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Lettre N° 93 – 3ème trimestre 2006
La réforme de l'enseignement de la lecture : le Ministre ne doit rien céder
La réforme de l’enseignement de la lecture :
Dans le numéro de décembre 2005 de notre Lettre, le docteur Wettstein-Badour nous avertissait que l’intention de M. de Robien de faire cesser l’emploi des méthodes d’inspiration globale pour l’enseignement de la lecture (méthodes baptisées semi-globales, mixtes ou intégratives) se heurterait à des obstacles « infranchissables ».
Elle craignait que le ministre ne tombât dans le « piège redoutable » de ceux qui font désormais croire aux maîtres et aux parents que toutes les méthodes se valent ou, pire encore, qu’elles peuvent utilement se compléter.
En clair, pour l’apprentissage du code alphabétique, c’est-à-dire pour l’apprentissage de la relation entre les sons et les lettres, (ou, pour le dire plus savamment encore entre les phonèmes et les graphèmes), on veut nous faire croire que la manière implicite, qui part des mots, est tout aussi opérationnelle que la manière explicite, qui part des lettres.
On aura reconnu dans la seconde manière la méthode alphabétique (appelée aussi maladroitement syllabique) et dans la première manière les méthodes semi-globales.
Cette croyance n’a d’autre justification scientifique qu’un rapport fait à la demande du Congrès des Etats-Unis par un National Reading Panel – NRP. Ce rapport effectue une synthèse d’études comparant les performances en lecture d’enfants en fonction de la méthode avec laquelle ils avaient appris à lire. Il conclut qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les résultats obtenus par la voie phonoanalytique (méthode implicite et méthodes semi-globales) et la voie phonosynthétique (méthode explicite et méthode alphabétique).
Cette conclusion est tout simplement fausse.
Intrinsèquement fausse, parce que le NRP n’a pas su – ou pas voulu - interpréter correctement les résultats de ses propres calculs.
Extrinsèquement fausse, parce qu’une autre étude, réalisée en Grande-Bretagne, et dont nous avons vérifié la pertinence, montre que les enfants ayant bénéficié de la voie phonosynthétique sont en avance de sept mois et demi en moyenne sur ceux qui ont suivi la voie phonoanalytique.
Ces résultats justifient l’appui très ferme que nous apportons à la démarche de l’actuel ministre de l’Education. Le mal est désormais connu et nous dénonçons depuis longtemps à Enseignement et Liberté les terribles dégâts que la méthode globale a engendrés dans la formation de très nombreux enfants. Ils ne sont pas étrangers à l’absence de repère chez nombre de jeunes gens. C’est parce qu’il ne faut désormais plus reculer que nous avons même formé un recours gracieux contre l’arrêté du ministre en date du 24 mars 2006 qui nous semble en retrait, sinon en contradiction avec son excellente circulaire du 3 janvier dernier.
Il faut que le ministre persiste, y compris en remettant aux ordres les membres de sa propre hiérarchie administrative qui refusent d’exécuter les prescriptions ministérielles. Il a déjà eu le courage de le faire. Il ne doit en aucun cas céder. Nous l’y aiderons, y compris par des voies contentieuses s’il le faut.
Recteur Armel Pécheul
Par une circulaire du 3 janvier 2006 qu’il a présentée et commentée lors d’une conférence de presse le 5 janvier, M. de Robien a proscrit les méthodes d’inspiration globale d’enseignement de la lecture de l’école, en justifiant sa décision par des arguments tirés des neurosciences et par des mesures analogues prises dans d’autres pays, en particulier en Grande-Bretagne.
Ses arguments ont été fortement et parfois violemment contestés par les tenants des sciences de l’éducation, ainsi que par la plupart des syndicats d’enseignants et par la FCPE.
Un arrêté adaptant les programmes a été publié le 24 mars. Cet arrêté, qui modifie les programmes de 2002, a été, dans l’ensemble, accueilli avec satisfaction par ceux qui étaient hostiles à la circulaire, qui y ont vu un retour au statu quo, et avec déception par ceux qui en attendaient la concrétisation des promesses de la circulaire.
Le nouveau programme, en déclarant complémentaires les deux types de méthodes admises par les programmes précédents ne peut que plaire aux partisans des méthodes semi-globales qui pratiquent déjà ce mélange. Les partisans des méthodes alphabétiques ne peuvent qu’être insatisfaits puisqu’en principe les nouveaux programmes interdisent de les employer seules, le texte lui-même et les pratiques constatées conduisant à commencer par un départ global.
Quels sont les arguments des partisans du statu quo ?
A l’exception d’une minorité d’extrémistes, les spécialistes des sciences de l’éducation admettent maintenant que pour savoir lire il faut apprendre ce qu’ils appellent le code alphabétique ou les relations phonèmes/graphèmes, mais ils rejettent la proposition de retourner au b.a.-ba en avançant les arguments suivants :
Ces arguments sont-ils fondés ?
1. Les différences de résultats sont-elles sans signification ?
Cet argument est tiré du rapport publié en 2000 par le National Reading Panel chargé par le Congrès des Etats-Unis d’étudier la question de l’enseignement de la lecture. Le NRP conclut en effet que l’analyse effectuée par ses soins des résultats obtenus par l’une et l’autre méthode ne présentent pas de différence significative.
Cette conclusion est erronée et démentie par une autre étude :
Elle est erronée parce que le NRP a confondu l’analyse statistique destinée à accepter ou à rejeter un risque donné et celle destinée à faire son choix entre les deux termes d’une alternative.
