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Lettre N° 106 - 4ème trimestre 2009
Comme je descendais des fleuves impassibles,
Tel le bateau ivre du poème d’Arthur Rimbaud, l’Éducation nationale flotte plus ou moins doucement à la dérive.
Ce n’est pas (comme tente de le faire Luc Châtel avec la réforme du lycée) en modifiant le rôle des professeurs désabusés qui en forment l’équipage ou en multipliant les passerelles pour les passagers-élèves démoralisés que l’on permettra au vieux navire de retrouver son bon cap.
Ce n’est pas non plus en estimant (comme Valérie Pécresse) que les épreuves orales des concours des Grandes Écoles devraient mieux mesurer "l'intensité, et la valeur du parcours" des étudiants, en particulier ceux venus des quartiers défavorisés, que l’on résoudra la question de la présence à l’Université d’étudiants qui ne peuvent malheureusement rien en espérer. C’est encore moins en ouvrant des querelles byzantines sur le montant des quotas de boursiers dans les grandes écoles que l’on inspirera confiance aux nostalgiques de l’ascenseur républicain.
Chacun sait bien que les difficultés de notre système éducatif ne sont pas là. Elles résultent pour l’essentiel d’une vision purement quantitative de la question de son adaptation à l’évolution de notre société. Elles découlent aussi de la pédagogie désastreuse qui, par sa nature même, est associée à cette politique quantitative..
Michel Segal, professeur de mathématiques, décrit très bien la façon dont ceux qui ne veulent pas travailler parviennent à en empêcher ceux qui le voudraient. Sa conclusion sur le collège unique est sans détours : « C’est une vérité bien connue de tous les enseignants, du moins de ceux qui enseignent : le niveau homogène d’une classe est une condition sine qua non de progrès et de bons résultats ».
Le collège unique, la sélection à l’entrée de l’université, les méthodes pédagogiques, la cogestion de l’Education nationale par les syndicats, la règle non écrite fixant à 20 % la part que l’enseignement privé ne peut pas dépasser, autant de questions essentielles qui ne sont jamais traitées dans les modestes lois d’adaptation du système auxquelles chaque ministre de l’Education nationale cherche à associer son nom.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une grande loi d’orientation, avec des ambitions aussi importantes que celles qui inspiraient la loi Jospin il y a vingt ans, mais, évidement avec des choix fondamentalement différents !
Tel est le vœu que je forme au début de cette nouvelle année, avec ceux que j’adresse à tous nos lecteurs.
Recteur Armel Pécheul
La Lettre
: à la fin de l’entretien que nous avons publié dans notre précédent numéro, vous avez indiqué que votre conviction de la supériorité, en toutes circonstances, des méthodes d’enseignement de la lecture appelées alphabétiques, syllabiques ou synthétiques, sur les semi-globales ou analytiques tenait en cinq points. Pouvez-vous développer le premier de ces points ?
Philippe Gorre
: il consiste en ce que les méthodes synthétiques sont faites pour enseigner, au contraire des méthodes analytiques qui sont faites pour découvrir.
La Lettre
: vous précisez, en effet, que, pour cette raison, elles ont été appelées « Méthodes de doctrine ou d’enseignement ». Cependant une recherche sur Internet qui donne plus de trois millions de références pour « méthodes d’enseignement » ne renvoie qu’à notre dernier entretien pour Méthodes de doctrine. D’où tirez-vous cette expression ?
Ph G
: de la sixième édition, parue en 1862, du Dictionnaire universel des sciences, des lettres et des arts de Bouillet. Au mot synthèse, il précise que cette dernière « est appelée méthode de doctrine ou d’enseignement parce que c’est elle que l’on emploie pour exposer les vérités déjà découvertes et en montrer l’enchaînement ».
D’ailleurs, on trouve sur Internet une formulation actuelle à « Méthodes d’enseignement par interpolation et extrapolation ». La méthode syllabique y est donnée comme exemple de la méthode par extrapolation et la méthode globale comme exemple de celle par interpolation.
Dans la première « le savoir est découpé en éléments ; on enseigne les règles d’utilisation de ces éléments que l’élève met en œuvre lorsqu’il rencontre une situation nouvelle ».
Dans la seconde « l’apprenant voit des cas d’école, des formes qu’il doit dans un premier temps reproduire, puis qui constituent une boîte à outils [.] dans laquelle il pioche lorsqu’il rencontre une phrase qu’il n’a jamais lue ».
On conviendra que si ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, l’avantage est aux méthodes synthétiques.
La Lettre
: sans doute, mais les méthodes analytiques existent aussi et elles pourraient obtenir des succès. N’est-ce pas ce que veut dire le spécialiste connu de l’enseignement de la lecture qu’est Roland Goigoux quand il écrit que les apprenants doivent être autant de petits champollions ?
Ph G
: en écrivant cela M. Goigoux néglige le fait que c’est parce qu’un maître lui avait enseigné auparavant le grec et le démotique que Champollion a pu déchiffrer les hiéroglyphes du texte qui figurait dans les trois langues sur la pierre de Rosette.
