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Lettre N° 13 - LA SCOLARISATION DES JEUNES IMMIGRES
La présence dans nos écoles d’un nombre croissant d’immigrés impose-t-elle à notre nation l’abandon de ses références culturelles ? Telle est la question - urgente - que nous imposent certaines dispositions prises, avant son départ, par M. Chevènement. De quoi s’agit-il ? Depuis une quinzaine d’années environ, l’Éducation Nationale a adopté différentes mesures afin de répondre aux problèmes spécifiques posés par la scolarisation des jeunes immigrés : création de classes d’accueil dans les écoles (CLIN pour une durée d’un an maximum) et les collèges (CLAD pour deux ans maximum) pour un apprentissage facilité du français ; institution d’un enseignement des langues et cultures d’origine (LCO) ; création de centres de formation (CEFISEM) pour les enseignants confrontés à la question de la scolarisation des élèves étrangers non francophones. Que ces mesures, dans leur ensemble bienvenues, se soient révélées à l’usage insuffisantes, c’est ce dont il faut aujourd’hui convenir devant l’échec trop élevé des jeunes immigrés dans nos écoles, souligné encore par leur présence anormalement forte dans les classes destinées aux enfants arriérés (classes de perfectionnement) ou aux déficients intellectuels légers (section d’éducation spécialisée). Le problème devait donc être repris. Le drame est que celui-ci vient d’être repensé non d’un point de vue technique mais à travers une idéologie qui s’est développée depuis 81-82 dans les milieux s’occupant de l’immigration. Selon cette idéologie, devrait être prohibé de nos écoles tout traitement différent des élèves français et étrangers. Il conviendrait ainsi, après une période d’adaptation aussi courte que possible dans les CLIN ou les CLAD, de mélanger les uns et les autres dans des classes communes, afin d’y instituer une pédagogie nouvelle qui, partant du vécu de chacun, serait capable non seulement de répondre aux problèmes scolaires individuels, mais encore de provoquer un enrichissement mutuel de tous. Dans cette perspective, l’école introduirait comme "légitimes" les pratiques, croyances, rites et références culturelles, en même temps que la langue d’origine des jeunes immigrés. Au-delà des motifs pédagogiques invoqués, le résultat escompté - à terme - est l’avènement d’un type nouveau de société, dégagé de tout esprit partisan et capable de reconnaître chacun dans sa richesse particulière. Telle est précisément la perspective d’un rapport du professeur Berque, remis en mai 85 à M. Chevènement, qui préconise l’insertion la plus rapide possible des jeunes immigrés dans les classes "normales", l’extension de l’enseignement des langues et cultures d’origine (LCO) - dispensé par des maîtres étrangers - à l’ensemble des élèves du primaire, l’aménagement de la formation des enseignants dans le sens d’une plus grande sensibilisation au phénomène interculturel, enfin la prise en compte par notre pédagogie de l’identité culturelle de chacun. Un rapport suivi en partie par M. Chevènement qui, en décembre 85, annonçait l’intégration dans les classes "normales" de tous les enfants étrangers, quel que soit leur niveau, ayant fait leur temps réglementaire dans les CLIN ou les CLAD, et l’ouverture des programmes, dès le plus jeune âge de l’école primaire, aux cultures des populations immigrées. A l’opposé de cette perspective, il est urgent aujourd’hui de dénoncer dans ces décisions de l’ancien ministre de l’Éducation Nationale un danger pour le projet pédagogique et culturel de notre école et la capacité de création de notre nation. Nul ne nie tout d’abord la nécessité d’insérer le plus rapidement possible les jeunes immigrés au cursus scolaire normal. Cependant, en même temps qu’elle doit être rapide, cette insertion ne doit pas être prématurée, d’une part pour être efficace, d’autre part pour ne pas constituer un facteur de perturbation dans la progression des élèves, français ou non, qui suivent une scolarité normale. Devant l’insuffisance de niveau des élèves étrangers à l’issue des CLIN ou des CLAD, responsable de leur échec, il convenait ainsi non de se préoccuper de limiter leur séjour dans les classes d’accueil, mais au contraire d’en permettre la prolongation pour un meilleur apprentissage du français notamment. D’autre part, vouloir que notre nation abandonne ses références culturelles afin de se faire plus accueillante aux autres cultures, c’est méconnaître totalement la condition de déracinés des jeunes immigrés, coupés des allégeances tranquilles de leurs aînés et, de ce fait, à la recherche d’un cadre solide dont ils puissent partager les valeurs. Sans compter les effets pervers de l’idéologie interculturelle sur la jeunesse française, plongée par elle dans une indifférence sceptique à l’égard de toute norme ou usage, quel qu’il soit. Enfin, croire que l’esprit d’une nation peut se diluer impunément dans un inter ou pluri-culturel, c’est condamner tout idéal capable de susciter sa création. Tel est le sens de cette mise en garde de M. Lévi-Strauss dans Le regard caché : "L’humanité", écrit-il, "devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus sinon à leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent. Pleinement réussie, la communauté intégrale avec l’autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l’originalité de sa et de ma création. Les grandes époques créatrices furent celles où la communication était devenue suffisante pour que des partenaires éloignés se stimulent, sans être cependant assez fréquente et rapide pour que les obstacles, indispensables entre les individus comme entre les groupes, s’amenuisent au point que des échanges trop rapides égalisent et confondent leur diversité". Certains s’étonneront peut-être du fait que M. Chevènement, si favorable à l’éducation civique, ait pu tomber d’accord avec l’interculturalisme du professeur Berque. Ceux-là oublient seulement que l’ancien ministre de l’Éducation n’a glorifié du sentiment national que le processus révolutionnaire qui, à partir de 89 et de la IIIe République, doit mener selon lui, la France à une nouvelle forme de société, "rationnelle", fondée sur l’extinction de toute tradition particulière, de type "socialiste autogestionnaire". En ce sens, M. Chevènement n’a adopté du rapport Berque que les éléments qui pouvaient servir sa propre perspective idéologique. Il est urgent aujourd’hui que M. MONORY, nouveau ministre de l’Éducation Nationale, revienne sur les dispositions prises par son prédécesseur, et amène notre école, à tous ses niveaux, à rompre avec les idéologies qui la minent. Jean-Michel Amaré
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