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Lettre N° 22 - LETTRE D’AMERIQUE (2)
Un de nos administrateurs, nous a adressé des Etats-Unis les observations suivantes sur les rapports entre l’école et l’instruction religieuse. C’est un très ancien sujet de controverse aux Etats-Unis, mais il est très atténué aujourd’hui du fait que le secteur public de l’Education s’impose une laïcité rigoureuse. On n’imagine plus un seul principal ou maître d’école qui laisserait percer dans son établissement la moindre référence à quelque confession ou attitude spirituelle que ce soit. S’il manquait à la règle il s’exposerait à une critique immédiate, voire même à un recours judiciaire entrepris par un parent d’élève mauvais coucheur ou par un élu local qui se voudrait le gardien farouche de la Constitution. Car toute l’affaire découle de la lettre des Premier et Quatorzième Amendements à la Constitution qui promettent à la foi la neutralité religieuse de l’Etat, et des collectivités publiques en général, et l’exercice sans entrave de la liberté de pensée comme l’un des droits fondamentaux du citoyen. Les conflits ont été nombreux, vifs et même homériques, avant d’en arriver là où l’on en est, mais de ces débats presque éteints quelques braises parfois sont ranimées et l’on peut rappeler à cet égard la tentative du Président Reagan en 1982 de faire remettre en honneur une prière du matin dans les écoles élémentaires. Il s’agissait, dans l’esprit du Président, d’amorcer un renouveau des bonnes vieilles traditions populaires auxquelles tout le monde tient au fond beaucoup. Le projet n’eut pas de suite et la raideur du parti pris de laïcité absolue dans l’enseignement public paraît en fait surprenant lorsque l’on considère que les Américains sont plutôt religieux de nature, qu’ils invoquent volontiers le Seigneur et les textes sacrés, qu’ils font prêter serment sur la Bible (la version dite "King James" et pas une autre...) à leurs grands commis et qu’enfin ils conservent religieusement le "In God We Trust" imprimé depuis toujours sur leurs bank notes. Quoi qu’il en soit, l’instruction religieuse est scrupuleusement bannie et ignorée dans l’Ecole Publique et les familles américaines doivent, en présence d’une telle réserve, se préoccuper seules de la formation spirituelle de leurs enfants. Les parents sont bien entendu aidés en cela par les innombrables organisations culturelles de ce pays, les associations d’objets variés, les mouvements de jeunesse de toutes inspirations. Les églises bien sûr et les congrégations religieuses, les sectes même dont l’Amérique a toujours été riche. Les familles peuvent aussi confier leurs enfants à l’enseignement privé où aucune restriction d’aucune nature ne peut légalement exister dans l’organisation d’une instruction religieuse liée à un enseignement général. Dans ce cas chacun choisit l’école de ses vœux, laquelle n’est jamais gratuite (les exceptions relèvent presque de la bienfaisance, d’ailleurs assez répandue) et toujours relativement onéreuse, car l’école libre est en principe exclue de toute contribution fédérale ou locale (les exceptions ne sont pas rares, mais elles sont précaires et visent des situations spéciales). Ces écoles peuvent ne pas être confessionnelles et offrir seulement des commodités matérielles à leurs élèves pour que ces derniers reçoivent, souvent dans leurs propres locaux, une formation spirituelle facultative. Elles peuvent être au contraire confessionnelles et dans ce cas l’instruction religieuse fait partie des programmes. Et là encore, l’instruction et l’assistance aux offices peuvent être obligatoires (Sectarian Schools) ou bien simplement facultatives (Non Sectarian Schools). Toutes les situations et nuances sont possibles et dépendent des souhaits exprimés par les parents et des moyens qui peuvent être mis en œuvre. En général d’ailleurs, toutes ces écoles privées, où les parents jouent un rôle actif, soit individuellement, soit par le truchement des associations d’ancien élèves (Alumni), font entrer l’instruction religieuse dans un ensemble de dispositions éducatives déployées dans une ambiance de bonne tenue morale et civique combinée à des méthodes strictes d’enseignement. Les Américains sont-ils satisfaits de la prudente et froide neutralité religieuse de l’école publique ? Peut-être, encore que beaucoup regretteraient plutôt l’effacement de "valeurs" anciennes qui ont, pensent-ils, fait ce pays. Il ne semble pas en tout cas que l’on milite vraiment pour un retour à des pratiques (la prière collective par exemple) qui ont donné lieu à tant de disputes. Le grand sujet du moment est, avec le recrutement et la formation convenable des maîtres, l’amélioration progressive de l’instruction générale d’une masse d’enfants issus de milieux culturels très variés dont la scolarisation obligatoire pose des problèmes très complexes. Voilà donc ce que je crois avoir aperçu de la question de la formation spirituelle du petit Américain et finalement, je ne crois pas avoir découvert une situation tellement originale dans nos sociétés occidentales. André LABAT Tweet |