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Lettre N° 99 - 1er trimestre 2008
Une décision du Conseil d'ETAT
Le Conseil d’Etat vient de déclarer irrecevable notre demande d’abrogation de l’arrêté du 24 mars 2006 qui définit la façon d’enseigner la lecture.
Le Conseil d’Etat a jugé que nous n’étions pas fondés à agir au motif que l’objet de notre association « n’inclut ni les programmes pédagogiques ni les méthodes d’enseignement ».
Nos statuts ne mentionnent pas non plus l’autonomie des établissements, le collège unique, l’éducation civique, la formation des maîtres, l’autonomie des universités et de nombreux autres sujets qui ont fait et font l’objet de la réflexion et de l’action de notre association depuis sa création sous la forme d’articles publiés dans notre Lettre, de prix attribués ou de colloques organisés.
Le professeur Maurice Boudot et le conseiller d’Etat André Jacomet, auteurs de nos statuts, savaient que l’énumération de ces sujets serait toujours incomplète. C’est pourquoi ils avaient marqué l’attachement de notre association à toutes les libertés, en distinguant seulement la liberté d’existence de l’enseignement privé et les libertés du choix de l’enseignement, et non pas seulement de l’établissement scolaire, à l’intérieur du secteur public.
Au cas où le Conseil d’Etat n’aurait pas retenu ce moyen formel de rejeter notre requête, le Commissaire du Gouvernement l’avait invité à la rejeter sur le fond parce que, selon lui, en disposant que pour enseigner la lecture : « on utilise deux types d’approches complémentaires : analyse des mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants de syllabes ou de mots réels ou inventés », le ministre n’avait pas voulu donner de « portée contraignante à cette disposition » et qu’en conséquence « il ne revient pas au juge de donner à cette disposition une portée impérative que ne lui a pas donné (sic) l’administration ».
Les professeurs des écoles qui rencontreront des difficultés avec leur inspecteur, parce qu’ils emploient des méthodes purement alphabétiques, pourront donc lui répondre qu’il ne lui revient pas de donner à cette disposition une portée impérative que ne lui a pas donnée l’administration.
La reconnaissance par le Commissaire du Gouvernement du caractère facultatif de l’utilisation d’approches complémentaires, et l’illustration dans un jugement de dix lignes du Conseil d’Etat des effets fâcheux de la méthode globale sur l’orthographe, s’ils ne compensent pas le rejet de notre demande d’abrogation de l’arrêté du 24 mars 2006, nous encouragent à continuer notre action.
J’ajoute qu’alors que nous ne demandions évidemment pas au Conseil d’Etat, dont ce n’est pas le rôle, de se prononcer sur l’efficacité respective des méthodes alphabétiques et des méthodes globales, le Commissaire du Gouvernement a avancé qu’aucune pièce versée au dossier ne permet d’affirmer qu’une méthode serait plus à retenir que l’autre, en précisant, en guise d’argument, qu’aucune étude française n’avait été réalisée sur le sujet.
Autant vaudrait excuser un médecin d’avoir laissé mourir un malade de la fièvre, au motif qu’il n’avait pas fait prendre sa température.
Recteur Armel Pécheul
Conclusions du Commissaire du Gouvernement :
Observations en réponse
On trouvera ci-après les observations que nous avons rédigées en réponse aux conclusions du Commissaire du Gouvernement, lors de la séance du 3 mars 2008.
Sur la recevabilité
Les statuts de l’association adoptés en 1983, à l’époque où l’enseignement privé était menacé par le projet présenté par M. Savary d’un « grand service public d’enseignement unifié et laïc », ne pouvaient pas ne pas faire référence expressément à cette menace, ce qu’ils expriment par
Elle (l’association) veille en premier lieu à ce que soient préservées des conditions d'existence de l'enseignement privé conformes à son indépendance et à sa dignité.
Cependant ces statuts ajoutent immédiatement après :
Elle vise à défendre et à promouvoir la liberté du choix de l'enseignement par les intéressés à l'intérieur du secteur public.
En mettant sur le même plan que le premier ce deuxième objectif, alors que l’actualité concentrait l’attention du public sur le premier, les statuts n’entendaient nullement limiter la liberté du choix de l’enseignement dans le public à celle du choix d’un établissement scolaire et restreindre le nombre des intéressés aux seuls parents.
Dans le cas contraire, il eût été alors beaucoup plus facile et plus populaire de revendiquer, en une seule phrase, le libre choix de l’école par les parents, dans le public, comme dans le privé.
Les intéressés étaient nécessairement, et toute l’action de l’association depuis lors le confirme, l’ensemble des parties prenantes, dirigeants et créateurs d’écoles, parents et enseignants, dans l’enseignement.
Ils l’étaient nécessairement sur le plan des principes, parce qu’on ne peut revendiquer la liberté pour les uns sans la revendiquer pour les autres. C’est naturellement sur ce plan que se situait M. Maurice Boudot, premier président de l’association, ancien élève de l’école publique, professeur de philosophie à Paris IV Sorbonne, et sans enfants.
