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Lettre N° 68 - 2ème trimestre 2000
MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS Depuis le début de l’année s’accumulent les mesures les plus extravagantes qui montrent qu’on a abandonné les mécanismes fondamentaux de cet " humanisme républicain " - j’emploie l’expression faute de mieux - sur lequel repose notre organisation politique et sociale depuis trois siècles. Ainsi de ces décisions de justice par lesquelles on réduit l’importance de la prise en considération de l’intention, ou de l’instauration de quotas, notamment en matière de droits politiques, liés au sexe ou à l’ethnie, ce qui montre le refus de prendre en considération les individus, abstraction faite de leur appartenance à une communauté déterminée, comme si le rôle de l’organisation politique était d’organiser un équilibre entre les communautés et non pas de régler les rapports individuels, du transfert de la charge de la preuve du ministère public au prévenu, typique de la justice des pays totalitaires, du mépris de toutes les mesures qui garantissent les libertés individuelles contre les empiétements de la collectivité, mais il semble que l’institution scolaire proprement dite soit relativement épargnée. Certes elle n’est pas étrangère à ce mouvement général, d’abord en ce que l’effondrement de l’école est probablement l’une des causes de cette décadence : c’est parce qu’on n’enseigne plus l’universalisme et qu’on est incapable de le faire vivre à l’école qu’il s’est effondré et ne dit plus rien à nos contemporains. Faut-il aller plus loin et penser qu’il y a chez certains de nos dirigeants un véritable recul sur des problèmes essentiels ? C’est ce que nous déterminerons par la suite. Le départ d’un inquiétant conseiller La démission de M. Philippe Meirieu de ses fonctions de directeur de l’I.N.R.P. (Institut national de la recherche pédagogique) a retenu l’attention d’un certain nombre de commentateurs informés. Ceci ne doit pas nous étonner : le personnage jouait depuis près de 3 ans le rôle important de " conseiller pédagogique " de M. Allègre. Il était naturel qu’il parte avec le ministre dont il avait inspiré les mesures les plus discutables. Nos lecteurs le connaissent déjà, non seulement nous avons exposé ses conceptions à diverses reprises (notamment dans le n° 59), mais la conférence donnée par Mme Zehringer, présidente de la société des agrégés lors de notre assemblée générale d’octobre 1998 était consacrée à l’exposé de ses idées sur l’avenir du baccalauréat et l’organisation des lycées puisque M. Meirieu venait d’établir un rapport intitulé " Quels savoirs enseigner dans les lycées ". Ce rapport avait été élaboré à l’issue d’un questionnaire-référendum diffusé auprès des élèves. Les projets de M. Meirieu, largement approuvés par le ministre, allaient susciter l’inquiétude des enseignants ou des espoirs déçus en matière d’allégement des programmes chez les candidats. En étudiant quels savoirs enseigner et en soutenant que la transmission des savoirs ne doit être que " l’occasion privilégiée de l’apprentissage de la citoyenneté ", M. Meirieu découvre le principe fondamental de sa pensée. La transmission des savoirs n’est qu’un objectif tout à fait subordonné dont la poursuite est le plus souvent nocive. De toute façon elle ne serait tout au plus tolérable qu’au lycée qui succède à " l’école de base " laquelle recouvre l’école primaire et le collège. Qui dit transmission de connaissance dit en effet individualisme, hétérogénéité, concurrence. La fonction de l’école est de donner une culture commune aux citoyens. L’apprentissage de la démocratie exigerait des institutions scolaires la plus grande hétérogénéité possible. Or loin de préparer cette vie démocratique, par tous ces mécanismes, l’école tend naturellement à homogénéiser, à réaliser une ségrégation selon les résultats qu’on a qualifiée de racisme scolaire. Alors que l’apprentissage de la démocratie exige des institutions scolaires qu’elles réalisent la plus grande hétérogénéité possible, tous les apprentissages par l’école systématiquement, dès le cours préparatoire, sélectionnent. Elle est un apprentissage non pas de la vie démocratique mais de la jungle libérale, qui aboutit à une babelisation dans laquelle chacun ne s’affirme qu’aux dépens des autres. Ainsi " l’école ne donne pas une culture commune aux citoyens, elle sert à armer des concurrents prêts