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Lettre N° 56 - L’ÉCOLE ET LE SEXE (2)
Depuis quelques semaines, une intense campagne de presse et de télévision nous révèle de façon répétée des affaires de pédophilie dans lesquelles les coupables seraient des enseignants qui auraient bénéficié d’une certaine complicité de la hiérarchie administrative de l’Éducation nationale qui, pendant un très long temps, appliquait la loi du silence. Aujourd’hui, grâce à une conférence internationale à Stockholm, et à l’activisme des journalistes, on serait passé des ténèbres à la lumière et tout serait étalé sur la place publique !
Cette présentation qui fait des instituteurs (à la rigueur des professeurs de collèges) de véritables boucs émissaires (car c’est d’eux qu’il s’agit, compte tenu de l’âge des élèves, si on veut proprement parler de pédophilie) a quelque chose d’irritant. D’abord, il est faux que par le passé, la hiérarchie ait été tellement indulgente et ait cherché exclusivement à étouffer le scandale. Si les affaires de ce genre étaient traitées avec discrétion, c’était souvent à bon droit. Notre société impudique, pour ne pas dire exhibitionniste, a un peu trop tendance à transformer aux dépens des victimes n’importe quelle affaire en reality-show ! De plus, ici encore plus qu’ailleurs, la prudence s’impose avant de porter des accusations dont on sait quelles traces elles pourront laisser, même si elles ne sont pas fondées. Personne n’ignore que les enfants sont fabulateurs et c’est pourquoi l’appel aux sycophantes, sous prétexte de vigilance, est très inopportun. Autrefois, les organisations syndicales de gauche avaient produit un film passablement niais montrant un instituteur vertueux, victime des calomnies et des provocations d’une grande fillette (Les Risques du métier). Je ne souhaite pas qu’après une période d’accusations incontrôlées on en vienne à regretter que ce film ne soit plus diffusé. Toutes les corporations d’enseignants ont subi de tout temps de telles calomnies. Il suffit de lire la chanson que Béranger composait sous la Restauration au sujet des jésuites, intitulée "Les Révérends Pères", qui les accuse de tendances pédophiles teintées de sadisme (cf. Michel Leroy, Le Mythe jésuite, p. 34-35, PUF). Quant à la discrétion qu’on réprouve en ce cas, elle est louée lorsqu’il s’agit par exemple de dissimuler la violence ordinaire (celle que je nommerai "la violence des banlieues", pour faire simple) jusqu’à estomper l’assassinat d’une victime de racket, âgée de quinze ans, à Bondy, ou la grève d’un collège de Sevran dont élèves et professeurs sont accueillis par les CRS qui chargent lorsqu’ils vont protester contre la violence qu’ils subissent. Vraiment en fait de discrétion souhaitée, selon le secteur qu’elle concerne, il y a deux poids et deux mesures ! Mais venons-en au fait : on doit constater qu’une bonne partie des scandales qui nous sont rapportés ne concernent pas l’école elle-même, mais une nébuleuse d’associations plus ou moins officielles, plus ou moins liées à l’Éducation nationale (certaines d’ailleurs agissant sous tutelle judiciaire), toutes ayant d’ailleurs des finalités élevées de type "protection et défense de l’enfance". C’est en tant qu’ils travaillent dans ces associations ou y officient comme bénévoles que des enseignants sont impliqués. La salle de classe est relativement épargnée tandis que les dépendances des maisons de jeunes ou clubs de vacances sont le théâtre des opérations. Et on découvre ainsi que gravite autour de l’éducation tout un univers où le recrutement des "animateurs" est très mal assuré et leurs activités très mal contrôlées, laissant place du coup à toutes les dérives. C’est parce que l’école a perdu son austère mais splendide isolement qu’elle est devenue si vulnérable et se révèle incapable de protéger les enfants. Encore pourrait-on supposer que le développement de ces activités associatives a quelque raison d’être dans la dissolution de la famille, dont le périscolaire vient compenser l’absence. Les conséquences déplorables ne seraient qu’un aspect d’un mouvement qui aurait par ailleurs des côtés positifs. Mais il y a aussi le discours qu’on voudrait voir tenu dans les Écoles en matière d’information et d’éducation sur la sexualité. En la matière, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on a agi de façon inconsidérée. Au B.O. est publiée une circulaire datée du 15 avril 1996, sous le titre : "Prévention du sida en milieu scolaire ; Éducation à [sic] la sexualité". Elle annule la circulaire du 23 juillet 1973, qui voulait qu’on s’en tienne à l’information sexuelle (et non à l’éducation) et lui maintenait un caractère facultatif. Ce texte modéré et équilibré est tenu pour dépassé et on décide d’introduire dans les classes de 3e et 4e des collèges des séquences obligatoires d’éducation sexuelle, confiées à des professeurs volontaires, mais formés dans des organismes officiels. Si on lit les objectifs de cette éducation, objectifs "communs à tous les niveaux d’âge" est-il précisé, on restera rêveur : "construire une image positive de soi-même et de la sexualité ... comprendre qu’il puisse y avoir des comportements sexuels variés sans penser de ce fait qu’on les encourage parce qu’on les comprend ... adopter une méthode critique sur les stéréotypes en matière de sexualité visant les représentations exagérément idéalistes, irrationnelles et sexistes". Quand on pense qu’il s’agit de s’adresser à un public de quatorze-quinze ans, on mesurera le caractère outrancièrement ambitieux de ce programme qui ne pourra que s’égarer du côté de ses aspects les plus scabreux. Lorsqu’on tient compte du fait que toutes les classes sont mixtes, constituées de populations hétérogènes quant à l’âge, quant au degré de développement physique et intellectuel, hétérogénéité accentuée par le brassage des populations, que les traditions culturelles des familles font qu’elles portent un regard très variable sur la sexualité, il va sans dire que le programme tracé est irréalisable. Quel discours tenir à ces fillettes voilées qui hier encore refusaient les cours de gymnastique et qui s’adresse en même temps aux autres élèves ? En sortant des missions qui sont traditionnellement les siennes (d’abord apprendre à lire, écrire, compter, et plus généralement transmettre le savoir) pour donner des règles de vie sur lequel le consensus est mal établi, l’école n’a rien obtenu de bon, mais elle a fragilisé les moins équilibrés des enseignants. C’est en ce sens qu’il y a une responsabilité de l’Éducation nationale dans les affaires présentes. Mais cette responsabilité, elle est celle des hommes politiques qui régnaient sur ce ministère. M. B Tweet |