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Lettre N° 110 - 4ème trimestre 2010
L'enquête PISA : politiquement correcte
L'enquête PISA : politiquement correcte
L'OCDE vient de publier les résultats pour 2009 de l'enquête qu'elle effectue tous les trois ans, auprès des pays qui en sont membres et de pays "partenaires", sur le niveau en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences, des élèves, lycéens ou collégiens de quinze ans.
Les résultats de la France sont à la fois médiocres et en recul par rapport à la première enquête effectuée en 2000. Si deux pays (Autriche et Grande-Bretagne) mieux classés que nous en 2000 sont passés derrière, onze autres ont maintenu leur avantage et cinq nous ont dépassés.
Je ne m'étendrai pas ici sur les causes de cette situation et les moyens d'y remédier, puisque c'est ce que nous faisons en permanence, me contentant de signaler la solution imaginée par l'UMP qui a lancé, du temps de Xavier Bertrand, une pétition Pour que 100% des élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux dès la fin du CE1. Il paraît, malheureusement que cette pétition originale, dont le destinataire n'est pas dévoilé, a peu de succès.
Cependant, si la presse et les commentateurs n'ont en général parlé que des résultats de la France, d'autres points de l'enquête PISA méritent notre attention. Je ne ferai ici qu'en citer deux, tels qu'ils ressortent du rapport de synthèse :
Le plus frappant est le classement en tête, dans les trois matières et loin devant ses suiveurs, pour sa première participation à l'enquête, de Shanghai, district de la Chine populaire qui rassemble plus de dix millions d'habitants sur un territoire grand comme un de nos départements.
Pourquoi ce succès ne suscite-t-il pas plus de curiosité ? Est-il dû à l'organisation et aux méthodes d'enseignement, à la façon de conduire les enquêtes, au système politique ou à toute autre cause ?
Le second point tient à la présentation des résultats qui ne facilite pas leur interprétation et incite à douter des conclusions politiquement correctes qu'ils "suggèrent" aux auteurs de la synthèse, qu'il s'agisse de l'immigration ou des classes hétérogènes. Nous y reviendrons, après la parution, prévue en janvier, de la version française du rapport complet.
En conclusion de ce message de Noël, je remercie tous ceux qui viennent de rejoindre notre association en répondant à l'appel que nous leur avons adressé récemment. Leur concours nous sera précieux pour faire de 2011 une année de reconquête des libertés scolaires.
A tous je présente les vœux que je forme à l'occasion de cette nouvelle année, pour eux-mêmes et pour ceux qui leur sont chers.
Recteur Armel Pécheul
Lecture : Les fausses justifications
En ouvrant dans le numéro 105 de septembre 2009, la série d'articles confirmant la supériorité intrinsèque des méthodes alphabétiques sur toutes les autres méthodes, nous présentions comme l'un des cinq points de notre argumentation
les fausses justifications de l'opinion contraire.
C'est avec les fausses justifications des méthodes à départ global que nous terminerons aujourd'hui cette revue. Ne pouvant citer tout le monde, faute de place, nous nous sommes limités à quelques cas emblématiques qui décrivent comment on est passé de l'idée qu'il ne fallait pas ennuyer les enfants, en exigeant qu'ils "ânonnent" l'alphabet, à celle que l'on pouvait apprendre à lire comme l'on apprend à parler. Nous donnerons ensuite un exemple de l'absurdité des raisonnements employés pour soutenir cette thèse et de la complexité des solutions imaginées pour la rendre viable.
Le désir d'apprendre
Nous avons cité, dans l'article sur l'histoire de l'enseignement de la lecture, le passage de l'"Emile" de Jean-Jacques Rousseau dans lequel il dit que le désir d'apprendre est le moyen le plus sûr d'y parvenir, et qu'il suffit pour faire naître ce désir chez l'enfant de lui envoyer des billets d'invitation pour " un dîner, une promenade, une partie sur l'eau" qu'il aura envie de lire.
Il ajoute que de cette façon, il est "presque sûr qu'Emile saura parfaitement lire et écrire avant l'âge de dix ans, précisément parce qu'il m'importe fort peu qu'il le sache avant quinze".
Il cite à l'appui de sa thèse un passage extrait d'une phrase de l'Oratorae institutionis de Quintilien (Livre I 1) signifiant qu'il faut prendre garde de faire haïr l'étude (par un jeune enfant) dans un temps où il est encore incapable de l'aimer, de peur que sa répugnance ne se prolonge au-delà des premières années.
La position de Quintilien est exactement à l'opposé de celle que lui prête Rousseau. Dans le paragraphe qui précède la phrase citée, en la tronquant, par ce dernier, il discute en détail des avantages et des inconvénients d'un enseignement précoce pour conclure qu'il faut se hâter "de mettre à profit les premières années".
Pour lui faire dire le contraire, Rousseau a supprimé la première partie de la phrase: "Toutefois, je connais trop la portée de chaque âge, pour vouloir qu'on tourmente tout d'abord un enfant, et qu'on exige de lui une application qui n'a rien à désirer". Il a aussi supprimé ensuite la conjonction "car" (nam dans le texte latin) qui introduit la seconde proposition qui est en réalité "car il faut prendre garde…" !
