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Lettre N° - 7 VICTOIRE pour la LIBERTÉ de L'ENSEIGNEMENT
VICTOIRE pour la LIBERTÉ de L'ENSEIGNEMENT
On n'a pas mesuré, semble-t-il, avec suffisamment de précision l'importance de la décision rendue le 18 janvier 1985 par le Conseil constitutionnel à propos des effets de la nouvelle loi de décentralisation sur l'école libre. Lorsque, au cours de l'été 1984, le gouvernement, après la manifestation de Paris, a retiré le texte qui, malgré l'opposition du Sénat, aurait été adopté par l'Assemblée Nationale, on a bien senti que l'affaire n'était pas close. Si ce texte avait été définitivement adopté, le Conseil constitutionnel aurait été saisi, le recours était prêt et il avait de bonnes chances d'aboutir. C'est donc autant sous la pression de l'opinion publique que pour éviter un échec juridique que le gouvernement avait cédé. Mais il était possible de reprendre, de façon indirecte et subreptice, les idées que les partis au pouvoir entendaient faire prévaloir. Une modification (une de plus) de la loi sur la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales allait en être l'occasion. La nouvelle loi contenait des dispositions tout aussi dangereuses que le texte qu'on avait dû abandonner. On comptait sur la lassitude ou l'inattention des défenseurs de l'école libre et il est de fait que, compte tenu de certaines promesses, la négociation ou l'attente des négociations incitaient certains à penser que tout était fini. Heureusement des députés et des sénateurs ne l'entendaient pas ainsi. Deux recours furent déposés devant le Conseil constitutionnel dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution et le résultat est éclatant. Par les principes qu'elle formule, la Haute Juridiction a donné à l'école libre, et cela d'une façon définitive, les moyens d'assurer sa sauvegarde. Ces principes confirment la liberté de l'enseignement encore mieux que ne l'avait fait la décision du 23 novembre 1977 et commanderont, pour l'avenir, toutes les relations entre l'État et l'école libre. La décision du 18 janvier 1985 procède à une annulation à propos des compétences nouvelles données aux communes. Mais, pour le reste de la loi, elle impose une interprétation tellement contraire aux intentions du gouvernement que le résultat est peut-être, dans ce cas, encore plus positif. I. L'ANNULATION : DISPARITION DES COMPÉTENCES CONFÉRÉES AUX COMMUNES. L'article 27-2 nouveau de la loi prévoyait que, pour les classes primaires, la conclusion des contrats d'association était soumise à "l'accord" de la commune intéressée. On voit bien ce qui aurait pu en résulter. Selon la composition politique du conseil municipal, l'accord aurait été donné dans certaines communes et refusé dans d'autres. Ainsi, une liberté publique fondamentale aurait pu s'exercer sur le territoire de certaines communes et ne pas s'exercer sur le territoire de certaines autres. On semblait s'en contenter en considérant que le texte ne concernerait que les contrats nouveaux et ne s'appliquerait pas aux contrats en cours. Mais le Conseil constitutionnel va beaucoup plus loin. Il décide que : "si le principe de libre administration des collectivités territoriales a valeur constitutionnelle, il ne saurait conduire à ce que les conditions essentielles d'application d'une loi organisant l'exercice d'une liberté publique dépendent des décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire." Ainsi la liberté de l'enseignement pourra s'exercer sur l'ensemble du territoire français. Aucun conseil municipal ne pourra s'opposer à la conclusion d'un contrat d'association et il en sera de la liberté de l'enseignement comme de toute autre liberté publique. II. L'INTERPRÉTATION DIRECTIVE. Dans la langue du contentieux, on appelle "retrait de venin" l'attitude d'un juge qui, tout en rejetant un recours, donne au texte attaqué une interprétation contraire à la volonté de ses auteurs de telle manière que la solution donnée satisfait entièrement le requérant. C'est exactement ce qui s'est passé. Il convient d'ailleurs de rappeler que le Conseil constitutionnel a fréquemment recours à ce procédé et que, dans tous les cas, ses décisions, comme dit l'article 62 de la Constitution, "s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles". Les députés auteurs de la saisine, s'inspirant de la décision que venait de rendre le Conseil constitutionnel les 10 et 11 octobre 1984 à propos de la liberté de la presse, considéraient que le texte nouveau remettait en cause des situations existantes (c'est-à-dire celles résultant des lois DEBRE et GUERMEUR), notamment à propos du nouveau mode de désignation des maîtres et du régime des contrats. Le Conseil répond que, certes, une loi peut en modifier une autre mais que la modification ne peut "porter atteinte à l'exercice d'un droit ou d'une liberté ayant valeur constitutionnelle". Et, confirmant avec plus de force la décision du 23 novembre 1977, il affirme que "le caractère propre des établissements d'enseignement privé n'est que la mise en œuvre du principe de la liberté d'enseignement, qui a valeur constitutionnelle,..." Les conséquences qu'il tire de cette affirmation sont au nombre de quatre. Elles concernent le contenu du caractère propre des établissements, la nomination des maîtres, la notion de besoin scolaire reconnu et le pouvoir de résiliation des contrats. 