernant les principes liés au respect de la liberté dans l’enseignement ne sont toujours pas prises en considération. Pour le Primaire par exemple, le forfait communal de fonctionnement, dont le montant n’est pas défini par la loi, reste très inégal selon les majorités politiques des municipalités ; on note également des coûts réels de repas de cantines très différents pour les familles selon que l’établissement est public ou privé. Pour le secondaire, le droit d’ouverture de classes en fonction du besoin reconnu n’est pas respecté, quant à l’Enseignement supérieur privé, rappelons qu’il n’est pas sous contrat et ne bénéficie que de subventions de fonctionnement aléatoires et dérisoires [leur montant rapporté à l’étudiant est de 4 à 12% du coût financé par l’État pour un étudiant du service public] alors que cet Enseignement Supérieur privé assure des formations compétitives, et à des prix de revient de fonctionnement très sensiblement inférieur à ceux du Service public. En terminant cet éditorial, je remercie les adhérents et nos amis lecteurs qui nous encouragent à poursuivre un chemin de dialogue et de communication de nos convictions pour un Enseignement ouvert, réaliste et efficace en vue de préparer l’avenir des enfants et des jeunes de notre Pays. Les trente glorieuses sont loin derrière nous, il n’y a plus de temps à perdre !
Jean Guy Copie de lettre a l’attention des élus du conseil régional rhÔne-alpeset des élus des conseils généraux de cette même région
Des propositions pour relever les défis de l’orientationdes jeunes collégiens et du chômage
A travers la présente Lettre N° 47, diffusée selon l’habitude à tous les élus du Conseil de la Région Rhône-Alpes et des Conseils Généraux, nous présentons des propositions nouvelles pour favoriser l’orientation des élèves des collèges dans la perspective de leur choix d’études tant au niveau du collège que du lycée.L’A.R.L.E. exprime tout d’abord son approbation pour que le Conseil Régional Rhône-Alpes, en responsabilité des lycées, secteur qui fait partie de ses grandes compétences et les Conseils Généraux en responsabilité des collèges, puissent coopérer plus largement dans le cadre de la décentralisation et de la lutte contre le chômage. L’ARLE souhaite naturellement plus de liberté pour les établissements, quel que soit leur statut public ou privé, permettant des coopérations entre collèges et lycées en vue d’apporter une compétence et un élan nouveau pour construire un dispositif d’orientation en harmonie avec les besoins de formation de la jeunesse et les besoins des entreprises, notamment des PME. Ces propositions visent à modifier les anomalies incompréhensibles et qui perdurent, devant la pénurie, constatée par les entreprises, de techniciens et de professionnels dans de nombreux métiers, alors que de trop nombreux jeunes, mal orientés, essaient vainement de poursuivre des études d’enseignement général.L’A.R.L.E. souhaite vivement, à l’occasion des renouvellements récents du Conseil Régional Rhône-Alpes et des Conseils Généraux, que ceux là s’engagent danstrois nouveaux projets : 1° « Mieux informer les élèves des collèges et lycées de l’intérêt du choix d’une carrière technique et professionnelle». A l’approche du passage du collège au lycée en seconde, on constate que les élèves choisissent en priorité l’Enseignement Général, promu comme la meilleure chance pour leur avenir par les parents et parfois les enseignants. A contrario, la voie professionnelle et technique est trop souvent présentée comme un choix dévalorisant. Or à la fin de longues études, souvent peu professionnalisées (cf. les DEUG. et Licences), ceux qui ont choisi l’Enseignement Général n’auront qu’un faible débouché sur l’emploi. En face, les entreprises se plaignent de ne plus trouver les jeunes dont elles ont besoin, et, faute de personnel, limitent leur activité. Il apparaît donc nécessaire de revoir le dispositif d’information et d’orientation actuellement trop scolaire, et de créer par exemple : « Des Bureaux Régionaux d’Information et d’Orientation » Nous estimons que les C.I.O., implantés dans des établissements scolaires, n’ont pas la réelle connaissance des besoins de l’économie, et nous pensons que les Conseils de par leur connaissance réelle des données locales et leurs relations avec les organismes professionnels, pourraient développer des « Bureaux » très décentralisés, au cœur des agglomérations et des bassins de formation, facilement accessibles aux jeunes qui se posent des questions. Ils seraient capables de présenter avec précision les différents métiers, leur