Apprendre à lire comme on apprend à parler
Nicolas Adam écrivait, dans Vraie manière d'apprendre une langue (1787) :
« C’est ainsi que les enfants apprennent à parler auprès de leur nourrice. Pourquoi ne pas faire la même chose pour leur apprendre à lire ? »
Puisque les nourrices commencent par répéter aux enfants « areu, areu » et « pa.pa », pourquoi, en effet, ne pas commencer la lecture par « B.A.-BA » ?
Enseigner la lecture au cycle 2
Par Jean-Emile Gombert, Pascale Colé, Sylviane Valdois, Roland Goigoux, Philippe Mousty et Michel Fayol.
Cet ouvrage de vulgarisation destiné aux enseignants a été rédigé par d'éminents spécialistes des sciences de l'éducation. Après avoir rappelé que "au début des années 80 par exemple, certains enseignants interdisaient à leurs élèves de bouger les lèvres sous prétexte que la lecture était une activité visuelle !" et reconnu que : "Contrairement à une idée reçue […] ce serait une erreur pédagogique de condamner les apprentis lecteurs qui prononcent dans leur tête, souvent avec accompagnement des lèvres, les mots qu’ils lisent", les auteurs continuent à justifier l'approche globale ou logographique qui est celle pratiquée dans la très grande majorité des écoles maternelles, avec la reconnaissance du prénom et de "mots-outils".
Après avoir expliqué que "Lors de ses toutes premières rencontres avec l’écrit, l’enfant traite celui-ci comme il traite les autres représentations visuelles [...] Les mots sont donc traités plus ou moins comme des images", les auteurs donnent la démonstration suivante dont nous avons souligné les enchaînements :
"Ainsi sont mis en relation les mots écrits et les mots oraux. Dès lors, les mots écrits reconnus par l’enfant ne sont plus traités comme les autres stimuli visuels qui eux peuvent être dénommés librement. L’apprentissage de la lecture est en marche. Il devient alors possible à l’enfant de comparer les formes écrites et orales des mots et de se sensibiliser aux régularités du système d’écriture. Il est ainsi conduit à s’intéresser aux unités constitutives des mots et, de ce fait, il est disponible pour apprendre le code de l’écrit. Il est donc nécessaire, avant les apprentissages systématiques, que l’enfant se familiarise avec l’écrit."
Cela ne ressemble-t-il pas à la démonstration que voilà :
"Pour revenir donc à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l’action de sa langue est causé par de certaines humeurs qu’entre nous autres savants nous appelons humeurs peccantes ; peccantes, c’est-à-dire humeurs peccantes ; d’autant que les vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s’élèvent dans la région des maladies, venant… pour ainsi dire… à... Entendez-vous le latin ?
[...] Or, ces vapeurs dont je vous parle venant à passer, du côté gauche où est le foie, au côté droit où est le cœur, il se trouve que le poumon, que nous appelons en latin armyan, ayant communiqué avec le cerveau, que nous nommons en grec nasmus, par le moyen de la veine cave, que nous appelons en hébreu cubile, rencontre en son chemin lesdites vapeurs qui remplissent les ventricules de l’omoplate ; et parce que lesdites vapeurs ont une certaine malignité… écoutez bien ceci, je vous conjure [..] Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette.
Molière. Le médecin malgré lui. Acte II, scène IV
Les remèdes que proposent les auteurs sont issus nous disent-ils de la recherche en psychologie qui a identifié trois facteurs fondamentaux pour accroître le vocabulaire oral et la compréhension : l’exposition indirecte à l’écrit pendant la période préscolaire par la lecture d’histoires à haute voix, le développement des capacités de mémoire phonologique et la focalisation sur la dimension morphologique de la langue.
S'il faut se réjouir du retour en grâce de la lecture à haute voix, comment ne pas s'inquiéter en revanche de la proposition de développer la mémoire phonologique, celle qui permet de retenir pendant un laps de temps très court la nature des sons composant les mots ainsi que leur agencement par la répétition de "pseudo-mots prononcés par l’enseignant qui s’arrange pour que l’enfant ne puisse pas lire sur ses lèvres".
On peut se demander sur quels résultats se fonde la recherche en psychologie pour décider que la mémorisation des mots proposés, tiv, wabe, nipeau, verdal, morlupé ou virmatratoniste est plus efficace que celle de alléché, ramage, phénix, hôte, confus, mots qui figurent dans Le Corbeau et le Renard, avec, de surcroît, une morale bien utile pour apprendre à de jeunes élèves à « vivre ensemble » et à de futurs électeurs à exercer un « discernement citoyen ».
Il est d’ailleurs curieux que sur les cinquante pseudo-mots proposés, près d’une dizaine, tels tiv et rac, soient des mots irréguliers puisque la consonne finale ne se prononce pas en français, selon une règle générale qui souffre, il est vrai, maintes exceptions.
Pour conclure, l'imagination des tenants des méthodes à départ global pour remédier aux échecs avérés de leurs prédécesseurs me paraissent dignes de gribouille et sans plus de chances de réussir que les tentatives d'évasion des frères Dalton.
Le désir d'apprendre allège et rend plus supportable la peine d'apprendre, mais il ne la supprime pas.
Philippe Gorre
La série des articles sur l'apprentissage de la lecture peut être consultée sur notre site Internet, dans les numéros 105 à 110 des Lettres trimestrielles. Nous adresserons gracieusement les numéros qui leur manquent, dans la limite des stocks disponibles, aux nouveaux abonnés qui nous en feront la demande.
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