1° - Le contenu du caractère propre des établissements. L'article 27-1 de la loi abroge les dispositions de la loi GUERMEUR imposant aux maîtres de respecter le caractère propre de l'établissement. Mais le Conseil n'oublie pas que ce caractère propre résulte de l'article 1er de la loi DEBRÉ. Il décide donc que "la portée des modifications introduites par l'article 27-1 à la législation en vigueur et critiquée par les auteurs des saisines doit être appréciée en tenant compte de l'obligation imposée par la loi de respecter le caractère propre de l'établissement". Les conséquences qui en résultent sont au nombre de deux : a) L'abrogation n'a pas eu pour effet de soustraire les maîtres à l'obligation de respecter le caractère propre de l'établissement où ils enseignent. Ainsi, "une telle obligation, si elle ne peut être interprétée comme permettant qu'il soit porté atteinte à la liberté de conscience des maîtres, qui a valeur constitutionnelle, impose à ces derniers d'observer dans leur enseignement un devoir de réserve". b) S'il résulte de l'abrogation que l'enseignement doit désormais être dispensé selon les "règles de l'enseignement public" et plus selon les "règles générales" comme le prévoyait la loi GUERMEUR, la disposition nouvelle ne saurait être interprétée comme permettant de soumettre cet enseignement à des règles qui porteraient atteinte au caractère propre de l'établissement. On peut donc en conclure que la modification des termes, à laquelle le gouvernement attachait beaucoup d'importance, est sans portée et que la situation antérieure est inchangée. 2° - La nomination des maîtres. C'est, dans ce cas encore, le caractère propre des établissements qui est affirmé. La loi GUERMEUR avait prévu que les maîtres seraient nommés sur proposition du chef d'établissement. La loi nouvelle revient au contraire aux règles de la loi DEBRÉ, prévoyant que les maîtres d'un établissement sous contrat sont désignés par l'autorité académique "en accord" avec la direction de l'établissement. Mais le Conseil décide que cette modification "ne fait par ailleurs nullement obstacle à ce que soit organisée une concertation entre l'administration et l'établissement ; qu'au demeurant la disposition critiquée ne saurait faire obstacle au contrôle du juge de l'excès de pouvoir, notamment au cas envisagé par les auteurs d'une saisine où l'administration proposerait systématiquement à la direction des candidatures incompatibles avec le caractère propre de l'établissement". Le Conseil a visé avec précision le cas où une autorité sectaire voudrait imposer des maîtres dont l'attitude antérieure montrerait qu'ils sont hostiles à l'enseignement libre. Les dirigeants des écoles pourront, dans ce cas, intenter des recours devant les Tribunaux administratifs pour s'opposer à une attitude que la loi nouvelle semblait devoir encourager pour intégrer indirectement les établissements dans le système de l'enseignement public. 3° - La notion de besoin scolaire reconnu. L'article 27-3 de la loi prévoit que la conclusion des contrats est subordonnée "au respect des règles et critères retenus pour l'ouverture ou la fermeture des classes correspondantes de l'enseignement public. Au surplus, en ce qui concerne l'enseignement secondaire, la conclusion des contrats est, en outre, subordonnée "à la compatibilité avec l'ensemble des besoins figurant aux schémas prévisionnels, aux plans régionaux et à la carte des formations supérieures..." Ainsi au cas où des familles auraient voulu inscrire leurs enfants dans des établissements libres, cette volonté se serait heurtée à des normes quantitatives valables pour le seul enseignement public. Mais le Conseil constitutionnel donne une autre définition du besoin scolaire reconnu. Il décide que "si l'appréciation de ce besoin peut reposer en partie sur une évaluation quantitative des besoins de formation, il résulte de la combinaison de la disposition ci-dessus rappelée avec l'article 1er de la même loi que le "besoin scolaire reconnu" "comprend des éléments quantitatifs et des éléments qualitatifs tels que la demande des familles et le caractère propre de l'établissement d'enseignement". Dans ces conditions, la demande des familles et la spécificité des établissements devront être prises en considération, cette fois encore sous le contrôle du juge administratif et l'on ne pourra pas tirer argument de la désertion d'une école publique pour s'opposer à la création d'une école libre. 4° - Le pouvoir de résiliation des contrats. L'article 27-6 semblait donner à l'administration un pouvoir général de résiliation des contrats "lorsque les conditions auxquelles est subordonnée la validité des contrats d'association cessent d'être remplies". Ces conditions auraient pu être, notamment, la non-conformité aux règles de l'enseignement public ou à la carte scolaire. L'administration en aurait tiré un pouvoir général de résiliation arbitraire. Le Conseil répond que ce texte "ne confère pas à l'autorité administrative le pouvoir de résilier arbitrairement les contrats d'association en cours ; que la résiliation ne peut être prononcée en vertu de ce texte que lorsque ne sont plus remplies les conditions auxquelles était subordonnée la validité du contrat". Dans ces conditions, c'est le droit commun qui s'appliquera et, encore une fois, sous le contrôle des Tribunaux administratifs. Sur tous les plans, la décision du 18 janvier 1985 correspond donc à une très grande victoire. Le gouvernement a, au contraire, entendu en réduire la portée. En reprenant point par point les déclarations du ministre au Parlement, on constatera que, soit le Conseil constitutionnel les a condamnées, soit il en a pris acte en imposant des conditions qu'on n'avait pas voulu inscrire dans la loi. La liberté de l'enseignement est sauvegardée et renforcée. En voulant la détruire ou la restreindre de façon ouverte ou insidieuse, le gouvernement a donné à ses défenseurs l'occasion de la faire confirmer de façon éclatante. Encore faudra-t-il qu'ils restent vigilants et fassent respecter les droits qui leur ont été reconnus.
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