à s’affronter dans la jungle libérale. " (l’école ou la guerre civile, p.78) De là le programme de Philippe Meirieu : " résister, résister farouchement à toutes les formes de ségrégation sociale et scolaire. S’opposer, par tous les moyens possibles, à l’homogénéisation des classes, à l’éclatement du système en une multitude d’établissements et de filières qui contribuent à désagréger le corps social. Faire reculer la sélection au-delà de la scolarité obligatoire. " (ibid., p.191). Tels étaient les principes généraux qui ont reçu un début d’application avec les lycées allégés aux programmes mutilés, aux disciplines floues, à peine distinctes les unes des autres, qui d’autre part ont inspiré la réforme du baccalauréat. Mais ce ne furent que des demi-victoires, et même des combats indécis car à chaque fois M. Allègre a dû tempérer les propositions initiales de M. Meirieu devant l’opposition des enseignants et d’une partie croissante de la presse et des milieux intellectuels. Le départ de M. Allègre, qui l’avait soutenu du mieux qu’il pouvait, signifiait pour M. Meirieu la perte du seul soutien important dont il disposait. Et du retour de M. Lang, il dit ne rien attendre de bon. Il le fait comprendre clairement dans sa lettre de démission. Il croyait au moment de prendre ses fonctions à l’INRP que la France avait besoin " d’une grande institution de recherche en éducation, attentive aux besoins des enseignants, des élèves, parents d’élèves, qui articulerait innovation et recherche." S’il croit toujours à ces exigences, il ne pense pas avoir les moyens de les mettre en œuvre. De là sa démarche : " Je demande donc à M. le ministre de l’Éducation nationale de mettre fin à mes fonctions dès la semaine prochaine... Le diagnostic porté à son départ par mon prédécesseur sur l’extrême difficulté pour faire avancer cette institution n’a pas été démenti..... Le statu quo et l’immobilisme n’ont jamais besoin d’être justifiés. En revanche le moindre changement n’est jamais assez justifié...... face à ces difficultés n’étant plus assuré d’un soutien effectif de la tutelle ministérielle, la poursuite de la rénovation engagée est à mes yeux gravement compromise." La création d’un nouvel organisme, chargé d’étudier l’innovation dans le domaine des enseignements n’a certainement joué qu’un rôle subalterne dans sa démission ; de même les reproches faits par les inspecteurs généraux au sujet de la gestion administrative de l’Institut. L’essentiel c’est que M. Meirieu n’a pu faire passer ses projets sans qu’ils soient adultérés et sérieusement mutilés. Est-ce à dire que les adversaires de M. Meirieu peuvent pavoiser ? Aucunement. Malgré tout, une partie de ses projets ont été adoptés. En d’autres termes de nouvelles causes s’ajoutent à celles qui existaient déjà et convergeaient toutes vers la dégradation de l’enseignement. Ensuite, M. Meirieu laisse de nombreux orphelins, disciples plus ou moins lointains. Leur capacité de nuisance ne saurait être sous-estimée, même après qu’il eut quitté son poste à l’INRP. Nous n’avons donc pas fini d’entendre parler de lui. Une opinion publique moins aveugle Le changement de ministre, avec le retour de M. Lang, le départ de son conseiller le plus encombrant, n’ont pas donné lieu aux manifestations bruyantes de regrets qu’on aurait pu imaginer l’an dernier. C’est que visiblement l’opinion était lasse des réformes aventureuses et des déclarations fracassantes, d’autant plus que l’échec de la politique de M. Allègre peut se mesurer à son incapacité de résoudre les problèmes les plus criants (aggravation de l’échec scolaire, niveau catastrophique des manifestations de la violence à l’école, sur lesquels les beaux discours de Mme Royal ont été sans effet). Il est toujours hasardeux de parler de l’état de l’opinion, quand bien même on disposerait d’Instituts de sondages. Néanmoins peut-on essayer d’en juger par les discours ou les décisions de ceux qui prétendent la représenter : les dirigeants des grandes associations, même si on a souvent noté qu’ils imposent les vues qui leur sont propres et que ne partagent pas toujours leurs mandants. A en juger d’après ce critère, il faut bien constater que M. Allègre ne fait plus recette. Qu’il ne recueille une opinion favorable que dans une partie très largement minoritaire du corps enseignant, on l’a toujours su. Mais dans un public plus large, en particulier celui des parents d’élèves, il a pu