A la question quelle est la meilleure des deux méthodes, le NRP, qui a constaté que la phonosynthétique donnait de meilleurs résultats, dit que l’on a plus de cinq chances sur cent de se tromper en disant qu’elle est meilleure que la phonoanalytique.
Ce n’est pas ce qu’on leur a demandé et la vraie réponse est qu’il y a trois chances sur quatre que la phonosynthétique soit la meilleure.
La conclusion du NRP est démentie par une étude comparant les deux méthodes menée en Grande Bretagne. Cette étude montre que les élèves ayant appris par la méthode phonosynthétique sont en avance de sept mois et demi en moyenne sur ceux ayant appris par la méthode phono analytique.
2. Que vaut la critique de l’ennui de la méthode alphabétique ?
Cette critique est assez fréquente. On la trouve aussi bien dans des textes didactiques, comme Le point de vue de chercheurs sur l’enseignement de la lecture publié dans Le Monde de l’éducation de mars 2006 que dans des textes polémiques, comme celui de la brochure syndicale Apprendre à lire « pas si simple ! ».
La réponse à cette critique doit être cherchée dans l’examen des méthodes que proposent les nouveaux pédagogues. En résumé (nous y reviendrons) mieux vaut ânonner quelque temps que balbutier toute sa vie.
Apprendre à lire « pas si simple ! »
Ce document de quatre pages, diffusé à 500 000 exemplaires par une douzaine d’organisations et syndicats d’enseignants de gauche et la FCPE, association de parents d’élèves, affirme en préambule que : « les jeunes n’éprouvent pas plus de difficultés que leurs aînés, bien au contraire. », car, « L’INSEE dénombrerait, en effet, 4% d’illettrés chez les 18-24 ans pour 14% chez les 40-54 ans et 19% chez les 55-65. »
Il y aurait donc presque cinq fois plus d’illettrés (19/4) chez les plus âgés que chez les plus jeunes, ce qui justifierait la façon dont est enseignée la lecture aujourd’hui.
Est-ce exact ?
L’enquête de 2004
Une recherche sur l’illettrisme sur le site de l’INSEE conduit à l’enquête Information et vie quotidienne qui a fait l’objet de deux publications, dans le numéro 1044 d’INSEE PREMIERE d’octobre 2005 et, en 2006, dans Données sociales (pp. 195-202).
Les pourcentages de personnes « en graves difficultés dans le domaine de l’écrit », parmi celles résidant en France métropolitaine, sont de 4 pour les 18-29 ans et de 13 pour les 60-65 ans, soit un rapport de 1 à 3.
S’agissant des personnes ayant été scolarisées en France, les seules à prendre en compte pour apprécier la variation dans le temps de la qualité de l’enseignement de la lecture dans notre pays, les pourcentages de personnes « en difficulté devant l’écrit » sont de 11 pour les 20-29 ans et de 28 pour les 60-65 ans, soit un rapport de 1 à 2,5, deux fois plus faible que celui donné dans Apprendre à lire « pas si simple ! »
L’enquête de 2002
Un complément de recherche sur le site de l’INSEE permet de retrouver les taux de 4% et de 19% cités dans Apprendre à lire « pas si simple ! » de personnes éprouvant des « difficultés sensibles devant l’écrit », dans le numéro 959 d’avril 2004 d’INSEE PREMIERE. Ce numéro rend compte d’une Enquête méthodologique sur l’Information et la Vie Quotidienne réalisée en 2002 auprès de personnes résidant en France métropolitaine.
Le rédacteur précise que : « 40% des plus de 55 ans n’ont pas dépassé l’enseignement primaire contre moins de 5% parmi les moins de 40 ans, ce qui explique une grande part de l’écart dans le domaine de la lecture. De plus pour certaines personnes, une faible pratique de l’écrit depuis la sortie du système éducatif a pu provoquer l’effritement des compétences initialement acquises. »
Pourquoi avoir choisi les chiffres de l’enquête de 2002 ?
Sont-ce les plus faciles à trouver ? Non, bien au contraire. Sont-ils plus fiables que ceux qui leur sont postérieurs ? Non, bien au contraire, le texte de présentation précise qu’il s’agit d’une enquête méthodologique, le nombre de personnes interrogées est plus faible que celui de la seconde enquête et elle ne distingue pas les personnes ayant accompli leur scolarité hors de France.
Leur seul avantage, si c’en est un, est de paraître aller dans le sens souhaité par les auteurs de la brochure.
Peut-on conclure ?
Les résultats de l’enquête de 2002 permettent-ils d’affirmer que : « les jeunes n’éprouvent pas plus de difficultés que leurs aînés, bien au contraire. » ? Non, le rédacteur met expressément en garde le lecteur contre une telle interprétation (cf. citation plus haut). Et ceux de l’enquête de 2004 ? Pour les rédacteurs de Données sociales, elle ne permet pas de trancher à niveau de formation égal et on ne pourra le faire que dans quelques années, si une nouvelle enquête permet de voir comment ont évolué les compétences de chaque tranche d’âge.
C’est un point de vue raisonnable. Indiquons d’ailleurs que, si l’on veut classer les tranches d’âge par ordre de compétence en lecture à niveau de diplôme égal, les 60-65 ans arrivent bon derniers, mais les 20-29 ans sont avant-derniers, avec en tête les 40-49 ans suivis des 30-39 ans puis des 50-59 ans.
www.enseignementliberte.org
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