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Lettre N° 48 - LE CHANTIER DU REFERENDUM
Le président de la République, qui affirmait que "les questions éducatives constitueront un des principaux enjeux du prochain septennat" et qu’"elles sont au cœur du débat sur l’avenir de notre société et à la source de toute notre politique pour l’emploi", a le dessein d’en faire l’objet d’un référendum.
La demande aurait l’incontestable avantage de donner aux mesures décidées l’autorité de la sanction populaire. Elle calmerait les oppositions dictées par des choix idéologiques ou des intérêts corporatifs. Elle permettrait de contourner d’éventuels vétos d’ordre constitutionnel et, du coup, d’éviter que la crainte qu’ils inspirent ne motive une attitude trop timorée. Et, par-dessus tout, un référendum marquerait solennellement le caractère déterminant des questions éducatives. Mais pour que la méthode réussisse, encore faut-il que certaines conditions soient remplies. La question posée doit être précise Un référendum qui comporterait simplement une question sommaire et générale, à laquelle ne serait apportée qu’une réponse susceptible d’interprétations multiples, ne servirait strictement à rien. Le choix des électeurs risquerait d’être le simple reflet de leurs préférences politiques, plus que leur opinion sur la question posée. Faut-il alors demander au peuple qu’il donne son approbation à un texte issu seulement de diverses réunions dont l’ensemble constituerait des espèces d’"états généraux de l’éducation" ? Je ne le pense pas, car le poids des organisations issues de la défunte F.E.N. est tel que la voix de ces organisations syndicales ou parasyndicales risquerait d’étouffer toute proposition de réelle innovation. Les querelles n’en seraient qu’envenimées et, au mieux, ne sortirait de tels débats qu’un texte insipide sur lequel l’accord ne se ferait que dans la stricte mesure où il serait presque vide de contenu. Il reste alors, tout en donnant à la consultation des usagers toute la place qu’il est légitime de lui accorder, à demander que le Parlement se saisisse de la question, en débatte. Que ce débat soit sanctionné ou non par le vote d’un texte explicite, cela permettra d’éclairer la question et de faire apparaître les points essentiels sur lesquels l’assentiment du peuple serait ultérieurement demandé. Si on nous objecte qu’on serait ainsi conduit à soumettre à des électeurs peu compétents un texte trop long, trop complexe, trop technique, nous répondrons par les précédents du traité de Maastricht ou du projet de loi relatif à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Les textes n’étaient-ils pas au-dessus de la compétence de l’électeur moyen ? J’ajoute que le rôle de la campagne électorale est précisément de dégager les grands enjeux pour que l’électeur soit éclairé sur la portée de son choix. Je crois qu’en l’occurrence la question est par nature plus simple, plus accessible que pour d’autres questions posées par le passé. Si on en s’en tient au niveau des principes généraux, qui font communément l’objet de lois d’orientation - en excluant les problèmes techniques comme cette détermination des rythmes scolaires, serpent de mer qui préoccupe tellement les industriels du tourisme -, il est donc tout à fait concevable qu’on interroge les Français sur les questions relatives à l’enseignement. Je ne prétends aucunement que la méthode proposée pour consulter les électeurs soit la seule concevable, ni qu’elle soit la meilleure. Je n’ai aucune lumière sur ce genre de questions. J’ai simplement voulu montrer que l’idée d’un référendum sur les questions éducatives n’est pas vide de sens. Elle permettra l’expression de la volonté populaire de restaurer le système éducatif Restent à déterminer de façon plus précise les questions dont il est souhaitable qu’elles soient traitées dans le texte référendaire, et les principes dont on peut désirer qu’ils soient affirmés. Il est assez simple de répondre à cette demande. Pour l’essentiel, le système éducatif est actuellement régi par quelques textes fondamentaux : les lois d’orientation, dont les plus nocives sont l’héritage des deux septennats socialistes. Au premier rang figurent naturellement la loi Savary de 84, relative aux enseignements supérieurs, et la loi Jospin de 90 qui concerne les autres ordres d’enseignement et qui, en quelque sorte, complète de façon caricaturale la loi Haby instauratrice du collège unique. En plus, divers textes législatifs ou réglementaires, mais, pour parler comparativement, d’importance mineure. Ces lois d’orientation ont passé sans encombre l’épreuve du changement de majorité : elles n’ont été ni