bénéficier d’une opinion favorable d’une façon d’autant plus étonnante que ce sont les " modérés " plutôt que ceux qui se déclarent à gauche qui témoignent de cette stupéfiante indulgence. Beaucoup se laissèrent abuser par l’hostilité aux professeurs et aux syndicats d’un ministre démagogue. Il a fallu très longtemps pour qu’on reconnaisse ce qu’il était. Quelqu’un qui déborde par la gauche les organisations représentatives des enseignants obligés par l’exercice du métier à plus de réalisme, à plus de modération. Je pense que cette grave méprise appartient désormais au passé. Les fédérations de parents viennent de tenir leurs congrès ; aussi bien les deux fédérations de l’enseignement public que l’UNAPEL. Ce ne fut pas l’occasion de déplorer le départ de M. Allègre et de s’inquiéter de la mise en sommeil de ses idées. M. Lang avec une courtoisie éclectique a pu rendre visite à chaque congrès. Il ne s’est tenu des propos dans l’ensemble que raisonnables. Tout au plus, le nouveau ministre s’est-il senti obligé d’affirmer devant les congressistes de la fédération la plus engagée à gauche, que les projets évoqués par la presse ne constituaient pas une remise en cause du collège unique ! On peut mesurer le chemin parcouru en renvoyant à un entretien récent du nouveau secrétaire général de l’enseignement catholique (dans la Croix du 18 mai). Faut-il rappeler que l’enseignement catholique et tout spécialement les parents de l’UNAPEL avaient sans réserve approuvé les conclusions de M. Meirieu, à l’issue du congrès de Lyon qui devait justifier la réforme des lycées s’étant engagés beaucoup plus que les autres fédérations de parents d’élèves, au moment même où les enseignants s’opposaient à leur ministre. Je le notais lors de notre assemblée générale, en octobre 1998. Aujourd’hui, M. Malatre, Secrétaire général de l’enseignement catholique (dont il convient de rappeler qu’il a succédé à Pierre Daniel) nous apprend qu’une certaine idée de l’égalité républicaine crée en réalité une inégalité des chances : " il faut aujourd’hui avoir le courage de remettre en cause cette grande idée, une égalité des chances qui passe par une scolarité similaire pour tous de 3 à 18 ans ". Il me semble notamment, ajoute-t-il, que " les risques d’explosions sont présents : les jeunes affirment de plus en plus que l’école n’est pas celle qu’ils attendent ". Se déclarant inquiet de voir un système éducatif " se casser la figure " il craint qu’il n’y ait : " quelque décalage entre les retouches apportées au système (introduction de l’aide individualisée, travaux personnels encadrés au lycée...) et l’urgence de prendre en compte un public qui évolue beaucoup plus vite qu’on ne veut le voir ". Aujourd’hui le renvoi n’est plus une menace, il est un souhait et Paul Malatre de constater : " le collège unique a été conçu comme un cylindre où toute une classe d’âge entre par le bas et sort par le haut au même moment en ayant étudié dans les mêmes conditions scolaires, or on constate que le nombre d’élèves qui entrent en sixième avec plusieurs années de retard augmente et qu’il y a en cinquième et en quatrième des jeunes qui sont déjà en rupture de scolarité. On ne peut donc plus tenir le discours de l’égalité des chances au travers d’une scolarité identique pour tous. Bref le tronc commun ne crée nullement l’égalité des chances qu’on a posée en principe." Certes, on trouverait difficilement sous la plume des responsables des autres fédérations des déclarations aussi manifestes. Il est clair néanmoins que les esprits ont progressivement évolué, de telle sorte qu’il n’est plus de mise aujourd’hui de défendre comme un dogme le tronc commun pour tous jusqu’à 16,18 ans. Vers un assouplissement des dogmes les plus contraignants Dès son arrivée, M. Allègre s’était distingué par une vivacité qui voisinait avec la brutalité et le manque de souplesse. Ajoutons à cela la rigidité dogmatique de son principal conseiller. Il semble que l’ancien ministre n’avait pas compris que certains principes sont d’autant plus facilement admis par les enseignants qu’ils espèrent bien voir renvoyée à plus tard leur mise en application ! M. Lang est, au contraire, très habile pour juger des aspirations de ses interlocuteurs : il a donc compris qu’on ne fait pas recette avec les vastes plans proposant une réforme globale et des solutions dogmatiques. Aussi, lorsqu’il a rencontré les congressistes de la PEEP, s’il a proposé