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Lettre N°8 - ASSEMBLÉE GÉNÉRALE du 11 JUIN 1985
. ASSEMBLÉE GÉNÉRALE du 11 JUIN 1985 Notre association a été fondée, au milieu de l’année 1983, au moment même où l’Assemblée nationale examinait en première lecture le projet de loi SAVARY relatif aux enseignements supérieurs. Ce projet allait être adopté malgré une courageuse bataille d’amendements conduite par l’opposition parlementaire, malgré la censure du Conseil constitutionnel qui devait l’amputer de quelques articles sans lui ôter son venin, enfin malgré la vigoureuse opposition des professeurs et des étudiants libéraux, réunis pour la première fois depuis 1968, en dépit du misérable slogan qui voulait que toujours s’oppose l’enseignant naturellement "exploiteur" à l’enseigné aussi naturellement "exploité". Souvenez-vous. C’était aux Invalides, il y a deux ans seulement, lorsqu’un gouvernement, surpris de rencontrer des résistances, ne trouvait d’autre réponse que d’opposer les C.R.S. aux professeurs et aux étudiants. Deux ans, et ce temps nous semble déjà lointain. Le souvenir des 30.000 manifestants des Invalides est éclipsé par celui de la foule, dont la réunion est sans précédent historique et qui permettait de compter près de deux millions de participants à la triomphale journée du 24 juin 1984. C’est pourtant, sous des formes diverses, du même combat qu’il s’agit, et l’escarmouche initiale était comme l’annonce de l’engagement décisif. Je ne me suis permis cette brève évocation historique que pour en tirer deux leçons relatives à la démarche de notre association.
Telles sont les deux leçons que je vous avais annoncées. Venons-en maintenant à un examen plus précis de notre action passée. Faut-il rappeler que nous ne sommes ni un syndicat d’enseignants, ni une association de parents d’élèves. Nous ne sommes pas plus une fédération d’organisations de ce type, comme l’est en revanche le Comité national laïque, dont nous n’avons pas l’intention de constituer un jour en quelque sorte l’image symétrique. C’est dire qu’encore moins que lui, nous n’avons qualité pour participer à une négociation officielle ou officieuse ! Personne ne nous y invite et nous n’éprouvons de ce fait nul dépit. Nous ne sommes pas plus habilités à déposer par exemple des recours devant les juridictions administratives lorsque certains établissements privés sont victimes de décisions scandaleuses. C’est dire que notre action est par nature limitée dans les formes qu’elle veut revêtir. Nous ne représentons que nos adhérents mais à travers eux tout un secteur de l’opinion publique. Cela seulement, mais c’est déjà beaucoup. Pour un mouvement d’opinion, tel que le nôtre, le simple fait d’exister, et que son existence soit connue - et croyez-moi, elle n’est pas passée inaperçue - c’est déjà une forme d’action. Le nombre des adhésions mesure la profondeur de l’engagement à défendre certaines idées. Mais pour défendre ces idées, encore faut-il les faire connaître. C’est pourquoi, pour l’essentiel, notre action a consisté à diffuser nos idées. Dressons un bref bilan en ce domaine. Il y a notre lettre d’information mais aussi notre manifeste qui a été diffusé à plus de 850.000 exemplaires. Chiffre considérable, si l’on songe qu’il a dû ainsi atteindre plus de 5 % des foyers français. Certains de nos adhérents recevant une nouvelle fois ce manifeste nous ont fait amicalement remarquer que notre gestion n’était pas rigoureuse. En fait, l’élimination des envois doubles est plus coûteuse que l’envoi lui-même dont le destinataire fait bien souvent bénéficier un ami. Même si l’appel à adhérer n’était naturellement pas toujours suivi d’effet, la diffusion par elle-même faisait connaître nos idées. Nous avons ainsi contribué au gigantesque effort de mobilisation de l’an dernier. Toutes les fois où l’occasion leur en a été donnée, le Président et les Administrateurs ont publié des articles dans la presse nationale : Le Figaro, à plusieurs reprises et en des moments décisifs, Le Figaro