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Lettre N°128, 2e trim 2015 - Réforme du collège : la fuite en avant
Réforme du collège : la fuite en avant
Avec le soutien complice des trois grandes fédérations de parents d’élèves, la FCPE et la PEEP pour le public, l’APEL pour l’enseignement catholique, le gouvernement a achevé sa réforme du collège, en publiant le 20 mai le décret fixant sa mise en application lors de la rentrée scolaire de 2016.
La gauche pourra ainsi se targuer d’avoir remédié à la situation actuelle, caractérisée par la dégringolade de l’école française dans les classements internationaux et par des inégalités croissantes entre les élèves, avant qu’il ait pu être constaté que le remède avait aggravé l’état du malade.
Le calendrier a été moins favorable à Paul Raoult qui n’a pas été reconduit le 24 mai à la présidence de la FCPE, pourtant résolument de gauche.
Une suite de réformes
Que l’on soit partisan ou adversaire de la réforme, on doit constater qu’elle complète celle conduite par René Haby en 1975, avec la création du collège unique. Le rapport Legrand Pour un collège démocratique, qui préconisait, en 1982, une pédagogie différenciée, pour résoudre les difficultés résultant des classes hétérogènes du collège unique, n’a pas plus été suivi d’effets que le rapport Dubet qui réaffirmait, en 2000, le principe de la carte scolaire et condamnait, les options linguistiques et les classes européennes permettant de créer des filières en homogénéisant les classes.
La réforme actuelle répond, avec les Enseignement Pratiques Interdisciplinaires et les Accompagnements Personnalisées, aux propositions de Legrand ; avec la suppression des classes bi langues et la fermeture des classes européennes à celles de Dubet. Ce que ni François Mitterrand, ni Lionel Jospin n’avaient pu ou voulu faire, Najat Vallaud-Belkacem l’a fait, tout au moins sur le papier.
Deux raisons peuvent les avoir fait reculer, indépendamment de tout attachement à la transmission des savoirs : le coût d’une telle réforme et son inefficacité garantie.
La pluridisciplinarité, par le temps de concertation entre les enseignants qu’elle implique et le nombre d’heures de soutien nécessaire pour permettre aux plus faibles de suivre le rythme a un coût dont on se demande comment les finances publiques pourront le supporter.
La réforme n’atteindra pas son objectif affiché d’égalité entre les élèves, car dans certains établissements, ceux que recherchent les parents pour leurs enfants, les heures allouées aux Enseignement Pratiques Interdisciplinaires seront consacrées, sous des apparences ludiques à l’acquisition des connaissances, tandis que dans d’autres l’on occupera les élèves, en essayant de ne pas les « ennuyer ».
Les disciplines en péril
Si l’opposition à la réforme des premiers intéressés, parents et professeurs, a manqué de résolution, elle a été plus forte chez les intellectuels, (les pseudo-z’intellectuels, comme dit Mme Vallaud-Belkacem) et dans le grand public qu’on aurait pu le penser, particulièrement pour le latin, le grec et l’histoire.
L’attachement de beaucoup de Français à un passé glorieux explique sans doute cette réaction, renforcée par le flou sur la façon dont ces matières seront traitées, alors que la réforme des programmes, qui doit aussi entrer en vigueur lors de la rentrée 2016 n’est pas connue.
En ce qui concerne les humanités, il faut reconnaître qu’elles étaient déjà réduites à la portion congrue, même si François Fillon avait réintroduit en cinquième le latin qui n’était plus enseigné qu’à partir de la quatrième.
Le latin, ascenseur social
Le latin est pourtant, à condition de lui consacrer un nombre d’heures suffisant, une des matières les plus aptes à faire fonctionner l’ascenseur social : connaître les « codes » de l’école, parce que l’on est issu d’un milieu privilégié, ne dispense pas d’apprendre les déclinaisons et les conjugaisons.
S’il s’agit seulement de donner une vague teinture de la civilisation romaine, la lecture de bandes dessinées bien documentées, telles qu’Astérix gladiateur sera aussi utile et peut-être plus amusante.
L’histoire malmenée
La question de l’histoire est à première vue surprenante. Il est tout-à-fait honorable de la part de ceux qui se réclament le plus fort des valeurs de la République de condamner le « roman national » qu’a été, pour une part, l’histoire enseignée officiellement par la troisième république.
Lille va pouvoir débaptiser la rue du vaisseau Le Vengeur dont l’équipage n’a pas préféré couler avec son bateau, comme l’a affirmé Barère à la tribune de la Convention, mais a été emprisonné et bien traité en Angleterre, de l’aveu de son commandant. Il en va de même des circonstances héroïques de la mort de Joseph Bara en Vendée, inventées par Robespierre, comme on a pu le lire dans l’Homme nouveau du 18 juillet 1993.
Faire une place plus large à l’Islam n’est pas en soi critiquable, mais comment le faire autrement que sous la forme d’un roman islamique, alors que, tout professeur sait qu’il est impossible d’aborder devant des élèves ou des étudiants musulmans des faits tels que les razzias des Sarrazins en Provence au dixième siècle ou la traite des européens par les pirates barbaresques jusqu’à la prise d’Alger en 1830 ou encore la traite négrière sur la côte Est de l’Afrique, plus importante et plus durable que la traite Atlantique ?
La réforme du collège pose de nombreux problèmes, sans en résoudre aucun. Le seul qui y gagne est à coup sûr François Hollande qui, s’il se représente en 2017, pourra se targuer d’avoir accompli une grande réforme pour la jeunesse avant que soient connues ses conséquences pour l’école.
Les pédagogistes qui voient leurs demandes satisfaites peuvent se réjouir pour le moment, en se rappelant, puisque le latin revient à la mode, qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne.
Ils ne manqueront pas, le moment venu, de justifier par le manque de moyens l’échec d’une réforme qu’ils auront été presque les seuls à soutenir. A nous de montrer que leurs théories fumeuses sont les premières responsables de l’échec du collège.
Philippe Gorre
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