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Lettre N° 31 - ANNEE 1990 : BILAN ET PERSPECTIVES
ANNEE 1990 : BILAN ET PERSPECTIVES Monsieur Pierre-Henri PRELOT a obtenu notre grand Prix en juin dernier pour son ouvrage sur LES ETABLISSEMENTS PRIVES D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. Nous sommes heureux de l’accueillir aujourd’hui dans notre Lettre en publiant le bilan qu’il a bien voulu établir pour nous de l’année 1990 pour l’enseignement. A de nombreux égards, l’année 1990 restera pour l’enseignement, et particulièrement l’enseignement secondaire, une année sombre. ENSEIGNEMENT PRIVE : la querelle des subventions continue Pour l’enseignement privé tout d’abord qui avait cru déduire de la décentralisation le droit de bénéficier librement des subventions d’investissement versées par les collectivités territoriales. Certes, la vieille loi Falloux de 1850, qui proclamait la liberté de l’enseignement secondaire, avait limité volontairement le montant des subventions communales et départementales au dixième du budget annuel des établissements. Mais la loi Debré de 1959 paraissait bien avoir privé d’effet cette vieille régie du dixième qui avait été établie à l’origine pour garantir l’indépendance des écoles privées contre les OPA des communes ou des départements. Autant dire que depuis un certain temps déjà, le danger avait disparu ! Cependant, bien que désuète, cette règle n’avait jamais été abrogée expressément par aucun texte et une légère incertitude subsistait. Ce sont des subventions d’investissement versées par le département d’Ile-et-Vilaine à un établissement privé qui ont donné l’occasion au Conseil d’Etat de fixer les régies applicables, dans un arrêt du 6 avril 1990. Evitant quant à lui soigneusement, comme il aurait pu le faire, d’engager le débat devant la représentation nationale, le ministre a préféré s’en remettre une fois encore au Conseil d’Etat pour régler cette importante question. Contre toute logique, sinon celle d’un juridisme étroit, le Conseil d’Etat a choisi de redonner vie à la règle du dixième, largement contredite par les textes ultérieurs, dépourvue de toute raison d’être, et fort heureusement très peu efficace, tant paraissent nombreux les moyens de la contourner en toute légalité. Comme il l’avait fait quelques mois plus tôt dans l’affaire des foulards islamiques, le Conseil d’Etat s’en est donc tenu dans cette affaire à une position prudente qui ne règle rien dans l’immédiat. Son seul mérite est de rappeler aux intéressés qu’on ne résout pas techniquement, "par le droit", les problèmes fondamentaux de notre société. Mais ces questions d’enseignement privé se trouvent aujourd’hui reléguées au second plan devant le constat du malaise profond qui atteint l’ensemble de nos structures d’enseignement, préfigurant une implosion que l’on sent proche, que l’on craint et qu’on espère malgré tout comme le signe d’un nouveau départ. ENSEIGNEMENT PUBLIC : un découragement croissant Et contrairement à ce que l’on prétend parfois, il ne s’agit pas seulement d’une question d’argent, celui qui manque et qui permettrait par exemple de pallier l’absence ou l’insuffisance des vocations enseignantes. La revalorisation des salaires des enseignants depuis deux ans n’a fait qu’accompagner l’effondrement des recrutements alors qu’on pouvait logiquement penser que, même largement insuffisante, elle permettrait de réduire ou de stopper l’hémorragie. Et il faudrait dépenser des sommes hors de proportion avec les moyens dont le pays dispose pour inverser réellement la tendance. De ce point de vue, le spectacle des manifestations lycéennes de l’automne n’aura sans doute pas contribué à rétablir la confiance dans nos institutions scolaires pas plus que les milliards supplémentaires ne feront de nos lycées le lieu d’instruction et d’échange culturel qu’ils ont cessé d’être. Devant le spectacle donné, il faut du courage pour vouloir enseigner malgré tout. Ainsi, notre pays qui se promet d’avoir de plus en plus d’élèves et d’étudiants, paraît dans le même temps se condamner à avoir de moins en moins de professeurs, de surveillants, de conseillers pédagogiques ou de proviseurs. Et le drame réside moins dans le paradoxe lui-même que dans le rapport de causalité qui paraît s’établir entre l’augmentation du nombre des uns et la baisse de celui des autres. Où se trouve le plaisir d’enseigner sinon dans l’intérêt que porte à vos démonstrations le public qui écoute ? Quel plaisir reste-t-il à s’occuper d’élèves ou d’étudiants complètement démobilisés pour qui la prolongation de la scolarité est le dernier moyen de retarder l’échéance fatale ? Face aux difficultés qu’il rencontre, le professeur consciencieux commence par remettre en cause la qualité de ses méthodes pédagogiques avant de se dire qu’il n’est peut-être pas responsable de tout. Pour que puisse se rétablir la confiance dans l’école, il faudrait peut-être commencer par fixer à celle-ci des objectifs à la mesure de ses réelles capacités. Et ce n’est pas l’insulter que de dire qu’elle ne peut pas tout faire. A quoi sert par exemple de lui prescrire d’amener, d’ici dix ans, 80 % d’une classe au niveau du baccalauréat si l’objectif ne peut être atteint raisonnablement ? Il est des jeunes que l’école ou l’université n’intéressent pas nécessairement et le scandale est que notre société, plutôt que de leur proposer d’autres formes, mieux adaptées, d’intégration, les condamne à l’inexistence. Il serait préférable de rétablir le baccalauréat à un niveau élevé, afin qu’il soit le témoin d’un niveau acquis et ne devienne pas celui d’une durée de scolarisation. Et, parallèlement, de redonner leurs lettres de noblesse à l’apprentissage ainsi qu’aux formations techniques secondaires, aujourd’hui complètement dévalorisées. Pour clore cette réflexion, il me semble qu’il arrive aujourd’hui à l’école la même mésaventure qu’à la grenouille de la fable, qui voulait devenir aussi grosse que le bœuf. Mais l’école ne résume pas la jeunesse et il est illusoire de penser qu’une scolarisation forcenée pourra supprimer la délinquance dans les banlieues ou le chômage des jeunes. Ou qu’un surcroît de "démocratie lycéenne", qui pose d’ailleurs en termes de neutralité du service public, de délicats problèmes juridiques, pourra suffire à rendre aux jeunes la confiance dans un avenir qui ne les attire pas. Pierre-Henri PRELOT
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