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Lettre N° 90 – 4ème trimestre 2005
La flambée de violence dans les banlieues et les ZEP
La flambée de violence dans les banlieues et les ZEP
Pour les historiens, les événements de l’automne 2005 resteront certainement aussi importants que ceux que la France a traversés au mois de mai 1968. C’est, en effet, d’une césure de civilisation qu’il s’agit : rien ne sera plus comme avant.
D‘ailleurs, à bien des égards, la flambée de violence dans les banlieues est l’héritière de 1968. Le bannissement de l’autorité dans l’acte éducatif, la suppression des règles et des normes à l’école, le mythe de l’épanouissement personnel de l’enfant, la repentance généralisée, le refus de transmettre les valeurs de notre civilisation… sont directement à l’origine de la violence urbaine en général et de la violence dans les collèges et les lycées en particulier.
Les pouvoirs publics ont-il pris l’exacte mesure de ces événements ? Accepteront-ils enfin d’admettre que l’Éducation nationale a gravement failli dans sa mission d’instruction et d’assimilation de tous les élèves depuis toutes ces années ? Décideront-ils enfin que la réponse à apporter à ces questions ne se limite pas au volet social ou à l’adjonction de moyens financiers supplémentaires ? Il y a fort à parier que non.
La politique des ZEP en constitue une malheureuse illustration. Chacun sait bien que celle-ci a échoué tant elle concentre tous les défauts actuels de l’Education nationale.
En 1982, 10,2% des collégiens étaient en ZEP… Ils sont près de 17 % aujourd’hui (à peu près 450 000 élèves des collèges sont en ZEP sur environ 2,6 millions d’élèves publics ; 876 collèges sont classés en ZEP sur un total de 5 200 collèges, soit plus de 17% des collèges).
Pour les écoles primaires, les élèves scolarisés en ZEP sont à peu près 700 000 sur 3 millions d’élèves, soit 23% des élèves du primaire public (5 571 écoles primaires sont classées en ZEP sur un total de 34 804, soit 16% des écoles primaires).
Malgré les plans de relance successifs depuis près de vingt-cinq ans, les élèves des ZEP restent « à la traîne » (le taux de réussite au brevet est inférieur de 12 % dans les ZEP par rapport aux autres collèges : 67% en ZEP contre 79% hors ZEP).
Plus grave encore : à la sortie de l’école primaire, 18% des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base de la lecture ; le pourcentage monte à 37% dans les ZEP.
C’est dire que la ZEP comme instrument d’expérimentation pédagogique est un échec.
Selon l’INSEE « la mise en place des ZEP n’a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves ». Certains chercheurs affirment même que les élèves des ZEP réussissent un peu moins bien qu’ils ne réussiraient ailleurs.
« La mise en place des ZEP n’a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves, mesurée par l’obtention d’un diplôme, l’accès en quatrième, seconde, et l’obtention du baccalauréat […] Les primes et les dimensions qualitatives des ZEP […] projets éducatifs, etc… n’ont pas d’impact sur la réussite scolaire »
Économie et Statistique, n° 380, 2004, p. 18.
En réalité, les objectifs des ZEP sont dilués dans un magma de considérations psychopédagogiques (l’école est un lieu de vie, les activités socio-éducatives, culturelles, sanitaires sont essentielles…) au lieu de se concentrer sur les apprentissages fondamentaux (lire, écrire, compter, apprendre la langue et l’histoire de la France).
Ainsi, et comme d’habitude, la « socialisation des élèves » l’a emporté sur la transmission des savoirs. C’est le « modèle post-républicain de la communauté éducative super-sympa et immergée dans le social » pour reprendre le propos d’Alain Finkielkraut.
Les ZEP sont dès lors devenues une espèce d’équipement polyvalent de quartier ouvert à tous les vents.
On a alors dissimulé l’échec scolaire derrière l’échec social. Et chaque nouvel échec s’est nourri de la surenchère financière.
