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Lettre N°14 - LES RYTHMES SCOLAIRES
Monsieur le Recteur MAGNIN, administrateur d’ENSEIGNEMENT ET LIBERTÉ, a rédigé à la demande de Monsieur MONORY un rapport sur l’organisation des rythmes scolaires. Voici les réponses qu’il a bien voulu faire aux questions que nous lui avons posées après avoir pris connaissance de ce rapport. E.L. : Que pensez-vous de l’évolution du calendrier scolaire depuis une quarantaine d’années, marquée par une diminution du nombre de jours de classe et un accroissement du nombre d’heures de cours hebdomadaires ? P.M. : C’est le résultat de deux tendances non conciliables :
Le résultat apparaît dans la concentration des cours sur la période de temps la plus étroite possible. E.L. : Quelles sont les bases ou les principes d’élaboration des rythmes scolaires ? P.M. : Par opposition à celle des psychologues qui visent à utiliser l’École comme système de socialisation, ma démarche repose sur l’observation biologique que chaque être est unique et différent, avec des rythmes qui lui sont propres. Vivant en société, il doit nécessairement s’adapter à des normes communes mais ces normes doivent être établies de telle sorte que cette adaptation se fasse avec le minimum de dégâts pour l’individu. Je prends forcément en compte la génétique ; je l’appuie d’arguments physio-pathologiques et d’arguments biophysiques. L’idée centrale est qu’en biologie, tout être est unique et différent, donc les rythmes sont individuels et singuliers ; mais tout être qui s’inscrit dans une société doit s’y adapter - c’est-à-dire que la société devient un synchroniseur principal ou fondamental. Elle va modifier les rythmes de l’individu à ses propres exigences. Les rythmes de l’individu rappelés dans le rapport sont les mêmes pour tous mais avec une possibilité d’expressions personnelles. Le rythme circadien est le plus important, encore que les autres rythmes interviennent pour déterminer une organisation quelconque de ce qu’on appelle "les vacances". Toute l’affaire est fondée sur la justification d’une personnalité existant par sa biologie avec sa propre adaptation dans un système. Avant d’envisager l’adaptation, il faut décrire quelques grands rythmes circadiens sur lesquels on va s’appuyer. Les rythmes circadiens sont des rythmes fondamentaux ; ils se développent sur 24 heures : ainsi existent les couples veille-sommeil et activité-repos qui ne doivent pas être confondus. Pour répondre à l’objection des généticiens évolutionnistes pour lesquels l’homme est fait pour s’adapter et accepter des contraintes, je dis que l’homme peut s’adapter à n’importe quoi, accepter n’importe quelle contrainte à condition que son homéostasie (équilibre dynamique des constantes physiologiques), c’est-à-dire les conditions fondamentales de la vie de la cellule, soit respectée. C’est l’agression contre les rythmes de base et les mécanismes fondamentaux qui va perturber cette homéostasie. L’adaptation ne peut se faire que si l’homéostasie est respectée, c’est-à-dire à la condition que l’individu ne soit pas en déséquilibre biologique. Le couple veille-sommeil est la pierre d’angle du système d’équilibre. La veille est la participation au monde, la vie existentielle qui enregistre, réagit, adapte la vie biologique aux sollicitations du milieu. Croissance, réparation, équilibrage mental, répartition des mémoires, mise en ordre des idées s’effectuent pendant le sommeil. Si le sommeil n’est pas accompli dans sa totalité qualitative apparaît la fatigue importée qui résulte des ruptures de la vie familiale, des incohérences et, dans les répartitions d’activité et de loisir, des inégalités d’effort et des pics de fatigue. Les conséquences de cet état de fait se manifestent au niveau de potentialités et des critères d’apprentissage de l’enfant à l’école : attention, vigilance, enthousiasme, motivation qui font qu’il apprend ou qu’il n’apprend pas. E.L. : Vous insistez beaucoup sur l’importance des pauses dans la journée, en particulier celles avec du silence. P.M. : Elles sont indispensables. Les moments de silence sont fondamentaux. Un individu qui travaille mentalement et même physiquement a besoin de se retirer dans le silence, en particulier pour respirer c’est-à-dire se rééquilibrer. Le phénomène respiratoire est un phénomène harmonique qui se manifeste des fosses nasales jusqu’à la plus petite cellule. Si l’harmonie est rompue, la respiration est mauvaise, d’où l’importance de la pause respiratoire qui est d’autant meilleure que l’individu se met en inactivité, en retrait, en silence. E.L. : Il y a aussi votre appel à la musique comme moyen de synchronisation. P.M. : La musique est très importante pour le développement des activités cérébrales. L’importance de la musique tient au fait que, quand un individu agit, il