avenir, et les moyens de s’y préparer. Ces lieux d’information devraient disposer d'un budget de communication et leurs responsables de la possibilité de faire visiter des entreprises en toute légalité. (*) 2 ) - « Soutenir les essais de pédagogies nouvelles » On constate que le dispositif scolaire standard est mal reçu par un certain nombre d’élèves, tant au collège qu’au lycée et, simultanément, il n’est pas toujours adapté aux besoins des entreprises. Il existe déjà des « Écoles de Production » ou des « lycées professionnels et techniques » qui mettent en œuvre des pédagogies inductives et appliquées à titre expérimental. Ils pourraient aussi parfois s’inspirer de ce qui est fait au niveau primaire, dans « les Écoles de la Main à la Pâte » soutenues par M. le Professeur CHARPACK.- Prix Nobel - . Mais ces recherches ne bénéficient d’aucune aide spécifique, puisque hors des « lignes jaunes » tracées par le Ministère. Les Conseils, Généraux et Régional, devraient s’y intéresser et promouvoir l’expérimentation. 3) – « Instaurer des financements permettant l’accueil, dans les établissements techniques et professionnels, de jeunes « revenant » en formation après un début d’études supérieures sans débouchés pour eux et finalement sans intérêt. » Trop de jeunes font après le baccalauréat des choix de formations supérieures qui se révèlent pour eux très décevants ou ne débouchant sur aucun emploi. Ils devraient pouvoir trouver dans les Établissements Techniques et Professionnels un nouvel accueil favorisant, après une période de formation qualifiante plus ou moins longue, un accès à un nouvel emploi. Ils ne se voient plus être lycéens et doivent souvent travailler pour subsister. Il faudrait qu’ils puissent présenter un examen de qualification, par exemple du type B T S. Pour cela, il devrait exister dans ces Établissements des postes de formateurs spécialisés, sans doute à temps partiel, non prévus dans la dotation habituelle en moyens horaires beaucoup trop rigides. Ils pourraient être financés par les Conseils (Généraux et Régional), avec un complément de dotation couvrant les coûts annexes, genre forfait professionnel spécial analogue aux forfaits d’externat régional et départemental. Les contrats actuels, type apprentissage ou retour à l’emploi, ne sont pas adaptés à ce type de problème qui va en s’amplifiant. Il y aurait beaucoup moins de jeunes chômeurs si ces jeunes pouvaient recevoir des formations adaptées aux emplois disponibles. En résumé, nous croyons que les Conseils (le Conseil Régional et les Conseils Généraux) peuvent contribuer à réduire les difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail. Ils disposent en effet à la fois d’une véritable connaissance des situations locales, et d’une véritable liberté d’innovation. Nous sommes persuadés que de nombreuses organisations de la société civile et des organisations professionnelles sont disposées à participer à des opérations de grande envergure que les Conseils de la région Rhône–Alpes pourraient initier et nous restons disponibles pour participer à des tables rondes sur ces questions que vous devez considérer, comme nous, très essentielles. Le Bureau de l’A.R.L.E.
(*) Il existe une «Fondation JEUNESSE AVENIR ENTREPRISE», reconnue d’utilité publique en 1992. Son origine est une initiative née en notre région rhodanienne. Elle a pour mission d’apporter des informations et des moyens destinés à la jeunesse : aide à l’information et pour l’orientation professionnelle et la découverte des choix. Déjà plus de 5000 intervenants utilisent ses logiciels, INFORIZON et PASS’AVENIR, en servicedans quelque3000 établissements scolaires ou d’autres organismes sur le territoire national. La F.J.A.E. a développé des outils informatisés qui ouvrent le panorama des métiers en relation avec les desiderata du candidat, ses aptitudes et ses choix. Elle précise les compétences nécessaires, la formation et les qualifications requises, ainsi que les lieux d’acquisition. [ téléphone 04 78 77 07 60 et site : http://www.fondation-jae.org] RÉSOLUTION FINALE DU COLLOQUE INTERNATIONAL tenu à l’Hôtel de Ville de Lyon le 14 juin 2003 et organisé par l’OIDEL (*)– LE COLLÈGE SUPÉRIEUR Lyon – l’INSTITUT MONTAIGNE Paris – l’A.R.L.E(*) Organisation Internationale pour le Développement de la Liberté d’Enseignement
Thème : INTÉGRATION SOCIALE ET AUTONOMIE DES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES
Nous pensons que la liberté scolaire et l'autonomie des établissements d'enseignement forment ensemble un facteur déterminant d’intégration sociale. Face à la montée de la diversité culturelle et religieuse au sein des nations, face aux risques d’intolérance et d’exclusion qui accompagnent cette diversité, nous pensons que la liberté de l’enseignement, telle qu’elle est recommandée par les textes internationaux, est une solution juste pour que la mixité sociale soit réelle. Nous affirmons que : 1 - Une société de tolérance se construit sur la reconnaissance des croyances et convictions, la reconnaissance de la valeur éducative des traditions et non sur le déni des différences. 2 - Nous pensons que la pluralité des écoles, la diversité des projets dans le cadre des régulations que l'État a le devoir de prescrire, sont une chance pour la liberté des peuples et la rencontre des cultures. 3 -L'instruction est inséparable de l'éducation. Celle-ci suppose une équipe éducative cohérente, stable et accueillante, rendue possible par l'autonomie des établissements scolaires, par la responsabilité qui en est la contrepartie. L'autonomie permet à chaque établissement d'apporter la réponse appropriée à l'environnement qui est le sien. 4 - Pour favoriser la mixité sociale, pour que la liberté de choix de l'école soit réelle, nous préconisons un financement équitablement réparti par les collectivités afin que les familles puissent exercer cette liberté. Nous pensons que la carte scolaire, loin d'assurer la mixité sociale, renforce les inégalités et la ségrégation sociale. La diffusion de l'information, une véritable culture de l'évaluation, permettent d'éviter les injustices. __________________________________________________________________________________________________________
Rencontres trimestrielles de l’A.R.L.E. avec Enseignement et Liberté à ParisTrois fois par an, en dehors de réunions exceptionnelles, un professeur, Vice-Présidente de l’A.R.L.E., se rend à Paris pour participer à la réunion de Bureau de l’association Enseignement et Liberté. Vous trouvez ci-dessous un résumé, certes trop court mais vivant, de son compte rendu à notre Bureau de l’A.R.L.E. « C’est toujours un moment passionnant où chacun donne son avis, marque son adhésion ou ses réticences, ce que je fais au nom de l’A.R.L.E. Lors de notre dernière réunion à Paris, nous avons réfléchi à la loi sur la laïcité et les signes religieux à l’école. Conscients de ses dangers et de ses ambiguïtés il nous a paru important d’être vigilant sur le sujet. La suite des évènements nous donne raison. Comme il nous semble utile de nous faire entendre des pouvoirs publics, nous avons décidé de demander un rendez–vous au Ministère de l’Éducation Nationale où nous avons effectivement été reçus par un membre de l’équipe ministérielle. Après avoir traversé une jolie cour, nous entrons dans un bâtiment cossu du dix -huitième siècle, entrée spacieuse et nous prenons place dans une salle d’attente. Des portes s’ouvrent sur de grands bureaux où l’on s’entretient à voix feutrée ! Tout l’environnement respire le confort et la sereine assurance de l’administration républicaine. Mais voici notre interlocuteur, il nous fait entrer dans un bureau moderne et, d’une voix posée et courtoise, il nous fait part de la bienveillance du Ministre pour nos associations. Nous lui rappelons notre souci de l’illettrisme et notre opposition à la méthode globale, sous-entendu de ses dérivées. Le haut fonctionnaire affirme qu’elle n’est plus employée depuis longtemps et que tout compte fait, elle n’est pas si mauvaise : Voyez, lui-même a appris à lire avec cette méthode… il laisse sa phrase en suspens ! Nous demandons ensuite plus de souplesse et de moyens horaires pour l’école privée. Il explique que la ligne du ministère ( non pas celle du Ministre) reste la même : privilégier le secteur public. Si l’Enseignement privé demande l’autorisation de construire un lycée,car le besoin s’en fait sentir, il l’obtiendra que s’il existe déjà un lycée public… . Pas moyen de lui faire comprendre l’absurdité de la démarche ; il n’entend que ce qu’il veut entendre… ! L’un de nous, ayant plus d’expérience de ce genre de rencontre, entraîne notre fonctionnaire sur un terrain que celui-ci connaît bien, celui des textes et des décrets qui règlent l’Enseignement Supérieur. Là, notre hôte est à l’aise ; il prend des notes et en parlera au ministre… . C’est ainsi que l’entretien se termine courtoisement. Nous repartons avec une impression mitigée, sans doute cette visite ne sera pas suivie de grand effet, mais elle aura le mérite de rappeler que nos associations remplissent leur devoir de veille et de propositions.» __________________________________________________________________________________________________________ Quelques idées simples sur l’immigration en France. par Michel Robatel, Président de l’Association Rajeunir et Peupler La France Partie de notre histoire et de notre culture, composante majeure de notre population, l’immigration ne peut laisser indifférent aucun français soucieux de l’avenir de notre pays et de ses enfants. Nous ne serions pas ce que nous sommes aujourd’hui sans l’apport des migrations européennes, africaines et asiatiques, ni aussi nombreux. Le mouvement Rajeunir et Peupler la France que j’ai fondé en 1997 avec un groupe de lyonnais et de parisiens de la société civile s’était déclaré favorable à la pratique du droit d’asile au profit des réfugiés politiques ainsi qu’à une immigration raisonnable et contrôlée, conforme à l’intérêt de notre pays. Mais cela implique de respecter un niveau et un rythme qui permettent d’assimiler par l’école, l’emploi et la société des hommes et des femmes étrangers désireux de travailler en France et d’y faire souche. Cela suppose aussi, de la part de ces migrants et de leurs enfants, un minimum d’ affectio patriae à l’égard de leur pays d’accueil. Mais les effets récents, directs ou indirects, sur notre société d’une immigration non européenne mal assimilée, et leurs perspectives, suscitent aujourd’hui réactions et inquiétude. L’affaire du voile en témoigne, comme la montée des extrémismes. Dans un éditorial paru dans le numéro de janvier 2004 de la revue « Population et Sociétés », sous le titre « Cinq idées reçues sur l’immigration», François HERAN, directeur de l’Institut National d’Études Démographiques, s’emploie, statistiques en main, à dissiper ces inquiétudes : « non, écrit-il, l’immigration n’est pas massive, elle n’est pas majoritairement clandestine, elle n’est ni prolifique ni misérable, et pas davantage insaisissable ». Cet éditorial a suscité la vive réaction de Jacques DUPAQUIER, historien, démographe, membre de l’Institut, qui dans un article publié dans le Figaro du 21 février, sous le titre « Les vrais chiffres de l’immigration », réfute point par point les arguments de François HERAN et affirme en conclusion que depuis quelques années l’immigration a «changé de nature et d’ampleur ». Que conclure de cette querelle d’experts ? Parodiant une formule célèbre, je vous propose d’aborder ce sujet « compliqué » avec quelques « idées simples ». Première idée simple : II faut connaître et faire connaître l’ampleur des flux migratoires. En France, depuis quatre ans les flux migratoires d’origine extra-européenne croissent de façon régulière malgré l’arrêt officiel de l’immigration de travail. Les titres de séjour d’au moins un an délivrés en 2001 ont atteint 183000, dont 140000 au profit d’immigrants hors zone européenne, principalement originaires du Maghreb, et pourraient atteindre 200000 en 2002. Dans ces chiffres ne figurent pas les demandeurs d’asile, au nombre d’environ 60000 par an. Faute de pouvoir mesurer avec précision les retours aux pays d’origine, nous sommes dans l’ignorance du solde migratoire réel. Le chiffre officiel retenu par l’INSEE, 60000 pour l’année 2001, paraît largement sous-estimé. Cette incertitude alimente l’inquiétude et les réflexes xénophobes ou racistes de nos compatriotes, et nourrit les pires fantasmes. II serait utile et souhaitable de connaître et de faire connaître l’importance réelle de ce solde et de modifier à cette fin, si cela s’avère nécessaire, les règles de la collecte de l’information statistique. Deuxième idée simple : La France est en cours de métissage, il faut l’admettre et nous préparer à l’avènement d’une société multiethnique. Par une sorte de colonisation à rebours, la France est en cours de métissage. - Chirac, des visas ! - scandaient les jeunes algériens lors de la visite de notre Président à Alger en mars 2003. Le 27 février dernier, Dominique Sopo, Président national de SOS racisme, déclarait à un journaliste du Progrès : « La France est une terre de métissage extrêmement forte. Notre projet de société est celui de la République métissée ». L’analyse des statistiques disponibles, leur projection comme l’accroissement régulier des mariages mixtes justifient cette affirmation. Le nombre de personnes vivant en France et appartenant à des familles originaires du Maghreb, de l’Afrique noire, et de la Turquie, majoritairement de confession musulmane, s’élève à environ 3,3 millions c’est-à-dire 5 % de la population totale. Leur niveau de fécondité, plus de 3 enfants par femme, rapporté à celui des familles autochtones ou d’origine européenne de 1,7 enfant par