Magazine, La Lettre de la Presse, Famille Chrétienne, ont notamment bien voulu les accueillir. Qu’ils en soient remerciés, comme doit l’être Radio solidarité où nous avons à plusieurs reprises pris la parole. Est-il bien nécessaire d’ajouter qu’en revanche je n’ai eu à décliner aucune invitation de la télévision ou de radios officielles ? Nous avons publié 18 communiqués de presse envoyés à plus de 200 destinataires. Il n’a pas dépendu de nous qu’ils ne recueillent pas plus d’écho. Enfin, nous avons participé aux manifestations de Versailles et de Paris. Chaque fois nous avions obtenu, bien tardivement à vrai dire, l’autorisation de défiler sous notre propre bannière. Je crois que nous étions la seule organisation à laquelle cette autorisation ait été accordée. C’est dire que notre action est loin d’être négligeable. Je crois qu’elle fut efficace. Même s’il est impossible de mesurer avec précision le rôle que nous avons pu jouer dans la mobilisation qui devait aboutir à la journée du 24 juin et sans nous donner le ridicule de nous en attribuer la gloire, nous pouvons dire que nous avons contribué, selon nos moyens, au succès de cette journée. Nous avons toujours eu souci d’entretenir les meilleures relations avec les associations régionales ou nationales dont les objectifs sont les mêmes que les nôtres. Nous avons multiplié les contacts avec leurs responsables pour qu’il n’y ait aucune concurrence entre nous, mais convergence de nos activités. Nous avons aussi résolu de façon satisfaisante le problème de nos rapports avec les syndicats d’enseignants et avec les associations de parents d’élèves. Il ne pouvait aucunement s’agir de leur faire concurrence. Nous devions simplement les soutenir dans leurs actions, lorsque leurs objectifs étaient les nôtres. Les soutenir, même si nous n’approuvions pas, au jour le jour, chacune des décisions prises, ou plus encore l’absence de décision. Les soutenir sans nous substituer à ces organisations qui ont leur rôle propre, distinct du nôtre sans nous substituer à elles à moins qu’elles soient incontestablement défaillantes. Pourquoi cacher aujourd’hui que nous avons été inquiets lorsque nous avons vu l’U.N.A.P.E.L. d’alors différer trop longtemps la manifestation nationale dont la nécessité était patente et hésiter longtemps avant de franchir le pas ? Nous l’avons dit et notre voix, qui se joignait à beaucoup d’autres, fut entendue. Nous avons fait cela, et fort heureusement, nous n’eûmes rien d’autre à faire. Cette politique de calme résolution ne nous a pas empêché de conserver l’indépendance de nos jugements que nous n’avons jamais hésité à exprimer publiquement. Elle fut toujours la nôtre par le passé. Elle restera la nôtre dans l’avenir. ·Tel est le bilan de l’action passée dont nous n’avons pas à rougir. Tournons-nous vers l’avenir. Chacun sait que la situation actuelle est incertaine, ambiguë, mouvante, insaisissable, et de ce fait même extrêmement dangereuse. Certes, vraisemblablement, il n’y aura pas de décision majeure avant la prochaine échéance législative. Mais le risque réside précisément en ce qu’on essaie de faire croire aux Français que, pour l’essentiel, les problèmes les plus graves sont résolus. Pour ce qui concerne l’enseignement privé, la décision la plus grave, celle qui était irréversible, la fonctionnarisation des maîtres, est pour l’instant évitée. Mais subsiste le problème des conditions de leur nomination et, par la voie des décrets on essaie aujourd’hui de reprendre d’une main ce que l’on a dû concéder de l’autre sous la pression populaire. De plus, le principe du budget limitatif ayant été très imprudemment accepté par l’enseignement catholique, chacun sait que les établissements privés sont financièrement étranglés, que leur essor est entravé, et que les parents se trouvent en fait dépossédés de la liberté de choisir l’école de leurs enfants faute de places dans le privé. Nous regrettons vivement que les représentants officiels de l’enseignement privé ne fassent pas connaître avec