C’est si vrai qu’aucune évaluation, ni sérieuse, ni régulière, n’est menée pour comparer les résultats dans les ZEP par rapport aux établissements non classés en ZEP.
Malgré les moyens croissants mis à la disposition des ZEP, aucun recueil systématique de données statistiques n’a été organisé en vue de l’évaluation des ZEP par le Ministère de l’Education nationale.
Pour le dire autrement, l’efficacité globale des ZEP et la capacité des ZEP à corriger l’inégalité des chances ne sont pas établies. Les statistiques précitées démontrent même le contraire.
La conclusion s’impose d’elle-même : il faut supprimer les ZEP qui constituent des ghettos scolaires dans lesquels l’échec de l’école est encore plus criant qu’ailleurs. Il faut, en revanche mettre les moyens nécessaires au profit de l’apprentissage systématique et renforcé de la langue française, de l’histoire de France et du respect du principe d’autorité dans tous les établissements scolaires publics. Il est aussi devenu indispensable de supprimer la carte scolaire pour permettre aux parents responsables de choisir les meilleures écoles pour leurs enfants. Il serait enfin de bonne politique de redistribuer les moyens financiers gaspillés dans les ZEP sous forme de bourses aux élèves méritants pour permettre aux parents d’exercer leur libre choix de l’école.
Ce n’est donc pas un nouveau plan social pour les ZEP dont la France a besoin. A vouloir l’ignorer encore la France, ou ce qu’il en restera, se prépare de bien tristes lendemains.
Recteur Armel Pécheul
Méthode globale : la réaction du Dr G. Wettstein-Badour
Voici les réactions que m’inspire la dépêche AFP de ce jeudi 8 décembre 2005 intitulée : Gilles de Robien supprime la méthode globale d’enseignement de la lecture.
Par cette déclaration le Ministre me semble être tombé dans un piège redoutable. Il va lui être rappelé que la méthode globale n’est plus appliquée en France depuis plus de vingt ans et qu’elle a été remplacée par des méthodes intitulées semi-globales, mixtes, naturelles et tout dernièrement « intégratives » (cf. Roland Goigoux, Libération, 2 septembre 2005) qui vont lui être présentées comme équivalentes aux méthodes alphabétiques puisqu’elles aboutissent, comme elles, pour les enfants qui y parviennent, à la connaissance du « code alphabétique de la langue ».
La notion de « nécessaire connaissance du code alphabétique de la langue » a été introduite pour la première fois dans les textes de la réforme Lang/Ferry (BO Éducation nationale février 2002) puis reprise dans la loi d’orientation Fillon. L’habileté de cette formulation est remarquable car elle permet de faire croire que l’on utilise désormais des procédés alphabétiques pour apprendre à lire aux enfants alors qu’il n’en est rien. Toute l’ambiguïté vient du fait que dans tous les cas la connaissance du code alphabétique est indispensable à la lecture et que le seul élément qui différencie les méthodes les unes des autres est la manière dont on parvient à la connaissance de ce code.
Les méthodes alphabétiques apprennent à l’enfant de manière explicite le lien qui unit les sons aux signes qui les représentent.
Elles partent des lettres qu’elles assemblent progressivement les unes aux autres. Leur démarche, analytique va du simple au complexe.
Toutes les autres méthodes sans exception font découvrir le code alphabétique de manière implicite
, par comparaison de phrases dans lesquelles sont isolés des mots, des syllabes, puis, ultérieurement, des lettres. Elles partent du plus complexe pour aboutir au plus simple. Cette approche de la lecture, contraire aux exigences du fonctionnement cérébral qui, dans tous les cas, doit utiliser la voie analytique, constitue un handicap majeur pour un grand nombre d’enfants.