une charte de portée générale, elle concernerait seulement les droits et devoirs des partenaires (parents, enseignants, élèves). Avec quelques sucreries d’ordre financier (la gratuité réelle plutôt que la tendance déplorable de l’administration de ponctionner les familles sous divers prétextes, y compris cahiers d’exercice ou frais de correspondance !), il était déjà certain de créer une atmosphère favorable. Il promettait un plan d’envergure sur l’utilisation des nouvelles technologies, mais sans une réforme de plus qui s’ajouterait à celles qui ont précédé ; il a également rassuré son public. Pas de réforme systématique donc, mais de simples ajustements. Ajoutons qu’entre les deux méthodes : celle qui consiste à partir du plus élémentaires et celle qui part du sommet de la pyramide, alors que M. Allègre partait résolument du sommet et ne régressait que par raccroc jusqu’à l’école primaire, M. Lang lui part de l’école primaire. Une raison très sérieuse pour choisir cette démarche : si on veut lutter contre l’échec scolaire, autant qu’on le prétend, comme cet échec est souvent très précoce (10 à 15 % des jeunes sont en difficulté en écriture et en lecture à l’entrée en sixième) c’est à ce niveau qu’il faut agir. On ne saurait lui contester le principe : " il ne faut pas répéter sans cesse qu’en sixième ou en cinquième un certain nombre d’enfants ne détiennent par la maîtrise réelle des savoirs fondamentaux sans prendre en même temps des décisions concrètes ", et naturellement ces décisions ne pourront concerner que l’école maternelle ou l’école primaire Insister sur l’apprentissage de la lecture, introduire tout un dispositif d’évaluation des résultats, telles sont les propositions qui n’ont rien de révolutionnaire. L’usage systématique des nouvelles technologies, et M. Lang pense qu’ainsi on pourra développer l’enseignement des langues vivantes dès l’école primaire. Plus originale et mieux fondée, son idée de développer un enseignement scientifique à partir de "l’intelligence sensible" antidote à l’ennui, ce qui était le cas de l’antique leçon de choses, de même pour ce qui concerne l’enseignement artistique. Tout ce qui peut inquiéter c’est l’absence des mesures qui éviteront à ces projets d’en rester au niveau des vœux pieux. Les résultats devront être obtenus sans accroissement du temps de scolarisation. M. Lang exprime sa grande réserve devant le projet de rendre l’école obligatoire à partir de cinq ans (et non de six), pour ne pas " primariser l’école maternelle " sage décision qui marque un temps d’arrêt dans la tendance à enlever l’enfant à la famille de plus en plus tôt. Toutes ces propositions sont un peu maigres, et leur ensemble assez inoffensif. Mais, interrogé sur d’autres sujets, comme les déclarations de M. Mélanchon sur l’enseignement professionnel, M. Lang refuse de répondre, sous prétexte de procéder " par ordre ". D’abord le primaire donc, puis les deux mois d’été consacrés au collège. Autrement dit, les problèmes les plus occasions de querelles sont renvoyés à l’automne. Il suffira alors que les résultats du baccalauréat aient été bons pour que tout le monde soit satisfait ! Personne ne regrettera l’époque de M. Allègre, si ce n’est ceux qui ont pour fonction de recueillir des nouvelles, c’est-à-dire essentiellement les journalistes. Il est vrai que par compensation de ce qu’ils ont perdu depuis que M. Allègre n’est plus ministre, il leur reste à lui ouvrir leurs colonnes, comme l’a fait récemment le Figaro ! L’habile silence sur l’essentiel que s’impose M. Lang peut seulement nous assurer qu’il n’y aura pas de nouvelles mesures contraignantes de nivellement prises dans la hâte. Quant à revenir sur ce qui a été fait, rien ne nous permet de le présager. Ce sont les déclarations de M. Mélanchon qui sont très neuves en la matière. Le ministre délégué à l’enseignement professionnel est confronté aux problèmes de la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie. Il constate que les élèves se détournent de cet enseignement, au profit d’un enseignement général encombré ; de là son idée de permettre que l’orientation vers l’enseignement professionnel ne se fasse pas seulement à partir du lycée, mais qu’elle soit possible dès le collège. Ce sont les difficultés propres au secteur dont il a la charge, et non le simple désir d’éviter à quelques adolescents de stagner dans des classes où ils s’ennuient et dont ils troublent le