abrogées, ni même sérieusement révisées. C’est pourtant l’origine essentielle de nombreux maux dont souffre notre système d’enseignement. Le référendum devrait être l’occasion de porter une main irrespectueuse sur ces textes qu’on semble trop considérer comme un acquis sacré ! La loi Savary instaurait un mode de gouvernement des universités extrêmement lourd et destiné à décupler l’influence des organisations de gauche. On se souvient que le projet Devaquet, destiné à la renforcer, suscita les manifestations qui, par un enchaînement inexistant, allaient précipiter l’échec du Gouvernement de cohabitation et la réélection du président Mitterrand. Je ne pense pas qu’il serait opportun d’en revenir à la loi Devaquet, à laquelle on a pu reprocher d’être à la fois confuse et timorée. En revanche, on pourrait s’inspirer des principes généraux contenus dans le projet dont M. Foyer était le cosignataire : il visait à restaurer l’autonomie des universités, leur diversification, leur indépendance même dans la détermination de leurs conditions d’accès. Je ne dis pas que le seul retour à des principes plus sains dans le gouvernement des universités aurait des effets miraculeux, qu’il les guérirait de tous leurs maux. Mais au moins éviterait-on d’obliger les universités à se transformer en parkings pour futurs chômeurs et à recevoir dans n’importe quelle filière les titulaires de n’importe quelle forme de baccalauréat que l’inadéquation de leur formation préalable conduit à un échec inexorable. Au moins ne seraient-elles plus sans cesse submergées par un flot imprévisible d’étudiants. Tous les problèmes ne seraient pas résolus, les socialistes ayant eu l’art de multiplier les mesures nocives, mais au moins ne verrait-on plus la situation s’aggraver sans cesse. La loi Jospin a eu des effets incomparablement plus nocifs que les dispositions relatives à l’enseignement supérieur. Elle a fortement contribué à saper l’autorité des chefs d’établissement et à semer le désordre dans les lycées et collèges. Donnant des droits incongrus aux comités de délégués d’élèves dotés de moyens, elle a été utilisée comme un instrument pour politiser l’enseignement et elle a très largement nui à la sérénité indispensable au monde scolaire. A l’opposé, il serait nécessaire de restaurer l’autorité des chefs d’établissement et des enseignants - qui devraient, pour les uns et les autres, voir rétabli leur pouvoir de sanctionner effectivement les élèves - et de rappeler que tous les éducateurs sont soumis à la stricte obligation de respecter la neutralité de l’enseignement public. Dans sa volonté d’uniformisation des enseignements et de nivellement des élèves, la politique fondée sur la loi Jospin a conduit aux dispositions les plus extravagantes. Pour masquer l’absurdité des principes sur lesquels elle reposait, on a été conduit par exemple à prôner le passage automatique de classe en classe, quels que soient le niveau et les résultats des élèves, et à ôter aux enseignants la faculté d’imposer des redoublements. Ainsi chacun était-il conduit jusqu’au baccalauréat, au niveau duquel on prétendait que devait accéder 80 % d’une tranche d’âge. Mais du même coup le titre de bachelier perdait une partie de sa signification ; et on précipitait vers des enseignements universitaires auxquels ils étaient inaptes des masses de jeunes qui avaient été privés d’un autre type de formation préalable qui leur eût assuré des débouchés professionnels. Ainsi avait-on sacrifié sur l’autel de l’utopie égalitaire des générations. Le remède est naturellement dans la diversification des formations. Il ne s’agit pas de donner à tous le même enseignement, prétendument théorique, mais en fait verbeux, mais à chacun ce qui convient le mieux à sa personnalité, à ses talents, à ses goûts, de sorte qu’il puisse s’insérer dans la vie active avec le maximum de chances. Espérons que ces problèmes ne seront pas oubliés dans le texte référendaire, pas plus que ne devrait l’être la question de la formation des enseignants. Les I.U.F.M. (Instituts universitaires de formation des maîtres) créés sous M. Jospin ont pour objet d’uniformiser la formation des maîtres, alors que le niveau auquel ils doivent exercer et les compétences requises sont fort divers. Ils répondent surtout au dessein idéologique de créer un corps unique d’enseignants prévu depuis 1947 par le plan Langevin-Wallon. Dans un premier temps, la mise en place des I.U.F.M. donna des résultats d’autant plus catastrophiques que les spécialistes de prétendues "sciences de l’éducation" ont voulu y imposer leur loi. Progressivement, la situation s’est un peu améliorée, une diversification de fait des diverses