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Lettre N° 103 - L'évaluation, le principe qui fait peur (2)
L’évaluation, le principe qui fait peur
Le système éducatif subit aujourd’hui une réforme plus ou moins tranquille qui risque – si elle réussit et surtout si elle est bien menée – de révolutionner les écoles, les collèges, les lycées et les universités pour longtemps. Cette réforme – si simple et si logique – n’est même pas idéologique. Elle est le résultat de la liberté de l’information qui résulte elle-même d’internet, de la globalisation, en bref de la nouvelle société de la connaissance : aujourd’hui tout se sait, tout est comparé, rien ne peut plus être caché… ou peu de choses en tout cas.
Concrètement, et appliquées au système scolaire, la circulation de l’information et les statistiques internationales permettent aisément de mesurer le niveau des élèves, les performances des établissements scolaires et la crédibilité internationale des universités françaises. Et, là, évidemment, plus personne ne peut pratiquer l’autosatisfaction hexagonale, ni le mensonge par omission. Les enquêtes PISA de l’OCDE montrent que les élèves français sont toujours en aussi fâcheuse posture par rapport aux élèves de très nombreux pays (La France conserve, année après année, le même taux d’élèves ne sachant ni lire, ni écrire ni compter). Les Universités françaises sont - à une ou deux exceptions près – très loin dans le dernier classement dit « classement de Shanghai ». Dans ce dernier classement, 7 établissements français sont dans les 200 premières universités mondiales, mais pas avant la 41ème place, 14 dans les 300, 17 dans les 400 et 23 dans les 500 ! Il est tout aussi intéressant de relever que les pays qui sont placés en tête ne sont pas ceux qui consacrent forcément les budgets publics les plus importants à l’éducation et encore moins à l’Université. En revanche, les meilleurs pratiquent la mise en concurrence, la diversification des sources de financement et l’évaluation.
En France, on n’en est pas encore à la mise en concurrence ! Quant à la diversification des financements, l’idée est encore taboue. En revanche, le principe d’évaluation commence petit à petit à gagner les esprits… pour évidemment se heurter à la fronde de la plupart des syndicats enseignants. Pensez-donc, leurs chers collègues n’avanceraient plus ni en grade ni de classe sur critères syndicaux, mais uniquement sur leurs valeurs et leurs mérites professionnels ! Voilà ce qui les révolte… pas autre chose.
Curieuse profession, quand même, que celle des professeurs dont le cœur de métier est bien d’évaluer des élèves et des étudiants à partir des savoirs et des connaissances qu’ils ont transmis et qui – pourtant – refusent d’être évalués eux-mêmes. C’est là un combat d’arrière-garde : malgré eux, le monde entier les évalue désormais et il ne sert plus à rien de se cacher derrière la prétendue impéritie de gouvernements successifs.
Il est vrai que lesdits gouvernements ont pu se montrer maladroits dans la mise en œuvre de l’évaluation. La dernière enquête menée auprès des écoliers de CM2 au mois de janvier 2009 reste encore à parfaire pour être totalement efficace. Et l’on ne peut que regretter que plus de 20 % des enseignants aient boycotté les tests… ne craignant d’ailleurs même pas le ridicule de s’appeler « résistants ».
La même maladresse inspire aussi la réforme du statut des enseignants chercheurs à l’Université. L’objectif n’est pas contestable. Il est même grand temps de s’y atteler si l’on veut que les universités françaises et les professeurs d’université retrouvent leur lustre d’antan. Les meilleurs doivent être reconnus comme tels, grâce à leurs enseignements mais aussi en raison de la qualité de leur production scientifique (travaux de recherche, écrits et publications, encadrement de jeunes chercheurs, notamment). C’est la crédibilité même de l’Université française et donc l’avenir de ses étudiants qui sont en cause. Mais, il faut alors aller jusqu’au bout de la logique et laisser des instances nationales indépendantes – et sans doute même internationales – y procéder. Quelle idée saugrenue de laisser des Présidents d’Université – pour la plupart prisonniers de conseils hyper-syndicalisés ou tout simplement appartenant à des disciplines scientifiques différentes de celles des universitaires à évaluer – maître d’un jeu qui ne serait plus alors qu’un jeu local. Les dernières moutures du projet de décret réformant le statut des enseignants chercheurs semblent enfin avoir intégré le principe constitutionnel d’indépendance des professeurs d’universités et l’évaluation devrait bien être nationale ou internationale. Tant mieux.
Dans ces conditions alors, le « système » ne saurait plus tricher longtemps. Les parents, les élèves et les étudiants pourront enfin mesurer les conséquences d’un non-choix qui leur a toujours été imposé au prétexte d’une égalité des chances qui n’est jamais allée au-delà d’un égalitarisme dévastateur pour les enfants des catégories sociales les plus modestes.
Alors aussi s’ouvrira l’ère de la concurrence. La concurrence dans le système lui-même dans un premier temps, puis avec d’autres systèmes dans un second temps. Cela n’exclura nullement le secteur public. Il n’en deviendra que meilleur.
La meilleure illustration en est certainement celle que l’on peut tirer du classement de Shanghai. Parmi les douze premières universités du monde, neuf sont entièrement privées, deux sont mixtes. Une université publique, Berkeley, est en troisième position, après Harvard et Stanford. Autrement dit, au sein des douze premières universités du monde, dans onze d’entre elles, l’éducation est produite selon une procédure de «marché» avec un prix, une sélection des meilleurs professeurs et une liberté dans les programmes. La place de troisième occupée par l’unique université entièrement publique, Berkeley, montre bien que la propriété publique n’est pas, en elle-même, contreproductive. Une Université publique peut atteindre l’excellence. Seulement, tout le monde l’aura compris, la chance de Berkeley est la proximité géographique de Stanford… sa concurrente immédiate !
Recteur Armel Pécheul
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