fonctionnement qui le conduisent à cette proposition. Il ne faut pas s’étonner que ce soit un ministre très ancré à gauche qui le fasse : certains secteurs de la gauche n’ont pas prôné la facilitation offerte aux jeunes bourgeois en 1968 ; par vocation, ils sont conduits à ne pas privilégier la voie de l’enseignement général par rapport à l’enseignement professionnel : " collège unique ne signifie pas collège uniforme ". Je ne puis qu’approuver cette formule. Il est clair que si la voie professionnelle est ouverte à partir d’un certain âge, et non d’un certain niveau, des élèves qui n’ont pas franchi le cap de la troisième dans l’enseignement général pourront s’y engager. M. Mélanchon est sans équivoque : " nous ne nous contenterons pas de l’hypocrisie des apparences. Il faut arrêter de pousser tout le monde dans ce qui paraissait leur destin (la filière générale) et permettre un rééquilibrage car le pays le demande. À une orientation par paliers, pourquoi ne pas substituer une orientation par âges. Il faut que, dès quinze ans, le jeune puisse réfléchir à son avenir. L’enseignement professionnel n’est pas une voie de relégation mais une voie d’utilité publique. " Encore que la scolarité reste obligatoire jusqu’à seize ans, elle ne sera donc pas la même pour tous. M. Dubet, auteur d’un rapport sur le collège de l’an 2000, commandé par Mme Royal, dans lequel il montrait que vingt ans après sa création le collège unique n’existait pas vraiment, mais que de multiples voies de contournement continuaient à miner le tronc commun, créant ici des filières d’excellence et là des classes dépotoir, note que cette contestation directe du collège unique sera " souvent bien accueillie ". D’abord par certains jeunes qui rejettent l’école, ensuite par les maîtres qui ne savent qu’en faire. M. Dubet qui a eu le temps et les moyens d’étudier le problème dit que l’hétérogénéité des collégiens (entendons le public des classes) pose un problème pédagogique redoutable, mais que ce n’est pas en revenant à la distinction des filières qu’on lui trouvera des solutions. La seule difficulté tient à ce que M. Dubet n’a rien de précis à proposer en la matière. De sorte que s’impose le retour à une distinction imprudemment abandonnée qui n’a fait qu’aggraver la situation de l’école. On comprend que faute de mieux, on propose d’en revenir à la situation antérieure. Il est significatif que ce soit l’enseignement professionnel et les problèmes qui lui sont propres qui ont conduit à remettre en cause le tronc commun. Sa contestation ne pouvait venir d’une filière qui aurait eu, à tort ou à raison, une réputation d’excellence. Maurice Boudot ECOLE ET FORMATION DES CITOYENS Au début de l’année Jacques Julliard a publié dans le Nouvel Observateur un éditorial sur l’école et la violence qui présente un diagnostic lucide de la situation et un pronostic très pessimiste mais vraisemblablement trop bien fondé. Notant le paradoxe d’une société de plus en plus violente qui feint de se scandaliser des manifestations de la violence : " La situation est exceptionnelle, inédite. Au lot quotidien d’insultes, de brutalités, de racket auquel on s’est habitué depuis une dizaine d’années dans les établissements scolaires sont venus s’ajouter - se sont les termes des procureurs - des viols, des tortures répétées, des actes de barbarie, des tentatives de meurtre. " " D’aucuns ont prétendu que ces violences ont toujours existé en milieu scolaire : autre imposture qui confond effrontément l’exception du passé avec ce qui tend à devenir la règle du présent... " Si l’on confronte de ce qu’est devenu l’école et ce qu’elle fut, que constate-t-on ? : " dans son essence, l’école était un lieu fermé " sanctuarisé " comme disent les militaires, où " l’autorité " des maîtres reposait sur un monopole : celui de la transmission des connaissances. C’est à cette condition seulement qu’elle pouvait fonctionner comme un espace public sans obligations ni sanctions . Or les jeunes des quartiers difficiles - et des autres - ont découvert qu’à défaut de changer la vie, l’école était le lieu où la transgression des règles sociales comportait le moins de risques ". On est loin de M. Meirieu. Ce n’est plus l’école ou la guerre civile, mais l’école et la guerre de tous contre tous. Il est vrai que l’école ne peut que refléter une société démoralisée. Si on est porté à nier cette violence scolaire, c’est qu’on veut cacher le