Le libre choix de l’école par les parents perdrait d’ailleurs le plus fort de son sens si toutes les écoles enseignaient de la même façon. A contrario, les méthodes pédagogiques différentes employées par les écoles hors contrat expliquent pour une large part leur audience.
Toute l’action de l’association, action régulièrement approuvée par ses membres lors des assemblées générales, le confirme. Dans sa préface à La Liberté d’enseignement, recueil publié après sa mort, en 2004, de la totalité des articles donnés par Maurice Boudot à la lettre trimestrielle de l’association, de 1983 à 2000, le professeur Roland Drago, alors vice-président de l’association, rappelle ses prises de position sur les Instituts universitaires de formation des maîtres, le port du tchador à l’école, les rapports entre les grandes écoles et l’université, toutes questions étrangères au libre choix de l’école par les parents.
L’index annexé à l’ouvrage reflète la diversité des sujets traités, l’item Pédagogie comportant six références, Lecture six aussi et Illettrisme huit.
Depuis 2000, d’autres articles ont été publiés dans la Lettre et en dernier lieu une opinion sur La liberté pédagogique des professeurs de Mme Zehringer, ancienne présidente de la Société des Agrégés.
Cet intérêt pour toutes les libertés de l’école est manifeste dans toutes les actions de l’association. C’est ainsi que l’on peut citer :
Parmi les ouvrages ayant obtenu un prix secondaire ou une mention, l’un d’entre eux, Dans la jungle des manuels scolaires, par Hélène Huot, traite de questions pédagogiques et un autre, Lecture : la recherche médicale au secours de la pédagogie, traite exclusivement de l’enseignement de la lecture.
Indépendante de tous partis politiques et sans attaches confessionnelles, Enseignement et Liberté a pour objectif de lutter pour que soit expressément assurée et garantie la liberté de l'enseignement, c'est-à-dire le droit imprescriptible des parents de choisir l'école de leurs enfants et des étudiants de choisir leur université. Elle refuse le monopole de l'Etat sur l'éducation et défend le pluralisme scolaire qui comporte la coexistence d'un enseignement public et d'un enseignement privé, financés sur une base égalitaire par les fonds de l'Etat et ceux des collectivités locales.
Elle se préoccupe tout autant de la liberté dans l'enseignement public, dont elle dénonce la centralisation excessive, la politisation accrue et les pouvoirs exorbitants que les syndicats d'enseignants et les « pédagogues » y exercent. Son action dans ce domaine tend à accroître l'autonomie des établissements, à restaurer une véritable neutralité du service public d'éducation et à libérer le pouvoir de décision des multiples contraintes qui pèsent sur lui.
Elle agit aussi pour restaurer les méthodes d’enseignement mises à mal par des pédagogues imprégnés de l’idéologie marxiste. A ce titre elle dénonce les méfaits des méthodes globales et semi-globales d’enseignement de la lecture, toujours prédominantes, en dépit de leur condamnation par le ministre.
En ce qui concerne la question particulière, mais cruciale, de l’enseignement de la lecture, depuis la dénonciation des progrès de l’illettrisme par Maurice Boudot dans la Lettre du troisième trimestre 1987, l’association a participé au débat sur les méthodes en récompensant les ouvrages cités plus haut et
Enfin, si quelques adhérents seulement se sont joints à titre personnel au recours formé par Enseignement et Liberté, c’est parce que l’association n’a pas voulu alourdir le dossier en donnant suite à la proposition d’en faire autant de 417 de ses adhérents.
Sur le caractère impératif
A supposer que l’expression « Pour ce faire, on utilise deux types d’approches… » n’ait pas un caractère impératif, il n’en demeurerait pas moins qu’elle est perçue comme telle, tant par ceux qui se réjouissent de son emploi dans l’arrêté du 24 mars que par ceux qui le déplorent.
Pour les seconds, les qualités de ceux qui se sont joints au recours d’Enseignement et Liberté en témoignent.
Parmi les premiers, les opposants déclarés à la circulaire du 3 janvier, dont la FCPE, la ligue de l’enseignement, le SNUIPP-FSU, le SE-UNSA, le SGEN-CFDT et Philippe Meirieu, lors d’une conférence de presse tenue en mars 2006 se sont réjouis de ce que le projet d’arrêté, censé enterrer la méthode globale, ait évolué, car « la phrase précisant l’existence de deux types d’approches complémentaires dans l’apprentissage de la lecture : analyse des mots entiers en plus petites unités référées à des connaissances déjà acquises et synthèse à partir des constituants, est rétablie ».
Et M. Roland Goigoux, professeur à l’IUFM d’Auvergne, sanctionné par le ministre pour son opposition à la circulaire du 3 janvier, a déclaré : « C’est un texte de statu quo.»
Les conditions sont donc toujours réunies pour que les professeurs des écoles qui voudront utiliser les méthodes alphabétiques soient mal notés.
Site Internet
Le site Internet va être entièrement refondé dans le courant du mois d’avril, avec une présentation plus pratique. Tweet |