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Créé le jeudi 2 avril 1987 17:07
Par lettre du 30 avril, la Fédération de Paris des APEL, dont nous faisons partie, nous écrit la déception que lui cause la faible participation des Parisiens au Congrès de Grenoble (il y avait alors 42 inscrits, dont 29 parents, pour 42.000 familles, l’objectif étant de 165). La Fédération ajoute "la leçon d’humilité qu’impose cet échec ne doit pas nous empêcher d’en tirer les conséquences sans complaisance avec lucidité et courage".
Le Bureau de l’APEL que je préside m’a chargé d’analyser les causes de cette situation.
Je l’ai fait, sans m’arrêter aux motifs particuliers que l’on pourrait trouver dans l’éloignement de Grenoble, la date retenue ou l’inconstance que l’on prête souvent aux Parisiens.
Je me suis seulement demandé si l’UNAPEL répondait bien à cet aspect essentiel de sa mission qui est, comme pour toute association, d’aider ses adhérents à atteindre l’objectif pour lequel ils l’ont formée.
Cet objectif est, tout le monde en convient, d’exercer le mieux possible la responsabilité qui nous incombe en premier de l’éducation de nos enfants.
En fonction de cet objectif, je me suis successivement posé les questions suivantes :
- est-il débattu, au sein de l’UNAPEL, de tous les thèmes qui nous intéressent ?
- est-il des thèmes, débattus au sein de l’UNAPEL, qui ne correspondent pas à son objet ?
- les règles de fonctionnement de l’UNAPEL permettent-elles aux adhérents de contrôler son orientation ?
Les textes que je cite et les événements auxquels je fais références se situent pendant les quatre années qui séparent le Congrès de Bayonne de celui de Grenoble.
l - EST-IL DÉBATTU, AU SEIN DE L’UNAPEL, DE TOUS LES THAMES QUI NOUS INTÉRESSENT ?
Pour mener à bien la tâche que nous leur confions, il faut à nos écoles :
- des murs : peu d’écoles catholiques ont été construites au XXe siècle, beaucoup moins en tout cas que n ’en aurait nécessité le déplacement des populations de la campagne vers la périphérie des grandes villes.
L’UNAPEL n’a pas souhaité l’aboutissement de l’amendement sénatorial qui autorisait les collectivités locales à financer les constructions d’écoles. Cette solution présentait des avantages et des inconvénients, mon propos n’est pas d’en discuter.
Par contre, il est déplorable que l’effort de mobilisation de tous pour le financement de nouvelles écoles soit aussi faible, se limitant à peu près à des déclarations à la presse ou lors des délégations nationales. 1
- des programmes scolaires adaptés : les programmes sont de plus en plus lourds et l’écart de plus en plus grand dans la majorité des cas entre ce que les élèves sont censés avoir appris et ce qu’ils savent. Tandis qu’à une extrémité de ce qui ne s’appelle plus le classement, des têtes de plus en plus pleines s’apprêtent à constituer la méritocratie qui nous dirigera demain, à l’autre extrémité, des élèves qui pourraient s’épanouir dans la vie active sont maintenus dans l’enseignement pour les commodités de notre société. Quelles sont les propositions de l’UNAPEL en matière de programmes et de rythmes scolaires ?
- des maîtres adhérant aux projets éducatifs de nos écoles ou, tout au moins, les respectant. La procédure de nomination des maîtres telle qu’elle résulte du décret du 12 juillet 1985 ne laisse en dernier ressort au directeur d’établissement que le choix entre accepter la personne nommée par le recteur ou laisser le poste vacant. Cela était vrai sous le régime de la circulaire d’application du 27 novembre 1985, cela le reste sous celui de la circulaire du 30 janvier 1987. Pourquoi l’UNAPEL accepte-t-elle une situation qui nous rend dépendants du bon vouloir des fonctionnaires de l’Éducation Nationale et des aléas de la politique ? 2
- un enseignement clair de la foi catholique : Je n’ai pas trouvé, de la part de l’UNAPEL de mise en garde contre les expériences pratiquées par des spécialistes de la catéchèse qui qualifient avec complaisance d’intériorisation de la foi l’ignorance des dogmes et l’abandon des pratiques. 3
- une société civile respectueuse de nos libertés : l’UNAPEL a décidé en notre nom que le recul des adversaires de la liberté de l’école sous la pression de la rue valait renoncement à leur programme d’intégration. Avons-nous le droit d’accepter un pari aussi risqué ? Comment d’ailleurs peut-on penser trouver les voies de l’avenir par le retour à une loi vieille de près de trente ans ? 4
- une société civile qui assure à nos enfants la protection de la loi : quelle est la position de l’UNAPEL sur l’affichage pornographique et les messageries roses ? Sous quelle forme est-elle intervenue ?