dépérissement irréversible de l’école comme lieu de transmission des savoirs et des valeurs. Comment s’est fait ce déclin ? À cette question répond le livre de l’historien des idées républicaines, Claude Nicolet : Histoire, nation, République. (Recensé par Alain Gérard Slama, le Figaro du 22 juin). C’est la renonciation de l’école républicaine à ses principes, à sa culture, à ses méthodes qui n’est pas seulement un coup porté à l’égalité, mais une défaite de la liberté. On oublie des principes comme la séparation du spirituel et du temporel, du public et du privé, de la nature et de la culture De là cette régression qui tient à un abandon d’une culture qui enseignait des principes qui conditionnaient notre liberté, mais nous imposait des devoirs. On objectera que cette formation par l’école (et à partir de la culture classique) ne fonctionnait qu’en passant sous silence les problèmes les plus conflictuels : on n’y parlait ni du racisme, ni du sexisme, ni de l’homophobie ! Je crois que sur tous ces problèmes on a complété hardiment les programmes et même qu’on est porté à parler un peu trop de ce qui est conflictuel. Mais pour quels résultats ? Nos gouvernants eux-mêmes sont portés à douter de l’efficacité d’un enseignement scolaire sur ces problèmes puisqu’on évoque la nécessité d’un contrôle des opinions et d’étranges mesures de basse police. Ainsi la lutte contre les discriminations ne se limite pas à l’éducation, mais on y ajoute " le droit de dénoncer ". Grâce à un simple numéro vert, nous pourrons comme au bon vieux temps de l’occupation allemande jeter la suspicion sur notre voisin pour peu que nous n’ayons l’entendu tenir des propos que nous avons estimés racistes. C’est ce que nous apprend M. Bourdarias dans un courrier des lecteurs du Figaro, le 9 juin ! (La lecture duMonde pourrait confirmer cette information !) Ce n’est plus l’école où la guerre civile, mais l’école et le règne des sycophantes M.B. SECTES ET LIBERTE DE CROYANCES Voter une loi antisectes, passablement extravagante au point que le Garde des sceaux préfère la remanier avant même son passage au Sénat et soutenir comme le fait le rapporteur du texte " qu’on ne porte pas atteinte à la liberté de conscience ", c’est nous prendre pour des imbéciles. Condamner les sectes parce qu’elles feraient appel à la manipulation mentale, sous prétexte que ce nouveau délit est utile pour que les victimes soient mieux entendues n’est guère plus sérieux. Autant dire que ce sont les associations de " victimes " qui feront la loi en France. Alexis Brézet l’a noté judicieusement, exemples à l’appui : " jusqu’ici, la République, qui ne reconnaît aucun culte, s’interdisait dans sa grande sagesse de les juger.... Pour la première fois, il s’agit de juger les sectes en tant que telles. Et d’utiliser contre elles ce nouveau délit de manipulation mentale présenté comme l’arme antisectes absolue. " " Une jeune fille qui a choisi de vivre coupée du monde, qui a laissé ses biens, quitté ses vêtements, coupé ses cheveux, qui obéit sans murmurer, travaille parfois durement sans toucher aucun salaire et qui se lève plusieurs fois par nuit pour réciter des formules apprises par coeur n’est-elle pas susceptibles d’être considérée un jour, par un juge, comme la victime d’une entreprise de manipulation mentale ? C’est ainsi pourtant que vivent les carmélites....... Comment, et sur quels critères, juger si une opinion, une croyance a été formée librement ou bien si celui qui la professe a été manipulé ? " On comprend les réticences des grandes religions et même du président de la Ligue des droits de l’homme. Bien entendu, comme la pêche aux voix est un sport universel chez les parlementaires, la loi a été votée par l’assemblée unanime. Nous aurons certainement à parler de ce problème qui nous préoccupe au moins en ce que certaines écoles hors contrat, naturellement, sont accusées d’être des organisations sectaires. M.B. Dans le prolongement de son colloque Halte à la violence scolaire, la Fédération internationale pour la défense des valeurs humaines fondamentales a créé le prix FIVA " Non à la violence " Le prix sera décerné par un jury présidé par M. Pierre-Christian Taittinger à une personne, association ou société pour son action sur le terrain pour lutter contre la violence scolaire Les dossiers de candidature devront comporter :
FIVA 36 rue Boileau 75016 Paris
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