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Lettre N° 87 – 1er trimestre 2005
Editorial
Le docteur Ghislaine Wettstein-Badour nous a transmis copie de la lettre ouverte qu’elle a adressée à M. François Fillon à propos de l’apprentissage de la lecture. Elle nous a proposé de la rendre publique.
Nous le faisons très volontiers. Nous n’avons cessé, depuis le Prix Enseignement et Liberté que nous lui avons décerné pour son premier ouvrage, de l’aider à diffuser ses idées. Nous le ferons jusqu’au jour où un ministre aura le courage de mettre en demeure les gourous pédagogistes de répondre aux arguments qui leur sont opposés, au lieu de se réfugier derrière l’argument d’autorité
On peut toujours espérer, même si la récente loi sur l’Ecole adoptée dans l’urgence au mois de mars dernier est encore une occasion manquée à cet égard.
Le Groupe de travail que nous avions constitué pour suivre la discussion de la loi Fillon sur l’école avait pourtant bien œuvré.
Nous avons adressé de nombreuses propositions d’amendements aux parlementaires, et notamment des propositions d’amendements sur l'apprentissage de la lecture. Elles n’ont guère retenu leur attention. Ils avaient sans doute conscience que le projet de loi s’écroulerait comme un décor de carton si l’on tentait de l’améliorer.
A moins que nos élus n’attendent la prochaine réforme. D’aucuns, parmi les responsables politiques de la majorité (et non des moindres) l’ont déjà annoncée.
Cependant nos travaux ont pu contribuer à l’affirmation dans le rapport annexé à la loi d’orientation que « Dans le respect de leur liberté et de leur responsabilité pédagogiques, les enseignants du premier degré seront informés des méthodes d'enseignement de la lecture qui ont prouvé leur efficacité, parmi lesquelles les méthodes syllabiques, afin de leur permettre d'effectuer un choix pertinent ».
Souhaitons, sans nous faire trop d’illusions, que cette information soit effective et efficace
Nous aurons au moins pris date !
Recteur Armel Pécheul
Lettre ouverte au ministre de l’Education nationale
J’ai publié en 1993 mon premier ouvrage Lecture : la recherche médicale au secours de la pédagogie… Depuis 1993, il m’a semblé faire mon devoir en écrivant au ministre de l’Education nationale, quel qu’il soit, chaque fois que dans un texte émanant de lui, la pédagogie du langage écrit (lecture, écriture et orthographe) a été abordée. Je ne me suis jamais fait d’illusions sur la suite qui serait donnée à mes courriers mais au moins personne ne peut me reprocher aujourd’hui de m’être tue alors je dispose depuis longtemps d’éléments pouvant être utiles à tous les enfants scolarisés quelle que soit leur appartenance socio-familiale.
C’est ainsi que ces dernières années je me suis exprimée :
- sur la réforme Lang / Ferry de 2002 ;
Au moment où la loi d’orientation que vous avez préparée vient, avec un certain nombre d’amendements, le temps me semble venu de vous exprimer mon point de vue sur les parties du texte qui concernent directement ou indirectement l’apprentissage du langage écrit (lecture, écriture et orthographe).
-1°- la question des pédagogies
Il est stupéfiant de constater, mais c’est la triste réalité, que les responsables en matière de pédagogie du langage écrit dans notre pays comme dans beaucoup d’autres, ignorent superbement ce que l’on sait sur le fonctionnement du cerveau humain et se comportent comme des entraîneurs sportifs qui refuseraient de respecter les spécificités du cœur, des muscles ou des poumons de leurs athlètes pour les entraîner ! A. Bentolila qui fut un des proches conseillers de trois ministres de l’Education nationale, n’a-t-il pas écrit en 1996 : « Ce n’est pas dans le cerveau des illettrés que l’on découvrira les causes de leur handicap » ! » (cf. : De l’illettrisme en général et de l’école en particulier). A vrai dire cette prise de position n’avait rien pour me surprendre puisqu’en 1995 ou 1996 une personnalité qui devait devenir quelques mois plus tard le directeur des écoles m’a déclaré textuellement devant 400 personnes stupéfaites : « docteur, ce que vous dites est certainement très intéressant mais les enseignants n’en ont strictement rien à faire » ! On mesure la gravité de ces affirmations lorsqu’on sait que la pédagogie a non seulement un impact sur la qualité de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de l’orthographe mais aussi, comme le prouvent les dernières études pratiquées en IRM fonctionnelles (2003-2004), qu’elle est capable de modifier l’anatomie du cerveau ainsi que la structuration des circuits qui unissent entre eux les neurones. Laresponsabilité des décideurs en matière de pédagogie est donc déterminante pour l’avenir des élèves qui leurs sont confiés et tout choix malencontreux peut avoir des répercussions redoutables sur l’organisation de la pensée conceptuelle qui utilise les réseaux du langage (abstraction, raisonnement, analyse et synthèse). Il serait donc grand temps que l’éducation nationale, à tous ses niveaux, sorte d’un obscurantisme digne des médecins de Molière et prenne en compte les connaissances les plus récentes qui sont à sa disposition. Malheureusement, comme je peux le constater tous les jours dans ma pratique médicale, cette démarche se situe aux antipodes de ses préoccupations !