2 - EST-IL DES THÈMES, DÉBATTUS AU SEIN DE L’UNAPEL, QUI NE CORRESPONDENT PAS A SON OBJET ?
A défaut de s’intéresser à certaines des questions évoquées ci-dessus et d’admettre les parents à donner leur avis sur les autres, l’UNAPEL pratique depuis deux ans, par le biais de questionnaires et d’enquêtes, un exercice dont le caractère manichéen saute aux yeux. Peu importe qu’une infime minorité se prête, le plus souvent par un fort respectable dévouement, à cet exercice.
L’essentiel pour l’équipe qui dirige l’UNAPEL n’est-il pas de nous culpabiliser et de nous imposer ses propres vues sur les grands problèmes de société ?
Les deux réunions du groupe de travail que nous avons constitué sur le thème du congrès en invitant à y participer les 600 membres de notre association n’ont rassemblé que 4 personnes chacune.
Il n’y a cependant pas de fatalité puisque, pour réfléchir aux rythmes scolaires d’une part, au vol et à la tricherie à l’école d’autre part, le nombre de participants était deux fois plus important. 5
3 - LES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DE L’UNAPEL PERMETTENT-ELLES AUX ADHÉRENTS DE CONTRÔLER SON ORIENTATION ?
Il faudrait un angélisme à toute épreuve pour croire qu’une association n’a besoin pour vivre que de l’expression spontanée de ses adhérents. Tout responsable d’association sait bien que, dans les temps ordinaires, il doit user une bonne part de son ardeur à secouer les inerties et que, dans les temps extraordinaires, il lui faut refréner les emportements de certains tout en faisant face aux dangers venus de l’extérieur.
Il est par conséquent normal que les responsables d’une association prennent des initiatives dans l’orientation de l’action et, si les circonstances l’exigent, prennent position sans avoir consulté leur base ou même en écartant délibérément ses expressions les plus bruyantes.
Il n’est par contre pas admissible que soient organisés systématiquement par la direction d’un mouvement l’endoctrinement de la base, le contrôle des instances statutaires et la sélection de ceux qui y participent :
- Tout a été dit sur le contenu de Famille Éducatrice et sur son orientation. La volonté d’endoctrinement s’y manifeste par le formalisme de l’information qui y est donnée, le refus de tout dialogue et l’obligation faite aux adhérents de la recevoir. 6
- Le contrôle des instances statutaires, facilité par la structure à quatre étages, justifiable sous d’autres aspects, qui est la nôtre, se manifeste en particulier par la pratique consistant à donner aux élus d’une instance des voix dans cette instance. C’est ainsi que les membres du Bureau national ont des voix dans l’assemblée des fédérations académiques et que se généralise la pratique de donner aux conseillers d’une fédération départementale des voix dans l’assemblée des associations de parents d’élèves.
La sélection de ceux qui participent aux instances du mouvement relève d’une démarche souple et, par conséquent, difficile à identifier.
Qui pourrait cependant sérieusement nier l’écart entre les opinions du sommet et celles de la base ? Il n’est d’ailleurs, si l’on veut s’en assurer, que de consulter celle-ci sur les points sensibles évoqués dans cette lettre. 7
Je ne doute pas, au terme de cette analyse, que les instances dirigeantes de l’UNAPEL donnent à Grenoble une image rassurante de notre mouvement mais, derrière une façade d’aspect inchangé et bien entretenue, de plus en plus de pièces sont, me semble-t-il, abandonnées ou détournées de leur destination.
Voilà pourquoi je n’irai pas à Grenoble.
Je souhaite que vous soyez nombreux à compléter mon analyse, à la rectifier si cela est nécessaire et aussi à rechercher, dans un passé plus lointain, l’origine des errements actuels en vue d’un prochain congrès qui pourrait nous rassembler tous sur le thème :
- QUELLE UNAPEL VOULONS-NOUS ?
- COMMENT VOULONS-NOUS QU’ELLE SOIT ORGANISÉE ?
Philippe GORRE.
"Ceux qui laissent faire sont plus coupables que ceux qui font."
Charles PEGUY.
