.componentheading, .contentheading, div.module h3, div.module_menu h3, div.module_text h3, h2, a.contentpagetitle { font-family:Nobile;} #top_outer { border:none;}
Lettre N° 33 - LIBERTÉ D’ENSEIGNEMENT EN EUROPE (2)
Lorsqu’on regarde la liberté d’enseignement en Europe on ne peut pas renoncer à la qualifier de "parent pauvre" des droits de l’homme. En effet, dans beaucoup d’Etats, elle n’est pas considérée comme un droit du même rang que les autres. Pourtant cette liberté est protégée par 13 instruments internationaux, depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Déclaration des droits de l’enfant, la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion et la conviction et la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, la Convention et la Recommandation concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement de l’UNESCO, La Recommandation relative à la situation du personnel enseignant conjointe UNESCO/OIT, la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, la Convention américaine des droits de l’homme de l’Organisation des Etats Américains, la Résolution sur la liberté d’enseignement dans la Communauté Européenne du Parlement Européen, jusqu’au Document de clôture de la réunion de Vienne de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). D’après ces textes la liberté d’enseignement comprend quatre droits :
Il faut bien noter que selon les textes internationaux le droit de choix des parents ne doit pas être limité au domaine éthique ou religieux ou aux convictions. La liberté d’enseignement concerne également le type d’éducation, notion plus large qui peut faire référence aux contenus pédagogiques ou au caractère propre de l’école. Ces droits demeureraient purement théoriques si les Etats ne les rendaient possibles sur le plan financier. C’est pourquoi le droit au choix suppose qu’il peut s’exercer sans contrainte économique, ce qui implique que l’Etat doit subvenir aux besoins financiers de ces établissements autres que ceux des pouvoirs publics. La Résolution sur la liberté d’enseignement du Parlement européen permet de bien cerner cette question essentielle pour la liberté dont il est question ici. Le droit à la liberté de l’enseignement - dit la Résolution - implique l’obligation pour les Etats membres de rendre possible également sur le plan financier l’exercice pratique de ce droit et d’accorder aux écoles les subventions publiques nécessaires à l’exercice de leur mission et à l’accomplissement de leurs obligations dans des conditions égales à celles dont bénéficient les établissements publics (par. 9). Dans le contexte européen les situations sont très variées, mais le bilan n’est pas globalement favorable. S’il est vrai que les législations permettent l’exercice de cette liberté, dans la plupart des pays le respect est presque partout purement formel. La question essentielle demeure l’aide financière octroyée à l’école non étatique, car la plupart des pays font une interprétation purement négative de ce droit : interdit d’interdire. Il n’est pas dans notre intention de faire ici une analyse exhaustive des différentes situations, nous voulons aborder plutôt certaines tendances nouvelles que l’on peut observer aisément. Ces tendances pourraient être présentées de la façon suivante :
L’OIDEL prépare actuellement un rapport permettant d’évaluer la situation des pays européens au travers d’indicateurs précis déterminant les degrés de liberté. Ces degrés s’échelonnent de l’autorisation légale de fonder des établissements privés (le plus bas), à l’appui des pouvoirs publics à la création de nouveaux centres (aide financière apportée aussi bien pour les frais de fonctionnement que pour les dépenses d’investissements). Sous la dénomination pays avec législation restrictive nous comprenons ceux qui autorisent l’existence d’écoles non étatiques mais qui ne leur octroient aucun subside. Nous laissons ici de côté les formes que peut revêtir la subvention octroyée par l’Etat : dégrèvement fiscal, bon scolaire, financement direct à l’école, etc. En Italie le principe même de la subvention est plus ou moins interdit par la Constitution. En Grèce, l’Etat ne verse aucune subvention aux écoles non étatiques et la création de centres privés d’enseignement universitaire est également interdite par la loi. Dans ces pays on ne remarque actuellement aucune volonté de changement dans la majorité de la classe politique. Ce n’est pas le cas des mouvements sociaux très actifs par exemple en Italie. Une deuxième tendance marquée est la crise que traversent les systèmes libéraux, où il existe une réelle liberté de création et gestion de