se sert des réflexes acquis, de sa mémoire de ses propres concepts et de l’expression de la zone sensorimotrice de son cerveau. S’il joue de la musique, il met en jeu des systèmes de mémorisation associatifs, les zones auditives, les zones tactiles, les zones réflexuelles et tout le territoire de la main qui occupe la moitié du cerveau. E.L. : En quoi l’acquisition des savoirs dépend-elle de l’âge de l’individu ? P.M. : Il y a trois âges de la vie : L’enfance, qui commence par les imprégnations et continue par les apprentissages, avec une capacité d’engrammation extraordinaire du cerveau, entre 7 ans et la puberté, des savoirs, des savoir-faire et des habiletés. Lui succède la phase d’élaboration personnelle et d’expression personnelle des savoirs : l’être n’est plus fait pour apprendre passivement mais pour améliorer ses savoirs et les exprimer singulièrement. C’est ainsi qu’on a gâché deux générations de Français en leur évitant d’apprendre entre 7 et 15 ans. E.L. : Vous préconisez une heure à une heure et demie d’étude une fois et même deux fois par jour, étude surveillée, en silence, dans le calme. PM. : Il faut que l’enfant puisse réfléchir. E.L. : C’est absolument contraire à la pédagogie contemporaine bavarde et bruyante. La conséquence est aussi une diminution très nette du nombre d’heures d’enseignement quotidien. Pourquoi ? P.M : Parce que si l’on veut que l’individu puisse exploiter à fond ses acquis, c’est-à-dire engrammer et mettre en ordre, il est indispensable qu’il ait une certaine disponibilité conservée à l’égard de ce qu’il a appris et des activités qui en résultent. Si toute l’activité est occupée par du travail imposé, sans respiration et sans pause, il n’y a plus ni motivation ni intérêt, ni engrammation. Il faut que le travail imposé s’inscrive dans la phase d’activité à son meilleur moment ; il faut préserver la souplesse de la phase d’activité spontanée, qu’elle soit ordonnée ou désordonnée, dans les diverses formes du jeu. De même, il faut respecter la phase de respiration, de silence et de repos. Il est inutile de faire travailler un enfant à partir de 11 heures du matin, parce qu’il est presque toujours en hypoglycémie. A cela s’ajoute la rupture de la phase d’activité pour une nouvelle période qui va durer jusqu’après le repas. L’après-repas est lui-même, physiologiquement, la phase de la sieste et n’est par conséquent pas fait pour un travail strictement intellectuel. En revanche, cette période est favorable aux activités mixtes ou multicentriques, aux activités d’application et de mise en œuvre des connaissances. Les deux phases pendant lesquelles l’activité intellectuelle est la plus grande sont, pour la grande majorité des sujets, celle du matin, qui est celle d’engrammation, de mémorisation courte se prêtant à l’abstraction, et la phase du soir, d’acuité intellectuelle réflexive, de mémorisation lente et de réorganisation des savoirs acquis. E.L. : Cela ne réhabilite-t-il pas la traditionnelle étude du soir ? P.M. : Le soir est en effet la période de mémorisation longue la plus propice. E.L : Vous insistez aussi sur l’importance du goûter... P.M. : Il s’agit d’un phénomène biologique essentiel, plus important que le repas du midi ou celui du soir. C’est le retour au sein maternel, à la fin de la période des activités multicentriques et avant la période de mise en méditation, car la phase du soir est, en fait, une période de méditation. E.L : Le terme de méditation n’est pas souvent prononcé par les pédagogues contemporains. Comment le justifiez-vous ? P.M. : La méditation consiste à libérer l’activité cérébrale des contraintes imposées par la vie relationnelle et de participation. L’être n’ayant plus à s’adapter peut développer ses processus mentaux à partir des données acquises, il est libre pour penser. La soirée ou le soir qui succèdent aux moments les plus chargés de la journée en activités physiques en effets mécaniques et somatiques, traduisent un besoin naturel de repos, voire de repli... Cette phase peut rester inexploitée et perdue... mais elle peut aussi être consacrée après entraînement et habituation à la réflexion et à la méditation. E.L. : Quels ont été les supports de vos analyses ? P.M. : L’ensemble de nos analyses et de nos propositions est issu des données expérimentales auxquelles se sont attachées plusieurs équipes de chercheurs et de médecins de mon laboratoire pendant plusieurs années, des classes maternelles aux terminales de lycées. Ces données rassemblent plus de 10 000 dosages effectués sur l’ensemble des journées scolaires expérimentées. Au premier plan de ces résultats expérimentaux, l’on trouve :
Pour 80 % des enfants, ces moments privilégiés s’étalent entre 9 h 00 et 11 h 00 du matin et entre 13 h 30 et 17 h 30 de l’après-midi.
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