La Lettre
: mais Pascal n’a-t-il pas retrouvé les trente deux premières propositions d’Euclide sans que personne ne lui ait enseigné les mathématiques ?
Ph G
: si Pascal a pu redécouvrir, après Euclide, que la somme des angles d’un triangle était égale à 180 degrés sans l’aide d’un professeur, c’est parce qu’il avait des dispositions peu communes pour les mathématiques ; mais c’est surtout parce que cette propriété du triangle est une vérité absolue, antérieure à l’apparition de la terre et qui lui survivra.
Au contraire, l’écriture est une convention, un code créé par les hommes, et qui à ce titre n’a pas à être redécouvert mais transmis. D’ailleurs quand Etienne Pascal refusait d’enseigner les mathématiques à son fils, il s’employait à lui apprendre le grec et le latin, en commençant, écrit Mme Périer, sa fille, dans son récit de la vie de son frère, par lui « faire voir les raisons des règles de la grammaire ; de sorte que, quand il vint à l’apprendre, il savait pourquoi il le faisait, et il s’appliquait précisément aux choses à quoi il fallait le plus d’application. »
Il n’y a pas de honte à s’appliquer comme le faisait Pascal.
La Lettre
: les mathématiques, le grec et le latin, ne nous sommes-nous pas éloignés de la lecture ?
Ph G
: vous avez bien fait de m’y pousser : c’est la même objection qui est faite aux méthodes synthétiques et les mêmes principes en faveur des méthodes analytiques qui sont prônés par les zélateurs de la pédagogie nouvelle pour l’enseignement de la lecture et pour toute autre transmission d’un savoir.
La Lettre
: quelle est l’objection ?
Ph G
: que la synthèse, par le fait même qu’elle va du simple au composé, des éléments au tout, est abstraite. Et, en effet, quoi de plus abstrait qu’une lettre, excepté le o qui ressemble à la forme que prennent les lèvres pour le prononcer ?
La Lettre
: ces zélateurs, comme vous dites, craindraient l’abstraction.
Ph G
: ils la craignent, parce qu’ils pensent que les milieux populaires privilégient la pensée concrète et que c’est donc du concret qu’il faut partir pour réaliser la démocratisation de l’enseignement.
La Lettre
: et vous n’êtes pas d’accord avec eux là-dessus ?
Ph G
: c’est évidemment à l’école de donner le goût de l’abstraction aux enfants élevés dans une famille - pas nécessairement d’un milieu populaire – où elle n’est pas à l’honneur.
Ne pas le faire revient au contraire à les en exclure, alors que les enfants dont les parents, professeurs ou autres, savent qu’elle est la clé des études se tireront d’affaire sans l’école.
La Lettre
: et quels sont leurs principes ?
Ph G
: que l’on peut apprendre sans effort, que la culture générale est l’instrument qui permet à la classe dirigeante de se perpétuer et que l’école doit faire passer l’éducation à la citoyenneté avant la transmission des savoirs.
Ces trois principes ont en commun d’être des déductions fausses d’observations exactes et de prospérer sur les ruines causées par leur application.
La Lettre
: Conclusion ?
Ph G
: rappel, plutôt, donné par l’abrégé du dictionnaire de Trévoux (1762), à l’article Méthode : « Il y a deux sortes de méthodes : l’une pour rechercher la vérité, qu’on appelle Analyse ; & l’autre, pour la faire entendre aux autres, quand on l’a trouvée, qu’on appelle Synthèse. »
Cycle de conférences sur la culture
La Fondation pour l’école et l’Institut Libre de Formation des Maîtres proposent un cycle de conférences sur ce thème.
Les prochaines conférences auront lieu le samedi, aux 115-117 rues Notre-Dame des Champs Paris 75006, métro Vavin, RER Port Royal, de 18h à 20h.
Ces conférences sont libres d’accès (gratuites). Il est demandé de s’inscrire préalablement au 01 42 62 76 94 ou
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Conférence 3: Samedi 13 mars 2010
- « La culture supporte-t-elle l'idée de vérité? » par Rémi Brague (philosophe, universitaire (Paris I), spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive, écrivain)
Conférence 4 : Samedi 29 mai 2010
- « Transmettre en démocratie» par Olivier Rey (philosophe, mathématicien (chercheur au CNRS, professeur à l’école polytechnique), écrivain)
La Fondation pour l’école vous invite aussi à signer son appel pour la culture générale :
http://www.fondationpourlecole.org/appel-pour-la-culture.html
L’OIDEL a établi, avec M. Zacharie Zachariev (ancien directeur à l'UNESCO), une bibliographie sur le droit à l'éducation. Elle rassemble plus de 500 ouvrages portant sur les textes les plus importants parmi des plus récents, essentiellement à partir de l’année 2000. Ces textes régissent le droit à l’éducation, expliquant et illustrant sa mise en pratique à travers des situations et des contextes variés. Les ouvrages retenus sont pour la plupart en français ou en anglais.
Cette bibliographie peut être demandée à :
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Le site Internet a reçu 59 760 visiteurs en 2009, contre 52 805 en 2008, soit une hausse de 13 %.
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