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Lettre N°126, 4e trim 2014 - "Clichés et préjugés"
« Clichés et préjugés »
Une circulaire du rectorat de l'académie de Poitiers visant à aider les enseignants à détecter les élèves en phase de radicalisation religieuse a suscité l’indignation de Mediapart qui s’est « procuré » ce « stupéfiant document [qui] sous couvert de prévenir la radicalisation religieuse de jeunes, manie clichés et préjugés en ciblant les musulmans. »
Cette circulaire s‘inscrivait dans le cadre de la mission confiée par le Premier ministre au ministère de l'Intérieur, pour mener un travail avec l'ensemble des ministères concernés face aux phénomènes de radicalisation.
La secrétaire départementale du SNES a renchéri sur Mediapart, en déclarant : « « Tout est choquant. C’est simpliste, schématique et faux », tandis que celui du SE-UNSA, tout en notant que le vocabulaire employé dans la circulaire n’était pas « le vocabulaire habituellement employé dans l’Education nationale » a cependant ajouté « Mais si cela doit répondre à cette problématique-là je n’ai rien contre ».
De son côté, la coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) a engagé une procédure en référé devant le tribunal administratif de Poitiers pour mettre fin à la diffusion de ce « ramassis d'amalgames et de poncifs islamophobes, considérant tout musulman – jugé par ses signes extérieurs – comme un djihadiste en puissance ».
Cette circulaire interne, destinée aux chefs d’établissement, avait été élaborée par des membres des équipes de sécurité constituées avec la participation d’anciens gendarmes et policiers au sein de l’Education nationale, pour lutter, en liaison avec les préfectures, contre la violence à l’école qui n’est malheureusement pas un phantasme.
Il est donc tout à fait normal que le document passe en revue, aussi bien les indicateurs, corrélés avec un risque de radicalisation, tels que la barbe non taillée ou le cal sur le front, que ceux contraires, comme les tatouages.
Deux sondages montrent que le risque de radicalisation dans notre pays n’est pas une vue de l’esprit : D’après celui de l’institut britannique ICM research, réalisé en août, 16% des Français avaient alors une opinion favorable de l’Etat islamique, le pourcentage s’élevant à 27 chez les 18-24 ans[1].
Dans le sondage réalisé en octobre par l’IFOP, pour Valeurs Actuelles, si 64% des Français sont favorables à la participation militaire de la France à la lutte contre l’Etat islamique, 66% des musulmans pratiquants y sont défavorables[2].
Ces sondages ne sont pas en contradiction, bien au contraire, avec l’opinion de Manuel Valls qui a déclaré à Montpellier, le 22 décembre, que « jamais nous n'avons connu un aussi grand danger en matière de terrorisme » et a appelé la société à "réagir" face au phénomène des jeunes qui se sentent "impliqués" par le djihad, estimant à plus de 1000 le nombre d’individus concernés par le djihad en Syrie et en Irak.
Le sentiment du Premier ministre sur ce danger est d’ailleurs largement partagé, puisque 38 300 des visiteurs du site Internet de l’hebdomadaire Le Point ont répondu qu’ils pensaient que l’Etat islamique pourrait s’étendre jusqu’à la méditerranée pour 7 600 qui ont dit le contraire, soit 83% contre 17%[3].
Interrogée sur France 3, le 23 novembre, Mme Vallaud-Belkacem a évoqué un document « sans doute perfectible [et] une démarche isolée », en ajoutant « nous allons en effet améliorer les choses ».
Dans un communiqué de presse à son nom diffusé le lendemain, elle affirme que : « des dispositions ont été prises pour veiller à ce qu'aucune initiative ne puisse à l'avenir créer de confusion sur les moyens de lutter contre les phénomènes de radicalisation, qui ne peuvent être confondus avec aucune pratique religieuse ».
Cette reconnaissance implicite de « confusion sur les moyens » ne peut qu’encourager la dénonciation a priori, comme stigmatisante, de toute mesure visant à protéger la population d’une radicalisation bien réelle et de la multiplication d’actes de « déséquilibrés ». Est-ce ainsi que Mme Vallaud-Belkacem espère favoriser le vivre ensemble qu’elle prône par ailleurs ?
La CRI n’a pas manqué, en tout cas, de se réjouir sur son site[4] d’avoir fait reculer le ministère, avant de se désister, par mansuétude sans doute, de son action devant le tribunal administratif, lors de l’audience du 9 décembre.
[2] http://www.valeursactuelles.com/politique-66-des-musulmans-pratiquants-contre-lintervention-en-irak-48863 Tweet |