centres privés. Ces centres sont financés par l’Etat au même titre que les centres publics. C’est le cas des Pays-Bas et de la Belgique. Les écoles reçoivent une subvention de l’Etat en fonction du nombre d’élèves, indépendamment de l’orientation du centre. Dans ces pays, surtout en Belgique, il existe cependant un profond malaise parmi les enseignants. En effet l’école privée est monopolisée par des réseaux qui, en se substituant à l’Etat, ont hérité de ses défauts : bureaucratisation, uniformisation et démesure. On remarque également une perte d’identité des écoles : à l’origine surtout catholiques, protestantes ou laïques (libre pensée). Souvent cet abandon est lié à la crise idéologique des groupes promoteurs et, paradoxalement, au désintérêt des parents pour les projets éducatifs des centres. Troisième tendance particulièrement dangereuse : la régression dans des pays dont les lois éducatives établissent clairement la liberté de choix des parents. Par des mesures d’ordre administratif et budgétaire l’Etat vise à la réduction progressive de l’enseignement dit privé. Au début des années 80 en France et en Espagne les gouvernements ont lancé une virulente campagne contre la liberté d’enseignement qui s’est soldée plus ou moins par un échec. Les mêmes gouvernements ont adopté alors une tactique sournoise consistant à multiplier les obstacles pour rendre difficile, voire impossible, l’existence des écoles privées. En Espagne, l’Etat exige que l’enseignement primaire et secondaire soit entièrement gratuit alors que la subvention de l’Etat ne couvre même pas la totalité des frais de fonctionnement. En France le gouvernement interdit aux régions et aux municipalités de participer de façon substantielle aux frais d’investissement des écoles privées. Nous jugeons cette tendance spécialement dangereuse car, outre le précédent qu’elle peut établir, elle est encouragée par des groupes politiques démocratiques qui n’arrivent pas à comprendre le sens de la liberté d’enseignement. La quatrième tendance est positive : elle concerne des législations qui accordent une importance accrue à la liberté d’enseignement. La toute récente loi portugaise d’éducation, par exemple, en plus d’accorder une grande importance à l’autonomie des centres publics - chaque établissement peut créer sa propre identité -, appuie décidément l’enseignement coopératif et privé. Dans le Royaume-Uni une expérience intéressante est en cours depuis 1988. Par le système opting out les parents peuvent prendre en charge l’école publique de leurs enfants qui devient de facto propriété des parents. Ceux-ci l’administrent, recevant une subvention directe du ministère de l’Education. Les pays d’Europe centrale et orientale, après la douloureuse expérience de 40 années de monopole et d’endoctrinement, sont tous en train de mettre sur pied des réseaux pluralistes. En Pologne, par exemple, les écoles privées sont déjà entièrement subventionnées par l’Etat. La Fédération de Russie vient de mettre sur pied une sorte de bon scolaire dans certaines grandes villes. En général, les nouveaux gouvernements de ces pays sont très sensibles aux questions de liberté d’enseignement. Dans la cinquième tendance, nous pouvons regrouper les intellectuels américains. Aux USA le débat est, en effet, très vivant et actuel. Il suffit de citer C. L. Gleen, J. S. Coleman, J. Coons, M. Friedman, C. Jencks, C. J. Finn ou la revue Phi Delta Kappa. Traversant tous les courants de pensée politique, de l’anarchisme au libéralisme en passant par la social-démocratie, un vaste mouvement de juristes et sociologues est à la source, depuis quelques années, des plus intéressantes réflexions sur la liberté d’enseignement. (Un bon résumé de cette pensée américaine se trouve dans la publication d’OIDEL : C. L. Gleen, Free Schools for à Free Society, Lectures 1, Genève, à paraître). Le bilan global n’est guère réjouissant. Deux facteurs nous semblent déterminants : le manque de volonté politique de la plupart des partis et les carences des parents ; beaucoup d’entre eux n’accordent qu’une importance restreinte au choix de l’école. Ce dernier facteur nous semble le plus important, car la classe politique n’agira vraisemblablement que sous la pression des citoyens. Un demi-siècle de monopole crée des habitudes difficiles à déraciner. C’est ce qui explique l’apathie des parents et en partie les excuse. La liberté demande aussi un apprentissage, l’expérience dans d’autres domaines le prouve. Il est nécessaire de bâtir une culture de la liberté pédagogique : c’est une tâche prioritaire pour les mouvements sociaux et les intellectuels. Alfred FERNANDEZ, Tweet |