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Lettre N° 108 - 2ème trimestre 2010
L’Institut Montaigne, centre de réflexion et de propositions issu du monde de l’entreprise, vient de publier un rapport intitulé Vaincre l’échec à l’école primaire.
Reprenant des chiffres publiés par le Haut Conseil de l’Education, il évalue, pour une tranche d’âge de 800 000 enfants sortant de CM2 pour entrer au collège, à 300 000 ceux qui ont de graves lacunes, dont 200 000 ayant des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul et plus de 100 000 qui n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines.
En dépit d’un vocabulaire passablement flou, l’échec du système est reconnu. Cet échec est tout aussi visible dans les comparaisons internationales dans lesquelles le rang de la France ne cesse de se dégrader.
L’Institut pointe successivement du doigt, le fait que l’école aggrave l’inégalité des chances et prend mieux en considération les intérêts, sociaux, économiques et politiques des adultes que les besoins des enfants.
Au chapitre des remèdes, les propositions phares du rapport sont les suivantes :
Je ne commenterai pas les propositions portant sur l’organisation administrative dont Napoléon penserait sans doute, il l’a en tout cas prouvé, que comme la guerre elle est un art simple et tout d’exécution !
En ce qui concerne la critique, hélas justifiée, des calendriers et horaires scolaires, je crois que le plus utile est de lire et de retenir ce qu’en disait le recteur Pierre Magnin, après avoir remis à René Monory, alors ministre de l’Education nationale, le rapport sur l’organisation des rythmes scolaires qu’il lui avait demandé, dans le N° 14 de décembre 1986, de notre Lettre trimestrielle.
L’idée d’affecter les maîtres les plus expérimentés aux classes dont le niveau est le plus faible serait séduisante s’il s’agissait de remédier à des retards scolaires, mais ces classes ne sont-elles pas plutôt caractérisées par un refus de la scolarité ?
C’est la prévention de ce refus que visent naturellement les deux premières propositions citées. Le rapport donne comme exemple de cette prévention le programme PARLER mis en œuvre dans des quartiers défavorisés de la région de Grenoble.
Les résultats obtenus, portant le niveau des élèves bénéficiant du programme à celui de la moyenne observée en France, voire un peu au dessus, ne me paraissent pas à la hauteur des moyens mis en œuvre qui consistent à faire bénéficier une frange non négligeable des élèves d’un « accompagnement personnalisé voire d’un parcours individuel ».
Ces résultats sont très inférieurs à ceux constatés en Ecosse avec les programmes Clackmannan et Dunbarton. L’explication de cette différence est sans doute que ces programmes reposaient sur la mise en œuvre de méthodes alphabétiques, alors que le programme PARLER ne remet pas en cause les méthodes pédagogiques actuelles. En effet, si, pour la lecture, il est prévu un « enseignement explicite et systématique de la conscience phonologique et du code alphabétique », l’emploi de « mots outils » et celui des manuels de lecture précédemment utilisés est maintenu.
Ce n’est pas, par ailleurs, la création, dans l’espace petite enfance, d’ateliers faisant usage de la langue parlée à la maison qui renforcera la cohésion sociale.
En toute hypothèse, comment financer à une grande échelle de tels programmes ? La lettre adressée au début de l’année par M. Eric Woerth, alors ministre du budget, à tous les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu annonce un déficit de 149 milliards d’euros pour 2010, avec 270 milliards de recettes et 419 milliards de dépenses dont 85 milliards pour l’enseignement et la recherche, à quoi il convient d’ajouter les dépenses supportées par les régions, les départements et les municipalités. Peut-on aller plus loin ?
Enfin, alors qu’un sondage qui vient d’être réalisé par l’IFOP pour le compte de la Fondation pour l’école montre que 74% des Français souhaitent la mise en place d’un chèque scolaire ou d’un crédit d’impôt, pour permettre à chaque famille de financer la scolarité de ses enfants, on peut regretter que le rapport de l’Institut Montaigne ne compte pas la liberté d’enseignement parmi les moyens de vaincre l’échec à l’école primaire, et n’emploie pas une seule fois le mot liberté dans ses 114 pages.
Recteur Armel Pécheul
Lecture, suite 3 : cerveau droit/cerveau gauche
La Lettre
: en quoi l’étude de la façon dont le cerveau fonctionne, par les neurosciences, permet-elle de dire que les méthodes alphabétiques d’enseignement de la lecture sont préférables à celles de type global ?
Philippe Gorre
: première source, le docteur Wettstein-Badour, auteur de Lecture : la médecine au secours de la pédagogie, publié en 1993, et pour lequel elle a été lauréate des Prix d’Enseignement et Liberté en 1994.
Avec une formation en psychiatrie, elle a recherché les causes des difficultés rencontrées à l’école, dès l’apprentissage de la lecture, des enfants que leurs parents avaient amenés à sa consultation pour ce motif.
Elle a constaté, à partir d’une étude portant sur plus de cinq cent cas, que ces enfants ne souffraient pas plus en moyenne de déficiences intellectuelles ou de faiblesses psychologiques que les autres enfants. Elle s’est alors demandé si la façon dont on leur avait appris à lire, avec une méthode semi-globale, pouvait être la source de ces échecs.
La Lettre
: comment a-t’elle procédé ?
Ph G
: en confrontant ce que l’on sait du fonctionnement du cerveau avec les mécanismes auxquels font appel les méthodes alphabétiques et les méthodes semi-globales.
