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Lettre N°118, 4e trim 2012 - Mariage homosexuel et laïcité
Mariage homosexuel et laïcité
Le 9 décembre dernier, le Président de la République a fait savoir son intention d’instituer un « observatoire de la laïcité ». Pour le moment, on ignore quel sera le mandat de ce nouvel organisme. Le Chef de l’Etat a seulement indiqué qu’une de ses missions serait de donner une nouvelle impulsion à la « transmission de la morale laïque à l’école ».
L’intention est louable. Mais elle va se heurter à une contradiction insurmontable : la loi autorisant le mariage entre deux personnes du même sexe, si elle est votée, portera atteinte à l’idée de laïcité et de morale laïque. L’observatoire annoncé commencera mal.
A première vue, cette affirmation semble injustifiée. Le mariage homosexuel est présenté par ses laudateurs comme une victoire de
Ce raisonnement est faux. Essayons de le montrer.
Qu’est-ce que la laïcité ? C’est la distinction institutionnalisée entre le domaine de la raison et celui de
Peut-on arguer du progrès de nos connaissances rationnelles pour élargir jusqu’à lui le domaine de compétence de l’Etat ? Même pas. Aucune science n’a jusqu’à présent démontré l’équivalence physique, psychologique ou sociale du mariage homosexuel avec celui d’un homme et d’une femme.
Y rentrerait-il par une obligation d’égalité devant la loi ? Non. Les citoyens français sont tous parfaitement égaux, hommes d’un côté, femmes de l’autre, devant les règles du mariage civil institué par
En réalité, le gouvernement veut donner force de loi à une croyance : celle selon laquelle le mariage n’a rien à voir avec la complémentarité des deux sexes. Il se range dans le camp de ceux qui proclament que la différence sexuelle n’est pas une donnée mais un conditionnement dont la société peut et doit libérer l’individu. Ce faisant, il élève au rang de vérité d’Etat un dogme inaccessible à
Les conséquences pratiques en seront considérables. Sans laïcité fermement établie, la liberté de conscience, la liberté d’expression sont menacées d’asphyxie. La légalisation du mariage homosexuel, en affaiblissant notre laïcité, rongera inévitablement l’une et l’autre. Les signes en sont déjà visibles. Donnons-en quelques exemples.
Les enseignants, quand ils devront expliquer la nouvelle morale à leurs élèves, ne pourront plus viser à former ce que Ferry appelait des « âmes libres » c’est à dire attachées aux vérités de la raison universelle ; ils seront condamnés à se faire les « apôtres d’un nouvel Evangile », mission rejetée par le père de notre laïcité. Ils vont jouer dangereusement avec « cette chose délicate et sacrée qui est la conscience d’un enfant ». Ils seront obligés d’enfreindre la règle d’or que la lettre du 17 novembre 1883 fixait à leurs prédécesseurs : « Au moment de proposer aux élèves un précepte…demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent dans la classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ».
Certains maîtres encore attachés à notre laïcité, demanderont à être dispensés d’enseigner la nouvelle religion à leurs écoliers. Mais le gouvernement ne pourra leur donner satisfaction sans mettre l’Etat en contradiction avec lui-même. L’objection de conscience sur ce sujet lui sera inacceptable. Tous les fonctionnaires devront professer la croyance officielle. A ceux qui doutent d’un tel aboutissement, il suffit de rappeler le sort dont sont menacés les maires et adjoints qui ont annoncé leur volonté de ne pas célébrer de mariage entre personnes du même sexe. A ce jour ils sont plus de dix-sept mille. Le Président de la République, troublé par leur nombre et leur détermination, a vaguement promis qu’ils ne seraient pas contraints d’agir contre leurs consciences. La protestation des zélateurs de l’émancipation homosexuelle l’a vite fait battre en retraite. Tout officier d’état civil sera tenu, sous peine de sanctions, allant de l’amende à la révocation, de participer aux cérémonies du culte public.
Parce qu’elle est indissociable de la liberté de conscience, la liberté d’expression sera aussi mise au pas. Pour pressentir le harcèlement de censure qui nous attend, il suffit d’observer l’usage extensif qui est fait, avant même le vote de la loi sur le mariage, des textes réprimant l’homophobie. Le fragile barrage édifié à la hâte par la Cour de Cassation risque d’être emporté. Les dirigeants de la majorité politique actuelle prédisent qu’en pratique, il ne se passera rien. Selon le Président de l’Assemblée nationale, le mariage homosexuel, une fois autorisé par la loi, prendra un tel caractère de banalité que tous les préjugés tomberont. Autrement dit, il est persuadé que les Français vont se convertir en masse à sa religion, sitôt que celle-ci sera devenue officielle. Il semble ignorer les leçons de notre histoire. Chaque fois qu’un gouvernement a essayé de forcer les consciences au nom d’une croyance d’Etat, il a attisé les refus et les divisions. Il pourrait bien en aller de même. Alors le pouvoir politique serait conduit à établir un régime d’arbitraire et de contrainte. Celui qui se dessine n’aurait pas le caractère brutal et totalitaire de ses devanciers au XXe siècle. Il serait seulement rampant et sournois.
Michel Pinton, ancien député au Parlement européen
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