femme, va progressivement modifier la structure de notre population, son image ethnique et culturelle. Un chercheur de l’INED a calculé, que ces familles représenteraient, rebus sic standibus, 10 % de la population française totale en 2030 et 17 % en 2050. II ne s’agit, bien sûr que de projections mathématiques et d’ordres de grandeur, mais ne conviendrait-il pas néanmoins de se préoccuper de la capacité d’acceptation et d’assimilation de ces familles par le corps social français, immigrés actuels compris, et, dans un premier temps, de l’informer ? Troisième idée simple : L’intégration des deuxième et troisième générations issues de l’immigration maghrébine doit précéder l’appel à une nouvelle immigration de travail significative. Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité de donner à cette intégration une absolue priorité. II n’est plus acceptable de voir dans notre pays subsister des zones de non droit ou vivent en communauté des populations dont le taux de chômage juvénile peut atteindre 50 %, foyers de frustrations, d’extrémismes, de violence et d’oppression. Les « politiques de la ville », certes nécessaires, ne sauraient à elles seules apporter la solution. Un énorme effort collectif s’impose, sur plusieurs années, afin de préparer les jeunes gens à la vie sociale et au monde du travail – éducation civique, scolaire et professionnelle – (1) et d’inciter les entreprises et le secteur public à les accueillir. Mais d’ici là et sauf s’il s’agit de répondre à des besoins précis et limités, l’opinion comprendrait mal, alors que les nouveaux États européens de l’Est frappent à notre porte, que soit fait appel, de façon massive, à une immigration de travail en provenance de pays tiers. En accueillant des centaines de milliers d’étrangers et leur accordant généreusement la citoyenneté, la France a depuis longtemps répondu au souhait exprimé ces jours derniers par Kofi ANNAN, Secrétaire Général de l’ONU, de voir l’Europe ouvrir ses portes à l’immigration des pays du Sud. Quatrième idée simple : La France doit conserver la maîtrise de sa politique migratoire et d’asile. Au sommet d’Amsterdam de 1997, les quinze pays de l’Union européenne ont décidé de transférer du « troisième pilier », intergouvernemental, au « premier pilier », communautaire, les compétences relatives à l’asile et à l’immigration. Après une période transitoire de cinq ans qui s’achève cette année, les États devraient convenir, à l’unanimité, que les décisions futures seraient prises à la majorité qualifiée. II s’agit là d’un transfert majeur de souveraineté qui mettrait fin aux politiques nationales d’immigration. Mais lors du sommet de Laeken, en décembre 2001, ces mêmes États sont revenus sur leurs engagements antérieurs, refusant de transférer à l’Europe la compétence en matière de droit au travail des étrangers, de politique de quotas, de régularisation des clandestins, de regroupement familial. Les problèmes migratoires auxquels les États de l’Union doivent faire face présentent de profondes différences. Chaque nation possède son « exception » liée à sa démographie, à ses besoins en main d’œuvre, à ses relations historiques ou linguistiques avec les pays d’origine, à sa politique d’asile, à son code de nationalité, etc… II faut que nous conservions la maîtrise de notre politique migratoire et d’asile, ce qui n’exclut nullement une coopération avec nos partenaires dans le cadre des accords de Schengen de 1985 et de Dublin en 1990, ni un effort soutenu d’harmonisation juridique et réglementaire. Somme toute, dans les prochaines années, la France verra croître peu à peu sa population grâce aux nouveaux immigrés et au solde naturel - naissances moins décès -auquel contribuent les descendants des travailleurs africains et de leurs familles venus depuis un demi-siècle, comme d’autres auparavant, trouver chez nous le pain et la liberté. Ironie du sort, pour un pays qui se veut un modèle et dont il est de bon ton de critiquer le passé colonialiste. Cela devrait inciter les familles autochtones de souche européenne à « rester dans la course », à relever leur propre fécondité et à assurer leur renouvellement. Si nous savons mettre en œuvre les moyens nécessaires d’éducation, d’accompagnement et de soutien à l’intention de toutes les familles, alors quel bel avenir s’offre à notre pays et à ses enfants !
Michel ROBATEL
(1)J’ai très largement partagé, pour ce qui concerne la formation générale et professionnelle des jeunes, les opinons exprimées et les propositions développées dans la Lettre de l’ARLE au cours de ces dernières années. Tweet |