-2°- la question de l’aide aux élèves en difficulté et mes observations sur le « programme personnalisé de réussite scolaire » (PPRS)
J’assiste à mon niveau de praticien à un phénomène de médicalisation le plus souvent sans fondement et, de plus très coûteux, pour traiter l’échec de l’apprentissage du langage écrit. En général les choses se passent de la façon suivante : lorsque la pédagogie d’apprentissage de l’écrit proposée dans une classe ne convient pas à un enfant qui se trouve donc être en échec parce que le « déclic », selon l’expression plaisante de nombreux enseignants, ne s’est pas produit, le Système se mobilise de façon étonnante, et même parfois choquante. Il m’est en effet donné de voir des parents convoqués avec leur enfant devant un aréopage (directeur, instituteur, conseiller d’éducation, enseignant pour « remédiation », psychologue, médecin scolaire, parfois psychiatre). Ils ont le sentiment de se trouver devant un tribunal de pays totalitaire qui le plus souvent les presse de commencer sans délai une rééducation orthophonique et/ou, ce qui est beaucoup plus grave, des thérapies psychologiques ou psychiatriques alors que, le plus souvent, selon mon expérience, la solution est simplement d’apporter à l’enfant des pédagogies qui lui conviennent. On en arrive parfois à la lettre RAR des parents au Directeur pour mettre fin à des situations inacceptables (j’ai deux cas qui datent de moins d’un mois à l’esprit !). Seuls les enfants dont les parents ont une personnalité solide, un bon équilibre familial et des moyens financiers suffisants peuvent éviter le « parcours du combattant », trop fréquemment stérile, que le Système veut leur imposer et qui peut durer plusieurs années ! Les autres, donc les moins favorisés, sont embarqués dans la « galère» à grands frais pour la Sécurité sociale et donc pour le contribuable, et, bien malheureusement, souvent sans succès !
Ce constat me conduit à penser que le « Système » a déjà largement anticipé à sa manière, c'est-à-dire de façon « totalitaire», les PPRS décrits aux pages 22 et 23 du rapport annexe à la loi. C’est pourquoi je me permets d’attirer votre attention sur les risques potentiels majeurs de dérives que ce dispositif comporte. Il recèle un danger tant au plan du droit des parents qu’à celui des droits de l’homme en général avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Certes l’intention n’est pas mauvaise mais vous savez comme moi que l’enfer en est très souvent pavé !
-3°- la question de l’introduction de la première langue vivante en CE2 puis en CE1
Sur ce sujet je serai très brève pour simplement exprimer l’idée qu’il faut d’abord maîtriser sa propre langue avant d’en aborder une autre (la seule exception concernant les enfants bilingues dès la naissance auxquels les parents s’adressent en permanence en deux langues). Quand on connaît, ce qui est mon cas, le nombre d’enfants qui échouent en CP et plus tardivement parce qu’ils ne parviennent pas à discriminer tous les sons de leur langue maternelle, on considère que l’introduction d’une langue étrangère est non seulement inefficace mais représente une faute pédagogique lourde de conséquences.
En conclusion :
Depuis 13 ans maintenant, j’ai alerté tous les ministres de l’Education nationale qui se sont succédé sur les questions concernant la pédagogie du langage écrit en prédisant chaque fois l’échec des mesures que les uns et les autres ont prises à ce sujet. J’ai, malheureusement, chaque fois eu raison.
A mon grand regret je suis donc contrainte aujourd’hui de vous annoncer que vous échouerez, vous aussi, tout simplement parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. En tant que ministre je constate que vous avez esquivé (et même évacué publiquement en estimant que certains lui donnent trop d’importance) la question cruciale de la pédagogie du langage écrit car c’est un sujet qui « fâche » et comporte donc des risques pour l’homme politique avisé que vous êtes ! Vous confierez donc au haut Conseil de l’éducation créé par votre loi la tâche, parmi ses missions, de fournir des avis sur la pédagogie.
Si vous consultez ce Haut Conseil sur la question des méthodes d’apprentissage du langage écrit, j’examinerai bien évidemment avec soin ses recommandations puisqu’il est prévu qu’elles soient rendues publiques et je ne manquerai pas de vous faire connaître mes réactions. Je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur ce qui va se passer car il est très probable que ce nouvel aréopage soit constitué, comme tous les groupes de travail ou commissions des années récentes, à côté de quelques « faire-valoir », d’une majorité de personnalités issues du sérail ministériel et du monde des « sciences » de l’éducation dont l’une des caractéristiques principales est d’être enfermées dans leurs certitudes y compris quand elles sont fausses! Quant à son président je ne serais pas étonnée qu’il ait un profil proche de celui du directeur de l’évaluation et de la prospective du ministère que j’ai rencontré en 1993. Si telle est la situation, nous serons alors dans le caricatural absolu !
Ceci étant, je suis optimiste car de même que les plus sceptiques ont dù reconnaître, quand il n’a plus été possible pour eux de faire autrement, que c’est la terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse, de même les grands maîtres des « sciences » de l’éducation et les « gourous-pédagogues» qui les entourent devront, eux aussi, un jour, à leur corps défendant, s’incliner devant le fait que l’homme apprend avec son cerveau et admettre que les pédagogies les plus efficaces sont celles qui respectent et facilitent son fonctionnement. Dans l’intérêt des enfants, le plus tôt sera évidemment le mieux !
G Wettstein-Badour
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www.enseignementliberte.org
Le site a eu 7000 visiteurs au cours du premier trimestre.
Nous venons d’y faire paraître, à la rubrique lecture, une nouvelle étude du docteur Wettstein-Badour « Apports des neurosciences et pédagogie du langage écrit », ainsi que deux textes (en anglais) du docteur Jack Fletcher de l’université de Houston au Texas sur le même thème.
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