La totalité des livres recommandés par les Inspecteurs en CP correspondent à cette démarche. Ils exigent que ces pédagogies – et elles seules- soient mises en œuvre dans les classes. La formation initiale dans les IUFM ainsi que les journées pédagogiques sont entièrement axées dans cette direction. Le refus de prise en compte des exigences du fonctionnement cérébral est total chez ceux qui décident des orientations pédagogiques. Les maîtres qui souhaitent appliquer d’autres méthodes sont sanctionnés. Aucun ministre ne pourra changer les pratiques pédagogiques sans l’accord de ceux qui détiennent le pouvoir de décision en ce domaine.
M. de Robien sera donc dans l’impossibilité d’atteindre l’objectif qu’il s’est fixé car à mon avis il va se heurter à des obstacles infranchissables.
S’il parvenait simplement à obtenir que la liberté de choix pédagogique dont les maîtres sont censés disposer devienne effective dans les faits et que ceux qui souhaitent utiliser des pédagogies différentes ne soient plus sanctionnés ou soumis a des pressions intolérables, ceci serait une avancée considérable, permettrait d’espérer un véritable changement
et constituerait une brèche dans la citadelle !
Notre association tient à honorer le souvenir de Jean Cazeneuve dont le décès récent nous a tous profondément atteints. Il était membre, et membre très actif, d’Enseignement et Liberté depuis sa fondation. Sa grande connaissance des problèmes scolaires et universitaires l’avait conduit à être président du jury qui, tous les deux ans, attribue des prix à des ouvrages d’actualité concernant ces questions. Les séances de ce jury avaient, grâce à lui, grâce à son autorité, à sa compétence et à son sens de la mesure, une portée intellectuelle et publique incontestable. Les membres de ce jury se souviendront longtemps de son affabilité, de sa culture et de son esprit.
Sa carrière fut atypique et fulgurante, d’abord certes intellectuelle mais aussi au service des techniques les plus nouvelles et de l’État. Normalien, professeur d’université, spécialiste de l’histoire et de la sociologie, il fut ensuite appelé à de très hautes fonctions dans des domaines relevant de responsabilités publiques majeures dans la dernière partie du xxe siècle. Avant de les évoquer, il convient aussi de dire que, pendant ses études, il fut recruté comme pensionnaire de la Fondation Thiers et devint ensuite administrateur de cette institution prestigieuse. Ceci pour indiquer que, lors d’une réunion très récente des anciens membres de la Fondation, il a pu lui être rendu hommage.
Les travaux qu’il avait déjà entrepris dans ce domaine et son indépendance en tant qu’universitaire incitèrent les pouvoirs publics à lui donner des fonctions majeures dans la radio-télévision, à l’époque monopolistique. De 1964 à 1978, il exerça ses fonctions à l’ORTF, institution aujourd’hui l’objet de regrets et de nostalgie, puis comme président-directeur général de TF 1. A cette même époque, il publie aussi de nombreux ouvrages prophétiques sur la place de la radio et de la télévision dans les sociétés modernes, notamment Les Communications de masse (1976). Et toutes les attributions qui lui furent confiées depuis cette époque montraient qu’il était un maître dans l’étude de ces problèmes si fondamentaux aujourd’hui.
En 1978, il est nommé ambassadeur et représentant de la France au Conseil de l’Europe. C’était lui donner une place fondamentale dans l’État sans que, pour autant, il cesse d’être un spécialiste de la radio et de la télévision. En 1973, il avait été élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques, dans la section de Morale et Sociologie, et fut le président de l’Académie en 1983. On ne s’étonnera pas de constater qu’il y occupa une place essentielle dans un milieu qui, tout en appréciant sa spécialité, le voyait revenir à sa formation initiale. Ceci lui permit d’élargir son activité dans le domaine philosophique, en publiant d’autres ouvrages imprégnés de ses qualités d’historien et de sociologue, mais aussi souvent attachants en raison de son humour.
Tel était Jean Cazeneuve, notre ami. Nous ne l’oublierons pas.
Roland Drago
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