formations s’étant imposée. Comme d’autres organisations nous avions demandé la suppression des I.U.F.M. dans un temps où ils étaient de création récente. Le gouvernement Balladur s’est contenté de les réformer, non sans quelques résultats. Peut-on se limiter à cette demi-mesure ? Plutôt que de conserver une structure administrative qui ne perd sa nocivité que dans la stricte mesure où elle devient une coquille vide, ne vaudrait-il pas mieux la supprimer ? C’est ce que nous persistons à penser. Les préalables On s’étonnera de ne pas voir figurer dans ce catalogue de mesures et de principes qui devrait être l’objet du texte référendaire la question de la liberté de l’enseignement. Deux raisons expliquent cette absence : d’abord la liberté de l’enseignement n’est pas tellement mise en cause au plan des principes que des mesures d’application. La mobilisation des Français en 1984 a empêché M. Savary de faire adopter en la matière le pendant des autres lois d’orientation. Il faudrait simplement réaffirmer les principes, dont celui d’équité de traitement entre l’enseignement public et l’enseignement privé en le formulant de sorte qu’il inclue comme conséquence les modifications que visait à apporter la révision de la loi Falloux. Je ne suis pas certain qu’il soit opportun dans un texte de portée générale d’entrer dans le détail de la technique de financement des divers établissements. Ensuite, cette question, à la différence des précédentes, doit avoir un statut particulier ; il est opportun d’en faire une sorte de question préjudicielle dans un texte relatif à l’enseignement. On a pu remarquer que je n’ai abordé que de façon indirecte le problème du calme qui devrait régner dans les enceintes scolaires. Chacun sait pourtant que les incidents, peut-être moins nombreux sont de plus en plus graves. Le pieux silence ou la discrétion coupable dont la plupart des grands organes de presse font montre ne peut dissimuler la gravité des faits. Il est inadmissible que des élèves aient peur d’aller en classe, à cause de la violence qu’ils subissent dans leurs écoles. Il est intolérable que beaucoup de jeunes enseignants tremblent à l’idée que leur première nomination, ou une mutation, peut les conduire à exercer dans un collège en difficulté. Il est pour le moins maladroit, sous prétexte de donner aux plus mauvais élèves les meilleurs professeurs, de demander à une agrégée de lettres classiques d’enseigner dans des classes de jeunes élèves "en difficulté", c’est-à-dire pratiquement illettrés. On gâche ses talents et on lui demande d’exercer un métier auquel elle n’est nullement préparée. A certains moments, on en vient à penser que tous les enseignants devraient avoir pratiqué le karaté pour faire face à toutes les situations ; est-ce bien raisonnable ? Je pourrais multiplier les exemples fondés sur des témoignages personnels indubitables, mais je pense que la cause est entendue. De même, il n’est pas sain qu’on encourage les principaux ou proviseurs à étouffer les informations pour laisser croire que tout va bien et que les situations de violence sont exceptionnelles. Je sais que la situation est délicate, que les violences scolaires ne sont souvent que le reflet ou le produit des affrontements qui déchirent notre société. Je sais également que le ministère de l’Education n’est pas seul concerné. A des titres divers, M. Raoult ou les ministres de l’Intérieur ou de la Justice sont également concernés. Mais il est plus que temps de réagir ; un établissement scolaire n’a pas vocation pour être un champ de bataille, et les trafiquants de drogue, grands ou petits, qui sévissent à ses abords doivent être mis hors d’état de nuire avec la dernière sévérité. J’ai voulu garder ce problème pour la fin, car il conditionne la solution de tous les autres. Il ne servira à rien de réformer l’enseignement si les écoles ne redeviennent pas les havres de paix qu’elles furent. Mais, ici, il n’est besoin d’aucun texte nouveau pour dire qu’on ne doit pas rosser ou bafouer un professeur ou racketter un camarade. Tout est affaire d’une volonté politique décidée à restaurer partout, et d’abord dans les écoles, l’ordre républicain. Il ne servirait à rien de prétendre lutter contre la barbarie hors de nos frontières si on n’était pas capable d’endiguer celle qui essaie de s’imposer dans les écoles et dont sont victimes les plus fragiles de nos concitoyens, les enfants et les adolescents. Un référendum bien conçu ne sera utile que s’il marque la volonté tenace de contribuer à la lutte contre ce qui tend à la décomposition de l’œuvre éducative. Faute d’être ainsi accompagné, il ne serait qu’un texte mort. Maurice BOUDOT Tweet |