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Lettre N°133, 3e trim 2016 - Carte scolaire et mixité sociale
Carte scolaire et mixité sociale
Dans une tribune publiée dans Le Monde du 6 septembre, Thomas Piketty, a reproché au gouvernement de ne pas tenir ses promesses de promouvoir la mixité sociale dans les collèges, en se bornant à des effets d’annonce.
Le ministère avait en effet présenté, le 9 novembre 2015, un plan pour renforcer la mixité sociale par la création de secteurs multi collèges, sur la base d’un volontariat, avec la participation annoncée de 14 académies et de 17 départements, dont Paris. Le calendrier associé à ce plan prévoyait que « les solutions décidées sur ces territoires pilotes seraient opérationnelles à la rentrée 2016 ».
Sur le fond, Thomas Piketty écrit que « le niveau de ségrégation sociale observée dans les collèges atteint des sommets inacceptables » et que « Le privé pratique une exclusion quasi complète des classes sociales défavorisées, et contribue ainsi fortement à la ségrégation scolaire d’ensemble. »
Il en déduit que, si l’on souhaite véritablement faire progresser la mixité sociale, il faut soumettre les collèges privés à la carte scolaire ; il justifie cette proposition en disant qu’à partir du moment où ils bénéficient d’un financement public massif, il est normal que ces établissements soient soumis à des règles communes d’affectation des élèves, en oubliant que ce financement vient des impôts que payent les parents et que l’enseignement privé coûte moins cher à la collectivité que l’enseignement public.
Il appuie sa proposition sur les chiffres de Paris, zone où la ségrégation sociale, dans le public et dans le privé, est la plus forte en raison du coût du logement et d’une présence massive d’une population immigrée. D’ailleurs une étude réalisée par Pierre Courtioux, chercheur à l’Edhec, sur l’ensemble de la France, montre au contraire que la mixité sociale est plus grande dans le privé que dans le public.
Dans un entretien avec Mattea Battaglia, publié dans Le Monde du 7 septembre, Najat Vallaud-Belkacem a répondu « Penser que l’on pourrait imposer autoritairement la mixité sociale, en supprimant au passage une partie de la liberté de choix des parents, c’est entretenir une forme d’illusion qui aboutit à l’immobilisme. »
Elle ajoutait qu’il fallait « rompre avec le mythe français de la mesure globale uniforme du grand soir politico-technocratique » et qu’elle ne pensait pas « qu’un algorithme puisse constituer une baguette magique ». Prétendre s’opposer à la suppression d’une partie de la liberté de choix des parents, alors que l’on vient, avec la réforme du collège, de mettre à mal les options et les classes européennes ou bilangues qui permettent d’échapper à l’affectation au collège le plus proche du domicile des parents demande de l’aplomb et même du culot. Mme Vallaud-Belkacem a maintes fois prouvé qu’il ne lui manquait ni l’un ni l’autre. Il fallait pourtant mettre fin à une controverse qui n’est pas de nature à servir les intentions électorales du président de la République. C’est ce que le rectorat de l’académie de Paris a fait dans Le Monde du 12 septembre, en annonçant la mise en place pour la rentrée 2017 d’un système d’admission dans les collèges différent du système actuel qui les affecte dans le collège le plus proche de leur domicile. Ce système concernera huit arrondissements, du X au XIVe et du XVIII au XXe sur le modèle du logiciel Affelnet déjà utilisé pour l’admission dans les lycées. Ces arrondissements seront redécoupés en une douzaine de secteurs dont le contour n’est pas encore déterminé, comptant chacun 3 ou 4 collèges. Les familles exprimeraient leurs préférences entre les collèges de leur secteur. Après les cas prioritaires, enfants handicapés, regroupements de fratries, les autres seraient affectés en fonction de critères sociaux, de façon que chaque collège reflète la physionomie du secteur auquel il appartient. En cas de déséquilibre entre l’offre et la demande, la répartition des places pourrait être effectuée par tirage au sort ou en fonction de la distance du collège è l’établissement.
Les incertitudes qui demeurent rendent sceptiques sur l’affirmation par le rectorat que le dispositif aurait même pu être mis en place dès septembre 2016, « s’il n’y avait eu quelques difficultés techniques entre les systèmes informatisés de la mairie et du rectorat. »
Ce système tendant à uniformiser la répartition des catégories sociales entre les collèges d’un même secteur s’efforce de corriger les défauts du logiciel Affelnet qui en retenant comme critère prépondérant le bénéfice d’une bourse sur critères sociaux peut aboutir à une réduction de la mixité sociale, comme c’est le cas au lycée Turgot où ont été affectés 83% de boursiers. Son efficacité est limitée cependant aux endroits où collèges cotés et collège défavorisés voisinent.
Enfin les collèges sous contrat n’étant pas soumis à la carte scolaire, le rectorat avance : « Le privé sera inclus de différentes façons. On peut convenir avec lui d’objectifs de composition sociale des collèges, de stratégies de recrutement… »
Sans se prononcer sur les raisons qui ont poussé Thomas Piketty à soulever la question sensible de la carte scolaire en période préélectorale, Mme Vallaud-Belkacem est sans doute parvenue à calmer le jeu, en confirmant son appel de 2015 à l’enseignement catholique pour qu’il s’associe à la recherche de la mixité scolaire et en reportant les conséquences à la prochaine rentrée scolaire.
Elle n’a pas résolu pour autant la question de fond qui est celle de la compatibilité de la mixité scolaire avec un multiculturalisme qu’elle est la première à encourager, en développant l’apprentissage des langues d’origine au primaire et en ne luttant qu’en paroles contre les « incivilités » à l’école.
Cette situation explique qu’un syndicat d’enseignants ne se réclamant pas de la gauche, comme le SNALC, demande l’application de la carte scolaire à l’enseignement sous contrat, en espérant alléger la charge qui pèse sur le public ; on comprend aussi pourquoi, selon un sondage 45% des français préfèrent l’enseignement privé alors qu’il ne peut accueillir que 20% des élèves.
Philippe Gorre
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