Elle s’est appuyée principalement sur les travaux de l’Américain Sperry, prix Nobel de médecine en 1981. En résumant très grossièrement, alors que l’hémisphère droit du cerveau traite les images par analogie, en les comparant avec celles qu’il connaît, l’hémisphère gauche procède de façon analytique, en décomposant les lettres en leurs éléments les plus simples, boucles et traits.
La méthode alphabétique qui ne propose à la lecture que des mots dont les lettres et syllabes ont été précédemment appris par l’élève permet de reconnaître les mots sans risque d’erreur, alors que toute méthode à départ global est source de confusions entre des lettres telles que p et q ou p et b, rendant plus difficile l’identification du mot écrit au mot oral.
La Lettre
: seconde source ?
Ph G
: Les Neurones de la lecture, ouvrage publié en 2007 de Stanislas Dehaene, membre de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France de psychologie cognitive expérimentale. Il s’agit d’une somme de près de cinq cent pages, reprenant les travaux de l’auteur et de ceux de nombreux spécialistes des neurosciences. Ce que disait Sperry un quart de siècle plus tôt y est affiné, développé et confirmé.
La Lettre
: et qu’en déduit-il pour le choix d’une méthode de lecture ?
Ph G
: en premier lieu, un éreintement de la méthode globale proprement dite dont Jean-Pierre Changeux, préfacier de l’ouvrage, constate que Stanislas Dehaene l’a « définitivement mise en pièces ». Ensuite une confirmation que : « Reconnaître un mot, c’est d’abord analyser sa chaîne de lettres et y repérer des combinaisons de lettres (syllabes, préfixes, suffixes, racines des mots) pour les associer à des mots et à des sens.
La Lettre
: fort bien, mais les tenants des méthodes semi-globales ne prétendent-ils pas procéder ainsi, en partant des mots, au lieu de partir des lettres, comme dans les méthodes alphabétiques ? Stanislas Dehaene se prononce-t-il entre les deux approches ?
Ph G
: oui, à mon sens, quand il écrit (p. 304) : « A chaque étape de l’apprentissage de la lecture, les mots et les phrases proposés à l’enfant ne doivent faire appel qu’aux seuls graphèmes et phonèmes qui lui ont été explicitement enseignés ». Seule la méthode alphabétique peut satisfaire à cette condition.
La Lettre
: quel degré de confiance faut-il, à votre avis, accorder aux théories des spécialistes des neurosciences, quand ils nous disent que telle ou telle zone du cerveau est activée par des opérations telles que le langage, la lecture ou l’écriture ?
Ph G
: un grand degré, si j’en juge, n’ayant pas lu Sperry, par ce qu’écrit Dehaene qui se fonde, avec la prudence et même l’humilité qui caractérisent le vrai scientifique, sur les mesures que l’Imagerie par Résonnance Magnétique permet aujourd’hui de mesurer de cette activité.
La Lettre
: donc, sans l’IRM point de salut ?
Ph G
: c’est ce que dit à peu près un spécialiste de la lecture quand il affirme dans un de ses ouvrages que ceux qui ont prôné la méthode globale n’auraient pas commis cette erreur s’ils avaient disposé des enseignements de l’IRM. Il ne nous dit pas cependant pourquoi Quintilien au premier siècle, Saint Jean-Baptiste de La Salle au dix-septième ou Boscher, auteur de la méthode qui porte son nom, dans la première moitié du vingtième siècle n’ont pas commis la même erreur.
Cette découverte de la spécialisation d’une zone du cerveau gauche pour la lecture est d’ailleurs antérieure à l’invention de l’IRM, puisque Stanislas Dehaene cite le cas, au dix-neuvième siècle, d’un Parisien qui, à la suite d’un accident cérébral, ne savait plus lire, mais pouvait encore écrire. L’autopsie pratiquée après sa mort, quelques années plus tard, a permis de constater que la zone endommagée de son cerveau était celle qu’identifie aujourd’hui l’IRM comme étant celle de la lecture.
La Lettre
: mais les partisans des méthodes semi-globales ne comptent-ils pas dans leurs rangs des spécialistes des neurosciences ?
Ph G
: je ne sais s’il y avait de tels spécialistes parmi les dix-sept chercheurs qui ont cosigné un article intitulé Un point de vue scientifique sur l’enseignement de la lecture et publié dans Le Monde de l’éducation de mars 2006 pour faire obstacle à la volonté de restauration des méthodes alphabétiques exprimée par Gilles de Robien. Mais le rédacteur de cet article avait répondu aux remarques formulées par le docteur Wettstein-Badour :
« Tout ce que je peux dire, c’est que mes propres connaissances du fonctionnement du cerveau ne condamnent en rien les approches analytiques. En fait, je pense que nos connaissances les plus pointues en neurosciences sont encore tellement fragmentaires qu’elles ne peuvent prescrire ou condamner aucune méthode pédagogique. »
Souhaitons que les cerveaux aient évolué dans ce domaine en quatre ans.
La Lettre
: rendez-vous à nos lecteurs pour notre prochain entretien qui portera sur la comparaison des résultats obtenus.
Ph G
: j’espère que la statistique les intéresse !
Le site Internet a reçu 50 000 visiteurs au premier semestre 2010, contre 25 000 pendant celui de 2009.
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