force les difficultés qu’ils rencontrent dans les prétendues négociations au sujet des décrets. Pour notre part, nous les porterons à la connaissance de nos adhérents et nous ferons en sorte que l’opinion soutienne toutes les actions qui seront entreprises pour que, conformément à la loi et aux importantes décisions du Conseil constitutionnel, la liberté de l’enseignement soit effective en France. Nous l’avons fait lors du refus par le Ministre d’une convention pour les classes préparatoires de Stanislas. Aussi, est-ce avec un grand plaisir que nous vous annonçons que le Tribunal administratif a jugé la semaine dernière que les conditions nécessaires à la signature d’une convention étaient bien remplies par Stanislas. Nous interviendrons aussi, si nous pensons pouvoir le faire utilement, dans d’autres domaines. C’est ainsi que nous étudions actuellement les conditions dans lesquelles le plan "Informatique pour tous" s’applique ou plutôt ne s’applique pas à l’école libre. En ce qui concerne l’enseignement public, la situation est encore plus ambiguë. Le mouvement d’opinion, qui s’est développé l’an dernier, a contraint M. Chevènement à changer de discours. Mais le discours ne suffit pas, même s’il est relativement satisfaisant. Il est salutaire de dire que l’école a pour première mission de diffuser l’instruction. Encore faut-il qu’il en soit effectivement ainsi. Les raisons sont nombreuses de craindre que les beaux discours n’aient qu’un seul but : endormir la vigilance des Français, enfin éveillés à l’importance des problèmes du secteur éducatif. Nous demandons que ces discours soient suivis de décisions effectivement appliquées. Nous demandons plus spécialement que soit abrogée la carte scolaire, qu’au niveau des collèges et des lycées au moins, les parents aient une certaines latitude de choix entre les établissements et que des voies différenciées, adaptées aux capacités et aux goûts des élèves, soient instaurées. Pour les universités, l’application de la loi Savary se heurte à une forte opposition des Universitaires, comme en témoigne un manifeste en voie de diffusion. Nous demandons que cette application soit différée et que les Universités n’aient pas à voter de nouveaux statuts, ce que beaucoup d’entre elles se refusent à faire. De même, doit être abrogé le scandaleux arrêté qui confie aux Recteurs le soin de répartir les étudiants entre les universités. Il faut que chaque université ait pleine latitude de recruter les étudiants selon les modalités qu’elle choisira. Si cette faculté ne lui est pas accordée, elle n’aura ni liberté, ni responsabilité. C’est sur ce point essentiellement que se pose le problème de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur public. Sur tous ces problèmes nous serons vigilants et nous éclairerons l’opinion publique. ·A l’extrémité commune du passé et du futur est le présent. Le présent, c’est pour nous ce colloque qui témoignera de notre vitalité et qui nous permettra d’estimer le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir si l’on veut un enseignement qui soit libre et adapté aux besoins de notre société. Je tiens à souligner que le succès de ce colloque est dû au travail de M. le Conseiller Jacomet et de l’équipe si efficace qu’il a su réunir autour de lui. Qu’ils en soient vivement remerciés. Je veux aussi remercier l’ensemble du Conseil d’administration qui a su si habilement conduire nos activités et celui qui a mis en place un dispositif d’action efficace, Philippe Gorre. Les remercier de leur dévouement, de leur sincérité et avant tout, de leur si cordiale amitié. Enseignement et liberté c’est l’œuvre de chacun d’entre nous, c’est une œuvre collective, c’est la leur d’abord. Je dois enfin exprimer notre gratitude envers les personnalités éminentes qui ont accepté de participer à notre Comité d’Honneur. Le prestige de leurs noms, l’autorité morale que conférait leur patronage, ont, sans aucun doute, constitué un élément déterminant pour le développement de notre Association. Tweet |