1 - le bureau national du 15/3/86 a voté un budget symbolique de 1 million de francs par an pour la construction et la rénovation de locaux (F.E. n° 4, avril 86).
"se pose avec acuité notre incapacité à investir dans les zones urbaines à forte implantation de jeunes ménages" (E.C. actualités, avril 87).
2 - "après longues discussions, décrets et circulaires acceptables mais procédure très lourde" (conférence de presse de J.-A. VAUJOUR, le 21 janvier 1986).
- le texte définitif (de la circulaire du 27 novembre) ne dépasse pas les limites fixées par la loi et le décret et les applique de façon assez libérale... Au total, un texte jugé satisfaisant par l'UNAPEL (F.E. n° 1 janvier 86).
- "le président de l'UNAPEL a notamment exprimé les réserves du mouvement quant à une modification précipitée du décret sur la nomination des maîtres, dans la mesure où les problèmes posés par le processus actuel peuvent trouver une solution à travers une nouvelle circulaire" (Conseil des Présidents du 29 novembre 86).
3 - sur la gravité de la situation, le cardinal LUSTIGER, dans une homélie aux catéchistes, dit "il faut enrichir la catéchèse, de sorte qu'elle évite le danger mortel qui la menace de devenir si étriquée et si resserrée dans le temps, si dépourvue de racines dans la vie, qu'elle n'ait plus de consistance".
la bonne conscience des spécialistes éclate, au risque de scandaliser, dans cette déclaration de la Commission nationale de Pastorale "l'organisation solide de la catéchèse ne cache pas la difficulté d'un langage de foi qui atteigne le monde de l'incroyance des jeunes" (E.C. Documents, n° 122, septembre 86).
4 - c'est à juste titre que M. André SAVARY écrit à propos de l'amendement apporté par M. André LAIGNEL à son projet de loi : "En second lieu, et surtout, dans le climat passionnel qui s'amplifiait, il amènerait les responsables de l'enseignement catholique à céder à la passion de leur base et à se rallier à l'organisation d'une grande manifestation à Paris, projet auquel il s'était fermement opposé à condition que le texte ne fût pas aggravé". (En toute liberté, P. 163).
5 - manichéisme du questionnaire Unité et Diversité de la délégation nationale de mai 1985 qui commence par : "Pensez-vous que tout va à vau-l'eau actuellement ?" et continue par : "Etes-vous certain de posséder la vérité ?".
"avant la délégation nationale de Metz, une enquête intitulée Unité et Diversité nous a été confiée.
Nous avons bien enregistré les réactions qui nous sont parvenues concernant ce questionnaire dont 329 exemplaires seulement ont été remplis.
Vous nous avez fait savoir qu'il était médiocre, voire mauvais, et les résultats qui ont été tirés de cette enquête ne sont pas véritablement crédibles.
Nous avons signalé votre position à l'UNAPEL et ce n'est pas avec de tels documents que nous ferons parvenir l'information vraie et efficace nécessaire à l'UNAPEL" (Fédération de Paris, rapport moral du 14 octobre 85).
6 - information formelle pour exemple sur la réunion du Bureau national du 15 mars 1986 qui a "arrêté des orientations sur l'informatisation de l'enseignement catholique".
- refus du dialogue manifesté par l'absence de tribune libre et de courrier des lecteurs. Le compte rendu de lecture de Famille Educatrice du 30 avril 87 de l'APEL Stan. constate : "Nous avons à plusieurs reprises posé des questions à l'équipe de rédaction ; à ce jour, aucune réponse ne nous a été donnée. Pas même évasive ou dilatoire ; pas un mot, ne serait-ce que pour accuser réception."
- obligation faite aux adhérents d'être abonnés, au mépris de la loi "Si l'engagement moral de payer le montant total cotisation + abonnement n'était pas respecté, je serais dans l'obligation de proposer lors d'une prochaine délégation nationale une réforme des statuts pour en faire une obligation officielle" (J.-A. VAUJOUR, Délégation nationale de Noirmoutier).
7 - il est vrai qu'elle ne paraît pas digne de l'être "j'imagine donc que l'unanimité de votre Conseil signifie beaucoup plus confiance à l'égard de leur Président, qu'adhésion consciente et réfléchie aux positions qu'elle leur expose. Cela me paraît d'ailleurs très heureux.
Mais pour vous-même, je conçois aussi les difficultés que vous devez éprouver à apprécier objectivement la situation actuelle dans toute sa complexité" (J.-A. VAUJOUR à la Présidente de l'APEL St-Louis au Mans, décembre 85).