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Lettre N° 102 - La culture n'est plus en crise (3)
La culture n’est plus en crise !
Que les admirateurs d’Hannah Arendt et de son maître ouvrage « la crise de la culture » se rassurent : la culture ne sera bientôt plus en crise. Elle sera tout simplement abolie par décret.
Le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique vient, en effet, de décider de « bouter » l’épreuve de culture générale des concours d’accès à la fonction publique (sic). Cette épreuve serait, selon lui, le signe d’un « élitisme stérile ». Les épreuves de culture générale, ajoute-t-il, « éliminent tous ceux qui n'ont pas ces codes souvent hérités du milieu familial » et créent « une forme de discrimination invisible ». Le secrétaire d’Etat envisage de remplacer la culture générale par « des questions de bon sens en rapport avec la matière ».
Dans le même temps, le 2 décembre dernier, le même ministère de la Fonction publique a signé avec la HALDE (autorité chargée de lutter contre les discriminations) une charte visant à promouvoir l’égalité dans la fonction publique. Pour le secrétaire d’Etat à la Fonction publique, cette charte est "un engagement moral et concret" en faveur du recrutement d’enfants d’immigrés, de femmes, de seniors et de personnes handicapées. Elle sera à la disposition des 5,2 millions de fonctionnaires, en vue de "guider l’action des administrations et des agents qui les composent" selon le ministère. La charte prévoit une série de mesures pour accroître l’égalité d’accès à la fonction publique, dont notamment, nous dit le texte : repenser les épreuves des concours, en diminuant les épreuves de culture générale jugées discriminantes ; sensibiliser et former les jurys de concours et les responsables des ressources humaines à la question des discriminations ;
L’idée est bien d’abaisser considérablement le niveau pour permettre aux enfants « issus de la diversité » d’intégrer la fonction publique. Belle promotion sociale que celle qui consiste à enlever les barreaux de l’échelle, donc évidemment l’échelle aussi. Belle intégration que celle qui consiste à nier dès le départ toute aptitude à comprendre la culture de son pays d’accueil, donc évidemment à interdire un nouvel avenir collectif.
Ces réformes accompagnent le vaste mouvement qui a conduit notre pays à creuser des trous de mémoire de plus en plus profonds dans notre histoire collective, notre école à ne plus transmettre notre héritage culturel commun, pendant que le langage de nos enfants était délibérément appauvri.
Comment vont-ils pouvoir communiquer et comment ne pas voir que les communautarismes vont se renforcer ?Le gouvernement en place ne va cependant pas jusqu’à favoriser expressément et juridiquement la discrimination positive. Chargée par Nicolas Sarkozy de rédiger un nouveau préambule de la Constitution en y inscrivant notamment le respect de la diversité, la commission présidée par Simone Veil a rappelé que les politiques de réparation basées sur la race se sont développées dans les pays où la ségrégation était historiquement inscrite dans la loi, ce qui – fort heureusement - n'est pas le cas en France. Le rapport souligne fort justement le paradoxe qui consisterait à laisser la France s'engager aujourd'hui dans la voie de la discrimination positive à l'heure où elle marque clairement le pas aux États-Unis. D’ailleurs, la victoire électorale du Président Barack Obama est précisément une victoire du mérite républicain et non celle de la discrimination positive. Ce qui est admirable dans cette élection pour un républicain (à la française) n’est pas que les américains aient choisi un homme de couleur. Non, il n’a pas été choisi en fonction de sa couleur, mais heureusement quelle que soit sa couleur. Pour le dire autrement la question de la couleur semble être devenue totalement indifférente, inopérante Outre atlantique. Il est là le progrès pour l’Humanité !
Le rapport de la commission présidée par Simone Veil montre aussi – toujours aussi intelligemment - qu'il est réellement impossible d'élaborer un système de critères acceptable des «origines», familiales ou plus généralement biographiques. Comment lutter contre le racisme et l’ethnicisme si les critères de sélection sont précisément fondés sur ce contre quoi on veut lutter ? Les auteurs de ce rapport – inspirés sur ce point d’une grande sagesse – craignent tout autant une montée des tensions entre communautés, c'est-à-dire le réel danger du communautarisme. Favoriser une communauté attisera nécessairement l’envie et le ressentiment des autres et donc les conflits communautaires.
Aussi échapperons-nous à une révision de la Constitution qui aurait inscrit la discrimination positive au lieu et place de l’égalité qui figure aujourd’hui dans son préambule. Tant que la République restera indivisible, elle restera aussi République. Elle ne peut être Telle que si l’égalité de ses citoyens est respectée. Même s’il faut pour cela reprendre et formaliser juridiquement le fort beau précepte chrétien de l’égalité en dignité.
On concédera bien volontiers que ces réformes sont inspirées des meilleures intentions. On a souvent dénoncé dans cette Lettre d’Enseignement et Liberté l’abandon du modèle républicain et corrélativement le fait que l’ascenseur social ne fonctionne plus. Et, la ségrégation qui en résulte touche toutes les classes sociales défavorisées en général, et au sein de celles-ci, les enfants issus de l’immigration.
Mais, est-on bien certain que la discrimination positive (même dissimulée sous un autre nom) et l’éradication de la culture classique ne conduirait pas insidieusement à figer définitivement notre société en deux blocs. Il y aura ceux qui- de toute façon – auront la connaissance et ceux qui décervelés seront formatés pour suivre les premiers, puisque de toute façon leur positionnement social ne dépendra ni de leur mérite, ni de leur talent, mais de tel ou tel discriminant qui les caractérise. De sorte d’ailleurs que pour bénéficier du maintien de leur positionnement social –construit sans doute uniquement sur des avantages financiers ou professionnels et non plus culturels – ils devront maintenir les mêmes discriminants au sein du même groupe !
Drôle de société ! Encore un petit effort et l’on verra resurgir les castes et les classes, totalement imperméables et définitivement figées en fonction de critères prédéterminés par l’Etat. Après tout, ce même Etat, dans un dernier et suprême effort d’économie budgétaire, pourrait même supprimer le système éducatif en son entier. Pourquoi ne pas lui laisser attribuer les métiers, les mérites et les responsabilités à la naissance en fonction des chromosomes des uns et des autres ? Ce n’est même plus Orwell, c’est Huxley.
Brave new world !
Recteur Armel Pécheul
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